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Full text of "Histoire de Saladin, sulthan d'Egypte et de Syrie: avic une introduction, une histoire abregée de la dynastie des Ayoubites fondée par Saladin, des notes critiques, historiques, géographiques, & quelques pièces justificatives"

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atjhttp  :  //books  .  qooqle  .  corn/ 


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V 


1 

■I 


>  nfcnv-y* 


■N 


w\3 


HISTOIRE 


DE 


S  A  L  A  D I N. 


tome  second; 


«  *  #-*  \.  ..  * 


HISTOIRE 

D  E 

SALA  DINs 

SULTHAN  D'EGYPTE 
ET    DE    SYRIE: 

AVEC 

Une  Introduflîon  ,  une   Hiftoîre  Abrégée  de  h 


êge 
ilac 
phi 

Par  M.  M  A  R  I  N. 


DynaiHe  des  Ayoubites  fondée  par  Saladin  ,  des 
Votes  Critiques ,  Hiftoriques ,  Géographiques  ,  & 
quelques  Pièces  JufHficatives. 


Quîs  ncfcit  primant  effi  Hiftoria  legem ,  ne  quli 

falji  dicere  audeat  ;  deindè  ne  quid  veri  non 

audeat?  Cic.  de  Orat.  1.  IL 

TOME  SECOND. 
A    PAR  IS, 

Ckez  Tilliard,  Libraire ,  Quai  des  Auguftins, 
à  l'Image  Saint  Benoît. 

M.  DCC    LVIIL 
AVEC  APPROBATION  ET  PRIVILEGE. 


* 

> 


::■.  j 

\ 


rjtxxxxvyïiooçKxy^ 


SOMMAIRE 

DU  LIVRE  SEPTIEME. 

Raymond  £omie  de  Tripoli  & 
Zujïgnan  Roi  de  Jérufalem 
Je  réconcilient  &  marchent  con- 
tre les  Sarrasins  avec  toutes 
les  forces  du  Royaume.  Le 
premier  dorme  un  confeil  fa- 
lutaire  qui  ejl  rejette.  Célèbre 
bataille  d'Hittin  ou  de  Tibé* 
riade  qui  décida  du  fort  de  la 
Palatine.  Mçrt  de  Raynaud 
de  Châtillonr  Obfervation  fur 
le  crime  de  trahi/on  &  d'apof 
tafe  9  dont  on  vccufe  le  Comte 
de  Tripoli.' Sa  mort.  Saladinfe 
rend  maître  de  Ptolémaïs  &  de 
plujieurs  autres  Places. Conrad' 
de  Montferrat  arrive  de  Conf* 
Tmcll.  "A 


tantinoptë  y& fauve là ville de 
Tyr  dont  Û  f*  fait  dormer  h 
Souveraineté.  Saladirt  jtrend, 
Afcalon  &  marche  contre  Je- 
rufalem.  > 


•       -  '  '  r  s. 

Ne  B.  On  conleiHe  au  Letteur  de 
ne  lire  les  notes  de  chaque  Livre  f 
qu'après  avois  lu  le  li^reea  entier 


HiSTOlKM 

DE 

SALAplN 

Sulthan  d'Egypte  &  de  Syrie. 


Éilfi  i  yn 


Hég.    5S1; 
J.C.  ««7. 


;livre  septième.  , 

*■* *•  s~ "  '-    "' " —    -  '  ■  •    '        ' '  '  -    l    IJJg 

À  Y  MONO  &  Lufenan 
entrèrent   dans    Jéruulem 
aux  acclamations  de  tout  le 
Peuple.  On  tint  un  Confeil 
géairgi  fiir  îef  parti  qu'on    avoir  à 
prendre  dans  ces  trrftes  conjonéhrres. 
LWniôn  qui  prévint ,  fut  * aflem-  Cont/Cuill# 
bler  une  armée  auffi  nombreuie  qu  on  chron  ten» 
le  pourtoit,  dans  la  Galilée,  par  où  il  Sana«»  ** 
paroiffoit  que  te*  ennemis  ▼puloient 

Aij 


sjhr^  -    ***'     ** 


N 


V 


HISTOIRE 


DE 


SALADIN. 


TOME   SECOND; 


♦     S" 


A    ~     *~L,       JL~      W 


HISTOIRE 

D  E 

SALA  DINs 

SULTHAN  D'EGYPTE 
ET    DE    SYRIE: 

4  V  E  C 

JJne  Introduction  ,  une  Hiftoire  Abrégée  de  1» 
Dynaftie  des  Ayoubites  fondée  par  Saladin  ,  des 
Notes  Critiques ,  Hiftoriques ,  Géographiques  ,  ÔC 
quelques  Pièces  Justificatives. 

Par  M.  M  A  R  I  N. 

Quîs  nefcit  primant  effi  Hiftorût  legem ,  tu  quid 

faljî  dictrt  audeat  s  deindi  ne  quid  veri  non 

audcat?  Cic  de  Orat.  1.  II. 

TOME  SECOND. 
A    PAR  IS, 

Ciez  TmiARD,  Libraire ,  Quai  des  Aaguftîns, 
à  l'Image  Saint  Benoît. 

M.  DCC.    LVIIL 

L 

AVEC  APPROBATION  ET  PRIVILEGE. 


10    .  Hl  STO  *M  f 

g  »  (4)  cette  multitude  d'hommes  &  é$ 
j.  cfus^  »  chevaux  dans  un  ter  rein  fec  &  ad- 
n  de  *  ou  vous  n'aurez  pas  moins  à  voç $ 
m  défendre  contre  la  fbif  %  que  concrf 
t>vos  ennemis.  Repofez-  vous  fur  lotr 
agueil  8c  la  témérité  des  Mufulmans» 
i»  Eny  vrés  de  leurs  fucccs ,  ils  ne  man» 
0  queront  pas  de  venir  vous  chercher  ^ 

#  &  alors  ils  auront  à  craindre  les  mer 
innés  dangeis  auxquels  vous. vous  ex- 
m  poferiez  en  marchant  à  eux*  Ils.*rri* 
lèveront  exténués  par  la  difette  d'eaif 
»  &  par  la  fatigue.  Nous  les  attaquer 
j>  rons  fans  leur  donner  le  tems  de  (ç 
iffepo&r^pc  nous  difliperons  facile-^ 
M  ment  des  Soldats  à  demi-vain  eus.  0$ 
h  pourront-ils  fe  réfugier  dans  leur  dé- 
»  faite?  Nos  payfans  les  écraferontg 

■  m  coups  de  pierres  du  haut  des  mont^- 
»gnes;  les  Peuples  de  la  Galilée  a r- 
*' ,  .  »  rêteront  les  fuyards ,  &  ces  malheu- 
»>  reux  trouveront  fur  le  bord  du  Joue- 
Hdain  ,  de  nouveaux  ennemis  &  de 
n  nouveaux  périls;  au  lieu  que*'ilf 

*  remportent  la  viétoire,  ce  qu'à  Dieu 
h  ttç  plaife ,  notre  retraite  eft  aflurée. 
n  Nous  pourrons  fauver  les  débris  d£ 

j        '  ■          ..il  iff 

(#)  Dans  les  premiers  jours  de  JuiUeu  >  < 


ht  Sàlàbïh.  Liv.VII.    « 

l» notre  armée  dans  les  villes  &  les  for- 
*tereflè$  dont  nous  fouîmes  environ- 

Plus  le  Comte  paroiflbit  généreux* 
moins  on  le  croyoit  fincére.  On  ne 
put  oppofer  dçs  raifons  à  Ton  avis,  on 
y  répondit  par  des  injures.  LesChré* 
tiens ^>ar  un  aveuglement  qu'on  pour* 
roit  peut-être  comparer  à  celui  des 
Troyens  touchant  les  prédirions  de 
Caflàndre  >  s  obftinoicnt  à  regarder 
Raymond  comme  un  traître ,  &  à  re* 
jetter  Tes  confeils.  Le  grand  Maître 
des  Templiers  fut  celui  qui  garda  le 
moins  demodérationdansxesdifcours* 
Il  reprocha  publiquement  au  Comte 
d'être  d'intelligence  avec  les  Sarrazins» 
&de  rechercher  plus  par  fès  a  vis  per- 
nicieux la  honte  &  la  perte  des  Francs, 
que  leur  fureté.  Raymond  à  qui  il  ne 
reftoit  pas  même  dans  cette  accufarioa 
tnjufte ,  le  pouvoir  de  fe  venger  fans 
fe  rendre  coupable  du  crime  qu  on  lui 
imputoit ,  prenant  le  Ciel  à  témoin  de 
(on  innocence,  n'avoit  que  la  confo-* 
lation  d'un  honnête  homme  calomnié, 
le  témoignage  de  fa  propre  confcien- 
ce.  Il  prédit  aux  Chrétiens  tous  les 
malheurs  dont  ils  alloiept  être  la  câu* 


t%    :      .Histoi'k* 

fe ,  &  fe  retira  dans  fa  tenté  plein  d'il*» 
■Hrs \\**l  dignation,  &  réfolu  de  prouver  à  ce* 
ingrats  par  fa  conduite  >la  témérité  de 
leurs  foupçons. 

Cependant  les  Barons  les  plus  Ceri» 
fés  &  les  moins  prévenus  .dirent  qu'il 
falloir  difcuter  les  raifons  du  Comte 
Tans  lui  prêter  des  motifs  criminels. 
Après  l'examen ,  ils  convinrent  de  la 
folidité  de  Tes  réflexions,  &  ramenè- 
rent l'affemblée  à  l'avis  qu'on  venoit 
WL  de  profcrire.  Le  Roi  incapable  de 
prendre  une  réfolution  par  lui-même  * 
fut  entraîné  comme  les  autres ,  &  on 
arrêta  qu'on  fe  tiendrait  à  Séphoarû 
Mais  le  maître  des  Templiers  qui 
croyoit  voir  (on  humiliation  dans  le 
triomphe  de  Raymond,vint  la  nuit  au* 
près  de  Lu(ïgnan,&  employa  toute  fort 
adrefle  pour  le  faire  changer  une  fé- 
conde fois.  Il  luiperfuada  que  les  con- 
feils  du  Comte  etoient  d'autant  plus 
dangereux, qu'ils  paroiflbient falutaL 
res  ;  qu'on  devoit  fe  défier  d'un  traî- 
'  rre ,  furtout  lorfqu'il  feignoit  le  plus 
.  de  zélé  pour  le  bien  de  la  patrie:  que 
Raymond  tramoit  fecretement  quel- 
ques mauvais  defleins  ;  que  le  feul 
moyen  d'en  prévenir  les  fuites,  étoit 


»e  Sàlàdim.  Liv.  VII.    i) 
die  faire  précifément  le  contraire  de 
ce  qu'il  propofoi t.  Le  Roi  céda  de  nou-  }*£  f  J{* ; 
▼eau  par  foiblefle ,  8c  dès  la  pointe  du    '  * 

jour  il  fit  marcher  l'armée.  On  eut 
beau  lui  faire  des  repréfentations  ,  il 
voulut  être  obéi ,  &  malheureufement 
H  le  fut  pour  la  première  fois.  On  mit 
à  lavant  -  garde,  le  Comte  qui  ne 
youlant  point  abandonner  la  caufe 
commune ,  alloit  chercher  dans  les  pé^ 
rils  la  gloire  &  fa  juftification.  Le' 
Roi  étoitâu  centre  avec  la  vraie  Croix, 
&  les.  Templiers  formoient  l'arriére- 
garde.  '  < 

.  Saladin  averti  de  ce  mouvement, 
biffe  la  fortereiTe  de  Ttbériade  blo- 
quée,  .revient  au  camp ,-  détache  dif- 
fërens  corps  de  troupes  légères  pour 
arrêter  les  Francs  dans  les  défilés  ,  où 
les  inquiéter  dans  la  route, &  va  lui- 
même  à  leur  rencontre  avec  le  gros 
de  l'armée.  Les  Chrétiens  ne  furent  cont.  Guffl. 
pas  longtems  ians  s'appercevoir  &•  Ce  ^°n.  tnr« 
repentir  de  leur  faute.  A  peine  eurent-  Boha-eddi». 
ils  quitté  Séphouri ,  qu'ils  fe  virent  har- Schéik  ****• 
celés  de  tous  cotés-,  il  leur  fallut  dit'** 

I)uter  tous  les  paflàges.  Les  vivres  & 
'eau  leur  manquèrent  à  la  fois.  Les 
Spldats  obligés  continuellement  de  fé 


1.4  HlSTOlK/* 

'  défendre  *  fe  traînoient  avec  peine , 
zfe  *|5  *  repofoient  àchaquepas.Le  Corn* 
-  **  *"  ce  qui  avoir  prévu  ces  malheurs  veur 
les  réparer.  Il  fait  dire  au  Roi  que  le 
ffeul  moyen  d'éviter  une  ruine  totale, 
étfMt  de  gagner  le  Jourdain  ou  Tibé- 
riade  avant  que  les  ennemis  enflent 
eccupé  le  chemin ,  qu'il  falloit  les  pré* 
venir  par  une  marche  forcée ,  &  que 
£  on  (elaiiloitfur prendre  dans  ces  dé- 
troits difficiles  ,  otr  ne  pourrait  plus  en 
fyttu.   Lufignkndclibéreibr: cet  avis 

Îjuil  croit  iufpoft ,  fe  détermine  à  le 
uivre  ,  &prefle  les  Soldats.  Maisplu- 
fjeurs  partis  de  Sarrazins  tombent  fur 
t^rriére-garde.  Les  Templiers  ,  les 
ifcfpitaliers  &  les  Turoopies .s'y  dé- 
fendent avec  courage ,  &  demandent 
<Ju  fecours.  Lé  Roi  pour  les  protéger  , 
ordonne  fur  cette  nouvelle  aux  trou- 
pes de  faire  halte  &  de  d  refier  le  camp. 
.,.  ...  On  étoit  pendant  ce  tems.là  accablé 
de  traits-  &  de  flèches.  La  nuit  qui  fur- 
t  vint ,  fut  aux  Chrétiens  d'un  foible  fe- 
cours  y  ils  la  paflerent  fous  les  armes  t 
&  (ans  prendre  aucune  nourriture. 
:  Le  Vendredi  quatre  Juillet  r  vingt- 
trois  de  Rabi-el-aker,  le  Comte  par- 
tit le  premier  avant  l'aurore  ,  dans  le 


de  SAÉA:DfK.  L iv.  VII.    ff  ^^^m 
àeSem  de  Rapprocher  du 'fleuve.  Le  ^^^^; 
Roi  le  furvic  ârf  moment  après fc,  mais    J.c.  u«£ 
dès  qt^bn  pardt'daiis  îaf  plaine^  ort 
rthééhtra  rarm*^ ;ft^îrfabte;éfe  Sa* 
ftfcfih  ;  rangée^ât  tJtd?e  d£bateifre;  té 
SbkHarî  (fe  wrtdtihSt^àn^cêÀébçâ^ 
ftoni avtemiéHà&ifeté  ég^le  àTïmpn*- 
dèhcedcsChcétîèris.  Ifvbulfïtèri  qùèl- 
^èer  forte  Vaflbrer  dé* 'fit  proVe  ,  W 
âfattrccPurt  Vèu\  ikmpl^iMantè^ti 
F*  anès.  •  D'alkfrd'iî;  YtSr  Rvtcmnéi  ;  &>    iwa. 
hS  eri^fotttïa  de  totlteis  parts  '  >  -  afin  £j£».  ""* 
éjtr-aucutr  tf  éjAapât.  Enfuïteil  les  hii>  Boha-«L 
éèlacoritihuillemehr  fanserjgager  une? 
à&ftèn  générale.  Ce*  dètits^cdmbats  en 
fc&'âflToifefiïMït ,: prédàrblérie  Ifcur  tfé-; 
fiîWeiittère;Il'pehfo«;qtie  plus  Jlftfîf- 
fiSeroît  là  bataille ,-  m&in?  Wl&ôfttrf 
é#  état  de  !£  fôutemr.  Il-etopfoya'fiir- 
mutfavec'fîiecès  fes  Àrichets' nàWles 
àrrirer  de  l'arc.  Ceux-ci  comme  les 
ancien?  Scythes  rombolent  avec  im- 

ruofitç  tantôt  for  les  ailes ,  tantôt  fur 
front  de  l*armée  des  Chrétiens  peu 
accoutumés  à  ce  genre  de  guerre ,  &, 
tt retiraient  avec  la  jnêmç  yîteffev 
dès  qitf  ilsavoienéfcancé  leurS^fléçhes.' » 
Hs  portoient  de  loin  là  mort  &  le  dé»-- 
fefpoir  dans  tous  les  rangs ,  fans  erain*' 
dre  les  traits  des  ennemis. 


Lufignan  pour  remédier  un  peu  4 

H6g.  5*j.  ce  malheur  ,  met  fon  Infanterie  au 

•  g-  117.  ^ltrc  f  enla  couvrant  par  la  Cavale* 

rie»  qui  éçartoit  les  Archers  des  Sarra- 

zins.  On  s  avance  dans  cet  ordre  pour 

joindre  le  Comte  Raymond  qui  ça- 

gnoit  toujours  du  terrein  ,  &  qui  plus 

expofé  dans  fou  avant-garde,  fe  bat* 

toit  le  labre  à  la  main ,  &  fit  dans  cette 

journée  des  prodiges  de  valeur  ,  de  l'a-* 

.   .    veu  même  des  -^uteurg  ^abes.  Vin* 

g -v ,\        Émrerie pétant  reflerrée pour  préfen^ 

.  ';      ter  moins  de  furface ,  .lç  trouva  par 

ce  mouvement  auptxs  de  la  montagne 

d'Hittin.  (4)  Un  Farjtaflîn  montrant. 

cette  montagne  à  fes. camarades  corn- 

x  me  un  lieu  ae  fureté»  s'écrie  en  y  cou* 

idintifauvons-nQHi,  fauvons  nous,  ré* 

pètent  tous  les  autres,  &  grimpent  au 

ibii.       tommet.  Le  Roi  les  prie  inutilement 

%  ■■  i   •  ■       1  ■    ■   ■  •  ■■• »^ 

.  (à)  Hittin  ou  Hattro  montagne ,  *infi  noaW 
mée  du  Village  d'Hittm.  Çlle  eft  a  un  mille 
Sf.  à  l'Occident  tde  Tibériade.  C'eft  peut- 
être  le  Thoron. .  Auprès  d'Hittin  il  y  a  un 
autre  village  appelle  hajar  où  lesMufuimàns 
révèrent  le  tombeau  de  Schoaib ,  c'eft-à-dire; 
de  Jethro  beau-pere  <#  Moue.  Il  mettent 
Jethro  au  nombre  des  Prophètes,  &  difent 
<p*îl  fut  envoyé  aux  Madianites. 

de 


pb  Saiadin,  Lïv.VII.  t7 
de  revenir.  Comment ,  lui  difent- 
ils,  voulez-vous  que  nous  puiffions  j4Hé£rcx$*' 
combattre  ?  nous  mourons  de  faim  , 
de  foif  &  de  chaleur.  Les  Evo- 
ques crurent  les  ramener  à  l'obéif- 
fance  par  les  motifs  de  la  Religion. 
On  répondit  à  leurs  exhortations  en 
demandant  de  l'eau  &  des  vivres.  Lu- 
Cgnan  fort  embar rafle  dans  cette  xon- 
jon&ure  ,  eft  obligé  de  s'arrêter  pour 
ne  pas  perdre  la  meilleure  partie  de 
fes  troupes.  Il  forme  une  efpéce  de 
camp ,  placeau  milieu  dans  un  endroit 
élevé  la  vraie  Croix  ,  &  i!  invite  tous 
les  Soldats  de  Jefus-Chrift  àfe  ranger 
autour  de  ce  faint  étendard  prêt  à 
tomber  entre  les  mains  des  Infidelles. 
L?ardeur  des  Chrétiens  fe  réveille  à  la 
vue  de  la  croix.  Ils  accourent  en  fou- 
le ,  mais  (ans  ordre ,  tout  fe  mêle ,  Of- 
ficiers, Soldats,  Cavaliers  &  Fantaf- 
fîns  qui  defcendent  de  la  montagne; 
I/arriére-garde  arrive ,  &  ajoute  en- 
core au  détordre  commun.  Mais  le 
Comte  qui  alloit  toujours  en  avant , 
ignorant  ce  qui  fe  pafloit  derrière  lui  t 
fit  fëparé  par  cet  accident  imprévu 
du  corps  de  l'armée.  Saladin  profité 
de  la  confufion  qui  régnoit  parmi  les 
Tome  II.  B 


18  Hinouï 

Francs  >  &  les  attaque  de  toutes  parts. 
j^,***;  Ces  malheureux  épuifent  ce  qui  leur 
*  refte  de  forces  pour  fe  défendre.  Ils 
tombent  autant  de  laffitude  que  de 
leurs  bleflures.  La  nuit  retarda  leur 
ruine  de  quelques  heures ,  fans  leur 
donner  aucune  efpéranoe  de  falut. 

Enfin ,  il  parut  ce  jour  fi  funefte  à  la 
Chrétienté.  Lé  Comte  fut  étonné  dès 
le  matin  de  ne  plus  voir  les  Chrétiens, 
&  de  ne  découvrir  autour  de  lui  que 
dès  Infideltes  placés  à  différentes  diC* 
tances.  Us  comprit  que  tout  étoit  per- 
du. Il  ne  lui  reftoit  pour  reflburce ,  que 
de  fe  foumettre  ou  de  vendre  chère- 
ment fa  vie  j  mais  il  prit  une  réfblu* 
tk>n  bien  plus  hardie  ,  celle  de  fé 
.  fauver  avec  (on  avant-garde  à  travers 
l'armée  ennemie-  Après  avoir  infpiré 
aux  Officiers  &  aux  Soldats  l'eipric 
dont  il  étoit  animé ,  il  s'élance  à  leur 
t&e  contre  les  Sarrazins.  Ceux-ci  s'ou- 
vrent pour  le  faifîr  en  fe  reflerrant. 
En  effet,  cette  petite  troupe  fut  tout- 
à-coup  enveloppée.  Raymond  fans 
s'épouvanter  du  nombte  ,  poufle  fon 
dieval  à  toute  bride ,  écarte  avec  fa 
tance  tout  ce  qui  s'oppofe  à  fon  paffa- 
ge ,  renverfe  les  Mufulma  ns  furpris  de 


DE  Sàlàdin.  Liv.  VIL  If 
tant  de  témérité ,  fe  fait  jour ,  &  prend  *\  * 
la  route  de  Tyr ,  long~tems  pourfirivi  jj^jj^ 
par  les  Mameluks.  Ses  gens  furent 
prefque  tous  ou  tués  ou  fai  ts  prifon- 
niers.  Il  s'échappa  heureufement  avec 
BaléanouBéliiànd'Ibélim,  Raynaud 
Prince  de  Sydon  ,  le  fils  du  Prince 
d'Antioche&  quelques  autres  Officiers 
qui  avoient  partagé  Tes  périls  Se  fa 
gloire  y  ayant  couru,  tous  enferable  à 
cheval  dans  des  chemins  impraticables 
au  milieu  de  montagnes  &  de  précipi- 
ces affreux.  . 

Saladin  avoittenu  les  Chrétiens  en 
allarme  pendant  toute  la  nuit  pour  les 
empêcher  de  prendre  du  repos.  Ils 
différa  le  lendemain  de  les  attaquer 
jufqu  a  ce  que  le  Soleil  dardât  fur  eux 
fes  rayons  brûlans.  Ils  poovoient  à  ibîj« 
peine  fe  foutenir  &  porter  leurs  ar- 
mes ,  tant  ilsétoient  affoiblis  par  le? 
travaux  &  par  les  veilles.Pour  augmern 
ter  encore  leur  mifére  &  leur  impur  f- 
fance,'  le  Sulthan  fit  mettre  le  feu  à. 
des  broulTailles  épaifles  qui  cou-* 
vroient  cette  campagne  deffèchée.  La 
flamme  pénétra  }ulques  dans  le  camp , 
fous  les  pieds  des  hommes  &  des  che- 
vaux. Dans  le  tems  que  les  malheureux; 

Bij 


>o  Histoire. 

^^~  Chrétiens  épuifès  par  les  farigues>raott* 
J.  c.  1187.  rant  de  foif ,  étouffés  par  Ta  fumée» 
brûlés  par  le  feu  &  par  l'ardeur  du  fo- 
.  lèil ,  levoient  les  mains  au  Ciel ,  & 
gémiffoient  de  rant  de  maux ,  Saladin 
tomba  fur  eux  avec  fureur ,  ordonnant 
à  fes  foldats  de  jetter  tous  enfemble 
&  par  intervalle  des  cris  horribles» 
Les  Francs  qui  n'attendoient  que  la 
mort,  la  reçurent  prefque  fans  fe dé- 
fendre. Les  Templiers  Se  les  Hofpi- 
taliers  trouvèrent  dans  leur  défefpoûy 
des  forces  que  la  nature  leur  refufoit. 
Ils  firent  des  efforts  de  bravoure  qui 
ne  fervirent  qu'à  rendre  leur  deftin 

Î>lus  cruel ,  car  ils  furent  tous  égorgés 
ans  pitié  après  la  bataillé.  Tout  le 
refte  demandoit  à  genoux  la  mort  ou 
l'efclavage.  Les  Infidelles  gravirent 
fur  le  Mont  Hittin ,  furprirent  ceux 
qui  s'y  étoient  fauves ,  &  les  précipi- 
tèrent du  baut  des  rochers.  Jamais  on 
ne  vk  une  déroute  fi  complette  &  fi 
affreufe.  Il  y  périt  du  côté  des  Francs 
trente  mille  hommes  de  troupes  ré- 
glées >  &  les  Ma  ho  me  tan  s  perdirent 
très-peu  de  monde.  L'épouvante  des 
Chrétiens  étoit ,  telle  qu'un  feul  Sar- 
razinen  faifoit  fuir  des  bandes  ewé* 


BE  Saladin.  LlV.VIÏ.  IX 
*es.  On  vit  un  fpldat  Turc  qui  en 
amenoit  trente  attachés  à  une  corde,  j^'jtj', 
Kuffin  Evêque  de  Ptolémaïs  armé 
d'une  cuirafle ,  fut  tué  en  ponant  la 
Croix  ;  Ton  frère  Evêque  de  Lidda 
releva  cet  étendard  réfoeâable  &  prit 
la  fuite  >  mais  il  fut  bientôt  arrêté, 
Téki-eddin  Omar  neveu  de  Saladin, 
eut  l'honneur  de  faire  le  Roi  prifoiu 
nier  &  de  prendre  la?Croix.  Il  dit  en 
la  prcfentant  à  fon  oncle  :  n  il  parort  • 
»  par  la  défolation  des  francs  ,  que  ce 
»  bois  n'eft  pas  le  moindre  fruit  de  vo* 
»  tre  viâoire.*  Cependant  Saladin  fit 
ceflèr  le  carnage. 

Tandis  qu  on  pourfui  voit  les  fuyards 
&  qu'on  mafTacroit  par  une  barbare 
politique,  les  Chevaliers  des  deux  or- 
dres ennemis  implacables  des  Maho* 
métans ,  Saladin  fit  drefler  à  la  hâté 
upe  tente  au  milieu  du  Champ  de  ba» 
taille,  &  amener  auprès  de  lui  les 
principaux  prifonniers.  Ces  pnToo» 
niers  étoient  Gui  de  Lufignan ,  Géo£»  , 
froi  de  Lufignan  fon  frère  nouvelle* 
ment  arrivé  en  Paleftine  >  le  Prince 
Raynaud  tie  Châtillon ,  le  jeune  Hon- 
froi  du  Thoron ,  le  vieux  Marquis 
Guillaume  de  Monferrat  >  le  fils  du 


*t       '      .    Hl  STOIEI 

Comte  de  Tlbériade ,  les  deux  grand* 

Hég.  îj3.  Maîtres,  plufieurs  Evêques  &  quek- 
y.  c.  1187.  rtfc  t    2  1  l 

/  ques  autres  Barons.  Le  Sulthan  reçut 

lé  Roi  avec  bonté ,  le  confola  de  fa 

difgrace,  le  fit  affeoir  à  fa  droite  ,  3c 

s'entretint  avec' lai  par  le  moyen* d'un 

Cont.Guiil.  interprète.    S  étant  apperçu   que  ce 

ckroLdT«r*  Prince  ctoit  fort  altéré ,  il  ordonna 

$an&*.        qu'pn  apportât  une  boiflfon  rafraîchie 

Xcqmvtt.     dans  de  la  neige.  Après  avpirbû.  Lu». 

***£•  Hyétof.  fignan  préfenta  la  coupe  à  Raynaïut 

Abouîi."      arrêtez ,  lui  dit  Saladin  ,  fe  ne. veux 

*c.  point  que  ce  perfide  boive  en  ma  pré. 

ience,car  je  ne  puis  lui  faire  grace.C*- 

toit  une  loi  de  l'Hofpkalite  inviolar 

biement  obferséc  p^c  les  Arabes  , 

d'accorder  tonte  fureté. à  ceux  des  prà- 

fonniers  auquel*  ils  avaient  donne  à 

manger  ou  à  boire.  »  Enfin ,  ajouta  le 

Sulthan  en  sadrefiant  àChâtillon ,  »  le 

•>  Ciel  vengeur  des  attentats ,  ta  mis 

s» enma puiftance.  Souviens-toi  de  tes 

»  infractions  aux  traités,  des  cruautés 

»»  exercées  envers  les  Mufulmans  mê^ 

,  »>  me  en  tems  de  paix ,  de  tes  brigan* 

»dages ,  de  tes  blafphêmes  contre  le 

*>  Prophète,  de  ton  entreprife  facri- 

»  lége  contre  les  deux  Villes  Saintes 

»dela  Mecque  £c  .de  Médine.  Il  eft 


S*  SA1AD1H.  tïT.  VII.  %f 
»tems  de  punir  tant  de  crimes ,  &  ' 
»  d'accomplir  mon  ferment.  Je  lai  j^VJ* 
»juré,  tu  mourras  de  ma  main.  Ce-» 
»  pendant  il  te  reftë  encore  une  ref* 
»  four  ce  pour  éviter  la  mort ,  c'eft 
>»  d'embra(Ter  ma  Religion  que  tu  vou- 
»  lois  détruire.  «  Le  Prince  de  KrakT 
indigné  qu'on  le  crût  capable  de  cette 
lâcheté ,  ofa  braver  Je  Sulchan  par  des 
paroles  fiéres  6c  outrageantes.  Salàdin 
emporté  par  la  colère,  feieverle£ifit; 
le  traîne  au  milieu  de  l'Aifemblée  «  ôc 
Tétend  par  terre  d'un  coup  de  fabre. 
Sa  tête  (anglante  roula  jufques  au  pied 
du  Roi  qui  pâlit  de  frayeur  ,  crai± 
gnant  le  même  fort  pour  lui-même* 
#Raffiirez-vous,  lut  dit  le  Sulchan*, 
ôla  perfidie  ne  retombe  que  fur  fou 
h  auteur.  Je  me  venge  d'un  traitre  , 
»mais  je  fais  refpefter  les  droits  de 
»  l'humanité  envers  ceux  qui  ne  l'ont 
»  point  violée,  ce  En  effet  il  traita  ce 
Prince  &  les  autres  prifônniers  aveti 
des  égards  &  une  poiitefle  qu'on  nô 
connoifToic  pas  alors  >  même  dans  le* 
Cours  les  plus  policées  de  l'Europe* 

Cette  bataille  mémorable  qui  dé- 
cida du  fort  de  la  Paleftine ,  fe  donna 
le  famedi  cinq  Juillet,  Yingt-q  uatre  de 


*4  HfsTOlkB 

Rabi-el  Akher.  Elle  fut  appellée  patf 
J.C.1U7!  les  Chrétiens,  bataille  de  Tibériade 
&  par  les  Arabes ,  bataille  d'Hittin  ou 
d'Hattin ,  parce  quelle  fe  donna  à  un 
mille  de  Tibériade  &  dans  le  voifi- 
nage  du  village  d'Hittin, 

Le  Lefteur  eft  fans  douce  impatient 
de  {avoir  ce  que  devint  après  la  ba- 
taille de  Tibériade  ,  le  Comte  de  Tri- 
poli rendu  célèbre  par  la  haine  des 
Francs  &  par  l'injurcice  de  la  plupart 
des  Hiftoriens, 

Il  s'étoit  fauve  à  Tyr  avec  ceux  quf 
l'avoient  fuivi ,  mais  ayant  appris  que 
Saladin  maître  de  la  Galilée ,  mar- 
choit  vers  les  Côtes  de  la  Phénicie ,  il 

5  embarqua  pour  aller  défendre  fa 
principauté.  Arrivé  à  Tripoli ,  il  fut 
attaqué  d'une  maladie  mortelle  caufée 
par  la  douleur  de  voir  la  terre  Sainte 

Îrête  à  tomber  entre  les  mains  des 
nfidelles ,  Se  par  le  défefpoir  d'être 
foupçonné  de  trahi  fon  par  ces  mêmes 
Chrétiens  pour  lefquels  il  s  etoit  facrk 
fié.  Son  caradére  violent  &  farouche 
fe  changea  en  une  mélancolie  fombre 

6  noire.  Ses  chagrins  trop  réels, 
allumèrent  Ton  fang  &  altérèrent  fa 
raifon.   Il  mourut  dans  un  accès  de 

frénéfie 


ht  Saiaêin.  Liv. VII.  15 

fténéfie ,  malheureux  de  perdre   la 

▼ie  &  fes  Etats ,  plus  malhèureuk  en-    H£g.  v|*- 

eore  d'avoir  perdu  dans  l'opinion  des  J* c' ll  u 

hommes,  l'honneur  bien  plus  précieux 

que  la  vie  &  des  Etats. 

Il  defcèndoit  en  droite  ligne  de  ce 
fameux  Raymond  de  Touloufe  »  à  ht 
valeur  duquel  les'  premiers  Croifés 
durent  principalement  leurs  conquê- 
tes »  &  il  étoit  le  plus  proche  héritier  . 
du  trône»  au  défaut  des  deux  Cœurs  S  y* 
bille  &  Ifabelle ,  filles  du  Roi  Âmau> 

■■  *■  1      1    1  -    1  1  1       ii         ,     i» 

(a)  Raymond  I.  Comte  de  Touloufe  laiflk' 
fit  Comté  de  Tripoli  à  Bertrand  fon  fils.  Ce- 
lui-ci eut  pour  Succëfleur  Ponce  de  Touloufe 
fon  fils  qui  époufa  Cécile,  Veuve  de.Tan^ 
créde  &  fille  de  Philippe  Roi  de  Francè,&  de 
Bertrade  de  Montfort,  laquelle  avoit  éû  de: 
Foulques  d'Anjou  fon  premier  mari,  le  jeune 
Comté  Foulques  qui  fut  Roi  de  Jérufalem; 
Ponce  eut  de  Cécile  Raymond  II ,  neveu-dit 
Roi  Foulques  dont  il  devint  en  même  teins 
le  beau-frère  en  époufant  Hodièiuie  ,  Odiart 
ou  Aldéarde ,  fceur  cadette  de  la  Reine  Mé- 
liiànte ,  filles  Tune  &  l'autre  clu  Roi  Bau- 
douin IL  &  cette  dernière  femme  du  Roi 
Foulques,  Raymond  IL  eut  pour  Succéfleur 
fon  fils  Raymond IUde Touloufe,  Comtéda 
Tripoli  dont  il  s'a&t  ici.  Raymond  HL  avoit 


%8  His?6ïHfc 

Hé  %  Je  ne f§étends  pas  diffimuler  ici  Ici 
j.  ^iiV7V  défauts  &  lesvicçs  de  Raymond  >  ni 
juftifier  les  démarches  injuftes  &  cri- 
minelles dans  lesquelles  il  fut  entraîné 
par  l'ambition  8c  la  colère  ,  pa/Eont 
fuficftes  dont  les  grands  hommes  ne 
font  que  trop  ftifcepribles»  Mais  je  fê- 
tai flatté  de  détruire  le  reproche  d*a- 
poftafie  fait  à  fa  mémoire  ,  &c  per- 
pétué par  la  malignité  ou  l'ignorance 
do  phi$  grand  nombre  des  Ecrivains 
anciens ,  fidellemenr  copiés  pat  les 
Hiitoriens  modernes ,  (a)  qui  faute  dé 

Cf  l€KH)£)  ftOttS  Ottt  tFftfnflHS  CKH15  lCUffS 

wvrages ,  tam  de  menfonges  &  fi  peu 
de  vérités. 

On  a  dk  (V)  que  torfque  Lufigna* 
fut  couronné  >  Raymond  fe  liguai  fe- 
frewroent  *vec  Saladin ,  qu'ils  juré^ 
cent  cette  alliance  en  buvant  du  fang 
btniiara  $  que  le  Salthan  lui  promît  le 


fcu   Jli  IJUlll     'I" 


donc  pourtrifey'eul  Raymond  I.  H  étofr  pat 
ftm  père  çoufin.iifii  de  germait! ,  &  par  fa 
«îere  coufin  germain  du  Roi  Amaury  père  <Je 
ta  Reine  Syttlje.  U  laifla  Ces  Etats,  au  fils  dv 
Comte  d'Antioche. 

(a)  Généralement  tous  ceux  qui  ont  écrit 

•les  Croifades. 

(bj  Voyez  la  plupart  desHiftoriem, 


(?) 

ferle 


deSàiàdî*.  Liv.VII.  *7 
Itoyaume  de  Jérufaiem  pour  prix  de 
k  perfidie;  que  le  Comte  embraflk  jj^f  ,î2£ 
dès-lors  la  Religion  Mabometane ,  fc 
ic  circoncire ,  &  cacha  fi  bien  fes  mei 
faefr,  <pie  perfatné*  ne  tes  devina  ; 
pas  même  la  C&mtçSt  fa  femme  ;  que 
peo  de  jours  après  dans  le  combat 
donné  encre  les  Chevalier*  des  4«« 
Ordres  &  Afittat^,  Raymond  coin* 
battît  mafqué  Contre  le  grand  Maître 
de  Moulins  &  le  tcia  de  &  propre 
maiô  ;  {4}  qu  il  Te  réconcilia  en  appa-  . 
renée  avec  Lufignan  3  pour  le  tromper 
plus  fixement  5  qu'il  conièîlla  au  Sul- 
than  d'attaquer  Tîbéiîade,  8c  en  me. 
thé  teins  aux  Chrétiens  d'aller  défen- 
dre  cette  yille  ;  qu'il  conduifit  ces  der- 
nie«  4aas  des  défilés  impraticables, 
que  chacune  dé  Tes  démarches  étok 
une  trahifon  -,  qu'un  moment  avant  la 
bataille ,  les  Sarrazins  s'ouvrirent  peut 
le  Uiffer  pallet}  que  retiré  enfinte  à 
Ttifoli ,  il  fomroa  paladin  de  tenir  fa 
parole,  &  que  trompé  dans  fes  efpé-» 
tances ,  H  en  mourut  de  chagrin.  Plu* 
fieurs  aflùrent  qrfîl  fut  frappé  d'une 
malade  bpnteute  en  punition  de  fon 

(tf)Alberic  des  Troisfont.  Liv.  ÏILdfe.  u-.i 

Ci) 


i8  HiJTomr; 

H,     g    apoftafie  ,   &  d'autres  :  qu'il  mourut 

*•  cf  1**7!  ^ans  ^e&  douleurs  violentes,  caufées 

'  pat  l'opération  qtfon  lui ;av(rit  faite; 

(a)  Enfin  on  ajoute  qu'on  découvrit 

fur  Ton  cadavre  lès  marques  récente* 

delà  circoncifion,&c.  (è) 

Ces  Ecrivains  dont  les  ouvrages  (ont 
remplis  de  fables  abfurdes  ,  eux  qui 
voyoient  tant  de chofes  roçrveilleufes  , 

(a)  Dolore  ex  pruifis  genïtalibu*.  Hérolct» 
Cont.  Guill. 

(b)  Res  dijpmulari  v*n  pâiuit ,  nsm  eorpôtê 
defundi  rntdato ,  qui*  nupir  circumcifionh 
ftigma  fufiepetat  *  dpp*ruit.  Nangis  ad  an» 
1188&  aHbi.  Dans  le  fpeculumHiftorialedfi 
rinc.  on  lit  :  Et  divènitus  extinâm  ,  inve- 
nUur ,  apptrHitqùeftïgm*  drcumcijîintsquo'4 
récente r  fufeepèrat  >  &*-  Voici  un  fait  mini* 
culeux  dont  qn  ne  fe  feroit  pas  douté ,  &  que» 
ces  Auteurs  graves  ajoutent  pour  rendre 
apparemment  leur  témoignage  plus  digne 
de  foi.  Ah  ipfi  *ut€m  *nno  Qçminï  1187,. 
yuo   Crux  Domini  capta  efi  ,  infantes   qui 

Jofte*  n*ti  funt ,  non  nifi  10  **>*(  a  a  ***nt** 
abent ,  cutn  antek  30  "vel  33  'hdèere  folenè» 
C*eft-à-dire ,  les  enfkns  qui  naquirent  de- 
»uis  cete  année  1 187 ,  àkquelle  la  Croix  da 
>eignèur  fut  prife  7  n'eurent  plus  que  ao  ou 
a  2  dents.  Ils  en  avoient auparavant  30. ou  33» 
Cela  n*apas  duré  long-tems,  &  les  choies 
en  font  heureufement  revenues  à  leur  pre* 
iverétav  •    ' 


1 


HE    $J#LÀDIN,  LiV.VII.    If 

n'ont  pas  vu  que  la  plupart  Je  ces  ac- 
cufations  portent  par  leur  ridicule ,  un  ,H*fr  f  *'• 
caraûéredekufleté.  J-c  «.i7. 

Dans  la  fuppolïtion  de  cette  intel- 
ligence fecrete ,  étoit-il  de  l'intérêt  du 
Comte  de  mettre  tout  Ion  pays  en  cen- 
dres ?  Nauroiùon  pas  commencé  la 
guerre  d'un  autre  côté  ?  Pourquoi'  le 
Vainqueur  porta-t'il  le  fer  &  la  flamme 
dans  les/  campagnes ,  dans  les  villes  , 
dans  les  bourgs  de  fon  Àllié,fans  épar- 
gner la  Capitale  qu'il  détruifït  prêt- 
qu'entièrement  >  Les  cruautés  exercées 
danscette'malheureufe  Province  avant 
&  après  la  bataille  deTibériadè,étoienc- 
elles  également  concertées }  Entroir-il 
dans  le  plan .  de  Raymond  &  dé  Sala- 
din ,  de  rendre  inhabitable  uae  Prin- 
cipauté qui  appartenait  au  premier  ? 
S'il  eft  de  la  prudence  de  ménager  les 
villes  conquîtes,  lorfquon-efpére  les 
conferver  ,  par  quelle  politique  un 
Prince  confentiroit-il  à  la  mine  totale 
de  Tes  propres  Etats  ?  Comment  la 
Comtefle  de  Tibériade  ignora-t-elle 
les  liaifons  de  fon  mari ,  &  fut-elle  ex- 
pofée  aux  outrages  des  Sarrazins?  Les 
Officiers  qui  fervoienr  dans  l'avant*- 
garde  ,  le  Prince  de  Sidon ,  le  fils  du 

C  nj 


|o   .         His  x  o  ut  . 

Pimœd'AfttioclK  f  le  jeûne  Hogoês 
né*  f*j-  (te  Txbéâàde  qni  fe  fouvétent  tous  pas 
j.  c.  ti«7-  ja  f^jte  avec  je  Comte  ^étoient-ika» 

taot  <te  trahie**  dtypftati?  Aucun 
4'era  cependant  ne  fe  mira  cfacz  tëi 
IafideUe»>a|ucotr4'euai  n'accafa  Ravi 
moffd*  (*)  La  tirconoifioaà  hqudld 
ii  (e  fournir»  rie  lui  cauf*  donc  auenne 
indifpofirioû  ïOn  »t  s'en  appesçuft 
qu'après  fa  mort  y  &  l'Hiftoire  qui 
/occupe  de  lai  •  depuis  ce  prétendu 
traite  ,  «dit  p*$  qu'il  tôt  uninfb« 
malade,  &  le  reptéfeme  au  contraire 
comme  occopé,  pendant  cet  intervalle» 
des  exercices  les  plus  violen&Uneopé- 
tation  fi  délicate,  ne  l'empêcha  donc 
point  de  monter  à  cheval ,  de  faire  de* 
marches  forcées  ,  de  combattre ,  db 
courir  à  toute  bride  ?  Les  douteuse  fe 
sévefllérem  préctfémem  lorfque  le  re- 
pos lui  permit  d'y  être  fenfible» 

D'ailleurs  les  témoignages  de  tous 
ces  Hifloriens  pourraient  a  la  rigueur 
fe  réduire'  au  témoignage  d'un  (èul , 
dont  les  autres  oncfouvent  répété  mê- 
me les  expreiïïons.   Ils  paroiiTent  fi 

(a]  L'accofttion  ne  fe  ferma  &ne  fefoutint 
que  parmi  les  créatures  de  Lttfigtiaik 


de  Sàlàuin.  LiV.VIL    ft 
peu  inftririts  ,  qu'ils  ae  s  accordent  ni  g 

far  le  tems ,  ni  Lur  h  genre  de  la  mot t  j,  c.  i  W7\ 
éa  Comte.  Les  uni  le  font  mourir 
d'abord  après  la  bataille  de  Tîbériatfe» 
les  autres  «près  la  prife  de  Jénifalén* 
Outre  ce  que  nous  avoiisdit  plus  haut» 
les  uns  racontent  efteorte  qu'il  fut 
étouffé  dans  ion  Ht  par  les  Citoyens 
qu'il  vonfofc  forcer  à  fe  rendre  *  les  ' 
antre»  qu'il  fut  aflaffiné  par  les  Emtft 
faire*  mêmes  de  Saladin,  (m)  Ce  H'oft 
pa*  là  la  fente  cftntradtâdo»  qu'on 
jmiffe  leur  reprocher  «  Dans  le  tern* 
qu'ils  aceufent  Raymond  >  ilsavooent 
que  d'autres  le  juftifienr  ;  tantôt  ib  le 
louent  >  tantôt  ik  te  blâment.  lis 
conviennent  des  avis  fàhitaires  qu'à 
donna  avant  la  bataille  dfe  Tibéria* 
de  ^  &  m'ont  giridé  eux  -  mêmes 
dans  le  récit  que  j  ai  fait  de  cette  ac* 
jion.  Q>)  Le  grand  Maître  des  Tem- 
pliers, un  des  plus  ^ran<3s  ennemis 

i  »  i  li  •        nli    n  ii        ii  >y 

(à)  Voye*  entr'autres  un  certain  Hérold  , 

Îi'oa  appelle  te  Couttuiuattur  de  GtrilL  d* 
yr ,  Auteur  moderne  cp)e~  nos  Hiftorierâ 
ont  fbm,  fit  qui  a  ajouté  a»*  attàtimes  ef* 
reurs ,  dés  ensuis  nouvelles» 

(b)  Voyei  Chren.  Terrât  Sanô*.  Radulpha 
Coggeshal  &  an  autre ,  6c  le  véritable  Coa* 

C  iiij 


51  Histoire 

du  Comte ,  ne  parle  pas  de  cette  fta- 
jî*c  VÎ87.  ^on  »  en  écrivant  au  Pape  les  détails 
de  cette  fatale  journée.  »  A  peine,  dtt- 
»>il ,  Raymond ,  le  Prince  deSidon  & 
»  d'autres  fe  fauvérent  du  malheur 
»  commun  ;  «4  (4)  mais  ce  qui  doit  di£ 
fiper  tous  les  doutes ,  c'eft  l'autorité 
des  Auteurs  Arabes.  Ils  difent  avec 
quelle  intrépidité  il  combattit  :  ils  di- 
fent qu'il  fe  fit  jour  l'épée  à  la  main  , 
&  fut  long-tems  pourfuivi.  Ils  difent 
qu'on  ne  ravagea  Tes  Etats ,  que  pour 
le  punir  de  fon  infidélité.  Ils  le  repré- 
fentent  comme  traître  à  l'alliance  qu'il 
avoir  précédemment  contraétée  avec 
eux ,  &  comme  un  de  leurs  plus  grands 
&  de  leurs  plus  cruels  ennemis.  Ils  fe 
félicitent  de  fa  mort  :  »  alors,  s'écrient- 
»  ils ,  liflamifme  n'eut  plus  à  redouter 


tinuateur  de  Guill.  de  Tyr.  Ces  deux  Au- 
teurs fe  trouvent  dans  la  colle&ion  des  an- 
ciens manufcrîts  faite  par  Dom  Martene. 

ia)  Cum  infcâpulis  fejjimis  nos  induxiffent. 
(Turci,  )  iù  nos  turiter  expugnaverunt  ut 
S*n8â  Crue*  ff?  Kogi  noftro  capto ,  &  omni 
nofir*  multigaine  interféra  vix  Cornes  Tri- 
folitanus  éf  Dominus  Raynsldus  Sydonius , 
de  mifetabili  Mo  campo  évader  $  potuèrint , 
fcc  Annales  de  Godéfroi  ad  ann«  1 187. 


*i  Saladim.  Liv.  VIL   j$ 

feles  artifices,  la  fraude  &  la  malice  de 

»cet  homme,  h  (a)  j?c?iî$£ 

Je  fuis  fi  fouvent  forcé  par  les  de- 
voirs que  m'impofe  la  qualité  d'Hi£ 
torien  de  dire  du  mal  des  Francs  >  & 
<Pen  dire  beaucoup,  qu'on  me  pardon- 
nera fans  peine  de  m'être  arrêté  un 
moment,  pour  rétablir  en  partie  la 
mémoire  d'un  de  leurs  Chefs ,  injufte 
8c  coupable  à  la  vérité ,  mais  plus  mal* 
heureux  encore  par  les  efforts  &  les 
progrès  de  la  calomnie ,  qu  il  ne  fut 
criminel. 

Saladin  ne  perdit  pas  le  fruit  de  fa 
vi&oire.  Après  avoir  laifle  repofèr  fes 
troupes  pendant  vingt-quatre  heures 
fur  le  champ  de  bataille  ,  il  s'avança 
vers  Tibériade,  &  fomma  la  Corntefle 
de  rendre  la  Citadelle.  Cette  Princeffè  * 


(a)  Voyez  entr'autres  Aboul-fédha  &  Boha- 
eddin.  Ce  dernier  dit  :  At  Cornes  Trifolittnus 
dfdentijjimus  idem  %ferùciflimufque  interfuos  f 
cladis  iniiciM  fro/piciens  tjute  in  Religionis  fut» 
hommes  effet  ingruitur*&ç.  • . .  bominisfrau- 
dem  ac  matitiam  no»  amplihs  mttuendam 
habuit  Ijlamifmus.  Cap.  35-  On  pourroit 
ajouter  encore  beaucoup  d'autres  chofes  pour 
juftifier  le  Comte  du  crime  d'apoitaûe,  mais 
en  voilà  aifez» 


34  Hîstoijli 

obék  &  obtint  la  peraiiffioft  de  fe  fc- 
*cf  i*s%  "rerc'ans  te  Etats  Je  ïbnraaurhle  SuU 
*  than  la  fît  même  efcorter  par  un  corps 
de  Cavalerie ,  crainte  qtf  elle  ne  fée 
infultée  dans  la  route  par  des  partis 
Arabes  qui  couroient  kt  campagne. 

Il  détruifît  prefque  toute  la  ville ,  8c 
ne  conferva  que  la  Citadelle  ot\  il  mit 
garnifon.  Enfuite  il  alla  camper  à  S6- 
phouri ,  rendez- vous  ordinaire  des  ar- 
mées Chrétiennes.  Le  lendemain  il 
marcha  vers  Ptolémaïs.  Cette  ville  qui 
foutint  peu  après  un  fiége  de  trois  ans, 
&  réfifta  aux  forcés  réunies  de  toute 
l'Europe  ,  fe  rendît  (ans  coup  férir. 
Les  Habitans  épouvantés  à  l'approche 
du  Sulthan  ,  vinrent  implore*  à  ge^- 
noux  fa  clémence.  Il  leur  laifla  îechoix 
de  refter  dans  Ptolémaïs  ou  cfetj  fo&» . 
tir,  leur  promettant  route  fureté  dans 
l'un  ou  l'autre  cas.  Il  mit  des  fen- 
tinelles  aux  portes  &  dans  les  places 
publiques,  pour  empêcher  le  détordre. 
Les  Citoyens  emportoient  lews  effets 
les  plus  précieux ,  &  cédoient  leurs 
maifonsaux  Sarrazins  ,  qui  n'ofoient 
les  piller  fans  la  permiflion  de  leur 
Général*  On  eut  dit  que  cétoient  deux 
peuples  amis  qui  changeaient  de  de* 


»e  Saladin.  Ltv.VII.  $5 

trieute.  Sàladin  donnai  à  fon  fils  Af- 
dfaal  le  gouvernement  de  cette  ville  jf^Ji 
importante ,  convertît  les  Eglifes  en 
Mofquées,  établit  desCadhis  &  des 
Imams.  Les  Arabes  remarquent  qu'ar 
près  avoir  diftribué  tour  le  butin  au* 
Soldats  ,  il  fit  préféra  an  Doéfceuc  lia 
de  feras  les  biensqui  avoient  appartenu 
aux  Chevaliers  \  c*étott  le  même  qu*il 
avoit  autrefois  racheté  foixante  mille 
écus  d'oc. 

Saladin  ne  demeura  pas  dans  la 
ville.  Il  fit  drefler  fa  terne  dans  le  voi* 
finage,  &  envoya  Tes  Emirs  &  la  tête 
de  différens  détachemens  pour  fou- 
mettre  tous  les  environs.  Ceux-ci  ft 
répandirent  de  tous  cotés.  Ils  trouvè- 
rent la  plupart  des  Places  défertes ,  les 
antresonvroient  leurs  portes  aux  Vain- 
queurs Se  capituloiem  ^celles  qui  re- 
nflèrent ,  payèrent  cette  hardielîe  par 
leur  ruine  totale.  Ces  Généraux  ibid. 
qui  avoient  moins  d'humanité  que 
leur  Maître ,  portoient  devant  eux  le 
fer  &  la  flamme,  détnrifoient  les  vil- 
les , bruloient  les  campagnes*  malïa- 
croient  les  hommes ,  &  fai  (oient  la 
guerre  avec  toutes  les  fureurs  attachées 
a  ce  fléau.  Ils  prirent  en  peu  de  jours 


tafiS»  Caefarée*  (4)  Orfouf ,  (*)  Séphqurlf 
hi'illj.  (<) NaMrccl* ,  (d)  Taar ,  (*)  Naïm  »(/} 

(a)Cê.[*rt9  dePalefUne,  K*ifarét ancien» 
fcement  la  Tour  de  Straton  fiir  la  mer  dé 
Syrie ,  à  trois  journées  de  Tibériade,  à  trente- 
trois  milles  de  Ramla,  à  trente-fix  de  Ptolé- 
maïs.  Hérode  lai  donna  ce  nom  en  lHonneut* 
cfAugufte.  Elle  étoit  autrefois  une  des  villes 
principales  de  Syrie.  Elle  eft  aujourd'hui  dé- 
fruité.  Pojei  attffi  Reland ,  p.  J70. 

(  h  )  Arfofy  Affrphy  Orfouf,  Arfuf,  ou  Affût 
furie  rivage  ,  à  dix- fept. milles  de  Ramla ,  à 
fuc  de  )*ppé9  à  dix-huit  de  Caefarée,  elle  eft 
détruite.  Quelques-uns  ont  crû  que  c  etoit 
Antipatride,  d'autres  Afcher. 

(f)Nous  en  avons  parlé  dans  le  liv.précédent* 

(</)  Nazareth  f  Bourg  dans^la  Galilée,  fitué 
fur  le  penchant  d'une  montagne,  à  treize  mil- 
les de  Tibériade.  Jefùs  y  fut  élevé.  C'eft  de 
là  qu'eft  venu  le  nom  de  Nazaréen ,  donné 
au  Sauveur  &  aux  Chrétiens.  On  y  montre 
encore  le  banc  où  il  s'afleyoit  &  le  lieu  oh 
l'Ange  Gabriel  apparut  à  Marie,  &  Antonin 
le  Martyr,  (  Antoninm  Martyr ,  )  dit  que  les 
femmes  y  font  très-belles ,  &  que  c'eft- là  une 
{àveur  que  la  Sainte  Vierge  leur  a  accordée* 

(e)  Tour,  el-Tour ,  lignine  proprement  une. 
montagne.  Les  Arabes  difent  que  Tour  eftun 
village  6k  une  montagne  qui  domine  Napou- 
lous^Sc'que  les  Samaritains  visitent  fouvent 
par  dévotion,  parce  qu'ils  prétendent  que, 
ç'eft-là  qu'Abrahieut  ordre  d'immoler  fon  fils. 

(f)N*im,  Afràtygrand  bourg  auprès  d'En* 


de  Sàlàbin.  Liv.VII.  ty 
Dotaim  >  (4  )  Endor  ,  (  b  )  Ja-  ' 
pjha,  (t)  Legium ,  (*/)  Genim  ,  (e)  Hég.  Au 
Sébafte,(/)  Bethfan ,  (g)  Narjoulous'  *  c* lli* 
(  h  y  Jéricho ,  (■#'  )Phouîa ,  (  £)  MaaL  % 

do*  &  au  vpifinage  du  Thabor.  Les  uns  le 
placent  au  midi ,  les  autres  au  Nord  de  cette 
montagne. 

{a)  Ville  voifine  de  Samarie.  Voyez,  fut  jD#. 
tùm  ,  Dethan;  Rel.f.  741. 

(£)  £» i*r  au  Midi  &  à  quatre  milles  du 
Thabor ,  non  loin  de  Scythopolis  &  de  Naiûu 

(cyjaph*  dans  la  Galilée  autre  que  Joppé. 

(a)  Ligium  non  loin  de  Caefarée. 
.  (e)  Genim  auprès  d'Efdrelon» 
.    (/)  Sebafte ,  S*m*rie ,  nous  en  avons  parl£ 
dans  le  livre  précédent,  f .  440. 

{g)  Béthfan  9  Scythâpolis.  Vide  fuprà  ^ 
/.Vif +30., 

(h)N*M*sJl0spûlhyide  fuprà,L.VI./> .  40*; 
-  (  * }  '  J&itha ,  ItfrfV/?p ,  ville  célèbre  dans 
l'Ecriture.  Elle  étoft  dans  une  plaine  très- 
.fertile ,  fourtout  en  palmiers.  Elle  produifoit 
auffi  beaucoup  de  rofes.Elle  étoit  éloignée  de 
ibbtanteiiades  duJourdain&decent  cinquante 
de  Jérufalem.  Reland  en  parle  fort  au  long  , 
f.  119,  &  ailleurs.  Les  Arabes  difent  qu'elle 
fut  bâtie  par  fept  Rois,  &  rappellent  la  ville 
des  Géants.  Vtytz,Arih*  d'Herfalot. 

(k)  Phoul*,  PbMul*,  ville  de  Paleftine  dan* 
la  Syrie,  Schultens  croit  que  c'eft  Phafaë» 
lis ,  Fafelis  félon  les  Hiftoriens  des  Crona* 
des  3  bâtie  par  Jïérode  &  appeilée  m&  dp 


|8  Ht  sToi'a'i  * 

„,     t    tha,(4),Haipïia,(*)  Tcbnîn,   (e) 
£* w*£  Scandcrona ,  (d  )  ou  Scandélio  ,  & 
routes  les  autres  Places  voifînes. 

Saladm  apprenant  les  fuccès  heu* 
veux  oc  rapides  de*  les  cniîrs  9  le  nue 
iuHfnême  en  mouvement ,  pour  aller 
iaffiégerenpérfonneSidon.  (f)  Cette 
■»■  ■   ■■         ■  ■■■  '■ ' »■  ■  ■ '"i  ■  ■  ' 

nom  de  fon  frère ,  elle  eft  dans  la  vallée  de 
Jéricho,  &  produit  aufli  beaucoup  de  pair 
»ûers,  Pïd.  Retsnd,  p?s$  ,  &c. 
•■   (tf)  Matitb*  ,  Msglfiha ,  vHIe  (kuée  aux 
environs  du  Jourdain» 

(b)H*ifb*h,  Wf*>  Beih-HifbM,  H*f*y 
ville  fituée  au  pied  dn  mont-Carmel ,  entre 
Oefarie  ôtftoléniaïs.  On  Fa  confondue  avec 
ffippos  non  loin  de  Tibéfiade*  Voyez,  fut" 
tout  ceU  Schultens  et  R*l*nd>  f.  fr$.  £» 
Mi. 

(c)  Têhniri ,  fortereffe  trés-bienfdrtîfiée  au- 
deffus  de  Ptolemais  fur  le  chemin  de  Sidon. 
Elle  eft  placée  for  des  montagnes  entre  Pa- 
néas  &  âarepta  ou  Sarphenda. 

[d\  Scandgron* ,  c*eft  plutôt  Scsndelbfop* 
tereflê  ou'op  dit  avoir  été  bâtie  par  Alexan- 
dre, &  aom  on  voit  encore  des  veffiges  en- 
tre Tyr  &  Ptolfrnaïs.  Aboul-ftdha  dit  que 
ce  n'étoit  plus  qu'un  paflage  entre  des  mon- 
tagnes, &  Boha-eddSn ,  femble  auffi  infinuer 
que  ce  lieu  n'étoît  pas  fortifié, 

'(e)  Sidon ,  TxÀdon  félon  les  Hébreux,  Sn> 
do  felon  les  Arabes,  borne  h  Paleftiaed* 


DI  SAlJLeiM.    LiV.  VII.    $* 

ville  fi  c&toe  dans  lHKtoira  facrée 
Se  propJiaoe ,  étokbien  déchue  de  Ton  /$  Jf£ 
ancienne  fpiendeur*  Elle  avoir  cepen- 
dant quelques  fortifications  allez  bon- 
nés  pour  ce  tems^là,^  nn  port  qui  la 
rendok  riche  en  favorifant  fon  com- 
merce. Malgré  ces  avantages ,  les  Ha* 
bkans  n'ofér eht  foutenjr  un  fiége ,  8c 
fi»  rendirent  à  dîfcrétkm.  Le  Sultiian 
leur  accorda  félon  fa  coutume  de* 
conditions  fort  douces.  Il  laiffa  gai> 
tfifon  dans  la  Place ,  &  continua  fa 
toute. 

Btroçt  (s)  fîtuée  plus  an  Nord  fur 
le  même  rivage, fr  qui  avoir  déjà  ré* 
fifté  auSulAan ,  voulut  avoir  la  gloire 
de  l'arrêter  une  leconde  fois.  Elle  Ct 
laifla  battre  pendant  quelques  jours , 
mate  voyant  une  partie  de  les  tnu rail- 
les détruites ,  &  les  ennemis  fur  ta 

tôtéduNori  Aboul-ffidha  ditquecen'étoit 

S  s  qu^ne  petite  ville  avec  une  fortereffo 
eavoit  des  jardins  &  des  avenues  d'arhres 
&  unterrein  fertile.  On  a  cru  qu'il  y  en  a  eu 
deux  ,  eme  grande  &  une  petite.  Ftytz.  fut 
cette  vUltles  nvt$s  de  Schultens ,  les  voytgeim 
fr  Rtisnd  ,  f.  ioio. 

(*)Nous  ayons  décrit  cette  ville  dans  te  li- 
tre précédent ,  p.  41e. 


4*  Histoire 

'  brèche,  elle  demanda  une  capitulation 
;fî$ïîi£  honorable  &  1  obtint.  Dgiobail  (f) 
%  étoit  à  peu  dç  diftance  de  Bérout ,  çn 
montant  vers  Tripoli.  Le  Sulthan  fe 
difpofok  à  l'attaquer ,  mais  le  Seigneur 
de  cette  Place ,  (h)  lequel  étoit  pri- 
fonnicr  à  Damas,  eut  la  prudence  de 
prévenir  le  fiége.  Il  voulut  vendre  au 
inoins  ce  qu'il  ne  pouvoit  retenir ,  & 
.  racheter  fa  liberté  au  prix  d'une  ville 
prête  à  lui  échaper.  Il  promit  à  Sala* 
dinde  lui  faire  ouvrir  les  portes  de 
Dgiobail ,  fi  ce  Prince  confentoit  de 
le  renvoyer  de  captivité.  La  propor- 
tion fut  acceptée.  Le  Sulthan  fe  ren- 
dit maître  encore  de  quelques  Places 
voifines,  &  fit  ravager  les  environs  de 
Tripoli. 

Tandis  que  cet  incendie  embrafoit 

le  Nord  de  la.Paleftine ,  le  midi  n'é- 

.  toit  pas  moins  défolé.  Saladin  avoir 

jnftruit  de  fes  conquêtes  fon  frère  Adel 

qui  étoit  alors  en  Egypte ,  &  lui  avoir 

«f  »  '  ■ .  "*- 

(a)  Gibtily  Hobeil,  Scholeil ,  Dgiobeil*,  pe- 
tite ville  fur  le  rivage  de  la  mer ,  à  huit  para- 
fanges  de  Berout.  Elle  eft  connue  fous  le 
nom  àtGibeleU 

(k)  Us'appelloit  Eu^es  ou  Odon,  &c. 

ordonné 


ni  Sàlàdih.  L iv.  VII.  41 
ordonné  de  faire  dans  lé  même  rems 
une  irruption  fur  les  terres  des  Francs,  jfj?',  \l*7\ 
Celui-ci  alla  d  abord  affiéger  le  Châ- 
teau de  Magdal  (4)  qui  capitula.  Il  fît 
efcorter  par  quatre  cens  liottimes  la 

farnifon  qui  avoir  demandé  d'être  coa- 
uite  en  fureté  dans  un  lieu  appelle  le 
Afonaftére  de  Samuel,  à  deux  milles 
de  Jérufalem*  Quelques  Soldats  de 
cette  ville,  &  une  troupe  de  Tem- 
pliers tombèrent  fur  ces  quatre  cens 
.  hommes ,  en  tuèrent  la  plupart  ,&  mi- 
rent  lexefte  en  fuite.  Âdel  tira  de  cet 
outrage  prétendu  ,  une  vengeance 
cruelle.  Il  courut  le  pays ,  le  fer  Se  la 
fiamme~à.la.maîn  ,&  icduiût  en  cen- 
dres les  bourgs  &  les  campagnes  jufl 
ques  aux  portes  de  Jérufalem.  Les 
Habi tans  épouvantés  ,  voyoient  du 
haut  de  leurs  murailles  les  terribles  ef- 
fets de  la  colère  de  ce  Prince.  Il  des- 
cendit enfuite  vers  JafFa  ou  Joppé ,  (b) 

'{ayMfigdâl,  Magdal ,  fortereffe  voifine 
de  Bethléem.  C'étoit  ce  Mirabel  dont  parlent 
les  Hiftoriens ,  les  Arabes  difent  Mégedel- 
babtl  y  Mefgedaleb  ,  Mâgedeî ,  frc.  * 

{b)Joppé,Japha9  ]afa  anciennement  Jsphtf 
Elle  n'efi  plus  qu'un  grand  Bourg ,  elle  étqit 
alors  bien  fortifiée ,  riche ,  peuplée  &  fort 
Tome  IL  D 


4*  HIstocei 

ta  nrit  y  fournit  dfentres  Places ,  &  Vint 

r       Mufalmane  >  traînant  après  lui  un 
grand  nombre  de  prifeftniere. 

•  Mais  la  coaqnête  que  SaJadia  am* 
feittoimoit  le  plut,  et  cm  celle  de  Tyr, 
{a)  autrefois  fi.  célèbre  par  fa  pa£» 
lance  ,  fort  commerce ,  les  richefles  » 
tes  colonies  ,.&  qtri  mérite  à  peine  de 
nos  jduUs  le  nom  de  ville  v  rôtit  yét»k 
dans  le  «Mrabie&  Fagitatiôn*  JBlte  r  «^ 
voit  pour  Chef»  que  le  Prince  daSidoU 
&  le  Châtelain. chilien;  bcrnimes  foih 
Mes,  timides  &  incapables  dune  réfo* 
Ibîa#     ,   hltiongétféreufe.  Salade»  dépêcha  vers 

commerçante.  Cëtëieditos*  feri^br*  qiraboi*. 
doient  la  plupart  des  vaifecux  «fui  afrfroieftt 
à  la  Paleftme*  Qn  y  montre  un  rpcher.,  JUr 
lequel  an  prétend  qu'Andromède  nttatfaché*. 
Cette  ville  étoit  à  l'Occident  &  à  fix  mille» 
de  Ramla.  Voyez,  de  plus  grands  icUkciff§- 
prtn$  dans  Rel  p    $$4,  &e. 

foy  7yt  y  Tj&HTtm  S'pur ,  vitte  principale  tte 
Phénicie ,  trop  connue  pour  nous  arrêter. 
y$yiz.fivê*s  v$f$le7uReL  p.  104* ,  &c.  Elfe 
fat  prife  par  le»  Francs  Tan  de  l'Hérare  cinq 
cens  dix- huit.  Le  Sulthan  des  Mameluk» 
d'Egypte  l'ayant  prife  dans  la  fuite  la  fit  dé- 
molir ,  &  elle  ne  s'eft  plus  relevée  depuisce 
tems. 


de  Salabih.  Lit.  VIL  4} 
eux  un  Officier  pour  les  fommer  de 
fe  rendre.  Ils  répondirent  qu'ils  obéi-  Méç»  s  Jj- 
roienc  torique  ce  Prince  approcherbk  h  c* 1 1 7' 
avec  fes  troupes*  Il  leur  envoya  & 
bannière  avec  ordre  de  la  plante*  fur 
les  murailles.  Ils  re^rcfentérent  qu'ils 
auroiem  tout  à  craindre  de  la  fureur  du 
Peuple  par  une  femblaWc  démarche» 
nais  que  lorfque  lo  Suithan  paroîtrok 
aux  portes  de  la  viile ,  ris  pdurroiertt 
perfnader  aux  Babkans  intimidés  par 
le  danger,  de  céder  à  la  néccffité»  En 
cqnféquence}.  l'armée  Musulmane  rftc 
tourna  dans  la  Paleftine  en  parcourant 
les  côtes ,  Se  fournit  fur  la  route  Sai^ 
&nà  ou  Sarepta ,  (*)  &  d'ancre  Fo»+ 
reredes  moins  conhdcrables, 

Saladin  ne  doutant  pas  du  fuccès  de 
fon  entreprifefur  l'affurance  do  Prince 
de  Sidô»  te  du  Châtelain  de  Tyt ,  s'a* 
vançoit  à  grandes  journées.  Cette  note* 
velle  fe  répand*  bientôt  dans  tous  lés 
quartiers  de  la  ville  ;  hommes  &  fem*- 

m  liti    «      m      IHilÉ      m     m  ii  ■■■■■  —  ■  «     i  m        mm,  > 

(a)S*reft*  »  Sarephta,  S*rf*nd,$eûte  villç 
entre  Tyr  &  Sidon  ,  à  vingt  milles  de  la  pre- 
mière &  à  dix  de  la  féconde.  On  y  montroit 
la  maifbn  ck  Ta  chambre  où  EKë  avoit  cou- 
«hé*  Le  vin  de  fou  terrou»  a  été  célébré  par 
les  Poètes.  Voyez.  Rel.  p.  98  5.  é«  io<#, 

Dij 


44  HlSTOI*  E 

mes ,  tous fbrten  t  des  maïfons ,  &  rern* 
j!g?  trtj.  pl*Aent  les  rues*  Voilà  les  ennemis,  fe 
difoit-on  les  uns  aux  autres,  tés  voilà. 
La  frayeur  faifit  tous  les  efprits.  On 
s'aflèmble  en  tumulte  ,  on  parle  de  fe 
rendre.  On  délibère ,  on  régie  les  ar- 
ticles de  la  capitulation.  Dans  le  mê- 
me tems  paroit  dans  l'eloignemenr  un 
vaifleau.  L  efpérance  renaît  >  on  pouffe 
des  cris  de  joye  ,  on  coure  fur  le  riva- 
ge* le  vaiflêau  cingle  à  pleines  voiles 

▼ers  le  port ,  il  arrive ,  ildébarque  un 

Prince  Chrétien  accompagné  de  plu- 
fleurs  Chevaliers  intrépides.  Les  Ha-* 
birans  reçoivent  leur.  Libérateur  au 
bruit  des  acclamations  redoublées ,  & 
paiïènt  du  plus  grand  abbattement,aux 
tranfports  de  la  joye  la  plus  vive. 

Cétoit  Conrad  de  Montferrat  qui 
leur  apportoit  un  (ecours  auquel  ils  ne 
s'attendoient  pas.  Il  s'étoit  fignalè 
dans  les  guerres  d'Italie  en  faveur  du. 
Pape  ,  contre  Frédéric,  fon  parent  , 
(a)  &  entr'autres  actions  d'éclat  ,  il 
avoit  vaincu  &  fait  prifonnier  l'Ar- 
chevêque de  Mayence ,  qui  comman- 

(a)  Son  père  avoit  époufé  la  feeur  de  l'Exn- 
pereur  Conrad.  , 


DE   SàLÀDIN;    LtV.VII.   4f 

doit  l'armée  Impériale  cohtrê  le  Pape- 
Conrad  n'aùroit  pas  crû  dans  ce  fié-  j.c^iîifc 
cle  ,  mériter  le  titre  de  grand  hom* 
me ,  s'il  n'avait  joint  à  tous  fes  exr    * 
ploies,  quelqu'entreprife  contre  les  In- 
ndelles.  Il  fe  croifa  &  fe  mit  en  mer 
avec  plufieurs  Chevaliers  ;  mais  au  lieu 
d'aborder  dans  la  Syrie,  il  fut  pouffé 
par  la  tempête  fur  les  côtes  de  Cond 
tantinople.  Ifaac  Lange  étoit  alors  at- 
taqué par  une  croupe  de  féditieux.Con* 
rad  aidé  de  fes  Chevaliers ,  diflipa  les 
mutins.  Il  rendit  dans  d'autres  occar 
fions  de  grands  fervices  à  l'Empereur» 
combattit  &  tua  de  fa  propre  main  le 
,  traître  Uranas ,  appelle  auflï  Branas 
ou  Livernas.  Ifaac  récompenfa  gêné-, 
reufement  fon  Défenfeur  >  &  pour  le 
retenir  à  Conftantinople ,  il  lui  don- 
na fa  foeur  (  Theodora  )  en  mariage , 
le  titre  de  Caefar,  le  droit  de  porter 
des  brodequins  couleur  de  pourpre ,  &  x 

l'efpérance  au  trône.  Conrad  peu  tou- 
ché de  tous  ces  honneurs ,  entraîné 
par  fon  inconftance  naturelle  ,  &  par 
là  deftinéequi  l'appel loit  ailleurs,  ré* 
folut  daller  chercher  de  nouvelles 
avautures.  Il  fit  équiper  un  gros  vaif- 
feau  fous  1  e  prétexte  de  faire  une  in- 


44  HlSTOIHE    • 

mes ,  tous  forten  t  des  maifons ,  Se  rem* 
*g?  1ÎÎ7.  P^flent  1**  rues>  Voilà  les  ennemis,  fe 
difoit-on  les  uns  aux  autres,  tés  voilà. 
La  frayeur  faifit  tous  les  efprits.  On 
s'aflèmble  en  tumulte ,  on  parle  de  fe 
rendre.  On  délibère ,  on  régie  les  ar- 
ticles de  la  capitulation.  Dans  le  mê- 
me tems  paroit  dans  l'eloignement  un 
vaiflèau.  L  efpérance  renaît ,  on  pouffe 
des  cris  de  joye  ,  on  court  fur  le  riva- 
ge, le  vaiflèau  cingle  à  pleines  voiles 
▼ers  le  port ,  il  açnve ,  ildébarque  un 
Prince  Chrétien  accompagné  de  plu- 
fieurs  Chevaliers  intrépides.  Les  Ha-* 
feitans  reçoivent  leur.  Libérateur  au 
bruit  des  acclamations  redoublées ,  & 
paflent  du  plus  grand  abbatteraent,axix 
rranfports  de  la  joye  la  plus  vive. 

C'éroit  Conrad  de  Montferrac  <jui 
leur  apponoit  un  iecours  auquel  ils  ne 
s'attendoient    pas.    Il  s'écoir    fignal^ 
ctans  les  guerres  d'Italie  en  fave 
Pape  ,  courre  Frédéric  /on 
(a)  &  entr'autres  aftion? 
avoit  vaincu  &:  fait  * 
chevêque  de  Mav^ 

(a)  Son  per 
pereur  Cor 


DE  Sàlàbin.  Lft.  Vil.  4) 
eux  un  Officier  pour  les  fommer  de 
fè  rendre.  Ils  répondirent  qu'ils  obéi-  î1*?^; 
soient  Idrfque  ce  Prince  approcherbit  * t#  ' l  7' 
avec  les  troupes»  Il  leur  envoya  & 
bannière  avec  ordre  de  la  plante*  fur 
les  murailles.  Us  ïeprefentérent  qu'ils 
auroicm  tout  à  craindre  de  la  fureur  du 
Peuple  par  une  femblaWc  démarche» 
nais  que  lorsque  lo  Suèthan  paroîtroit 
aux  portes  de  ta  ville  9  ris  pourroierrr 

{>erioader  aux  Hâbttans  intimidés  par 
e  danger \  de  céder  à  la  néceffité»  En 
conféquence;,  l'armée  Musulmane  r'fic 
tourna  dans  la  Paleftine  en  parcourant 
les  côtes ,  Se  fournit  fur  la  route:  Sai?* 
fend  ou  Sarepta ,  (*)  &  d'ancre  Fo»+ 
rerelfes  moins  conhdcrables. 

Saladîn  ne  doutant  pas  du  fuccès  de 
ion  encreprifefur  l'affurance  du  Prince 
de  Sidow  te  du  Châtelain  de  Tyr ,  s'a- 
vançoit  à  grandes  journées.  Cette  noû* 
velle  fe  répand'  bientôt  dans  tous  lés 
quartiers  de  la  ville  \  hommes  &  fem«- 

J  -  -    -    •  --■■...-.-        -v 

(a)$*reft*  %  Sarephta,  Strftnd, petite  ville 
entre  Tyr  &  Sdon  ,  à  vingt  milles  de  la  pre- 
mière &  à  dix  de  la  féconde.  On  y  montroit 
la  maifon  &  Ta  chambre  oîi  Elfe  avoit  cou- 
uhé»  Le  vin  de  fort  terroir  a  été  célébré  par 
les  Poètes.  Voyez.  Rel.  f.9*S>&  ™9ï' 

Dij 


4*  tfisrôîKt 

carfion  Air  les  terres  des  ennemis  cfe 

*&*\lj.  l'Empire ,  embarqua  fes  Chevaliers  Se 

quelques  Grecs  gagftés  par  fes  bien- 

1  '  '    faits ,  ou  fédults  pat  fes  promeffes ,  fit 

,  voite  vers  ht  Paleftitte  ,  Se  ft*eut  pas 

honte  d'âktâdbrtnerpàr  ané  trahifon, 

l'Empereurfon  beatKfcere,  Se  la  Prin- 

ceffe  fa  femme. 

II  îgnotoit  les'changemens  arrivé* 
dans  fa!  Terre  Saîiwe ,  Se  prit  la  route 
de  Prolémaïs  qu'il1  drôyôiï  être  encore 
"fou*  la  ddmirtatfcm  <ki  Francs.  Arrivé 
à  la  hadtetft  de  cette  ville ,  il  fat  étonné 
de  ne  pdirit  entendre  le  bruit  des  cîo* 
ches  qu  on  fonnoit  ordinairement  (fis 
qult  paroiffoit  quelque  navire  ittortré 
par  des  Chrétiens-,  Se  de  n'appercevoi* 
aucun  de$figrtaux  qu'on  feifoit  dam  ce* 
occafîons.  Ses  craintes  redoublèrent 
lorfqu  il  vit  venir  à  lui  une  petite  bar- 
bue avec  pavillon  ennemi.  H  calia 
àromptentènt  les  vofte^tnouilla  dan* 
fa  rade,€t  cacher  iesChevaliers5orcfon- 
liant  au  fefte  de  Téquipage  de  garder 
lefilençe,  tandis  qu'il  répondroit  k 
l'Officier  envoyé  à  (on  bord.  H  dit  a 
celui-ci  qu'il  apportoit  des  marchand!- 
fes ,  qu'il  favoït  bien  que  Sàladin  ne 
gênoit  point  le  commerce  des  Nations 


m  SAtÀtKiw.tlït!  VII.  $f 
à*  l'Europe  avec  leiMuflfcnans.  Qa*rt  ' 
éroit  venu  fur  cette  a&itance,  mais  ™£  $£ 
qu'avant  que  d'entre*  dans  le  port ,  il 
iouhaitoit  obtenir  une  .fureté  parti- 
culière du  Gouverneur  pour  fes  effet* , 
fon  vaiffeàu  &  fes  gens»  D&m»le  teros 
que  l'Ofticier  retoutnoit  dans  la  ville 
|youf  pendre  de  nouveaux  ordres,  un 
rem  favorable  vins  à?  foufflet  y  Con- 
rad leva  l'ancte ,  prie  le  large>&  cin* 
gla  vers  Ty*  »  pourfaivi  lon&term  pat 
deux  galères  qui  ne  purent'  l  atteindre. 
Il  d&condit  à  Tyry  comme  nôu* 
lavons'  dit ,  dams  le  moment  qtfoi* 
uontmoit  des  Députés  pour  la  capitu- 
lation. Tout  reprit  ators  une  nouvelle  . 
face*    Cependant  Conifed  autpeli;  ort  * 

déféra  le  coitamandenieiit ,  ne  voulut 
point  s'en  charger ,  fi  on  ne  lui  doti± 
noît  en  même  teros  la  fouveraineté 
de  la  nlle»  Le*  Citoyens  n'attendant 
aucun  feéôursde  leur  Roi  prifonhier* 
crurent  avoir  le  droit  et  fe  chorfitv 
pour  maître ,  te  guerrier  qui)  les  dc~  ' 
fendok ,  &  lui  prêtèrent  ferment  d'o* 
béifiTance  &  de  fidélité.  Le  Prince  de 
Sidoa  7&  le  Châtelain  qui  les  avaient 

Î>re(fës  de  fe  rendre,  cherchèrent  leur 
ureté  par.  .la  fuite.   Ils  entrèrent  là 


1 


4X.  >  .  HiiT.oïKi 
nuit  dans  urffcbateau ,  &  'fe  retircreofe 
ifcfifg^  Tripoli.  Conrad  connu  dans  l'HiC, 
*toire  d'Orient ,  fous  le  nom  du  Mar- 
quis de  Tyr ,  fit  creufer  à  la  hâte  les 
fo (Tés,  rétablit  quelques  fortifications , 
plaça  tout  le  monde  à  fon  pbfte ,  &  (e 
tint  prêt  à  bien  recevoir  l'ennemi* 

Saladin  ne  tarda  pas  à  paroître.  Il 
comptoit  toujours  que  les  Habitans 
viendraient  lui  demander  quartier»  Il 
les  trouva  fur  les  murailles ,  armés;, 
pleins  d'ardeur  &  de  confiance,  tore* 
foius  de  jepoufTer  fes,  efforts.  Il  apprit 
la  caufede^ce  changement  >8c  déieC- 
péra  de  prendre  Tyr  à  force  ouverte, 
€ont.Giiîii.  I1  Y  avoit  à  Damas  parmi  les  pri- 
chren.Tcrr*  fonniers  Guillaume  III.  Marquis  de 
sana*.  **Montferr*t1.fiirnominé  le  Vieux,  (4) 
Ce  Prince  avoit  renoncé  au  bonheur 
de  réeher  fur  des  Peuples  heureux , 
dont  il  étoit  adoré,  pour  la  gloire  de 
combattre  les  Infidelles.  Il  quitta  le 
Sceptre  pour  le  bourdon  ,  laiflk-fes 
•Etats  à  l'un  de  fes  fils  &  fe  croifa.  Tel 
-étoit  le  fanatifme  de  ce  fiécle,  qu'on 
jie  croyoit  pas  pouvoir  acquérir  de  la 

(«}  Il  tenoit  un  rang  confidérable  parmi  les 
Princes  de  fontems. 

réputation 


b*  Sàiàdik.  tiv\VII.  & 

téputatïon  dans  ce  monde ,  Se  le  falut 
dans  l'autre?  ailleurs  que  dans  la  Pa-  jf^'i 't/I 
leftine.  Le  vieux  Marquis  de  Mont- 
fetrat  entreprit  ie  voyage  d'Outremer 
dans  un  âge  où  le  commun  des  hom- 
mes cherene  le  repos.  11  fuivit  les  au- 
tres Barons  à  la  bataille  de  Tibériade  > 
fut  pris  comme  eux  ,  &  ianguiflbit 
dans  la  fervitude  toujours  plus  dure 

Ïèur  un  ^vieillard.  Il  avoir  eu  quatre 
1s  tous,  célèbres;  (a)  Conrad  étoir  de 
ce  nombre.  Saladin  pour  gagner  ce 
dernier ,  en  flarant  fon  ambition  &  (a 
fendreflè  filiale,  lui  offrir  un  riche  Do- 
maine dans laSyrre,'&  rélargiffement 
.dé  Guillaume ,  pour  ip§jx  dé  la  foumif- 
(fon  ide.Tyr.  Conrad  répondit  fière- 
ment qu*il  méprifoit  les  préfens  des 
Jafidçll-es ,  &  qu'il  ne  donnerait  pas 
une  feule  pierre  de  Tyr ,  pour  la  ran- 
içon*<hin  vieillard  qui  ne  pou  voit  être 
d'aucun  fecotirs  à  la  caufe  commune. 
Il  ajouta  que  fi  on  expofoit  fon  père 

„»  ni         ■  ■),        i    .■     i  i  ■■ 

{a}  Ses  qoatte  fils  furent  Boniface  oui  fut 
Roi  de  TheHalie.  Guillauipe  dit  longue  Epée, 
quiépoufa  Sybille  &  qui  eût  ité  Roi  de  Jé- 
iiifalem,  s'il  eût  vécu.  Régnier  oui  mourut 
auffi  dans  la  Paieftine ,  &  Conrad  appelle  le 
Marquis  de  Tyr, 

Tome  II.  E 


^  Histoire 

aux  coups  ,  il  tireroit  fur  lui ,  podf 
Hcg,  ^8).  lui  procurer    le    martyre   prêtera- 
f.  c  il *7*  ble  a  la  liberté.  Le  Snlthaa  comprit 

qu'il  ne  gagnerait  rien  fur  un  ca-  *  j 
raâére  aufli  farouche,  &  réfolutde 
„  remettre  à  d'autres  circonftances  le  j 
fiége  d'une  Place  alors  trop  bien  dé- 
fendue par  Conrad  &  par  les  garni* 
ions  qui  s'y  étoienr  réfugiées  de  tor> 
tes  pans.  Il  attendit  (on  frère  AdeJ 
aux  environs  de  cette  ville  ,&  par- 
tit avec  lui  pour  aller  invertie  Afo 
Ion,  une  des  principales  barrières  de 
laPaleftine, 

Il  trouva  (ur  fon  pafiage  &  fournit 
à  fa  domination  Lidda  {*)  Se  Ramla, 
■Qf)  Les  Mufirimans  ont  fur  la  première 
de  ces  deux  villes  une  opinion  bien 
extraordinaire.  Ils  difent  que  c'eft  à 

mu  llaMaMM  ■' "■■■   ^mimm^mm    m  ,  ,  ,     ,        pm 

(a)  Lidda,  Dieftelis»   Voyez  for  cetçe 
ville,  Rel.f.  I77  &  ailleurs. 

(b)  Ramla  9  elle  étoit  dans  une  plaine  &fur 
lin  terrein  fablonrieux,à  huit  lieues  de  Jérufa- 
tem  &  à  quatre  de  Jaffe.  Lyddafituée  ài'O-* 
rient,  en  étoit  éloignée  de  trois  parazanges. 
Il  y  avok  auprès  l  le  Château  &  FEglifc  de 
Saint  Georges,  dont  il  eft  beaucoup  parlé  I 
dans  les  Hifioriens  des  Croifades.  Vojex,  d ex- 
cellentes notes  fur  cette  ville  dans  ReL  p.  9  f  9 

&  ailleurs» 


*b  Saiaottu;  Eir.Vir.    jt 

l'une  des  portes  dé  Lidda  ,  que  le 
l>rt>r*étejefus(4)  fils  de  Marie  y{b)  ^\%\ 

(a)  ljf*  ten,  MirUm ,  Jefts  fils  de  Marie.  Il 
•n  eft  fouvent  parlé  dans  rAl-koran  &  tou- 
jours avec  beaucoup  de  refpeâ.  Les  Muful- 
mam  «fifent^qu  tt  naquit  à  Bethléem  de  Ma- 
lie,  mais  fans  père ,  qu'il  ne  refta  que  trois 
heures  dans  le  berceau ,  qu'il  n'eft  pas  mort  ; 
mais  qu'il  eft  monté  aux  Geux  6k  que  foxi 
trône  eft  dan*  le  quatrième  Gel ,  c'eft-à- 
<fiie ,  dans  FEmpirée ,  que  c'eft  le  véritable 
Méfie ,  k  verhe  de  Dieu  ,  fa  parole,  qu'il 
tiendra  à.  la  fin  du  monde  combattre  l'An* 
^Chriû,&c*K(î»ji?*  U  deuxième  <$»  le  troi- 
fme  cb#f.  de  PAi-lyr**  &  f autres.  Vyez, 
HUkt.  Orient*  éHklt  liîa  ben  Miriam,  & 

(b)  Miriam  9  Marie  dont  il  eft  fait  une 
jaenfeon  Honorable  dans  l'Al-koran.  Les  Ma- 
àométans  croient  qu'elle  fut  délivrée  du  péché 
«rigûieLall  ne  vient  point  d'enfant  au  monde, 
«difent-Us  9  que  W  Diable  ne  touche  &  ne 

•  manie  juiqu'à  ce  qu'il  le  faflè  crier.  Il  n'y  a 

•  eu  que  Marie  &  fea  fils  Jefus,  qui  ayent  été 
»préfervés  de  cet  attouchement.  «  Mahomet 
prétend ,  Ch.  3.  Kotan ,  quç  Marie  avoit  été 
donnée  en  garde  à  Zacharie,que  celui-ci  ren- 
ferma dans  une  des  chambres  du  Temple  , 
dont  la  porte  était  fi  élevée  qu'il  falloit  y 
monter  avec  une  échelle  &  dont  il  portoit 
toujours  la  clef  fur  lui ,  mais  que  toutes  les 
fois  qu'il  alloit  la  roir  9  il  trouvoit  auprès  d'elle 

Eij 


4*  .        Hisrocai 
\ol  prit  y  feomit  dfaucres  Plates ,  &  Vfat 
fH^Yi8%  *  **  rencontre  de  la  grande  armée 
Mufttlmane  >  trônant  après  lui  un 
grand  nombre  de  prifbmiiere. 

•  Mais  la  cowqnête  que  Sakdio  am* 
bhwmùk  le  plur«érim  celte  de  Tyr, 
{a)  autrefois  fi  célèbre  pat  fa  pui^- 
iàticc  ,  fort  oonkmeree ,  tes  i  icheffi» , 
fes  colonies  ,.&  qui  mérite  à  peine  de 
hos  jouUs  le  nom  de  vittf  -y  tout  y  étoit 
dam  le  tembiefe  F«gpeariôn*JElteri*>» 
voit  pour  Chefs  qoe  IcPntwe  deSàdort 
fit  le  Chàrelafo.dulietr,  btmimes>r^ 
fartes,  timides  &  incapables  d'une  réfo*- 
hition  gértéreufe.  Saiadro  dépêcha  vers 

commerçante.  CététedftistferiJbrF  «ju'aboiv 
doient  la  plupart  des  vaiffcûix<|iii  âfriTOieot 
à  la  Païenne.  On  y  montre  im  rpeher .*  fur 
lôquel  on  prétend  qu'Andromède  fat  attachée; 
Cette  ville  étoit  à  POcddent  &  à  flx  mille» 
de  Ramla.  Voyex,  de  plus  grands  eclakciffe- 
pttns  dans  Rel  f   S  £4,  &e. 

Tttj  ~iyt  y  rfûHYfytit  «j'ww  |  ville  prmeîpale  'de 
Phénitie f  trop  connue  pour  nous  arrêter. 
VrftiftvêHS  voulez*  Rel.  p.  1046  ,  &c.  Elle 
&t  prife  par-  le»  Francs  Tan  de  l'Heure  cinq 
cens  dix-huit.  Le  Sulthan  des  Mameluks 
d'Egypte  l'ayant  prife  dans  la  fuite  la  fit  dé* 
xiohr ,  &  eHe  ne  s'eft  plus  relevée  depuis<e 
tems. 


Ibid. 


Die  Sàlàhm.  Lit.  Vil.  4} 
eux  un  Officier  pour  les  fommer  de 
fe  rendre.  Ils  répondirent  qu'ils  obéi-  *%»  * *>• 
roient  tarfque  ce  Prince  approcherok  h  c*  '  *  7* 
avec  fes  croupes»  Il  leur  envoya  fa 
bannière  avec  ordre  de  la  plante*  fur 
les  murailles.  Ils  re^rcfentérenc  Qu'ils 
auToiem  tout  à  craindre  de  la  fureuf  du 
Peuple  par  une  ferablablc  démarche» 
mais  que  lorfquc  le  Suithan  paroîtrok 
auxportes  de  la  ville  ,  Hs  ptmrroierrt 
persuader  aux  Babitans  intimidés  par 
le  danger,  de  céder  à  la  .néceffité*  En 
canféqnence/,  l'armée  Mufulmane  rflL 
tourna  dans  la  Paleftine  en  parcourant 
les  côtes ,  &  foamit  fur  la  route  Sai* 
fond  00  Sarepra ,  (4)  &  d'ancres  Fos+ 
rereffcs  moins  confidcrables. 

Saladîn  ne  délirant  pas  du  fuccès  de 
ion  enereprifefur  l'afiurance  do  Prince 
de  Sidow  &  du  Châtelain  de  Tyr ,  $•  a- 
vançof t  à  grandes  journées.  Cette  noft* 
velle  fe  répand'  bientôt  dans  tous  lés 
quartiers  de  la  ville  \  hommes  8c  fem<- 

m  iniini     m    >mi<     ■    ■  ■   ■  ■      ■     ■«■■■       ..  ■,     m> 

(a)S*refts ,  Sarephta,  S*rft»d,peûte  vill* 
entre  Tyr  &  Sidon  ,  à  vingt  milles  de  la  pre- 
mière &  à  dix  de  la  féconde.  On  y  montroit 
la  maifbn  &  fa  chambre  où  Elië  avoit  cou- 
vhè*  Le  vin  de  Ton  terroî*  a  été  célébré  par 
ks  Poètes.  Voyez.  Rel.  f.9*i&  ™9ï. 

Dij 


44  HlSTOIHfc     ' 

mes ,  tous fortent  des  maïfons ,  &  rem* 
"cî  t[\j\  pliflent  les  rues»  Voilà  les  ennemis,  fe 
difoit-on  les  uns  aux  autres ,  tés  voilà. 
La  frayeur  faifit  tous  les  efprits.  On 
s'aflèmble  en  tumulte ,  on  parle  de  fe 
rendre.  On  délibère ,  on  régie  les  ar- 
ticles de  la  capitulation.  Dans  le  mê- 
me tems  paroit  dans  l'eloignement  un 
vaiflèau.  L  efpérance  renaît ,  on  pouffe 
des  cris  de  joye  ,  on  court  fur  le  riva* 
ge  3  le  vaiflèau  cingle  à  pleines  voiles 
▼ers  le  port ,  il  arrive ,  il  débarque  un 
Prince  Chrétien  accompagné  de  plu- 
fieurs  Chevaliers  intrépides.  Les  Ha-r 
birans  reçoivent  leur.  Libérateur  au 
bruit  des  acclamations  redoublées ,  & 
patient  du  plus  grand  abbattement,aux 
tranfports  de  la  joye  la  plus  vive. 

Cétoit  Conrad  de  Montferrat  qui 
leur  apportoit  un  fecours  auquel  Hs  ne 
s  attendoient  pas.  Il  s'étoit  fignalè 
dans  les  guerres  d'Italie  en  faveur  dtj 
Pape  ,  contre  Frédéric  fon  parent  » 
(a)  &  entr'autres  aétions  d  éclat  ,  il 
avoit  vaincu  &  fait  prifonnier  l'Ar- 
chevêque de  Mayence ,  qui  comman- 

(a)  Son  père  avoit  époufé  la  foeur  de  l'Em- 
pereur Conrad. 


DE    SAfcÀBX.Nt    LlV.VII.   4f 

doit  1  armée  Impériale  cohtrê  le  Pape- 
Conrad  n'aoroic  pas  crû  dans  ce  lié-  j.^  iîi>l 
cle ,  mériter  le  ticre  de  grand  hom* 
me ,  s'il  n'avoic  joint  à  tous  fes  ex-  * 
ploits,  quelqu'entreprife  contre  les  In- 
hdelles.  Il  le  croifa  &  fe  mit  en  met 
avec  plufieurs  Chevaliers  \  mais  au  lieu 
d aborder  dans  la  Syrie,  il  fut  pouflTé 
par  la  tempête  fur  les  côtes  de  Conf. 
tantinople.  Ifaac  Lange  étoit  alors  ar- 
taqué  par  une  troupe  de  fédirieux.Con* 
rad  aidé  de  fes  Chevaliers ,  diflipa  les 
mutins.  Il  rendit  dans  d'autres  occar 
fions  de  grands  fervices  à  l'Empereur, 
combattit  &  tua  de  fa  propre  main  le 
/  traître  Uranas ,  appelle  auffi  Branas 
ou  Livernas;  Ifaac  récompenfa  gêné-, 
reufement  fon  Défenfeur ,  &  pour  le 
retenir  à  Conftantinople  >  il  lui  don- 
na fa  foeur  (  Theodora  )  en  mariage , 
le  titre  de  Qefar,  le  droit  de  porter 
des  brodequins  couleur  de  pourpre ,  & 
l'efpérance  au  trône.  Conrad  peu  tou- 
ché de  tous  ces  honneurs ,  entraîné 
{>ar  fon  inconftance  naturelle  ,  &  par 
à  deftinéequi  l'appelloit  ailleurs ,  ré- 
folùt  daller  chercher  de  nouvelles 
avautures.  Il  fit  équiper  un  gros  vaif- 
feau  fous  1  e  prétexte  de  faire  une  in- 


5<f  Histoire 

than  furpris  de  tant  d'intrépidité  9  (h 
*c?il¥'  *cs  Prèi»iéres  démarches*  Il  offrit  dp* 
* Xl  Conditions.  On  renvoya  (es  Députés 
fans  vouloir  les  entendre ,  &  l'attaque 
recommença  avec  la  même  acdeujr.de 
part  &  d'autre.  Cependant  rieifc  nan 
vançoit;  pour  ne  pas  décourager  Tes 
troupes ,  qu'une  trop  longue  rcitftance 
lebutoir,  il  fit  une  nouvelle  tentative; 
Il  chargea  le  Roi  de  Jétufalem ,  qui 
étoic  alors  dans  l'armée  >  de  parler  au» 
Affiégés,  pour  les  engager  à  fe  fou* 
mettre.  Lufignan  leur  repréfenta-que 
s'ils  pouvoieat  encore  tenir  ldng-tems^ 
ils  dévorent  continuer  à  fe  défendre  »■ 
mais  que  dans  l'extrémité  où  ils  étojent 
réduits ,  ils  rifquoient  de  tout  perdre 
par  uneopiniârreté  inutile.*,  &  même 
tunefte  à  la  caufe  commune.  Que  le 
bien  de  la  Chrétienté  exigeoic  qu'ils» 
profitaient  de  la  bonne  volonté  dis 
Vainqueur ,  pour  en  obtenir  des  conr 
ditions  avantageufes  ;  que  parmi  ce? 
conditions ,  ils  pourraient  demander: 
fon  élargiflement  &  celui  de  pkiiîeurs. 
Barons  qui  gémiffbient  dans  ta  fèrvi- 
tude  ;  qu'enfin  il  falloit  céder  à  la  né* 
«ceffité,  &  fauver  au  moins ,  en  per- 
dant Afcalon  >  tant  de  braves  Citoyens» 


ni  Saiadix.  Liv.  VII.  ij 
prêts  à  tombée  dans  l'efclavage.  Frap- 
pés de  ces  repréfentations ,  les  priiw  ***£  ***• 
çipaux  de  Ut  ville  tinrent  dans  la  tenta    ' 
de  Sakdin  •*  ,#  lui  timttnt  à  peu  près 
ce  difeoars  fftpptfrtl.par  Coggeshal. 
;  :«Dieu  feuî  matftedesévénemens* 
»  vous  a  doanéla  vidoire  for  les  mal- 
h  heureux  Chrétiens.  Votre  valeur, 
»  votre  pttiflance ,  te  nombre  de  vos 
»  troupes  nous  font,  connus  \  mai»  ils 
n n'effrayent  point  des  hommes  qui 
»  ne  cherchent  qu'à  mourir,  N'cfpé- 
t>*efc  pas ,  Seigneur  ,  prendre  facile^ 
h  ment  Âfcaion  à  force  ouverte.  Au- 
tant qu'il  y  a  de  Citoyens,  autant 
»  vous  aurez  d'ejanemis.  particuliers  à 
»  combattre.  Aucun  de  nous  n  auralachron  TertM 
»  lâcheté  de  furvivre  à  la  Epine  de  la£anâ«,8c^ 
avilie.  Vous  n'y  entrerez  qu'après  Ta- 
»voir  réduite  en  cendres,  &  avoir 
«tué  tous  les  Habitans.  Que  nous  im- 
h  porte  une  vie  périflable  ?  nous  vou- 
*  Ions  un  bien  plus  folide  ,  &  c'eft  la 
»  mort  qui  doit  nous  le  procurer.  Tel* 
m  font  nos  fentimeos ,  telle  étoit  notre 
m  réfolurion  ;  mais  nous  avons  malheu» 
*»reufement  parmi  nous,  un  grand 
»  nombre  de  femmes  &  d'encans, 
aniont  le  fort  nous  épouvante»  Nom 


f$  HisfoiAtf* 

»  craignons  que  le  Soldat  moins  En*-* 
***£•  *J'* nmaiiTy  moins  généreux  que  vous* 
*  ntfabuft  de  Jeu*  foiUeflc  poar  te» 

*  corrompre  ,  &  même  pour  les  faire 
«  renoncer  à  ta  Reîlgatrti  de  Jefus- 
«i  Chriib  Pour  éviter  ce  malheur ,  nous 
n contentons  <fc  flous  rendre  *  &  voici 
«i  à  qudîes  conditions.  Vous  nous  ac* 
^corderez  quatorze  jeecs ,  ptaur  met^ 
*>tre  onfre  -à  nos  affaires  Après  ce 
t>  terme ,  vous  nous  ferez  cendnirer 
*avec  ne*  effet*  en  ftctr  4e  foreté; 
*Vous  aurez  foin  décMt  femtHes* 
n  qui  veulent  refter  dans  la  vilte ,  &  te* 

*  protégerez  do*itre  tout  outrage  8c 
* toare  vioteûde.  Vowdannetez  la  fiw 
»betté£m^eRo^ 

*  cipaa*  jjrifomtierfr  ànotre  choix, 
Saladirf  touché  de  cet  héroifiroe  rater 

parmi  te»  Chrétiens  de  cetci»5,coi*- 
fentk  aux  etmdïtîons  ptepofées.  Seu- 
lement if  fut  flîpirié  que  W  Roi  &  le* 
prifonnie»  ne  ferotemt  délivrés  que 
dans  le  mois  de  Mai  de  l'année  fui- 
tante  ,  &  que  te  nombre  de  ces  pri~ 
fonnier*  fererft  refttaïnt  à  dix.  Les  dé- 
lais  étant  expirés,  te  Samedi  quatre 
Septembre ,  Se  te  dernier  de  Dgiou- 
iftidi^d-aii^r^ieloules  Arabes^  jour 


f)l  $ALÂtriH,  Liv.  Vif.  5^ 
auquel  il  y  eut  une  éclipfe  de  Soleil» 
(m)  ce  que  les  Francs  ne  manquèrent  £^jj£ 
pas  de  regarder  comme  un  miracle  5 
les  Habitafrs  ruidérent  la  Place  y  8c  cm 
remirent  les  ciefs  au  Sulthan.  Le  fié** 
ge  a  voit  4vxé  quatorze  jours.  Cette 
Tille  importante  était  fora  la  dominai 
rk>n  des  Chrétiens  depuis  1  an  de 
l'Hégire  rinqeens  quarante-huit,  (fy 
11  y  avoir  hit  tes  confins  dé  la  Pa^ 
fcftine ,  à  l'entrée  du  défert  qui  (épate 
la  Syrie  <ïe  l'Egypte,  une  ville  très** 
ancienne  *  renommée  dans  l'Ecriture 
iàinte.  Cétoit  Gaza  T  (r)  une  des  fa^ 

[a)  Cette  éclipfe  arriva- fur  les- neuf  heures 
ira  îtiatûv. 

(&3£1  t  *rt>ît-tfoflrci»e«w^c5n}  an*  lunaires  '} 
«pie  les  Chrétiens  iapcfledoientlEtte  avok  été 
prîk  1»  vkigt-fept  de  EWouroiidi-e^Akher. 

(c)  G*x*  .les  AraBes  ^étit  6*?^*,  &  les* 
Hébreux  A****  Elle  étoît  dans  ut£terreir* 
fabloflneux  qui:  ne  produit  prefque  point? 
4e  palmiers ,  mais  beaucoup  de  vignes.  Le- 
village-qur  lui  feront  <de^povt  ,  étmt  appeOfc 
M*j*m*  par  lès  Grecs,  &  Cmjf  «art  par  les* 
Latins.  Les  ha&ftans  dé^Gaza  étoiént  autres 
fois  fort  attachés  au  culte  des  Idoles  ;  elle  a* 
produit  plufieurs  perfonnages  célibres^rommr 
Schafti ,  Omar ,  ben  Chatab ,  Procopi  Sozi* 
ne^  Alpiea»  Ifidofe^6u^Oaorar^33r  # 


t 


rrapie*  des  Philiftins  ,  éloigrtée  cfrf 
j!ç? \ll).  vingt  ftades  de  I*  mer,  &  bâtie  fut 
une  élévation.  Elle  avoie  été  affiégée 
par  Alexandre  &  par  Ptolomée ,-  rui~» 
née  par  ces  Conquérants ,  rétablie  par 
Cabinius ,  rendue  à  Hérode  par  Ao* 
gufte ,  poiTédée  fùcceffivement  par  les 
juifs  „  par  tes  Romains ,  par  les  Grecs  * 
par  les  Arabes ,  par  les  Francs ,  &  for-»* 
tifiée  par  ces  derniers.  Les  Templier* 
maîtres  de  tout  le  canton  ,  l^étoient 
auflï  de  Gaza.  Saladin  leur  fit  dire  d$ 
le  rendre  dans  le  tems  qu'il  affiegeoit 
Afcalon ,  il*  répondirent  qu'ils  fttbi- 
jroient  le  même  fort  que  cette  ville  , 
comptant  qu'elle  xéfifteroit  à  fes  ef- 
forts. Le  Sulthan  les  ayant  fommés  de 
tenir  leur  parole ,  les  Chrétiens  délo- 
gèrent de  Gaza  &  des  forterefles  voi- 
unes  qui  reçurent  toutes  garnifon 
Mahométatte» 

Vers  te  mime  tems,  il  reçuf  de 
nouvelles  recrues  que  lui  amena  fou 
fils  Aziz-othman,  Gouverneur  d'E- 
?ypte.  Il  ordonna  auffi  à  Loulou  > 
^hef  des  Gardes  de  fa  Chambre,  & 


s 


*u  deu*  villas  de  ce  n*v^Vid.  ReLf.  787  é> 


ne  Sàlà©i*î.  Lxv.  VII.  €t 

Cm  grand  Amiral ,  d'équiper  une  flotte  Hfcg/fsj" 
tiombreufe,&  d  aller  croifer  fur  le  pa-  h  c/i  1 17. 
rage  de  Tyr ,  pour  intercepter  les  vàif- 
feauz  qui arjriveroienr d'Occident,  & 
empêcher  cette  ville  de  recevoir  au* 
cun  fecours  étranger  ;  enfin  il  fe  prêt- 
para  au  fiége  de  Jérufalem. 

Les  Auteurs  Arabes  qui  s'arrêtent 
aux  petits  détails ,  &  négligent  fouvent 
les  faits  les  plus  intéreflans,  difènt  quç 
tandis  qu'il  étoir  devant  Afcalon,  un 
Efclave  de  Damas  ,  prifonnier  à  Jéru- 
falem ,  lui  envoya  au  nom  de  tette  vil* 
le  y  fix  vers  dont  voici  à  peu  près  le  fens. 
»0  Sulthan  qui  renverfes  les  écen- 
»» dards  de  la  Croix,  je  cadreffe  ma 
»» voix  plaintive  de  l'abîme  de.  mon 
»?  humiliation  ;  arme- toi ,  viens  déti* 
#  virer  le  faint  Temple^(^)  Quoi! toutes  schèik-zeaù 

(a)  Lorfau'Omar  fe  rendit  maître  de  Jéru- 
falem Tan  feize  de  l'Hégire,  fix  cens  trente^ 
iept  de  Jefus-Chrift,  il  fit  élever  dans  le  lien 
où  <4toît  autrefois,  félon  l!opinion  commune , 
JeTempie  de  Salomon,une  grande  Mofijuée,, 
&  enferma  dans  fon  enceinte  la  pierre  qu'on 
croit  être  celle  que  Jacob  mit  fous  fa  tête, 
lorfqu'il  eut  &  vifion  miraculeuiè  de  l'Échelle. 
Valid  fils  d'AMaMfclek,  fit  rebâtir  cette 
Mofquée  Se  la  rendit  plus  magnifique.  Les 


4%  Hï$T0iitt 

t>les  mofquées  font  pures  t&tu  me 
Hég.  i*i.  »  biffes  la^trir,  malgré  ma  nobleffe* 
i  c.  *jg7.  f> 4^  fe  fyjgç  &  ^^  l'impureté?  ce 

Les  mêmes  Hifbciens.  ajoutent  que 
Saladin  ayant  vu  dans  la  foire  cet  El* 
clave >&c  iui ayant  trouvé de  la capa- 
cité,  le  fit  Imam  de  la  principale  Mot 
quée. 

Enfin  tes  tems  étoient  arrivés  où 
Jéru&lem  ,  dont  la  conquête  avok 
coûté  tant  de  fang  à  FEuBopTe  épuifee  * 
devoit  tomber  encore  £oes.  la  domi~ 
c«t. Guîii.   nation  des Infidelles. Batéari d'IbeUm 
«hjw^Teri»  commandoit  alors  dans  cette  ville.  II 
'  c*  avoit  obtenu  la  permifEon  d'aller  à 
Jéiufalem ,  pour  en  faire  fortir  fa  fem- 
me 6c  fes  enfans ,  &  pente  négletqneW 
ques  affaires  cbmeftsques,  mais  avea 
promette  de  n  y  demeurer  qu'un  feul 
jour  9  Se  de  ne  rien  entreprendre  con- 
tre les  intérêts  du  Sulcb&o,   Arrivé 
à  Jérufajem  ,  il  fe  fit  prier  d'y  res- 
ter >  d'en  prendre  le  comn^ndement  9 

•Mu&lmans  y  vont  encore  en  pèlerinage»  Us 
Fappçflent  le  Sftint  Temple,  k  maiion  de 
Dieu,  Beh-*l-Mêc*dd€st  le  dôme  de  U 
pierrede  Jacob ,  &c.  P*}*z/»r  U  fùrr*  d* 
J*cob  &fiêr  cm$  Mffifuéê  d'HtrhUt ,  srt.  de 
Jtr»f*lem  <J»  **»**>&  GttUL  diTyfJ.  *♦ 


J.  C.  ix*7a 


i>*  Salàjmk.  Lit.  VIL   tfj 
4k  confentit  qu'on  le  déliât  de  fon  fer.  ' 
mène  que  le  Patriarche  déclara  nui  \H^^1 
au  nom  du  Clergé ,  comme  fi  la  Reli- 
gion permettait  dans  aucun  cas  de 
violer  les  loi x  les  plus  facrées  de  r hon- 
neur. Ce  Bâton  parjure  ofa  deman- 
der peu  de  tems  après  à  SaUdin  ,  une 
iauve-garde  pour  fa  femirie  &  pour  Tes 
£nfans»quil  envoyoit  à  Tripoli,  grâce 
dont  il  étok  û  peu  digne  ,flc  qui  lui  fut 
cependant  accordée.  Le  Sulthan  en* 
gagea  même  la  Reine  Sybille  d'aller 
oindre  fon  mari  à  Napoolaus ,  aftn 
qu'elle  ne  fût  pas  témoin  des  horreurs 
infçparables  é'im  fiege. 
.    Avant  que  de  l'entreprendre  ce  fié» 
ge ,  SaJadin  tenta  les  voyes  de  la  né* 
goriatton  ;  il  fit  venir  les  principaux 
Habitant ,  &  leur  dit  :  qu  il  croyoit 
avec  eux:  que  Jérufalem  étoit  la  mai- 
fon  de  Dieu ,  (a)  qu'il  les  prioit  de  ne 

(a)Yoyez  la  note  précédente.  Les  Muiul- 
tnans  ont  toujours  eu  une  tres^-grandé  vérié- 
ritâon  ponrléru&lem  :  Mahomet  ordonnait 
4 fes di&ples 4e fe  tourner  vers Jérufidemen 
iaifânt  leur  prière*  Le  pèlerinage  de  la  Meo 
aae  ayant  été  interrompu  par  1  invafion  des 
<Jarmathes ,  on  y  fuppléa  par  celui  de  Jéru- 
falem. Les  Mahometans  donnent  à  cette 
yillç  les  noms  de  Sainteté,  de  ville  Sainte  v 


#4  H  ISTOf  ÏK  fi 

pas  le  forcer  d'en  profaner  la  fainteté 
i.'&î&'P»  le&ng  quilferoit  obligé  de  ré- 
pandre;qu'il  les  avoir  mandés  pour  leur 
offrir  des  conditions  plus:  avantageafes 
•que  celles  qu'il  avoir  accordées  à  tou- 
tes les  autres  Places  yqtfil  leur  donno- 
roit  trente  mille  bezans  pour  le  prix 
de  leur  foumiflîon ,  &  autant  de  terres 
qu'ils  voudroient  en  cultiver;  qu'il 
leur  permettrait  de  demeurer  dafts  la 
ville,  ôc  fils  fe  d&erminoienc  d  en 
Sortir ,  il  les  feroitxondiiiceà  fes  fr^is, 
&  avec  tous  leurs  biens  dans  les  lieux 
qu'ils  auraient  choifis  pour  retraite. 
»Nous  ne  pouvons  vous  céder  ,  lui 
^répondirent  les  députés;,  une  ville  oà 
>►  noire  Dieu  eft  mort  ,.  nous  pouvons 
^encore  moins  vous  la  vendre.  Vous 
»  vous  repentirez,  letir  dit  SaAadio  5  de 
h  votre  obftination:  Vous  implorerez 
»>  bientôt  ma  clémence;  mais;ii  ne 
»>  fera  plus  tems.  Je  nrécouterai:défi51:- 
w  mais  aucune  proportion ,  car  je  jute 
n  de  n'entrer  dans  Jérufalem  ^qu*à 
inforce  ouverte  ,  &  d'en  paflfer  tous  les 

illuftre,  bénie,  de  maifon  de  Dieu ,  qp ville 
des  Prophètes ,  c*4s  btU  */  M$k*ddej ,  c*ds 
Mj>b*re\%  cod$  Scherif,  &c. 

habitans 


*e  Sàiadin.  Liv.VII.  6$ 
'  n  habitans.au  fil  de  J'épée  s  ainfi,  que 
»  vous  ayes  traité  voys  même  les  Mu-  £ég  ,$; 
»  fulmans ,  lor/que  vous  vous  êtes  ren- 
n  dus  maîtres  de  cette  ville.  ««  Après 
avoir  prononcé  ces  paroles  menaçan- 
tes, il  donna  des  ordres  pour  la  mar- 
che. Tout  fut  bientôt  prêt  &  l'on, 
partir, 

Son  armée1-  divifée  en  .plusieurs 
corps ,  prît  des  rouçes  féparées ,  fou- 
rnit en  chemin  les  différentes  forte- 
reffès  des  etiyirons ,  &  parut  enfin  de- 
vant Jérufafem  le  Jeudi  vingt  Septem- 
bre, onze  cens  quatre  vingt^fept  de 
Jefos-Chrift,  6c  félon  les  Mahomé- 
rans,  le  feize  de  la  Lune  de  Redgeb» 
cinq  cep^f  quatre-vingt-trois  de  ud&- 
gire* 

Fin  in  Livre  ftpttéme. 


Tmtfl 


SOMMAIRE 

DU  LIVRE  HUITIEME. 

T)dcrîptïon  9  S  tige  &  prife  der x- 
Jérufalem.  Générante  de  Sa- 
ladin.    Il  afflige  la  ville  de 
Tyr,  eu  f&jkm  */  4fàm^ 
/llevelefié^^vrerm^ttjieur^ 
Places Jurle  r  rince  d^Antio* 
fhe  i  lui  accorde  taie  trêve  >  & 
fait  de  nouvelles    conquêtes. 
Etats  des  Francs  dans  le  temat 
de  la  troijzim*  Croifadt* 


HISTOIRE 

DE 

SALADIN 

Sulthan  d'Egypte  &  d*  Syrie* 


LIVRE  HUITIEME. 


-j_ 


ÎE  R  U  S  A  L  E  M  (*)  fi  célèbre  par    ^g.  f  i,. 
les  merreittes  de  la  loi  Judaïque .  *  Ct  **7t 
par  \t*  Myftéres  de   la  Religion 
Chrétienne  &  par  la  fuperftition  de  1» 

(a)  Jérnfaiem ,  fittrée  dans  un  pays  d* 
montagnes  ,  nommée  suffi  ]$bu$ ,  Stlyme  9 
Hiérofilima  ,  par  les  Hébreux  Jeruf-Chalaif» 
©u  Jeruf-Cbalem  9  &  par  les  Arabes  HUoty 
EUU ,  par  corruption  d'JElia.  Nous  laiflbn^ 
aux  Sayans  lç  foin  da  rechercher  PorigrafrÔ* 

fif, 


68  Histoire 

~ — —  Se&e  Mahornétane  (4)  avoîc  plufîeurt? 

h  c' iiï Ji  foischangé  de  makre  &  dé  domina- 
tion. Plusieurs  foi*  elle  avoir  été  dé- 
truite &  rétablie  j  mais  la.  révolution  ^ 
la  plus  terrible  qu  elle  fouffrit,  révolu- 
tion annoncée  p^r  Ve$Frophéres,arrivà 
fousTiws^ui  la  mina  de -fond  en  côm-~ 
ble.  Elle  refta  long  -  terc»  enfevelie 
fous  Tes  débris.  Enfin  délias  Hadrien  , 
le  reftaurateur  des_Temples  &  dey- 
villes,  la  fit  re&âtn:  &  ltji  donna  W 
nom  d'ŒliaCapîtolina."  ft  sW falloir 
bien  q\\e  la  nouvelle  Jcrufalera  eût 


cette  ville,  &  de  trous  apprendre'  fi  'eue  'S  eft ■» 
appellée  Salem ,  fi  des  d^iut  norns  Jqbus  5c 
Salem  •,  on  a  formé  célui;deJértifafem^-,fi 
Melchifédech l'a  habitée  du  tems  d'Abraham^ 
fi  elle  étoit  dans  la  Tribu  de  Juda  ou  de  Ben- 
jamin ,  oaen  partie  dans  l'une.  &  dans  l'autre  r 
enfla  quelle  étoit  Ton  ancienne  étendue,'  & 
quelles  ont  été  {es  révolutions.  Fôyezfirr  Je» 
tnfiUem  t  BJltnâ  ,  d'Hirfolêi  &  '■  lis tfrj*- 

&""•  :. 

(a)  Voyez  les  deux  dernières  notes  du  livre 
précédent  ;  nous  aurons  occaûon  de  parler 
encore  dans  la  fuite  des  autre*  fuperftïtions- 
dès  Mahornétaits  ,  touchant  Jérufalem  &  du 
voyage  deMahomet  au  Ciel.  Tous  les  Orient 
taux  difeiu  que.  Jérufalem  eu  le  milieu  de  1* 
«rre». 


ftt  Saiadin.  Lit.VHI.    tf? 
Vétcndue  &  la  magnificence  de  l'an-  . 

cienne.  Toute  la  montagne  de  Sion  ±ê\\&< 
autrefois  habitée  refta  déferre  t  mais  - 
op  ^enferma infenfibleroenr  dans  la 
nouvelle  enceipte  lç  mont  Calvaire  y 
<*}  qui  étoit  auparavant  hors  des  mu- 
rai lk  s.  Les  Infidelles  chafférent  les: 
Chrétiens  cfe  h  Cité  Sainte  &  en  fu- 
rent cfaaffés  àkur  (eus  par  Héraclius  f 
mefcpçttd^f&ns  après ^  fous  le  réçne 
te  <$t  ppioereur^  îc  fous  le  Khahfat 
d'Omar ,  les  Mahométans  fe  rendis 
sent  maîtres  de  la  Judée  &  de  la  Capi- 
tale de  cette  Province.  Ils  élevèrent; 
fat  le  lieu  qi  l'on  voyoit  autrefois  le 
£upeux  Temple  de  Salopum  >  une; 
fuperbe  Mofquée  *jui  iubfifte  encoce 

(<x)  Tous  les  Orientaux  Chrétiens ,  Juifs  8c; 
Mahométans ,  dîfent  que  la  tête  d'Adam  eft* 
enterrée  fur  le  Calvaire  ,;&  que  la  Croix  deA 
Jefus-Chrift  nrtpkméepr^dietnent  dans  le    .  ^ 

lien  oti  cû  cette  yg»;  tes  Hébreux  appeiloienr  ~ 
le  Calvakq  Golg^th*,  &  lés.  Crabes  Cra- 
nion  ou-  Acranion*  Ils  ont  t&é  ce  mot  du. 
Grec.  Gofeotha  .  Crànion,  Calvaire  ,  figni- 
fient  la  mène  cnofë ,  8i  viennent  de  l'opi- 
nion donrnous  parlons  9  touchant  le  Crâne' 
d'Adam..  Il  y  à  dans  la  BMot~du  Roi  un 
mannfr rit  Arabe  qui  contient  une  longue  con* 
jrer&tion  entre  ce  Crâne  &  Jefuj-ChrUL 


f9  -ttïSfOtSÊ 

de  nos  Jours ,  &  pour  faquelle  ces  pefci 
VS'  wJ^pfes oM  me  fr grande  réitération.  (*tt 
'  Les  €iroS£*  1*  cftangére»r  en*  Eçlife 
&  y  adorèrent  le  Meffîe*  Jéitefaïeiw 
firop  connue,  pàtâ  êtte  décrite  atfed 
plus  cfc  détaif,  étoît  fltavfe  terns  dons 
notisparîoas,  ptas  ïongue  que  large,  <fc 
renfermai  t  aa  Sutf-Oaeft  l^montkgiiè 
cTAcra  „  &F€hf en* cellëde  Rftoriàh  <o# 
étoit  le  temple  ^  m  Nord'  la  <*fifti# 
de  Béfétfca v  &  ad  Nerd^Oueft  celte 
du  Calvaire. J  :/  ir     * 

Les  Wèorieî»  difënt  <fiiff  àfroitf 
alors  dans  faPlace  fehtaàte  mille  hcftn«r 
mes  en  <é*at  de  porter  tes  armes  r  fans 
eon^^Ttt  vieHfards,fesfeimmesJ&  fest» 
enfans  ,iiombreprobat>!emeht  exagère^ 
maïs  qiuls  rendent  vraiïemblaBie ,  en? 
ôbfervant  que  lesHabiuns  des  cam-* 
pagnes  &  ceux  des  villes  conqui fes% 
«*t.<s*um.  éroteaK  accourus  à  Jémfalcm.  Baléar». 

Boha.edd.  A:  mal  obéi ,  împii*  tfabord  aux  Cm 
A^ui-f*  moyens  une  ardent  qttffe  taflentitfcfere* 
schéik-zem,  tôt  après.  If  créa  ptufieurs  Cfievalïers? 
**  parmi  fes  Bourgeois ,  croyant  leur  don* 

Ber  plus  de  bravoure  par  cette  eéré- 

.,  i  i        m.,'  i        ■      I* 

{a)  Voyez  ce  que1  nous  avons  dit  plus  haotf 


ftionie ,  Se  fit  faire  de  la  mofcnôye  avec  *85~ 
forgent  qui  couvrôirlà  Chapc^dh'  £*&£& 
Sépulcre  on  dé  Ia>  Réfurre&ion ,  mo^    * 
Àument  de  la  piété  d'Hélène  &  de  la 
magnificence  des  premicrs-Empéreurtf 
Chrétiens; 

Les  Sarradns  furent  étonné*  du* 
grand  nombre  de  troupes  qu'il*  trou** 
vêtent  for festrturaîBes  en  approcher 
de  la  vilfe.  13*  Àefférent  Fàttaque  dot 
côté  Ocddfcmal  le  teieurf  fortiffé,&  dé* 
fendu  fartamp&r  dèo*  grottes  tours  oue 
ckadellfcSjappelîées  fune  Hippicosfau- 
rre  Pfiphimtm  €*ftti'pifivt<hqiïon  croit? 
Itre  k  toar  4e  David  ,  dont  il  eftToû* 
vent  partie  éfens  Tes  BetivîalnsdeïCrdi^ 
fades.  Les  AtTiégésfi*ehtdâ«s  les  corn- 
mencemens  tmevtgckrrebfe  réfiftànce; 
PhiGetsrs  fois  Ils  «cftctére&r  .  f ennemi? 
&  brûlèrent  fes  machines.  Il  eft  à  re- 
marquer  me  dàm'ces  foftfes,  la  plu- 

Gît  d'entreui  avëient  des  pêlës  avec 
quelles  ifc  -Ç èfctfem  de  la  potiffiérd 
aux  yeux  dfes  Sac  rafins  pouf  les  avet*- 
gler  >  &  les  combattre  avec  ptos  d'a- 
vantage. Saladin  ayant  feir  pendant 
huit  jours  <fe»  efforts  intrrifes>  &  voyant 
fes  Solda»  rebutés  de  leur  peu  de  fitc- 
ces ,  prit  le  parti  de  changer  Fordre  es 


Hé  g  II  mont* à  cheval  *  &  alla  luî-raém» 
}♦  %i\*ï.  vifii£  ïes  lieux.  II  découvrit  que  la 
partie  Orientale  étoit  la  plasfoibïe* 
&  réfohit  d'y  portée  l'attaque.  Il  fit 
tout  préparer  dans  le  filencc  de  ïa  nuic 
pour  n  être  pas  troublé  dans  Tes  def- 
ieins,  &  partit  à  la  pointe  du  joair^ 
Comme  le  pays  étoit  coupé  de  mon- 
tâgtres&  de  couines  ,  il  fallut  faire  un 
long  détour  >  -  Se  s'éloigner  de  la  ville» 
Ceux  qui  gardèrent  Je»  murailles  9 
trompés  par  cç  mouvement  t  croyept 
êtredélivrés,.&  annoncent  cette  agréa? 
ble  nouvelle  au  refta  des  Habitans* 
Alors Xj hommes ,.  femmes; ,  enfaos-, 
yieHteds  y  tous- fortune  des  maifons  9 
remplirent  les  rues ,  &.fe  livrent  aux 
accès  d'une  joy£  immodérée.  Mais 
tandis  qu'ils  courent  en  foule  aux 
Eglifes ,  pour  remercier  Dieu  de  leur 
bonheur  y  les  Sarrazins  paroiflem  de 
l'autre  côté  fur  le  monc  Ôlivet.  Les 
cris  de  la  défolatiou  fuccédent  aux 
tranfports  d'allégrefle  ron  pleure,  oa 
£e  lamente,  oh  rafle  de  la  plus  grande 
confiance  au  déief poir  le  plus  affreux» 
Saladin  ne  perdit  pas  un  moment? 
de  temsj  il  étoit  arrivé  vers  le  crépuf- 
cuie  dufoir  pSc  fit  élever  avant  la  fin 

du 


r 


bs  Sa  LAD  in.  L  iv.  VIII.  7$ 

du  jour ,  plusieurs  machines ,  Se  envi- 
ronna fon  camp  de  paliffades  d'oli-,  j^*,^ 
tiers.  Dans  l'oofcumé  de  la  nuit ,  il 
commanda  aux  pionniers  d'aller  com- 
mencer leurs  ouvrages  contre  les 
avant-murs  ,  appelles  murs  de  barbai- 
canes.  Le  lendemain  au  lever  de  1  au- 
rore ,  il  fit  armer  dix  mille  cavaliers 
&  dix  mille  fantaflins.  Les  premiers 
eurent  ordre  d*aller  fe'pofter  aux  por- 
tes de  faint  Etienne  &  de  Jofapbat  * 
qui  afcotiriflôient  de  ce  côté ,  pour  em- 
pêcher les  Affiégés  de  faire  de$  forries. 
Les  Ceconds  furent  chargés  de  marcher 
avec  les  mineurs  >pour  lés  foutenir  Se 
favorifer  leurs  travaux.  Ces  faurafflns 
avoiettt  outfe  leurs  boucliers  ordinai- 
•tes ,  un  antre  grârtd  bouclier  nommé 
iargue  ou  targe  (a)  qui  les  couvroh 
entièrement ,  &  dont  ils  formoient  une 
efpécéde  paliffàde  contre  lès  traits  des 
ennemis  ;•  derfiéire- laquelle  lesAiV 
chers  lançaient  leurs  tiéché*.  (Cette 
troupe  s  avança  dafis  cet *>rdre  Jufqties 
aux  barbâcanes^eS  mineurs  Se  le*  pion- 
—  -         '  '      >■  ■  «  1 1     »  i  ■■ . 

(a)  Tarcir  ,  Targrr  9  (  operiment*  quibui  *â 
\Hnros  MccedeMes :,  ni  Udertniur  ,' protegt- 
'  hmniur.  )  -•  •  «.  '  ....••      *  * 

Tome  IL  Q 


74  r  Histoisli 

nicrs  fautèrent  dans  le  foffé  ,  Se  fapé- 

Hég.  f85.  rent  ie$  murailles. 

•  *c*  "  7*  Dans  le  même  rems, les  machines 
agifloienf  fans  relâche ,  contre  la  tour 
dite  angulaire»  Ceux  qui  la  gardoient 
coururent  dans  la  ville  avertir  les  Ha- 
bitons du  danger  commun  ,  &  les  ex-. 
horiçr  à  faite  leur  devoir.  Les  Affié- 
gés parurent  un  moment  (tir  le%  rem- 
parts ,  &  furent  bientôt  écartés  par  les 
flèches  &  les.  traits  dont  on  les  acca- 
bla. En  vain  voulurent-ils  interrom- 
pre les  travailleurs  en  jettant  fui*  eux 
des  pierres  &  do  plomb  fondu.  Les 
Sarrazins  fe  .  fervirent  ftetout  avec 
beaucoup  de  fuccès  &  d'adreiTe  de  ce 
feu  grégeois  inventé  p^r  uncertaia 
Gallinicu*  d,Helt<>poljs  (,oa,d<e  BagJ*» 
bek)  fous  le  regnp  de  Conftaptin  Pc- 

§onat.  L'effet  de  ce  feu  terrible  itoit 
?acqMérir  de  nouvelles  forces»  dans 
J'^aiu  Qn  ne  l'éteigftpft.  qiniyec  du 
vinaigre,  du  iaWé,;  dc!rurinç>&  mô- 
c  me  avec  de  l'huile.  Qn  le.  >t0»oit  or- 
_  di  nai  terrant  enfermé  dans  d^phioJes 
de  verre  ou  dans  des  pots  de  terre.  Dès 
que  ces  vafes  jettes  parles  machines , 
[  étoient  brffés  »  M  matière  s'çnflam- 
*  môit  &  br uloit  tout ,  jufques  aux  pieç- 


h  C.    Tltj. 


t>B  SALAftî».    Itf/VlIIi  75 
res ,  difent  les  Hiftorien*  <fti  tems ,  qui 
mêlent  toujours  le  merveilleux  avec    iHrg'J.tl# 
ta  vérité.  (4)  Cependant  les  mineur* 
avancèrent  retiennent  leurs  eaVrages, 
qu'ils  minèrent  en  deux  jctatfs^qulftzë 
toifes  de  murailles ,  les  étalonnèrent  « 
avec  du  bois,  y  mirent  le  feu ^  tout 
s'écroula  dans  tes  fofiès  avec  fracas. 

Le  trouble  &  la  cenfufion  augtoen' 
toienrdans  la  viHeavecie  péril.  Dan* 
cette  agkittïeirg^riferateV  les  plus  jeû- 
ner parmi  1«  Aiîïégés,  montent  à 
cheval  dam  Fefpéradce  de  repoufle* 
fesaemi  par  une  a&ion  de  vigueur; 
On,  Icttf  ôtfrtela  porte  4e"  Jofaphat, 
à*  en  fottettr«fc  tombent  avec  fttrènt 
(«ries (Cavaliers «que  le  Srfrliafn  avoit 
placés  eft  cet  endroit',  précaution  fa- 
ge  qui  rendit  ces  efforts  inutiles.  Les 
Sarrawns  reçurent  cette  troupe  ,  la 
lance  en  arrêt ,  &  après  arôît  efluyé 
&  première  âf&u*,  9s  là  pôurfuM* 
rent  8c  la  firent  rentrer  en  défordre. 
r  Alors  oh  tifentènfit  plus  dans  Jé- 
ta&lein;  que  des  cris  &  des  gémifle- 

(a s  H  faut  détruire  tous  les  fondemens  de 
Tttiftoire1;'  i  l'on  croft  avfec  quelques  Chy- 
irâes,; quitte  eftuitefable'<;  ;      :»- 

Gij 


j6         .    "Hl  tfTOf  *B  : 

mens,    La  frayeur  >  le  danger  pref- 

tfçg.  fis.  ^ant  »  '  *d*e  ^e  *a  mort  »  **ren*  ^ -A 
J.  c  \i%7\  coup  de  ce  Peuple  pervers  ,  on  Peuple 

'  pénitent.  Il  recourut  d^  le  malheur  4 

Dieu  au  il  oftenfait  fans  remords  da«  s 
♦  la  profpéritc.  On  fe  frapoitlapoktihe 
*veç  des  pîçrre? ,  en  criant  miféricor^ 
de ,  on  £e  déchiroit  Iç  corps  à  grands 
coups  de  difciplifie.  On  fe  profternoic 
dans  les  Eglifes  ;  les  Religieux  ,J es 
ReHgjeufes  iprtis  de  leurs  Mpnaftérôf 
alloienc  en  proçeffion  autour  deq  mu- 
railles ,  £ieds  puds ,  portant  des  croix  * 
&  chantant  des  Pfeaumes.  Les  femmes 
fêlant  des  pratiques  fuperilirieufos  à 
ces  ades  4e  dévotion  firent  mettra 
d^ns  le?  Plaças  publiques  >  &  ppiacîpai* 
lement  devant  le  faint  Sépulcre ,  tdç 
grandes  cuves  pleines  d'eau  froide  >  y 
plongèrent  leurs  filles  }ufque$  au  ml  » 
&  leur  coupèrent  les  cheveux,  croyant 
npoaifçr  par  c^ste  *&ion,  Ifcrfoiéfeofe 

Tandis  que  les  Chrétjiwisfet}gu6lent 
de  leurs  plaintes  inutiles  9  kuf  Pieu  ir- 
rité contre  eux  &  fourd  à  leur  voix.,. 
Saladin  poulîoit  le  fiége  avec  la  plus 
]»^i4e  vigueur.  Déj^ ynç  partie  de  lu  > 
tour  angulaire  à^f  xcrâ  tnfcê  gaç  l'ef- 


»Ê  S  Al  a»  in.  «Lïf.  Vtïl.  jf 
ici  des  machines,  &  la  ville  ouverte 
de  toutes  parts.  Parmi  ce  grand  nom-  jfc?'iîï> 
bre  d'Habifans,  Jéru&lem  trouvoic  à 
peine  quelques  défendeurs.  On  fe'li*- 
vroir  à  la  douleur,  on  cou  roi  taux  EgH* 
les,  au  lieu  de  courir  aux  armes.  Le  dé- 
couragement était1  tel,  qu'on  ofïroft 
cent  bezans  à  ceux  qui  vouloient  paflèr 
une  feule  nuit  fur  la  brèche,  &  per* 
forme  ne  fe  préfentoit.  Cependant  on 
rougit  tnbn  de  tant  de  lâcheté.  On 
tint  un  confefl  général ,  &  l'on  dit  qu'il 
falloit  forrir  tousenfemble5faire  un  dei> 
nier  effbrtpour  déKvrer  la  Cité  fainte , 
ou  mourir  au  moins  avec  gloire  en  dé- 
fendant la  Religion.  Tous  les  Citoyens 
applaudirent  à  cet  avis ,  &  prièrent  Ba- 
léan  de  fe  mettre  à  leur  tête.Mais  le  Pa- 
triarche qui  avoit  dans  la  ville  autant 
d'autorité  que  Balcan  ,  &  moins  de 
.  courage ,  loua  leur  réfolution  ,  &  ne 
l'approuva  pas.  Il  repréfenra  que  les 
ennemis  croient  trop  bien  retranchés 
•pour  être  forcés  dans  letir  camp ,  Se 
trop  nombreux  pour  être  vaincus. 
Qu'on  animeroit  inutilement leur  ra- 
ge, &  qu'on  les  exciteroit  à  la  ven- 
geance. Que  cetteentrewrife  plus  hir- 
die  que  prudence»  expoieroit  la  vie  & 

G  uj 


yf  Hiferorai 

la  Religion  des  femmes  8c  des  enfiink 

ïc!  ni3!  *¥**  reftotent  dans  la  Place  ;  enfin  que 

*  "  1%  dans  l'extrémité  ot\  Ton  fe  trou  voir* 

au  n'avoir  .de  reflburce  que  dans  une 

foumiffioii  promte  ,  &  qu'il  valoir 

.mieux  implorer  la  clémence  iefes  en- 

nçrais  >  qu'irriter,  leur  colère.  À  cette 

proportion ,  toute  latfèm&lée  fondit 

en  larmes.   L'idée  d'abandonner  ces. 

lieux  refpeétables  où  te  Sauveur  avoir 

Terfé  tout  fort  fang  pour  le  falur  dvt 

monde  y  fjtifok  frémir  ces  Chrétiens 

devenus  zélés  par  le  malheur»  Néan^ 

moins  on  fut  obKgé  de  fui vre  l'avis  du 

Patriarche,  8c  Baléan  lui-même  fut 

dépuré  vers  Satadin,  avec  Régnier  de* 

Napoulous&  le  Patrice  Thomas. 

.    »  Je  fey  ois  bien .,  feur  dit  le  Sulrhariv 

*que  vous  viendriez  me  demander  la 

npaix.  Il  falîoit  l'accepter  lorfqué  je 

»>  vous  loffrois  moi-même.  Votce  con- 

h  fiance  vous  a  perdus.lt  n'eft  plus  tem& 

»  de  parier  de  capitulation.  Je  nen^ 

w  trerai  daas  Jérufalem  qu'à  force  oa- 

»  verte.  Ma  Religion  m'ordonne  de 

w purifier  par  le  fang  des  Chrétiens* 

»»  cette  ville  fainte  que  vous  avez  fouiL 

»  lée  en  y  entrant ,  par  le  carnage  de 

»  tant  de  Mufuiœans,  Eafin j'en  ji&tt 


ton  SaiAdin.  Liv.  Vin.  j$ 
n le  ferment ,  &  je  ire  pois  devenir  par- 
ti jure.  •«  Les  Francs  furenrdans  la  plus  Ht*.-  *« j. 
grande  déflation  fin  apprenant  cette  ,,c*  ll87* 
nouvelle.  Cependant  ils  renvoyèrent 
encore  pi  nfïears  fois  Balcan,  pour  tâ- 
cher de  fléchir  ie  Vainqueur. 

Balcan  propofa  cent  mille  bezans 
au  nom  des  Citoyens.  Cette  offre 
ayant  été  rejettée ,  i  1  pria Saladm  cfim- 
pofer  lui-  même  telles  conditions  qui! 
vôadroir.  Le  Snlthan  fe  tournant  vers 
la  place ,  8e  montrant  (es  étendards 
qui  flortoiem  for  les  murailles ,  repré- 
fenta  au  Député  qu'on  n'accOTdoit  pas 
des  conditions  pour  une  vitte  pnfe. 
En  effet ,  la  conférence  Te  tenoit  dans 
un  lieu  élevé ,  cPoù  Ton  découvrait 
toutes  les  opérations  du  fiege.  On  don- 
noit  dans  ce  tems-là  un  aflaur  gêne- 
rai ,  &  tes  Sarrazins  montés  fur  les 
remparts,  y  a  voient  déjà  planté  leurs 
bannières  ,  mais  ils  furent  peu  après 
repouffés.  »'Ne  croyez  pas,  dît  Baléatt 
»que  Jérufalem  manque  de  défen- 
ï»  leurs.  Il  y  a  un  très  grand  nombre 
frd'Habirans  qui  ne  combattent  point , 
»  croyant  obtenir  une-  capitulation* 
»Dès  qu'ils -auront  perdu  toute  efpé- 
»rance»  forcés  de  défendre  leur  vie, 

G  iiij 


Ço  HlSTOl&B 

»  ils  deviendront  des  Soldats  ihtrépu 

3.Hc?ix8\*  M(*es#  En^n  >  SeîgMUi  9  taiiïcz-vou*. 

Tbid         n  toucher  par  les  prières  de  tant  de 

scheik-zem,  s»  malheureux  qui  vous  crient  amman  , 

Ah^uiPh.    $>  par  don,  mifericorde»«  Saladin  re- 

Î gardant  ton  ferment  comme  un  lien 
acre  que  les  hommes  ne  pouvoient 
dénouer  ,  fut  inexorable ,  &  répondit 
qu'il  ne  lui  étoit  plus  permis  d'écou* 
fer  la  voix  de  la  pitié. 

»  Et  bien ,  répliqua  Baléan ,  puif- 
»  qu'il  faut  mourir  »  apprenez  quelle 
i>eft  notre  dernière  réiolution.  Nous 
»  allons  la  réduire  en  cendre  ,  cette 
«ville, avant  que  de  vous  la  céder., 
»>Nous  brûlerons  nos  maifons ,  nos 
v  meubles*  nos  effets,  nos  richeffes* 
«nous  dilToudrons  même  for  &  iar- 
»  gent.  Votre  fuperbe  Mofquée  (*).  fe- 
v ra détruite  jufquesaux  fondement, 
»  &  la  pierre  de  Jacob ,  (b)  objet  de 
»  votre  culte ,  fera  bdfée  &  mife  ei* 
wpoufliére.  Nous  ferons  périr  dans  les 
w  tour  mens  les  plus  cruels^tous  les  pri- 
iifonniers  Mahométans,  qui  font  au 
»  nombre  de  cinq  mille.  Enfin  dans 

(ab)  Voyez  les  notes  précédentes  fur  1* 
Mofquée  &  fur  cette  pierre^. 


ht  Sà*àdin.  LiV.  VlII.  it 
itFaccès  de  notre  défefpoir ,  nous  jet- 
*>  terons  dans  les  fiammes,nos  femmes  ***?  Jjj- 
*>&  nos  enfans  après  les  avoilégoc-  J*  *M 
»gés.  Nous  nous  présenterons  cnfuitcf 
*>a  vous  l'^pée  à  la  main  >  &  fi  Diei» 
99r  nous  réfute  la  vi&oire ,  il  nous  accor- 
dera du  moins  une  morr  glorieufe  y 
9»  &  le  pardon  de  tant  de  fureurs  dont 
9tvous  aurez  été  la  caufe.  u  Revenez 
demain ,  lui  dit  le  Sulthan  effrayé  de 
ce  tableau  d'horreurs  ,  »  je  confufrerat 
j»les  Dofteursde  ma  loi  fur  le  ferment 
«qui  me  lie;  je  vous  accorde  une  trê- 
»  ve  dans  l'intervalle. 

Les  Imams  &  les  Cad  h is ,  fculs  Ju- 
ges  dans  les  points  de  doûrinè  &  dt 
inorale ,  décidèrent ,  félon  les  fubtili- 
tés  d'Àriftore ,  traduit  en  Arabe  fous 
AUmamoum ,  &  dont  les  Mahométans 
avoient  adopté  la  Philofophie ,  que  la 
foi  du  ferment  ne  feroir  point  violée, 
fi  les  Chrétiens  fe  rendoienc  à  difcré-  v 

lion ,  qu'il  feroit  permis  enfuite  au  Sul- 
than de  pardonner  à  fes  efclaves ,  & 
de  leur  faire  acheter  la  vie ,  &  même 
la  liberté  à  prix  d'argent ,  diftinâion$ 
heureufes  lorfquelles  ne  confeillen* 
que  des  a&es  d'humanité.  En  confé- 
rence Saladia  dit  le  Jeudemaia  à 


8*  HTstotiti 

Baléan,  qu'il  r  ecevoit  la  foumiffîôirxfc* 
*%*  ***•  Habitans ,  que  dans  l'iefbace  de  qua- 

J.C  1187*  •  *.ik  •       ^  !      _ 

rame  jours,  ife  payeroient  pour  leur 
rançon ,  les  hommes  dix  bëzans  ou 
écusd'or  ;  les  femmes cinq ,  les  enfan* 
deux  ,  &  que  tous  ceux  qui  ne  rempli- 
roîenr  pas  cette  condition  ,  demeure* 
roient  en  fervitude. 

Ces  articles  furent  lignés  fe  Ven* 
iccii  vingt-fept  de  ïa  Lftne  de  Red- 

?eb  cinq  <fcns  quaitre-vingt  trois  de 
Hégire.  Les  Mahomérans  ne  mat*- 
Sucrent  pas  de  le  fouvenir  dé  la  prés* 
iûiorn  faite  autrefois  à  Saladin  qu'il 
prendroit  Jférufalcm  dans  €e  mois  r 
(^r)  &  de  regarder  comme  un  augure 
favorable  &  une  preuve  certaine  de 
laprcre&ion  du  Ciel,  ]a  circonftance 
de  ki  fête  qtfrls  célébraient  le  même 
jour ,  celle  du  voyage  miraculeux  que 
Mahomet  fit  dans  une  nuit  de  ta  Mec- 
que à  Jérufalem ,  &  de  Jérufafem  ai* 
Paradis ,  où  il  vie  tant  de  choies  mer- 
▼cilleufes  ;  voyage  appelle  par  fes  Sec- 
tateurs Mérage  ou  Âlcenfion.  ty)  Le» 

(a)  Nous  enr  avons  parlé  plus  haut  L.  f  #. 
pMf.  $67. 
(fl  Mérage  %  ce  mot  figpifie.  Afcenfio*» 


lie  Sàljldïn.  Lit.  VIII.  $$ 

Chrétteos  obfer  vérenc  auffi  que  la  Cité 

fainte  conquife  par  les  Croifes  du  tems  /i^,1jU* 

du  Pape  Urbain  IL  fut  repf ife  par  le» 

Infidelles ,  fous  le  Pontificat  d'Urbain: 

ÏU.  (a)  BU  avait  été  poOcdée  par  le» 

Francs  pendant  quatre-vingt-huit  ans  , 

&  gouvernée  par  neuf  Rois  tous  Fraa* 


montée.  Les  Mahométans  difent  que  la  nui* 
du  27  au  28  Redgeb  ,  &  l'a  dbuzrlme  année 
de  la  mifîîon  de  Mahomet  rIe  Prophète  trans- 
porté rmraculeufernem  dat»  le  Temple  de 
Jérufalem ,  après  avoir  fait  fa.  prière  ,  appeiv 
futenfortaat  w animal  e^traordinaicenonv 
mé  al-Borak  &  çuttenoit  de  l'âne  &  du  mu* 
let;  qu'il  monta  fur  cet  animal  &  fut  enlevé* 
priqu'au  plus  haut  des  Cievx ,  011  il  vit  un* 
infinité  de  chofes  merveillèufês  décrites  dans 
jun  livre ,  nuîa.peur  *iere  Ket*1>~*UMér*g9  „ 
JLivre  ou  Traité  de  V hkw&otu  fis  donnent 
auflïà  ce  rqirade  fuppoft ,  tenetn  de  #?-Al& 
è*tb9  Réfiirreâion,  &  il&encéléb«nt  tous 
les  ans  la  mémoire  par  de  grandes  réjouiflan- 
ces.  Cette  Fête  s'appelle-  L*iUt»*l-AîéM£$  ^ 
la  nuit  de  l'Aicenfion. 

{a)  Corameon  remarque  que  l'Empire  qo* 
svoit  commencé  à  Rome-par  Àueufte ,  finit: 
par  on  autre  Augufte  ou  Auguftule,  que 
Confondit  fonda  l'Empire  de  Conftantino- 
pie  qui  fut  détruit  fous  un?  Conftantm ,  que: 
te  premier  Roi  des  Wifigots ,  ainfiquelcdej^ 
nie/  ft  fin  un  Àlans  h  &&» 


$4  *  .&*•*  TOltt. 
çois  d'origine.  (4)  Cet  événement  rti£. 
iHc  •»îîi"  morable  arriva  lou$  le  régne  de  Na& 
*  7'  fer-eddin ,  Khalife  de  Bagdad ,  d'I&ad 
l'Ange  Empereur  dOtiefode Frédéric 
Barberoufle  Empereur  d'Occident,  de 
Philippe  Augufte  Rcfi  de  France  y& 
de  Henri  IL  Roî  d'Angleterre ,  le  pre^ 
mier  ou  le  fécond  Ottobre  de  Tannée 
onze  cens  quatre-vingc-fept ,  époque 
à  jamais  funefte  à  la  chrétienté. 

Les  Habitons  qui  avaient  pleuré 
pour  avoir  une  capitulation ,  pleure* 
xerit  après  f avoir  dbtenue  ;  ilsjie  pou- 
rvoient fc  confôler  de  la  perte  des  lieu± 
&infe  Cétoit  un  fpedacle  bien  arteri- 
driflant  de  les  voir  s'efftbraffèr  les  uns 
les  autres .  fe  demander  pardon  de  lew 
Êaine,  de  leur  divi/ïon,  lever  les  mains 
au  Ciel  en  gémiffanr ,  bai  fer  avec  rek 
peék  les  murailles  des  Eglifes  qu'ils  ne 
dévoient  plus  revoir,  fe  tenir  profter- 
nés  dans  le  faint  Sépulcre  le  vifage 
collé  contre  terre ,  &  arrofer  de  leuss 

:r        '  1  1    m  1  11  1  !    » 

[a]  Les  Crotfcs  avaient  pris  Jérufalem  le  t  j 
Juillet  j  099.  Les  neuf  Rois  de  Jérufalem  font 
.Codefroi  de  Bouillon;  Baudouin  L  Bau- 
douin II.  du  Bourg,  Foulques ,  Baudouin  III. 
•  .Alméric  ou  Amaury,  Baudouin  IV.  le  Lé« 
preux ,  Baudouin  V.  &.  Gui  de  Lu%*a, 


as  Saiabih.  Liy.VIII.  85 
larmes  les  lieux  où  leur  Sauveur  étoit 
mort.  Mais  les  pauvres  qui  pe  pou*    Hé6-  ***• 
voient  payer  leur  rançon,  8c  derneu-  h  C'  n  1% 
roient  efclaves  félon  h  convention  ? 
étaient  tout  autrement  affligés.  11$ 
pouffaient  de$  hurlement  horribles , 
sarrachoient  les  cheveux  dp  défefV 
poir ,:  &  déchiraient  Jeurs  vétemens/ 
Cependant  Huilant  fat^l  approchoit 
où  Fan  devoir  fortir  àt  ;Ja  yflte  ;  le  teri* 
me  de  Quarante  joué*  pliait  expirer.  * 
Saladin  ne  fut  Jamais  fi  grahd  qtitf 
dans  cette  occafion,  parce  quel*  vé- 
ritable grandeur  confifte  plus  à  Faire 
du  bien  à  l'huma^Hté  par  des  aéhomr 
genéreufês,  qu'à  la  détruire  pair  derf 
expiâtes  meurtriers  ,!&  par  dés  con- 
quêtes, lidiftribua. dans tèus  les  qaar  - 
tiers  de  la  ville,  des  côjps  At  garde,  de* 
Officiers,  &  dans  chaque  rue,  4és  (bn- 
ttaelles  pour  réprimer  les  violfenceé 
des  Soldats;,  &  lés  Smpêéhet  tfmfiil- 
tér  au»  Chcértewi  Itpërrriif  aux  Grecs 
&  aux  Syriens  de  demeurer  dans  Jéra* 
faleni ,  &  leur  céda  TEglîfê  du  fèint 
Sépulcre.  Il  voulik  qu'on  laiflàt  tous    ifc**. 
%  les  malades  dans  les  Hôpitaux  ,  ordon- 
na qu'otites  traitât  à  les  ptopres  dé- 
pens 9  ôc  consentit  que  les  frères  Ho£ 


S<$  Histqub 

'  pitaliers  cpntinuaffem  d  en  avoir  foin 

hè\\f7. i^V1'* ^ur  parfais  guçrifon. 

*  *  Dans  le  même  rems  on  recevoir  la- 

rançon  de  cçw  qi*i  pouyoienc  payera 
Les  paujrtff$étpiej>t  faic^  ç&ltvta.  Le 
Sulthan  en  délivra  nlille  à  ia  prière 
«jfefbn  itère  Séiff-eddi^Adel  >&  mille 
autres  à  la  foliicitarion  de  Balcam 
m  Vous  avez  faif  9  lçur  dit-il  y  vttaeau* 
»j.rnônel'iia&  l'autre  jilîeil  jufte  que 
m  je  fafle  la  inienfig.  Publiez  dahs  hr 
»  jrille  flue  r<ws4cfr  ptfuyiË*  peuvear  «n 
v  farcir ,  &  quCr  jer  leur  donne  Ja  li- 
m berté.« Les Hiftoijiens  nousaprjren- 
uppt^jue  le  nombre  ei*ctok  twrs-don* 
(ùiér^bie,  Eijfift  lei  j^ur*  arriva^  trii  # 
falJoi^yuidjer  la  place.  rOtiiierfnatou-. 
tçs  ,les  #$çtçs  >  excepté  <>$ltedH  David  v 
pat  lacju^lkle^Habimns  devaient  dé- 
filer. j&la4i\i .  affis  fur  fon ,  trône ,  les 
fit  tpus  paffer  devant  lui  *  moins  pour 
jouir  de  fa  viftojre  de  ;kr£vet*  ipg.  in* 
fortunés, que  pour  fouiàger  ltarnini* 
(eue.-  •   •       ;  !  ;    -  rv  ,*""  "•:    . 

.   Héraclius  parut  le  premier  fuivi  de 
tout  le  Clergé  féculier  &  régulier.  H . 
avoit  enlevé  les  lames  d  or  &  d'argent , 
les  yafe*  {acres ,.  &  le  tréfor  du  faim 
Scpulçcç  j  JJès  Sarrazim  vpulaieacjc* 


se  Salàdih.  Liv.  VIJL   87 
tenir  ces  richeffes,  parce  que  félon  le 
traité  »  elles  app&rténoienr  au  Vain*"  H*g  <8j. 
queur-,  mais  le  Suithau  appaifa  cette  Jt  c-"8* 
concertation ,  en  accordant  le  coût  an 
Patriarche.  Baléan  venoit  après  avec 
les  autres  Barons ,  les  Chevaliers  &  les 
principaux  Citoyens*  Saladin  les  reçût 
avec  bonté  6c  leur,  donna  à  tous  des 
marques  de  fa  magnificence.  (*)  On  vit 
arriver  enfiiire  un  grand  nombre  de 
femmes^défolées  ,  elles  tendoient  les 
mains  vers  le  Sulthan  comme  des-fup» 
pliantes ,  lui  montroienr  ,pour  émou* 
voir  facompaflion,  les  petits  enfan» 
dont  elles  étoient  chargées^  verfoient 
un  torrent  de  larmes.SaUdin  Jeu  rayai*?    Ibji. 
demandé  le  Ctftt  dfe  leur  affli&ion  :  b 
m  Nous  avons  tout  perdu,  lui&rent-elr 
*»  les,  nos  maifons,  nos  biens^  notre  pa4» 
m  trie  y  nous  allons  errer.  Guis  iecours 
*  &  fans  efpérance »  dans  un  pays  qui 
#nous  eft  devenu  étranger.  Mais ,  Sei- 
»*gneur  ,  vous  pouvez  adoucir  nos 

(a)  Quelles  Hiftoriens  prétendent  quejja 
Reine  etoit  a  Jéru&lem ,  qu'elle  forât  avec 
deux  jeunes  Princeffes  fes  nlles ,  que  Saladin 
alla  au-devant  d'elle ,  la  confola  oc  eut  dout 
elle  beaucoup  d'égards.  Us  fe  trompent.  Cette 
Princeflè  étoh  allé  joindre  le  Roi  fon  mari. 


»maux ,  fi  tous  êtes  fenfible  à  la  pl- 
Hég.  ^83  i»tié..  Rçndejt-nous  nos  maris ,  nos  pc~ 
•j.ç.  ii*7.  ^rôs^  nos  enfaiis  que  vous  tenez  pri-r 
»fonnters.  Ils  nous  ferviront  de  guk 
4»  des  dans  notre  route  »  ils  foutien- 
»dront  notre  foiblefle»  &  nous  ai*- 
lieront  à  (apporter  jnos  malheurs» «* 
Le  Sulthan  touché  de  leur  état  déplo- 
rable, fit  chercher  parmi  les  Captift 
faits  dans  les  batailles  précédentes  t 
ceux  qu'elles  reclamoienc,&  Jes  leur 
rendit.  Il  fit  plut  encore*  Il  combla 
ces  (Femmes  de  préfens  proportionnés 
"à  leurs  qualités  &  à  leurs  bef  oins.  Cel- 
les dorit  les  parens  avoient  péri  dans  là 
guerre ,  trouvèrent  dans  fa  générofïté 
des  motifs  de  confolation.  Il  leur  lit 
ttes  dons  beaucoup  plus  eonfidérablea. 
-Per  fonne  ne  ih  préfenta  devant  lui,fan« 
recevoir  de  l'argent  ou  des  provifïons* 
il  rendit  à  ces  malheureux  Habitat* 
•au-delà  des *fommes  qu'il  en  avoir  r*» 
*irées.  EnBn  l'Europe  étonnée  admira 
-dans  un-Mafidman,  des  vertus  mcea- 
nue»s  auxChrétiens  de  ce  fiécle# 

Les  Francs  furent  conduits  avec  urte 

bonne  efeorte  jufques  fur  les  terres  de 

.  .JBoëmond,  fils  du  Prince  d'Antiochie 

&  devenu  Conttê-ide  Tripoli  paGifci 

mort 


be  Sàlàimn.  Liv.  VIÏI.  89 

Mort  de  Raymond.  Ils  s'attendoient 
•l'y  trouver  des  hommes  charitables,     K*-  |JJ* 
ils  y  trouvèrent  des  monftres.  On  leur  * l  7* 

ferma  les  portes  de  la  viIle,on  leschafla 
du  territoirc,on  les  pourfuivic  les  armes 
a  la  main  ,  on  leur  enleva  tout  ce  que 
les  Sarrazins  leur  avoient  donné.  On 
poulfa  la  barbarie  jufqu'à  les  dépouil- 
ler de  leurs  habits;  on  ne  refpe&a  ni 
le  (exe  ni  l'âge  ;  pn  Uifla  ûuds  dans  les 
campagnes, les  hommes ,  les  femmes 
&  les  filles.  Une  femme  (e  voyant  ar* 
xacher  le  peu  de  vivres  dont  elle  nour- 
rjflbit  (on  enfant  quelle  tenoit  dans 
fes  bras ,  le  jetta  furieufe  dans  la  mer , 
en  accablant  demalédi&ions  le  Comte 
Boémond  &  fes  Sujets.  . 

C'étaient  des  Chrétiens  qui  traif 
toient  ainfi  d'autres  Chrétiens.  Mais 
ceux  qui  s'étoient  retirés  auprès  d'A- 
lexandrie *  pour  paffer  de  là  dans  leur 
ancienne  patrie,  éprouvèrent,  un  fors 
bien  diffèrent.  Les  Mahométara  leur 
fournirent  ejes  tentes ,  leur  dreftérenjt 
une  efpéce  de  camp  hors  ta  ville ,  & 
leur  firent  tous  les  jours  d'abondantes 
aumônes.  Quelque  teins  après  il  arriva 
dans  le  port  des  barques  Génoifes , 
Pifannes  ,  &  Vénitiennes  frétées  par 

Tum.  IL  H 


90  H'iGTtux  r 

de»  Marchands  d'Italie,  qui  par  Veut 

*çïtl*7.  commerce,  Éaifoient  rentrer  en  E«~ 
rope  une  très-petite  partie  des  richef^ 
fes  que  les  Croîfés  avoienr  -portées  et* 

B»id.  Syrie,  tes  moins  pauvres  parmi  le* 
Francs  louèrent  ces  b&ctmens  ,  &  fç- 
difpoférent  à  partie  V  abandonnant 
fans  (crapule  leurs,  compagnons  che^ 
les  Infidélité  Les  Patrons" vinrent  fs* 
toh  l'u&ge  deraa»dfcr  leur  gouvernait 
à  l'Ënik  quf  commandeit  dans  1* 
Place.  Cetoi  d  leur  répréftma  qu'ils 
n'avoient  encore  embarqué  que  le 

!>Ius  petit  nombre  des  Chrétiens  On 
ui  répondit  que  rous  les  autres  étoîent 
de»  miféraMes  qui  nfevotenr  m-  âr^enr 
pour  payer  le  dtoit  dfe  partage ,  ni 
proviuons  pour  fei  route ,.  9t  qù  on  ne 
les  transporterait  pas  gratuitement. 
Cet  Emir  qui  par  un  ample  motif 
d'humanité,avoir  nou?rf  pendant  plu* 
fieras  mois  ces  étrangers:  ennemis  i rré* 
tondlia&tesde  fa  religion  &  de  foi* 
maître  T  far  étonné*  dfe  ce  dîïeours* 
Apre* avoir  reproché  vivement  à  ces 
Italiens  leur  avarice  &  leur  dureté  ^  iï 
promit  de  donner  lui-  même  les  vivresr 
&  Tes  provHbns  néceffàires ,  8c  les  fir 
-j^er  de  «e  p'cHnt  malcraiter  cette 


t>  E  S  À  L  À  D I  H.    1 1 V.  VIII.  pt 

troupe  dans  le  trajet  &  de  ne  la  dé- 
barquer que  dans  les  Ports  de  France    î1*!"  ,]ll* 

1»,      ...       i  é      r  J#t»,  11*7. 

ou  d  Italie ,  les  menaçant  de  fa  ven- 
geance ,  s'ils  violoient  leur  ferment. 
Ce  fut  à  ces  conditions  qu'il  leur  per- 
mit de  lever  l'ancre. 

Tous  ces  faits  paroitroient  peu 
croyables  T  s!ils  T  netoient  atteftés 
avec  encore  plus  de  détail ,  par  le  récit 
unanime  des  Hilloriens  Contempo- 
rains. Qu'on  ne  fe  récrie  donc  plus*' 
fi  eh  comparant  la  conduite  des  Francs 
&des  Infidelles ,  on  demande  laque  lie 
des  deux  .Nations  meritoit  le  titre  de 
barbare. 

Cependant  Saladîn  fit  Ton' entrée 
triomphante  dans  Jérufalem  avec  d'au- 
tant plu  5  de  pompe,qu*il  avoit  toujours 
regardé  la  prife  de  cette  ville,  comme 
le  but  principal  de  (es  conquêtes.  If 
reçut  à  cette  occafion  des  Ambafla- 
dteurs  de  tous  les  Princes  de  l'Orient  >, 
qui  le  félicitèrent  fur  fa  viétoire  ;  mais 
ce  qui  ne  le  flatta  pas  moins,  ce  fut 
de  voir  arriver  à  fa  Cour  les  plus  fa- 
rgeux  Do&eursde  la  loi  Mufulmane^ 
les  Sa  vans,  les  Orateurs  &  les  Poètes» 
#jui  célébrèrent  tous  àFenvï  ce  grand 
événement  dans  des  ouvrages  dont 

Hij; 


fl  HlITOUE 

■■  ■  '  .  quelques-uns  font  venus  jufqu'à  ncfàA 
h%.  f^.Saladïn  le  plus  libéral  de  cous  les  hom- 
J.  v  ****  mes,  récompenfa généreufement  leur 
zélé  &  leurs  talens.  Lorfqu'îl  n*avoit 
plus  rien  à  donner  r il  vendait  jufqu'à 
liés  meubles ,  &  cfoyoit  que  le  coeur 
des  Peuples  écoit  le  feul  tréfor  digne 
clés  Rois. 

II  pirifia  toutes  les  Mofquces,  8c  Et 
laver  avec  de  l'eau  rofe  qu'on  ail* 
chercher  à  Damas»  celle  de  la  pierre 
de  Jacob.  11  y  plaça  une  Chaire  ma-» 
gnifique  à  laquelle  te  Sutthan  Nour- 
eddin  avoir  travaillé  lui-même; ,  &  que 
ce  Prince  avok  defHnée  pou*  le  Tem- 
ple de  Jérufalem.  On  fondit  toutes  le» 
Cloches,  on  renverfa toutes  les  Croix, 
6c  peu  s'en  fallut  qu'if  n'y  eût  du  fàng 
répandu,  torfqu'onabbâtit  une  Croix 
dorée  que  les  Latins  avaient  mife  fur 
le  dôme  de  la  grande  Mofqaée  cfian-r 

Îfée  par  eu*  en  Egtife  Patrîarchale.  Les 
oldacs  tramèrent  par  mépris  dans  de 
la  boue  x  te  trophée  de  la  Religion.  Les 
Grecs  ft  tes  Syriens  qui  ne  s'étoient 
point  défendus  pendant  le  fiége ,  prf- 
rent  les  armes  pour  venger  1  nonneSr 
de  la  Croix  ;  mais  Safadin  étant  ac- 
couru fur  la  Place  x  diflïpa  ce  tumulte*, 


ttE  $XhA*ï*.  Ltt.VW.'rf 
et  pour  prévenir  defemblablesdéfor- 
dres,  il  fit  oeu  de  jours  après,  des  régie-  "*?  J[ j£ 
mens  fi  iages ,  que  les  M^homètam 
&  les  Chrétiens  vécurent  dans  la  foire 
en  bonne  intelligence.  Il  fonda  félon 
fa  coutume  ,  des  école»  publiques  & 
&  des  Collèges  où  l'on  dévoie  eafei* 
gner  latioétrine  de  Schafféi ,  à  laquelle 
\\  étoit  attaché.  Il  vouloir  que  fes  fu* 
jets  neuflent  qu'une  feule  opinion 
.comme  un  feul  maître* 

Après  avoir  pourvu  à  la  fuYeté  ic  à  la 
police  de  fa  nouvelle  conquête ,  Sala* 
din  partit  avec  (a  Cavalerie ,  ordon- 
nant au  refte  4e  fon  armée  de  venir  le 
joindre  à  Prolémaïs.  Là  il  fe  ptépara 
au  fiége  de  Tyr  ,  perfuadé  qu'il  s'en 
rendroit  maître  plus  difficilement ,  s'il 
dontioit  le  teins  à  l'Europe  allarmée 
de  la  prife  de  Jérufalem,  Renvoyer 
du  fecours  dans  la  Paleftine,  Dès  que 
fes  troupes  furent  arrivées  ,  il  décam- 
pa ,  fui  vit  les  Cotes ,  &  fe  montra  de», 
vant  cette  ville  célèbre  y  le  jour  de  la 
'  Touffaint  dans  le  mois  de  Ramadharw 
(*)  Conrad  le  feul  bomme  parmi  les 

(a)  Neuvième  mois  de  l'aimée  Mufolmn* 
«gnfacré  au  jeûae* 


f*  Hrsrorif  * 

*"*SS5Ï*  Francs  digne  de  commander ,  avoir 
'  Hçg.  583.  prévu  l'orage  ,.&  fcît  de  bonne  heure 
'"  ^  * '  *7'  les difpofi  rions néeeflaires [tour  en  pré~ 
venir  l'effet.  U  avoit  ajouré  Je  nou- 
velles forrifieacions  aux  anciennes  r 
amaffé  des  vivres  y  des  munitions  <te 
guerre,  d  relie  des  machines  &  accou*- 
fumé  les  Citoyens  &  les  Soldats  au* 
veilles ,  aux  fatigues  &  for-tout  à  une 
cfifciplihe  éxa&e*  Tyr  éroit  fîtué  dans- 
une  prefqu'Ifle,  &  ne  tenoic  au  Con- 
finent que  par  une  Tangue  de  terre. 
C  etoir  fur  te  tersein-érroit  fermé  pat 
«ne  triple  eneeime  de  murailles  flan- 
tjuées  de  grofles  Tours ,  qu'il  falloit 
combattre.  Peu  de  troupes  fiiffifoienr 
pour  le  défendre ,  parée  que  peu  dfe 
troupes  pouvoient  Pattaquer. 

Saladin  connut  toutes  tes  difficulté* 
de  l'entreprife  &  mir  fa  gloire  à  le» 
iwd.  furmomer.  Il  fit  -équiper  'quatorze 
grofrvairfeaux  ou  gaïéafles,  pour  bar* 
rre  la  vilte  par  mer',  tandis  qu?ri  là. 
^reflétait  par  xttrè-.  Mais  avant  _que# 
*Touv*ir  le  i'ége ,  il  envoya  un  Héraw 
au  Gouverneur,  pour  lui  fignifier  que 
s*i^  ne  fe  rendbtt  pas*;,  on  afloit  rraiî» 
'  tktx  là  tête. a  fon'  p'ere  le  vieux  Mar- 
quis de  Montferrat.  Conrad  aufll  pete 


0&  Saiadiw.  tifrVIITr9f 
d&ranlé  des  menaces  du  Sulthan  qu'il. 
£avoit  été  autrefois  de  fes  promettes  *  j!?o  utr^ 
répondit  avec  la  même  fermeté.  ïh 
fa  voit  bien  que  ce  Prince  qui  aima  tou- 
jours à  épargner  ie  fàngmême  des  cou* 
fables ,  nfauroit  pas  ta  cruauté  de  faire' 
mourir  fans  fufec  un  prifonnier  de' 
guerre  innocent  die  tous  crimes.,  IF 
prit  cette  déclaration  pour  ce  qu'elle 
étoir,  pour  un  artifice  ,  &fut  inflexî-- 
*le. 

Saladifpcommençà  dont  à  faire  agit 
les  machines ,  éc  à  donner  des  aflam$. 
H  partagea  fonr  armée  en  trais  corps , 
qui  fe  (uccédoîent  les  uns  aux  autres 
dans  lateaquev  afin  dé  fatiguer  farts 
f  elâche  fes  affiégés  &  de  lafler  leur  af- 
deur.  Le*  Chrétiens  qui  aboient  mon- 
tré une  G  grande  foibleffe  dans  les  ba- - 
Tailles  8c  tesfîeges  ptécédèhs,  fedéfen- 
dirent  en  braves  gens  ,  tant  l'exempte 
du  Chef  éftpuiflant  fiir  te  Peuple- tes 
femmes  îahçoiem  ettes-mêmes  des  fié* 
ches  &  foutenoient  técourage  des  fol» 
rfats  par  leurs  difcours  &  en  leur  por- 
tant ctes  vivres  fur  les  murailles.  Celui 
àes  Francs  qui  fe  diftingua  le  plus ,  fut 
un  Gentil  -borhme  Efpaghol  connu 
dans  fHflloire,  fou£  Ife non! de  ChfcV 


9$^  Histoire. 
valier  aux  armes  vertes.  Il  repoulTdfr 
j^j^feul  des  bandes  d'ennemis  ,  fe  battit 
en  combat  (ingulier  avec  plufieu*  s  Sar- 
razins ,  les  terraflà  tous ,  &  le  Sult&aff 
qui  voulut  être  témoin  de  fa  bravoure»  . 
lie  put  s'empêcher  dé  l'admirer  &  d*àp- 

{)laudir  à  fes  faits  d'armes*  Cependant 
e  fiége  durôït  depuis  dieux  mois.  Sa~ 
lad  in  fit  venir  de  nouvelles  troupes. 
Les  Mahométans  enorgueillis  par 
leurs  victoires  ,  s'îndignoienlt  de  tanit 
fie  réfiftance,  &  redoubloient  leurs  ef- 
forts. Les  habitans  faifoient  des  fortie* 
fréquentes.  L'avantage  demeuroit  tan- 
tôt aux  Chrétiens  9  tantôt  aux  Infidelr 
les.  Ces  petits  combats  les  affai- 
bli (Tbient  les  uns  les  autres.  Les 
aflîégés  qui  voyoient  tous  les  jours 
arriver  du  renfort  aux  Mufulmans^ 
&  qui  n'en  recevoient  point >  com- 
mencèrent à  fe  rallentir.  Conrad 
-  aapperçut.de  ce  découragement ,  & 
'  pour  en  prévenir  les  faites  ,  il  em- 
ploya  une  rufe  qui  lui  réuffit. 

Il  y  avoit  àTyr  un  jeune  Sarrazin  * 
qui  pour  fe  fouftraire  au  châtiment 
qu'il  avoit  mérité,  en  offenfânt  fou 
père  un  des  principaux  Officiers  Ma. 
tiométans  ,.  s'étoit  fauve  farmi  les 

Francs  , 


di  Sàladin.  Liv.  VIII.  97 
Francs,  &avoit  embraflfé  leur  Reli- 
gion. Conrad  le  chargea  décrire  une  '£*£„%}' 
Lettre  dans  laquelle  ce  nouveau  Chré*  - . 
tien ,  après  avoir  demandé  pardon  de 
fadéfertion  à  Saladin  ,  comme  à  fon 
maître  ,  lui  donnoit  pour  l'obtenir  & 
pour  preuve  de  fon  retour  fincére  à  l'I£ 
lamifme ,  un  avis  important.  Il  lui 
mandoit  que  les  affiégés  réduits  à  l'ex- 
trémité dévoient  s'enfuir  la  nuit  fur 
des  batteaux  „que  le  lendemain  la  ville 
ferait  déferte  .,  que  les  Mufulmans 
pourroient  l'attaquer  fans  rien  crain- 
dre, fur-tout  du  coté  du  port  où  l'on 
furprendroit  en  déibrdre  ceux  qui  n'au- 
roienc  pas  eu  le  tems  de  s  embarquer. 
Cette  Lettre  jettée  dans  le  camp  en- 
nemi au  bout  d'une  flèche ,  produire 
tout  l'effet  que  le  Marquis  en  attendoit. 
Le  Sulthan  trompé  par  les  affurances 
de  fon  ancien  fujet ,  crut  trop  facile- 
ment un  avis  que  la  Dnidence  dtvoit 
lui  rendre  fufpeâ.  Il  fit  pafler  fes  meil- 
leurs Soldats  fur  la  flotte ,  &  leur  pres- 
crivit de  defcendre  le  lendemain  dans 
la  ville ,  d'écarter  tout  ce  qui  s'oppofe- 
roit  à  eux,  &  d'aller  ouvrir  les  portes 
ap  refte  de  l'armée,  qui  donneroit 
dans  le  même,  tçiqs  un  aflaut  généraL 
tmtff.  1 


9S  Hist«u« 

'  De  fon  côté  Çowead  fitrentrér  dans  la 
Hég.  î«j.  place  ceux  qui  dêfendéîent  les  avatat- 
* C*  "     mors,  lespofta  derrîéweks  mar*1Ues, 
çn  leur  recorffm&ndant  dé  carder  tm 
profond  fiteftoe.  Enfuit*  il  ôtIIbium, 
âtux  Citoyens  de  Jerfér  des  cris  pendant 
toute  la  nuit ,  *t  faite  beaucoup  â« 
mouvement  fur  te  Port  où  il  mît  les 
'troftpes  en  «ittbafcstde,  fdtttf&nHéi 
maptàui  foi*  *w»  des  barques  bien 
fermées  &  prêtes  ?à  voguer.  *fn  mo* 
ment  avant  l'adroïe  ,  on  baiflà  k 
chaîne  qui  fermoit  Péntcée  du  Port , 
le  Peuple  fe  cacha  dans  les  maifons  j 
4e  bruit  c*ffà  «t  tout  fiit  tranquille  , 
«omule  fi  taviUe  eût  été1  abandonnée 
<!e  fes  habitans. 

Cependant  les  vàiflèa«*  du  Sulthan 
s'approcherit,  &  ne  trouvant  aucun 
•obftacle ,  ils  s'avancent  avec  confian* 
«e.  Dès  qVil  «h  fotentré  cinq  desplus 
môs,  Conrad  fait  tendre  la  chaîne  , 
•Se  tombe&rtesSalrraitihs ,  qui  dêbar. 
•qûOienten'corifiifièh.Dànsùn  inftant 
ht  rher  eft  teinte  du  feng  de  ces  malhfeo-' 
ceux  qui  furent  tous  égorgés.   Les 
Chrétiens  montent  far  les  navires  en- 
nemis &  for  4es  barques  qu'ils  ont 
équipées,  donnent  <bt  chaffe  au  refte 


be  Sasabim.  Lit.  VIII.   99 

4e  la  flotte  *  &  lui  livrent  un  terrible 

combat.  Les  Infidelles  après  s'être  bat-  h%.  <s,^ 
uts  en  gens  défefpér  es ,  fe  font  échouer  J- c-  <  »*7* 
pour  fe  fauver  à  la  nage .  SalacKaté-. 
moin  de  ce  défaftre ,  fe  jette  dans  Teaui 
l!épée  à  la  main  à  la  oete  de  (es  Mam 
meluJcs  pour  foutenir  fes  troupes  ^ 
mais  il  croit  trop  éloigttéjpour  leur  don-» 
11er  du  fecours.  On  ne  vit  venir  fur  le 
rivage  a  .que  .des  cadavres  noyés  où  des 
foldats  expirahs  de  leurs  blerflires.  Le* 
Mahométans  pouffaient  de  part  & 
d'autre  de  grands  cris  de  défolatton* 
^etM:s  vairteaux  furent  coulés  à  fond 
eu  brûlés  ou  pris,  &  il  n'en  échappa 
que  deux. 

Tandis  que  cette  a<Stiba'fe  patfbit 
furla^ntr,  daubes  Samzhrë  mon*- 
rent  à>T*flaut  félon  Vordce  qu'ils  en 
«voient  reçu  ;  ils  franchisent  les 
jnurs  de  Batbacançs  ,  6c  ne  rencot*- 
jtranr  aucun  ennemi ,  ils  courent  aux 
.murailles  de  la  ville ,  les  minent  ;  les 
•Étpeut  (ans  <fe  tenir  fur  leur  gardé. 
♦Alors  on  ouvre  toat  à  coup  les  portes , 
n&  on  attaque  cette  troupe  imprudente* 
Des  fokbtrs  focpris  font  prefque  tou- 
jours vaincus,  Xes -Mahome  ta  ns  loin 
de  fe  défendre ,  fuyent  en  défordre , 

ni 


ioo  Histoire 

Hég.  j-gj,  ils  fe  trouvent  enfermés  entre  deux 
,j.c.ii«7.  murailles  ,  il  fallut  appliquer  des 
échelles  à  lavant-mur.  La  promtitude 
avec*  laquelle  ils  tâchent  d'éviter  la 
mort,  les  y  précipite  plus  fûrement 
encore^  ils  tombent  les  uns  fur  tes  au- 
tres en  voulant  monter  tous  à  la  fois  , 
les  échelles  fe  brifent ,  &  les  Chrétiens 
n  ont  que  la  peine  de  tuer.  Conrad 
revenant  plein  de  gloire  de  (on  com- 
bat naval ,  fait  ceffer  le  carnage,  Se 
vb  rendre  grâces  à  Dieu  de  (a  vicr 
toire. 

Nos  Hiftoriens  qui  débitent  tant  de 
fables ,  difent  que  Saladin  témoigna 
publiquement  fa  douleur ,  en  fe  pro- 
menant le  lendemain  fur  un  cheval 
blanc  dont  ilavoit  fait  couper  la  queue, 
comme  une  marque  de  fa  défaite,  (a) 
La  vérité  eft  qu'ayant  perdu  dans  cette 
journée  fa  flotte  &  Tes  meilleures  trou- 
jpes ,  &  voyant  la  faifon  fort  avancée  } 
il  abandonna  une  entreprife  fune/le  » 
.fcrûla  les  machines  qu'il  ne  pouvoit 
€ emporter,  congédia  fon  arrrtéepour 
«la  laifler  repofer  pendant  rhyyer  &  ne      ' 
garda  auprès  de  lui  que  fes  Mameluks  ,     i 

-■'  '  ,  ■ ■!  i 

(*)  Roger  de  Hovedea  &  aliï* 


»i  Sàlàidin.  Liy.VIH.  i« 
avec  lefquels  il  fe  rendit  à  Ptolémaïs. 

Mais  il  étoit  trop  impatient  de  répa-  £*?•  t\*£ 
ter  fa  perte  pour  demeurer  oifif  dans 
cette  ville.  D'abord  il  vint  attaque* 
fur  le  Mont  Amila'  (a)  voifin  de  Tyr, 
le  Château  d'Hounein  ou  d'Honain  ; 
enfuite  étant  de  retour  à  Ptolémaïs ,  il 
joignit,  à  la  Cavalerie  qui  compofoit  fa 
garde ,  quelques  fantafïins  qu'il  tira 
de  différentes  garnifons ,  &  s  avança, 
contre  Caucheb.  Le  froid  exceffif ,  la  ma. 
pluie ,  la  neige  ne  purent  retarder  fa  Aboui-w. 
marche  d  un  moment.  Arrive  au  pied 
de  la  montagne  (b)  fur  laquelle  la  for- 
'terefle  étoit  bâtie ,  il  fit  prendre  ha- 
leine à  fesfoldats ,  &  monta  le  même 
jour  à  laflaut.  Mais  cette  Place  qu il 
croyoit  furprendre,  étoit  remplie  de 
bonnes  troupes  &  de  munitions  de 
guerre.  Le  Sulthan  jugea  qu'il  lui  feroir 
împoffible  de  s'en  rendre  maître  avec 
fi  peu  de  monde ,  &  après  avoir  tenté 
plusieurs  fois  l'efcalade,  il  décampai 


(a)  Le  Mont  Amila  s'étend  de  l'Orient  au 
Midi,  fur  les  Côtes  de  la  Paleftine  auprès 
de  Tyr ,  c'eft  une  montagne  du  Liban, 

(b)  Cettemontagne  domine  Tibériade  &  le 
Jourdain. 

IHj 


101      #         HlSTOI&l 

prit  h  route  de  Damas ,  doè  il  étoft 

i!x?.'iî*s.  abfeu*  depuis  fèize  mois. 

Il  n'y  refta  cependant  que  cinq  jours 
&  fe  déroba  aux  tranfports  d'un  Peu- 
ple oui  l'adoroit  9  pour  fuivre  le  cours 
de  (es  conquêtes.  Depuis  ïong-tems 
ceux  d'Antioche  avoient  rompu  par 
plufieurs  a&es  d'hoftilité,   la   trêve 
Faite  avec  les  Mahométans.  Il  entrait 
.dans  la  politique  des  Chtétiens  de  Sy- 
rie -,  de  faire  la  paix  ou  la  guerre  fçfoi* 
les  circonftances  beureufesou  malheu* 
reufes ,  &  dans  leur  Religion  de  fe 
croire  autorifés  à  violer  les  Trairé$# 
conclus  avec   les  Infidelles.  Saladia 
pour  fe  venger  à  la  fois  &  du  Corme 
Boemond  6c  du  relie  des  Francs,  réfo- 
lut  de  ne  point  quitter  les  armes ,  qui! 
n'eût  chaffé  loin  de  fon  Empire,  cette 
Nation  peu  fcrupuleufe,  &  d'ouvrir 
la  Campagne  par  les  terres  du  Prince 
d'Antioche.  Il  dépêcha  des  Courriers 
dans  toutes  les-Provinces ,  pour  rao- 
péller  fes  troupes ,  &  alla  les  attendre 
dans  une  plaine  entre  Hémeffe  &  Tri. 
poli.  Emad-eddinZenghi ,  Prince  de 
Sindgiar,  lui  amena  celles  de  Méîbpo- 
tamie.  Alors  le  Sulthan  fe  fit  accom- 
'  pagner  par  fa  Cavalerie  légère  »  & 


»e  Sàlàpim.  Lïv.VIIL  ioj 
tandis  que  Coti  armée  k  formoit  dans 
ce  rendîez-vous ,  il  alla  faire  des  cour-  ***?•  'J* 
les  julques  aux  portes  de  Tripoli ,  pour 
reconnoftre  lui-même  l'état  de  cette 
Place. 

Guillaume  Roi  de  Sicile  ;  fut  le  pre- 
mier inftruit  des  inalheuçs  de  la  Pales- 
tine, &  le  premier  qui  fournit  du  re- 
cours. Il  envoya  des  vivres,  des  mu- 
nitions, trois  cens  Cavaliers,  cinq 
cens  Fantaiïtas  &  plus  de  loixante 
•galères  commandées  par  le  Général 
Margarit ,  cet  homme  célèbre ,  qui 
mérita  d'être  nommé  le  Roi  de  la  mer 
&  le  nouyeau  Neptune.  Cette  flotte  c<mt.  Guii, 
abordoit  àTyr ,  lorfque  Satadin  sap- 
prochoit  de  Tripoli.  Conrad  à  qui  elle 
étoit  alors  inutile ,  embarqua  encore 
quelques  Soldats ,  &  la  fit  partir  pour 
cette  dernière  ville.  Dès  que  ces  trou- 
pes de  renfort  eurent  mis  pied  à  terre, 
ce  Gentil- homme  Efpagnol,  qui  ayant 
pris  pour  armes  un  Champ  de  Sinople, 
étoit  appelle  le  Chevalier  aux  armes 
verres ,  tes  conduifir  contre  les  Sar- 
razins.  Sa  force,  fan  intrépidité,  Cas 
exploits  le  firent  diftiogue*  parmi  tous 
les  autres.  II  repou/Ta  les  Mahomé- 
tans  t  &  rentra  vi&orjeux  dans  la  Pla« 

I  iiij 


N 


104      "     Histoire 

ce,  Saladin  qui  favoit  honorer  la  va- 

hcï'gil*.  *eur  m^me dans ^es  ennemis , flatté  de 
'  voir  un  homme  fi  extraordinaire ,  lui 
envoya  un  fauf-conduit ,  &  le  pria  de 
fe  rendre  auprès  de  lui.  Ce  Chrétien 
fut  étonné  de  recevoir  des  éloges  & 
des  préfens  ,  de  celui  qu'il  venoit  de 
combattre.  Le  Sulthan  pour  récom- 
penfer  fa  bravoure ,  luf  donna  de  l'ar- 
gent ,  des  chevaux ,  des  étoffes  rares 
&  précieufes ,  &  voulut  même  l'atta- 
cher à  Ton  fervice  en  lui  prorrietjranï 
fa  fortune  la  plus  brillante  &  les  plus 
grands  honneurs.  Mais  ce  brave  Che- 
valier remercia  Saladin  ,  refufa  Tes 
offres ,  accepta  Tes  dons  &  alla  s'armer 
de  nouveau  contre  un  Prince  qu'il  étoit 
forcé  d'aimer. 

Le  Sulthan  nefpérant  pas  prendre 

Tripoli ,  trop  bien  défendue  par  ce 

fecours  étranger ,  ne  tenta  pas  de  l'af- 

iMf        fiéeer.   Il  fit  quelques  dégâts  dans  le 

Boha-cd,  voifinage,  rejoignit  fa  grande  armée 
vers  Antrafe ,  Antarados  ou  Tortofe 
(a)  en  fuivant  les  Cotes.  C'étoit  une 

la)  Antrafiis ,  Anatarfus ,  Antaredus  ou 
Antaradon.  C'eft  Tortofe  ou  Orthofia,  au 
Nord  de  Tripoli  ;  visrà-vi* ,  &  à  deux  mâles 


de  Sa'iadin.  Lit.  VIII.  105 
petite  vflle  fituée  fur  le  bord  de  la  mer  ' 
dans  un  terrein  fertile  &  agréable.  -HéB-  ïjj* 
Elle  avoit  un  porc  commode  pour  1$  " 

Commerce^  &  deux  grofles  Tours 
placées  à  peu  de  diftance  Tune  de  l'au- 
tre» fur  une  colline  qui  dominoit  cous, 
les  environs.  Saladin  furprit  par  une 
marche  forcée ,  les  habicans  qui  le 
croyoienc  encore  loin.  "Le  même  jour 
de  ion  arrivée  &  avant  même  qu'on 
eut  dre(Té  le  camp ,  il  s'approche  des 
murailles,&  pour  profiter  de  la  confu- 
fion  qui  régnoic  dans  la  Place ,  il  re- 
commande aux  Soldacs  de  le  fuivre  & 
court  le  premier  à  1  aflaut.  Dans  le 
moment  on  applique  les  échelles ,  on  '  P 
efcalade,  on  tue»  on  pourfuk  la  gar- 
nifon  qui  va  fe  cacher  dans  les  Tours , 
on  encre  dans  la  ville,  &  on  la  livre 
au  pillage.  Ceux  qui  travàilloientdans 
le  Camp ,  voyant  revenir  leurs  cama^ 
rades  chargés  de  dépouilles ,  abandon- 
nent leurs  ouvrages,  pour  avoir  part 
au  butin.  Le  Sulchan ,  fatigué,  altéré  , 
preffé  par  la  faim ,  retourne  dans  le 

de  diftance,  il  y  avoit  rifle  d'Arados ,  antre* 
fois  célèbre ,  &  dont  la  ville  eft  ruinée,  aiafi 
que  cette  d'Amarados* 


Camp  avec  Tes  Emirs,  6c  ofdomyf 
l.Gm  ww!  qu'on  lui  ferve  à  manger.  On  lui  ce* 
pondir  que  rous  les  domeftiques  8ç 
même  les  Officiers  de  tu i  fine,  étoteoi 
dans  la  ville  occupés  à  la  piller.  // 
fimt  tfpirer  ,  dit-il  en  fouriant ,  tpiilt 
nom  apporter  ont  It  dîner  iii  cnfàmit. 

Après  /être  repofé  &  avoir  pr» 
quelques  alimens ,  il  attaque  Utttdç» 
Tours ,  s'en  rend  maître ,  &  h$K  fe 

Îjarnifon  prifonniére.Celle  qui  reftolfc 
a  plus  haute  des  deux  &  lapins  forte» 
étoit  bâtie  de  pierres  de  taijte ,  envi* 
ronnée  d'un  large  fo(Té  plein  d'eau  , 
munie  de  machines  de  guerre  qui  lac*, 
çoient  fur  les  aflïégeans  des  pierres 
4'une  groflèur  énorme,&  défendue  par 
le  Gouverneur  ,  lès  principaux  OftV 
ci  ers ,  les  meilleurs  Soldats  &  les  Che- 
valiers des  deux  ordres  qui  s'y  étoienr 
enfermés.  Saladin  l'invertir y  la  bat 
pendant  plufîeurs  jours  fans  beaucoup 
de  fuccès,  &  pour  ne  pas  s'àrretec 
davantage ,  il  l'abandonne  ;  mais  au- 
paravant il  comble  le  Port  &  détruit 
la  ville.  Lorfque  les.  grottes  murailles 
furent  abbatues ,  on  mit  le  feu  de  tou- 
tes parts;  la  flamme  pénétra  dau&toqr 
les  quartiers  avec  une  rapidité  furpro* 


de  Saiadih.  L iv. VIII.  107 
naine,  &  tout  fut  embrafé  dans  uiî 
inftanr.  Les  Chrétiens  témoins  de  ce  £§*'.,  igjî 
trifte  fpe&acle  du  haut  de  leur  Tour  , 
verfbient  des  larmes  de pouflbient  de* 
cris ,  tandis  que  les  Mululmans  chan- 
toient  au  milieu  de  cet  affreux  incen- 
die ,  des  cantiques  d'aHéerefle. 

I/Hiftorien  floha-  eddin  ù(\  attaché 
auparavant  au  Roi  de  Moulloiil  ,  nous 
apprend  que  e'eft  pendant  le  fïége  <f A  r*- 
tarados  qu'il  commença  d'entrer  au 
fervice  du  Sulthan ,  Se  que  déformais 
il  ne  rapportera  que  ce  qu'il  a  vu  lui-* 
même  ;  auflï  depuis  cette  époque  écrit- 
il  avec  plus  de  chaleur ,  de  détait  Se 
d'intérêt. 

Depuis  Tortofe  jufqu'à  Laodicéef 
vous  trouvez  en  parcourant  les  côtes  f 
Marakia  village  fortifié  ,  Balanas ,  que 
les  Chrétiens  appelaient  Valence  ou 
Villeines ,  petite  ville  fur  le  bord  de  la 
mer , Merkab ,  (t>) (fixent*  Hofpitalir- 
rj^»)citadelle ,  une  des  plus  fortes  de 


(a)  Boha-eddirt ,  la  gloire  de  la.  foi  ou  dç 
la  Religion. 

[b)  Merktb ,  Margafh ,  Belvoit ,  Spécula 
Hefpittlhrum.  C'eft  une  Citadelle  très-fort* 
à  une  parazange  de  Balanas» 


ioS  Histoire 

la  Syrie ,  que  les  Chevaliers  Hofpita- 
j.  cf  xi88.*  liers  à  qui  elle  appartenoit,  avoient 
conftruite  fur  une  roche  élevée,&  Dgé- 
baïl ,  (a)  ville  aflez  grande  :  toutes  ces 
Places  fe  rendirent  /ans  coup  férir > 
s  excepté  Merkab  qui  ne  fut  point  at- 

taquée. Mais  Laodicée  (b)  o fa  fermer 
lesportes  au  Vainqueur. 

Cétoit  une  ville  agréable ,  peuplée 
&  riche  par  Cou  commerce.  Elle  a  voit 
un  port  fur  &  commode  >  &  deux  bon- 
nes fortereffes  bâties  fur  une  petite 
montagne.  Saladin  fomma  les  Habi- 
tans  de  le  recevoir ,  &  leur  promit  des 
conditions  avantageufes.  Ces  impru- 
dcns  pour  conferver  leurs  richeffes ,  les 
perdirent  avec  leur  liberté,  car  les 
Mufiilmans  prirent  la  ville  daflàut,& 
la  livrèrent  au  pillage.  Ils  y  firent  un 

(a  )  G*UU  ,  Gibelet,  Gii*U  ,  Scbibl* 
Dgebsil.  Elle  eft  plus  grande  que  Balaneas. 

(b)  Laodicée.  Il  y  a  eu  plufieurs  villes  de 
ce  nom  Celle  dont  il  s'agît ,  eft  entre  Tri- 
poli &  Antioche.  C'eft  ftamatha  des  Hé- 
breux. Elle  s'appelle  aujourd'hui  Licha  ou 
Ladikia.  Elle  eft  encore  célèbre  par  ion  com- 
merce de  Tabac  Le  nom  de  Laodicée  lui 
vient  de  Laodicé ,  femme  du  Roi  Antiochus 
tu  mère  de  Séleucus. 


de  Sàlàdin.  Liv.VIIL  109 

batin  immenfe.  Mais  les  fortereflès  ' 
tenoienc  encore.  On  conftruifit  à  la  j?c*'x5Jlî 
hâte  des  machines  qu'on  dirigea  con- 
tre Tune  des  deux.  En  peu  de  jours  on 
fit  une  brèche  de  foixante  coudées  de 
haut ,  &  de  quatre  de  large.  Les  Chré- 
tiens &  les  Sarrazins  y  courent  en 
foule ,  les  premiers  pour  défendre ,  les 
féconds  pour  attaquer.  Après  avoir 
épuifé  leurs  flèches  &  leurs  traits ,  ils 
fe  lançoient  les  uns  contre  les  autres  , 
les  pierres  qu'ils  ramaflbient  dans  les 
débris  des  murailles.  Enfin  les  A  flic- 
gés  demandent  à  capituler.  Il  leur  fut 
permfc  de  fortir  avec  leur  argent ,  & 
des  vivres  pour  la  route ,  &  ordonné 
de  laifler  leurs  provifions  ,  leurs  ar- 
mes ,  leurs  machines  Se  les  beftiaux. 
Le  Sultlpn  leur  donna  cependant  une 
partie  de  leurs  effets  &  des  chevaux 
pour  les  transporter. 

Il  y  a  voit  à  l'Orient  de  Laodicée  en 
tirant  vers  le  midi ,  dans  la  diftance 
d'une  journée  de  chemin ,  une  <5ita» 
délie  bâtie  fur  la  pointe  d'un  rocher, 
&  Singulièrement  conftruite.  Un  foffê 
profond  de  foixante  coudées ,  &  pra- 
tiqué dans  le  roc ,  la  rendoit  inaccef- 
fible.  On  ne  pouvoit  en  approcher 


II©  H  I  STO  I  R  F 

que  par  un  feul  endroit.  Elle  avoir 
•  x^'ii*»  '  tro*s  enceintes  de  murailles ,  la  pte- 
*  '  miére  renfermok  les  Fauxbourgs,  la 

féconde  la  Citadelle,  &  la  troifiéme 
une  tourvafte  &  fort  élevée, au  fonv 
met  4e  laquelle*  flottoit  (ans  cefle  l'é- 
tendard des  Chrétiens.  On  découvrait 
ç!e-là  tout  le  pays.  JLes  peuples  des 
campagnes  voifines  y  étoient  accou- 
rus ,  croyant  y  tiouver  leur  foreté  ; 
mais  Saladin  fans  êtreefiayé  de  la  fi- 
tuation  avantageufedeœtte  place  ap- 
pellée  Seh-jotm  ou  Silnouiin,  (a) 
vint  laflïéger  avec  toute  fon armée» 
On  eut  de  la  peine  à  fabriquer  des 
machines  aiïez  hautes  ,pour  .atteindre 
au  premier  mur.  On  en  fit  une  en- 
tr'atitres  avec  un  pont-levis  qu'on  le- 
vait &  baiffbit  à  volonté.  On  ta  con- 
duific  avec  effort  fur  le  bord  du  fof- 
fé ,  &  on  abattit  fur  les  murailles  le 
pont-levis  fur  lequeldesSarrazins  mon- 
tent pour  entrer  dans  la  ville.  Plufieurs 
fonj  précipités  dans  le  Fofle  par  les  AC- 
liégés  qui  défendent  l'approdhe  de 
la  place.  Oa  fe  bat  pendant  quelques 

(*)  Seroit-ce  Belford  donrparlent  nos  Hif- 
.toriens? 


de  Saladim.  L IV. VIII.  *n 
hëbres-fems  -ce  ïfeù  élevé,  fcftfcft  te  ' 
Mahbmétens gagnait  du terrain,  Se    Hég.  fl*. 
fe  facèèàMt  lés  'tms  au*  autres ,  ils  fe   *' c"  * li8# 
renflent  hwiîrrfcs  8es  feuxboMgs.  «Les 
Chrétiens  époiivàtftés  ,:ftiyent*tfan$  la 
feco'nde  enceinte.  On  ne  feur  Bonne  N 

aucun  tëtiklhfe^n  ëfc&aAt  lu  fécond 
itttff  y&  tyrteùh  çb^fcr  opfaiâtté,  on 
féh  eitfpafcé;  Portés  ^rts  wtfr  derrtier 
fëtFafnchëmëiit  ;:  Fés  iVffiégés'topmiieiic 
aux  -mêmes ^ondïtîons-cjti  oft  dvdit'àtt* 
cordées  aux  Habiransde^Jénifatem.  ~ 
Le  Sulthart  laïfla  tme  Etonne  garnir 
fon  dâftsSeh-joun  ,  &  vint  camper  fut 
fÔrofice  ,  fleuve  le  plus  célèbre  de  la 
Syrter  M  déotckavaiflF^^s.  .parcis  , 
poui.  fonmetrre  des  'Places,  voifines  , 
entr'aattê*  *laid -, {a)<?h*jh*  (th  Pîà-» 
«nos ,'  '.  '(r) '  Sfchemahôtf nîff y  *$)*  Sâr- 

»      ■  '     .-I     «:> 

;{d)'Xtaid,Âlàiddn  ■, Elabduih,  &c. 
"  :^fhkih,"fhigia ,  village  fortifié  ëntrç? 
fiaéias  &  Zabdanium  ,  de  la  Jurifdiftiôn 
d%ftfc>citfc. 

(c)  ftàtanôs,  Blatanos,  Place  forte  du  pays 
«fe  Lâôâicée,  à  l'Occident  de  laPréfeÔure 
iffiàlép. 

(#)  Sdifeiftahumn ,  Scheiïiahounin ,  Sche- 
îfcatiiniiii,  Schemahirin,  fbrtereffe  Près  de 
DgébaïL  ' 


III  HlTTOU! 

rayn,(*)&prit  lui-même  avec  fes  trois» 

!*<!.' j  In*  P08  ^géres  Bakas ,  (b)  Els-jugrum ,  (e) 

'&  alla  reconnoître  la  Citadelle  de  Bur- 

zie ,  (d)  dont  la  force  écoic  paffée  en 

proverbe  parmi  les  Chrétiens  *&  le* 

Mahométans, 

Lare  &  la  nature  fembloienc  avoir 
travaillé  de  concert  pour  la  rendre 
imprenable.  Des  collines  hautes  &  fore 
étroites  fqrmoient  un  fo  (Té  naturel ,  01% 
plutôt  des  précipices  affreux  de  cinq 

— -, ,   t     •  ,    ,  i,i  ■  i  1     L     .^ 

-  (a)  Sarmania ,  Sarmyn  ;  petit»  ville  de  la 
JurifdiéHon  d'Halep ,  dans  la  diftançe  d'une 
journée  &  au  Sud-Oueft;  elle  eft  riche,  fertile 
&bien  peuplée.  '* 

y  (J)Bakas,  ville  fortifiée  fur* l'Oronte  8£ 

fur  une  montagne :  entre  Apamée  &  Antio* 
che,  dans  un  jp>ay(s  fertile  ci  agréable*  \  .  ^ 
.  .(<)  Els-Jugrum  étoitune  Citadelle  très-i 
forte ,  èc  qui  dorriinoit  la  ville  précédente 

donteile-étoirtrès-voifinei — 

(d)  Burzia ,  Berzouja ,  Berfie.  Outre  la 
description  que  j'en  donne  d'après  Boha-ed- 
din  &  Aboul-Fedna ,  ce  dernier  ajoute  que* 
la  montagne  fur  laquelle  elle  eft  fituée ,  s'ap-^ 
pelleial-Chail ,  qu'elle  cjoniine  le  Iaç  d'Apa- 
ipée ,  dont  les.  eaux  fe  joignent  8c  fe  raflèm- 
hlent  fous  Bourzia ,  que  perfonne  n  y  habite 
excepté  la  garnifon,  &que  dans  les  temsde 
trouble,,  tous  les,  Peuples  s'y  retirent  pou* 
^tre  enttreté.'  ' 

cens 


»E  Sàlàdin.  Lit. VIII.  nj 

cens  foixante-dix  coudées  de  profon-  Hégire  5*4. 
deur.  Du  milieu  de  ces  collines  corn-  J-c- "*8* 
me  d  un  gouffre ,  s'élevoit  un  rocher 
efcarpé  ,  au  fommet  duquel  écoic  bâ- 
tie cette  fameufe  forterefTe  pleine  de 
munitions  &  de  Soldats.  Saladin  l'éxa- 
mina  de  fort  près ,  &  réfolut  de  l'at- 
taquer malgré  l'avis  de  Tes  Emirs ,  qui 
regardoient  ce  deffein  comme  témé- 
raire. Plus  l'entreprife  étoir  difficile ,  n>l<L 
plus  elle  lui  parut  glôrieufe.  Il  rejoi- 
gnit  fon  armée,  &  la  fit  marcher  de 
ce  côté.  Après  avoir  drefle  des  ma-* 
chines ,  fabriqué  des  ponts  de  bois , 
conftruit  des  échelles,  8c  battu  inu- 
tilement la  Citadelle  pendant  plusieurs 
jours ,  il  ordonna  que  tout  fût  prêt  le 
lendemain  pour  1  aflaut.  Il  partagea 
fes  troupe?  en  trois  corps ,  qui  dévoient 
attaquer  chacun  féparément  pendant 
un  certain  intervalle  de  tems  >  &  fe 
fuccéder  ain(i  l'un  à  l'autre.  Emad- 
eddin ,  Prince  de  Sindgiar ,  comman- 
doit  la  première  diviuon  >  le  Sulthan 
la  féconde  >  &  fon  fils  El-dhaher  la 
troifiéme. 

Là  lendemain  on  donne  le  fignal. 
Le  Prince  de  Sindgiar  grimpe  fur  la 
montagne ,  paffe  le  fofle  fur  un  pont 

Têm  II.  K 


tt4  Histoire 

de  boïs ,  s'approche  du  mur ,  &  tâcfle 

j^.'n*»  ^e  ',e^ca'ac^er  »  ma*s  aPr^s  avoir  fait 
des  prodiges  de  bravoure  pendant  plu* 
fieurs  heures ,  il  eft  obligé  de  fe  retirer* 
Saladin  qui  vient  le  relever  ,  anime 
fa  troupe  ,  s'avance  à  quelques  pas  r 
mer  le  fabre  à  la  main ,  &  court  à 
l'atout  en  criant  Allah  akbar  (  Dieir 
eft  grand  )  ,  fes  Soldats  lui  répondent 
tous  à  la  fois  par  le  même  cri ,  &  cou- 
rent après  lui.  Les  Chrétiens  lancent 
fur  eux  une  grêle  de  traits.  Le  Sut- 
than  fans  être  effrayé  du  danger ,  fe 
couvre  de  fon  bouclier  %  &  monte  le 
premier  fur  les  murailles,  comme  au- 
trefois Alexandre  en  aflîégeant  la  ville 
des  Oxydraques ,  (*)  comme  lui  il  fau*- 
te  dans  la  place  %  mais  il  eft  mieux  fe-* 
couru  par  fes  Mameluks  qui  fe  pré- 
cipitent les  uns  après  les  autres  pour  le 
dégager  ou  pour  le  foutenir.  Les  Af- 
fiégés  frapés  d'admiration  &  d'épou- 
vante, fe  jettent  à  genoux  &  deman- 
dent à  capituler.  Mais  on  nraccorde^ 
point  une  capitulation  à  ceux  dont  oiï 
eft  maître,  fis  furent  tous  faits,  pri» 
fbnniers.  Le  nombre  en  étoit  très» 

M  Voyer  Quinte-Curce  »/  ►  $.  verf.  i+» 


»e  Saladin.  Liv.VIII.  tij 

considérable ,  car  les  Peuples  de  tous  ^ 

1  —  ? -*/.  •  fV  •    /  •  T 


—  — —  — -—    7    —- »-    .«w     »-wwfs«*k»    va«,      ««rua 

les  environs  s'étoient  réfugiés  dans  **£•  Jj* 
cette  Citadelle ,  comme  dans  un  azyfo 
affuré.  Saladin  ne  mérita  jamais  au- 
tant de  cette  gloire  qu'on  donne  à  I* 
valeur  intrépide.  Il  en  acquit  une  nou- 
velle ,  moins  brillante  ic  plus  eftima*» 
ble  par  fa  modération  &  fa  générofi- 
té.  Il  empêcha  le  carnage,  défendit 
qu'on  maltraitât  les  prifonniers,  reçut 
avec  honneur  ,  &  combla  de  prélens 
le  Gouverneur  ,  homme  d'une  gran- 
de considération  parmi  les  Francs  f  Se 
le  renvoya  libre  avet  dix-fept  autres 
Chevaliers  au  Prince  d'Antjoche  ,dont 
ils  étoient  tous  parens  ou  alliés. 

Saladin  rendoit  à  Boëmond  Ces  pa- 
ïens, &  lui  en  le  voie  toutes  fes  places 
les  unes  après  les  autres.  Il  prit  le  ponc 
de  fer,  Château  bâti  fur  l'Oronte  par 
Baudouin  III.  &  aflïégea  Derbefàc  O) 
au  Nord  d'Antioche.  On  abbattit  avec 
le  bélier  une  tour  dont  les  ruines 
comblèrent  le  fofTé.  Boh^-eddin  étant 

[a )  Derbefac  petite  ville  fortifiée  au  Nord  , 
&  à  dix  milles  de  Pagras  dans  la  Province 
Kennaferine»  Elle  a  de  belles  prairies  arro- 
ges par  le  fleuve  noir  ou  le$  eaux  noires ,  que 
des  Auteurs  croient  être  le  Cy dnusv 


utf  HrsTomi 

monté  à  cette  brèche  avec  les  Soldats 
jHc'  'Sa  3tf^  commancîoit  j  vit  lui-même  avec 
'  lurprife,une  partie  des  Habitansoccu* 
pés  à  la  réparer  ,  quoiqu'accablés  de 
pierres  &  de  flèches.  Ils  reflembloient , 
dit-il ,  à  un  mur  :  ils  étoient  (ans  ar- 
mes ,  fans  cuiraffe ,  &  prefque  nuds  r 
lorfque  l'un  d'eux  étoit  tué ,  un  autre 
prenoit  fa  place  &  continuoit  l'ouvrage 
en  filence ,  fans  craindre  une  more 
inévitable.  On  peut  remarquer  ici  , 
que  ,  parmi  lés  Sarrazins  ,  Nation 

réméré, les  Savans,les  Doâeurs  de 
Loi ,  les  hommes  de  Lettres ,  ne 
formoient  pas  un  corps  féparé  dans  la 
fociété  :  ils  étoient  Soldats  comme  les 
autres ,  &  décri voient  les  opérations 
de  la  guerre ,  comme  les  Xénophous  , 
les  Polybes,  les  Céfars.  Après  une  dé- 
fenfe  honorable,  les  Affiégés  mirent 
les  armes  bas.  Oh  leur  permit  de  fe 
retirer  avec  leurs  habits  »  mats  fans 
rien  emporter» 

Pagras,  (a)  mieux  fortifiée  que  Der- 


(<j)  Pagras  ou  Bagras  :  elle  eft  fituée  fur 
une  montagne  ;  elle  eft  au  Nord ,  à  douze 
milles  ou  à  quatre  parazanges  d'Antjoche  ; 
&  au  Midi  d'Alexandrette ,  à  peu  près  à  la 


be'Saladii?»  Liv.VIII.  1*7 

befac ,  fît  moins  de  réfiftance  :  elle  ca- 
pitula aux  mêmes  conditions.  Pen-  ****  ^  §£ 
dant  ce  dernier  fiége ,  le  Sulthan ,  pour 
n'être  pas  furpris  par  des  dcrachemens 
ennemis ,  avoit  envoyé  quelques  ca- 
valiers fur  le  chemin  d*  Antioche  :  ceux- 
ci  allèrent  fe  porter  aux  portes  même 
de  la  ville ,  &  y  jettérent  l'épouvante. 
Il  falloit  que  le  Comte  Bocmond  eût 
bien  peu  de  forces  ou  beaucoup  de  lâ- 
cheté ,  pour  ne  fecourir  aucune  de  Ces 
Places ,  &  pour  ne  pas  chafler  même 
cette  poignée  de  Soldats ,  qiji  venoient 
le  braver  dans  Ta  Capitale.  Il  prit  un 
parti  mpins  courageux  &  peut-être  plus 
fage  dans  les  circonftances ,  celui  de 
demander  la  paix.  Le  Patriarche  > 
qui  é toit  auflï  maître  que  lui  dans  An- 
tioche ,  &  qui  craignoit  pour  un  Châ- 
teau voifin  (4)  dont  il  éroit  le  Sei- 
gneur >  lui  confeilia  d'acheter  cette 
1>aix  à  prix  d'argent.  Saladin  reçut  à 
a  fois  les  Ambafladeurs  du  Prince  & 
du  Prélat  >  &  leur  vendit ,  pour  une 


même  diflance  :  elle  eft  environnée  de  prai- 
ries ,  &  a  des  Jardins  &  de  fort  belles  eaux* 
(a)  Nos  Hiftoriens  appellent  ce  Château  , 
Çur/atur»,  o\x€urfarium>  &c. 


IlS  tiî%tOIJLÊ 

grotfe  fomme  ,  une  trêve  de  fiuft 
H%.  f  *4  mois  i  feulement  pou*  les  Chrétien» 
*c'f,88-d'Anrioche,  &  à  condition  qu'ils  fe 
foumettroient  à  lui ,  fi ,  dans  cet  in- 
tervalle ,  ih  rte  recevoienr  aucun  Re- 
tours étranger.  Il  exigea  aufli  qu'on 
délivrât  tous  le»  prifonnie*s  Mufufr* 
rnans. 

Le  Sulthan  vint  enfmte  aflïéger  une 
forterefle  appellée  par  nos  Hiftoriens 
la  Roche- guillaume,  (a)  croyant  f 
trouver  un  certain  Jean  Gale  qu'if 
haïtfbit  a^craifon,  &  dont  il  vouloits 
fe  venger.  Ce  Chrétien  ,  après  avoir 
aiïaflïné  la  femme  de  fori  Seigneur 
fuzerain  ,  &  ce  Seigneuf  lui-même  , 
alla  chercher  l'impunité  de  fon  crime 
par  un  crime  nouveau:  il  embrafla  le 
Mahométifme.  Saladin  lui  donna  de» 


(a)  La  Roehfr-Guyori  ou  la  Roçhe-GuiP 
ïàumev  Je  ne  fçais  comment  les  Arabes  ap* 
pellent  cette  forterefle  :  ce  n'eft  cependant 
point  Schokaif- Amour*,  comme  on  le  croiroit 
dabord.  On  eft  fort  fouvent  embarraffé  fur 
les  noms  différens  de  ces  Places.Souvent  on  en? 
confond  deux  dans  une ,  ou  d  une  feule  on  en* 
fait  deux.  Les  Hiftoriens  modernes  des  Croi- 
ftdes  font  tombés  pluûeurs  fois  dans  cette 
4Ȏprife. 


DE  SâI  A0IH.   LlY.VlîI.  \\f 

terres  &  des  emplois  honorables  ;  mai»  , 
cet  apoftat  rentra  bientôt  dans  la  Reli-  ?£  ils£ 
gion  par  la  perfidie  la  plus  noire.  H  en-  Conu  q^ 
leva  un  des  neveux  de  fon  bienfaiteur  y 
&■  le  livra  aux  Chevaliers  Templiers  r 
qui  lai  promirent  en  récompenfè ,  de 
rendre  inutiles  les  pourfuites  au  on  fe- 
roit  contre  lui.  Ce  traître,  à  rappro- 
che du  Sulthan ,  fe  déroba  par  la  Fuite 
au  châtiment  qu'il  méritoit. 

Cependant  Saladin  revint  à  Dama* 
&  licentia  fon  arfnce.  fi  apprit  dan* 
cette  viïle,  que  Kraks'étoit  enfin  ren- 
du. Il  eut  fait  des  progrès  moins  rapi- 
des y  fi  tous  les  Francs  fe  ftiffent  défen- 
dus comme  les  Habitans  de  cette  Pla- 
ce. l/Hiftoire  décrit  avec  complai- 
fance  la  fermeté  avec  laquelle  ils  fup- 
portèrent  les  malheurs  inféparables 
d'un  fiége  d  aufli  longue  durée.  Ceft  ibûfc 
une  grande  fatisfaétfori  pour  nous ,  de  mik*  ^^ 
rencontrer  dans  nos  fources  ,  des 
traits  femblablfcs  \  &  nous  les  rappor- 
tons avec  d'autant  plus  de  plaifîr,  qu'ils 
font  rares.  Ces  généreux  Citoyens 
étoientfans  Chef  r  ils  réfiftérent  cepen- 
dant aux  efforts  de  leurs  ennemis ,  qui 
ne  pouvant  les  prendre  par  force  les 
invefiirent,  pour  les  réduire  par  fa- 


;io  Histoire 

mine.  On  les  tint  ainfi  bloqués  pen- 
jfcfiîwi  fan*  plus  d'une  année.  Ces"  malheu- 
reux ,  après  avoir  fouffert  tout  ce  que 
la  difecte  a  de  plus  cruel ,  vendirent 
aux  Arabes  ,  pour  avoir  des  vivres , 
leurs  effets ,  leurs  habits,  enfin  leurs 
femmes  &  leurs  enfans  qu'ils  ne  pou- 
voient  nourrir.  Réduits  à  la  plus  gran- 
de mifére ,  exténués  par  la  faim ,  af- 
faiblis par  les  maladies  ,  ne  pouvant 
plus  fe  foutenir ,  encore  moins  fe  dé- 
fendre ,  ils  demandèrent  à  capituler , 
&  obtinrent  même  ,  pour  une  des 
conditions ,  la  liberté  d'Honfroi  du 
Thoron  devenu  leur  Seigneur  par  la 
mort  de.  Raynaud  de  Châtillon.  Le 
Sulthan  touché  de  leurs  maux,  &  ad* 
mirant  leur  confiance ,  voulut, félon 
fa  coutume ,  les  récompenfer ,  &  par 
une  générofité  dont  aucun  Prince  n'a 
donné  l'exemple  avant  lui  ni  après  lui , 
il  racheta  de  (on  propre  tréfor  ,  les 
femmes  ,  les  enfans  de  ces  braves 
Chrétiens ,  &  leur  fit  diftribuer  à  tous 
des  fommes  proportionnées  à  leurs 
pertes  &  à  leurs  befoins. 
Boh.  La  prife  de  Krak  étoit  d'autant  plus 

Aboui-p.      importante  ,  qu'elle  ouvroit  la  com- 
jnumcation  de  1  Egypte  avec  la  Syrie , 


pe  Sàlàdih.  Lit. VIII.  m 

&  de  ces  deux  Royaumes  avec  la  Mec- 
que. Les  dévots  Mufulmans ,  obligés  ,HcJ?  sh* 
auparavant  de  faire  un  grand  décour 
pour  accomplir  le  pèlerinage  prefcrit 
par  la  Loi ,  célébrèrent  cette  époque.! 
Ceux  qui  s'étoient  difpenfés  ,  jufqu'à; 
ce  jour  ,àcaufe  du  danger ,  d  aller  vi- 
fiter  les  deux  villes  réputées  faintes*. 
accoururent  enfouie  ,&  formèrent  la 
plus  nombreufe  caravanne  qu  on  eut 
vue  depuis  longtems.  Schams-eddin, 
Mohammed  (4)  fut  chargé  de  con- 
duire cette  troupe  de  Pèlerins.  Sa  fierté 
lui  devint  funefte ,  &  troubla  la  bon- 
ne intelligence  qui  régnoit  entre  le 
Sulthan  &  le  Khalife:  car  ayant  ren- 
contré fur  la  montagne  d'Arafat ,  (6) 
la  caravanne  de  l'Irak ,  (c)  comman- 

(a)  Schams-eddin,  Mohammed  fils  d'Abdel 
Malek ,  dit  al-Mokaddem.  Cétoit  un  des 
principaux  Emirs  de  Syrie  :  il  avoit  été  Gou- 
verneur de  Baal-bek,  de  Roban ,  de  Da« 
tuas,  &c. 

(b)  Arafat  ou  Aréiât*montagne  facrée  vo** 
fine  de  la  Mecque.  C'eft  fur  cette  monta- 
gne ,  difent  les  Arabes ,  qu'Adam  &  Eve  fb 
rencontrèrent  &  fe  reconnurent,  après  une 
fiparationde  120  années  ,  &c  ( 

(c)  L'Irak  eft  une  très-grande  Province 


ni  Histoire 

dée  par  Taftekin ,  un  des  Emirs  cfe 
jfa'lis».  ^tafef-^din  >  ^  voulue  prendre  le  pas 
'  fur  lui  &  continuer  fa  marche ,  enfei- 
gnes  déployées  &  tambour  battant , 
ce  qui  étoit  une  marque  de  fupério- 
rite.  Taftekin ,  pour  foutenir  le*  droits 
de  fon  maître  ,  défendit  à  cet  Emir, 
de  pafler  outre  ,&  furtout  de  faire  bat* 
t*e  le  tambour  ;  mais  comme  on  ne  lui 
ébéiffbit  point,  il  (fe-jfctta  FurSchams- 
éddin  le  iàbre  à  la  main ,  8c  détendît 
fur  la  place.  Le  Sulthan  ,  tout  dévot 
ou  il  étoit ,  aurott  vengé  la  mort  de 
fon   Général ,  fi  le  Khalife  ne  fe  fût 
Mté  de  défavouer  la  conduite  violente 
de  Taftekin ,  Se  de  faire  dès  exeufes  à 
Saladin  par  une  Ambaïlade  folem- 
nelle.  '         , 

;  Saladin  ne  demeura  pas  tranquille 
à  Damas  ,il  n'avoit  auprès  de  lui  que 

*  l'Occident ,  de  la  Méfopotamie  &  de  l'A- 
rabie déferte ,  au  Midi  auffi  de  l'Arabie  dé- 
ferte ,  de  la  mer  Perfique,  &  de  la  KoriC» 
tarie  (Kofitan)  à  l'Orient,  de  làParthie  jufqu'à 
Hulwan  ,  au  Nord  de  Hulwan ,  jufqu'à  la 
Méfopotamie  :  elle  s'étend  le  long  du  Tigre 
des  deux  côtés.  Il  y  aplufieurs  Iraks.  Voyez 
bs  notes  de  Schnlum ,  c^ • 


beSaladih.  L iv.  VIII.  115 

les  troupes  légères  qui  compofoient  fa  _  _. 
halca  ou  fa  garde»  &  quelques  mili-  Hég.  t^. 
ces  que  fon  frère  Adel  lui  avoir  ame-  J#  c#  II88* 
nées  d'Egypte.  Le  refte  des  Soldars  re- 
tires dans  le  fein  de  leurs  familles ,  ne 
fe  livraient  qu'aux  exercices  de  piété 
dans  un  tems  confacré  au  repos ,  an 
jeûne  &  à  la  prière  ;  car  on  étoit  alors 
dans  le  Ramadhan,  (4)  neuvième  mois   * 

(4)  Ramadhan;  ce  mot  fignifie  proprement 
en  Arabe ,  une  chaleur  qui  confume  ;  ce  qui 
fait  croire ,  qu'autrefois ,  il  tomboit  toujours 
en  Eté ,  au  lieu  qu'il  parcourt  actuellement 
toutes  les  faifons,  l'année  Mufulmane  étant 
lunaire.  Les  Mahométans  ont  une  grande 
vénération  pour  ce  mois  *  i<\  à  caufe  de  la 
nuit  de  la  puiflance ,  Laïlat-AUadr ,  pen- 
dant laquelle  ils  croient  crue  l'Al-koran  com- 
mença à  defeendre  du  Ciel  ;  c'efl  la  vingt- 
(èptiéme  nuit  du  mois  du  Ramadhan  ;  dans 
cette  nuit,  Dieu  pardonne ,  félon  eux ,  tous 
les  péchés  à  ceux  qui  s'en  repentent  fincére- 
ment;  &il  accorde  tout  ce  qu'on  lui  deman- 
de :  2  *•  à  caufe  du  jeûne  folemnel ,  qui  con- 
fiée à  s  abftenir  tous  les  jours ,  depuis  le 
lever  du  foleil,  jufques  à  fon  coucher,  de 
j>oire ,  de  manger  &  d'avoir  commerce  avec 
ejes  femmes.  Le  jeune  ,  mon  fils ,  dit  le  Caté- 
chifine  Muiulman,  confifte  a  vaincre  fis  psfi. 
jkns ,  a  'réprimer,  fis  appétits  fenfuels .  ...Si 


H4  Histoire 

de  Tannée  Arabique ,  fi  révéré  parmi 
j.*c?Ht£  'es Mufulmans.  Le Suhhan mit  la Re- 
'  lîgion  à  combattre  les  ennemis  du  Pro* 

1>héte.  Nous  ayons  déjà  remarqué ,  que 
es  Prêtres  Mahométans  &  les  Prêtres 
Chrétiens  appelaient  également  cette 

un  homme  a  commerce  avec  une  femme  fem 
jeune  efi  remfu  :  peur  expier  cette  f mute ,  il  doiê 
fabfienir  de  ce  commerce ,  un  autre  jour  qu'il 
lui  fera  libre  ,  <$»  outre  cela  faire  une  péni- 
tence   Le  jeune  efi  rompu  en  mangeant 

do  la  pierre ,  de  la  terre ,  de  la  toile  ou  du* 
papier. . ...  Quand  on  a  mangé  quoique  chofie 
de  comeftible ,  outre  le  jeûne  qu'il  faut  tecom* 
mencer  ;  il  faut  au  fi  faire  une  pénitence.  Cette 
pénitence  confifte  a  faire  un  repas  afoixantm 
pauvret ,  ou  a  jeûner  foixante  jours ,  ou  k  m 
donner  la  liberté  a  un  efclave.  Celui  qui  ay 
rompu  fon  jeune  %  pour  expier  fa  faute  %  cM* 
fira  de  ces  trois  pénitences ,  &  outre  cela  joAm 
nera  un  jour ,  pendant  lequel  il  fera  plus  do) 
prières  qua  l'ordinaire.  ...  .Situ  as  le  cœur 
pur ,  &  que  tu  ob férues  ces  préceptes  ,  cela  tê 
/uffira,  o  mon  fils. 

Pendant  le  Ramadhan ,  les  Mufulmans  fù£ 
pendent  tous  aâes  dlioftilités ,  interrom- 
pent toutes  leurs  aflaires ,  pour  ne  vaquer  | 
3 u'aux  exercices  de  piété,  &  le  jeûne  eft  | 
'une obligation  fi  étroite,  que  les  malades ft  I 
les  voyageurs  &  les  Soldats  font  obligés  de  ' 
jeûner ,  un  autre  mois  entier,,  j 


BbSaiadin.  L iv. VIIT.  ïij 

guerre  faintc ,  &  qu'ils  lui  attribuoient    

I  peu  près  les  mêmes  prérogatives,  aég.  584. 
celles  de  difpenfer  de  plufieurs  Obfer-  * c- ,lS*' 
vances  légales ,  de  remettre  les  pé- 
chés ,  &  de  procurer  le  martyre.  Sa. 
ladin  partit  donc  de  Damas  ,au  com- 
mencement du  Ramadhan  avec  le  peu 
de  troupes  qui  lui  reftoient ,  pour  aller 
attaquer  Sephet  ou  Saphad ,  ville  bien 
fortifiée ,  &  voifine  du  lac  de  Tibéria- 
de. (*)  Il  eut  beaucoup  à  fouffrir  dans 
ce  pays  coupé  de  montagnes  &  de 
torrens  que  les  pluyes  avoient  groffis. 
Le  fiége  dura  un  mois,  pendant  le- 
quel on  ne  cefla  de  battre  la  Place» 
Saladin  non  content  4e  s'expofer  au 
danger  comme  les  jïmples  Soldats» 
cravailloit  encore  fivec  les  Ouvriers  > 
pour xonftruire  les  machines  néceflai- 

[a)  Sspbtd  »  Sapkst ,  ou  Sephet  ;  c'eft  ap- 
paremment ce  que  nos  Hiftoriens  appellent 
Safit.  Ceft  une  ville ,  ni  grande ,  ni  petite; 
elle  a  une  bonne  fortereffe  :.  elle  eft  mr  une 
montagne  environnée  de  vallées  &  de  colli- 
nes. Ses  fauxbourgs  font  difpofés  fur  trois 
montagnes  :  elle  domine  au  lac  de  Tibé» 
riade  :  elle  a  des  canaux  &  des  aqueducs  , 
des  jardins  &  un  terroir  fertile, 

Liij 


n6  Histoui 

res ,  il  paffbit  des  nuits  entières  à  tra- 
Hc! i\\s.  ccr  'es  dimenfions  des  béliers,  des  ca- 
'  tapultes ,  &  il  aidoit  de  fes  mains  à 
couper  le  bois  &  à  le  façonner.  Un  tel 
exemple  étoit  un  puiflant  aiguillon 
pour  le  refte  des  Officiers  <jui  s'em- 
preflent  toujours  d'imiter  leur  Géné- 
ral. Enfin  les  Aflîégés  ,  après  s'être 
bien  défendus ,  prévinrent  la  ruine  de 
la  Place  &  fe  fournirent. 

Le  Sulthan  parut  une  féconde  foi 
devaot  Caucheb,  cette  Place  G  dif- 
ficile à  prendre ,  réfolu  de  faire  les 
derniers  efforts  pour  s'en  rendre  mai* 
tré.  Ce  fiége  fut  long  &  meurtrier; 
Caucheb  ou  Cauckheb  étoit  (ïtué  for 
des  montage  ,  ainfi  que  Saphad, 
dont  il  étoit  voifîfî.  La  petite  armée 
de  Saladin  campa  aux  pieds  des  colli- 
nes. Pour  lui ,  il  grimpa  fur  les  ro- 
chers avec  les  Soldats  armés  à  la  lé- 
gère: on  fit  à  la  hâte  un  petit  retran- 
chement avec  des  pierres  Oc  de  la  ter- 
re, pour  fe  garantir 'des  traits  ennemi* 
qui  tuoient  tout  ce  qui  ofbit  s'appro- 
cher. Tous  les  jours  on  alloit  à  l'af- 
faut  y  &  l'on  en  revenoit  avec  perte. 
Les  Aflîégés  f  placésiur  un  lieu  élevé  « 


de  Saladin.  L iv. VIII.  iiy 
n'avoient  que  la  peine  de  rouler  des 
pierres  qui  écrafoient  par  leur  chute  j^iîw.' 
les  Mufulmans.  Les  orages  ne  furent 
pas  moins  fimeftes  à  ces  derniers.  Il 
tomba  une  pluye  fi  abondante ,  qu'elle 
emporta  une  partie  des  provifions, 
g£ta  le  refte  >  &  ramafla  tant  de  boue , 
que  les  hommes  &  les  chevaux  ne 
pouvoienjc  marcher.  Les  Sarrazins  fe 
feroient  rebutés  de  tant  d'obftacles  , 
s'ils  n'euflent  été  foutenus  par  la  cons- 
tance de  leur  Chef.  Saladin  partageant 
les  travaux  &  les  périls ,  intpira  une  fi 
grande  ardeur  à  fes  troupes  ,  que ,  mal- 
gré les  orages ,  la  pluie ,  la  fituatioa 
avantageufë  de  la  Place ,  &  la  bravoure 
des  Chrétiens,  elles  appliquèrent  enfin 
les  échelles ,  &  commencèrent  à  ef- 
calader  les  murailles.  Dans  cette  ex- 
trémité ,  les  Aflïégés  demandèrent  à 
capituler  ,&  obtinrent  la  permiffion 
de  fortin 

Après  avoir  laide  une  bonne  garni** 
fon  dans  cette  fortereflç ,  le  Sulthan 
accompagna  jufqu  aux  confins  de  la 
Syrie  (on  frère  Adel  qu'il  envoyoit  en 
Egypte.  En  revenant  il  vifîta  toutes 
les  cotes,  n'ayant  avec  lui  queies  Ma*-  m 

L  iiij 


lit  Histoire 

meluks ,  &  fans,  craindre  d'être  enlevé 
'ï!cîu*88!  Par  ^es  Par"s  ennemis ,  qui  fortoient 
tous  les  jours  de  Tyr ,  &  couraient  la 
campagne  pour  faire  du  butin  :  il  for* 
tifia  toutes  les  Places  maritimes,  les 
munit  de  provifions ,  d'armes  &  de 
Soldats ,  &  alla  jouir  à  Damas  de  quel* 
que  repos ,  en  attendant  que  la  fin  de 
1  hy  ver  lui  permit  de  continuer  les  opé- 
rations de  la  guerre. 

Âinfi,  de  tous  les  Etats  que  lef 
Croifés  avoient  poflcdés  dans  la  Me- 
fopotamie,  la  Syrie  &  la  Paleftine, 
il  ne  leur  reftoit  que  trois  Villes* 
Antioche ,  Tyr  &  Tripoli ,  lorfque 
la  Chrétienté  fit  un  nouvel  effort  > 
pour  fecourir  la  Terre  Sainte.  Tou- 
tes les  Puiflances  de  l'Occident  fe 
liguèrent  à  la  fois  >  pour  oppri- 
mer Saladin ,  &  formèrent  une  ar- 
mée capable  de  conquérir  le  mon- 
de entier.  Mais  cette  fameufe  ex- 
pédition fut  peu  utile  aux  Francs 
&  devint  fimefte  aux  Princes  qui 
l'entreprirent.  Toutes  leurs  forces 
réunies  en  dépeuplant  l'Europe  , 
&  défolant  l'Afie  ,  ne  fervirent 
qu'à  retarder  9    de   quelques  mo*. 


*E  Sàlàdin.  Liv.VIII.  iij 

ttnens,  la  çuinc  totale  des  Chrétiens  ^SSLSP 


4»Orient. 


Hég.  y7* 


;.  î7»4J 


Ifeiifi 


Fil  </«  Ziwe  huitième. 


SOMMAIRE 

DU  LIVRE  NEUVIEME. 

On  prêche  en  Europe  la  Croifade. 
Etat  de  la  France  &  de  V  An- 
gleterre. L'Empereur  Frédéric 

^  Barberouffefe  croife  :  il  écrit 
à  Saladin  ?  réponfe  du  Sul- 
than.  Révolution  arrivée  à 
Conflantinople.  Saladin  fait 
alliance  avec  Ifaac  l'Ange  ;  il 
aj/iége  Schokaif-Arnoun.  Lu- 
jignan  forti  de  captivité  y  re- 
commence la  guerre  &  ajjiége 
Ptolêmals  :  description  de  cette 
Ville.  Arrivée  de  plujîeurs 
Croifés.  Saladin  vient  au  fe- 
cours  de  Ptolémais.  Plufieurs 
combats. 


HISTOIRE 

D  E 

SALADIN 

Sulthan  d9 Egypte  &  de  Syrie. 
LIVRE  NEUVIEME. 


LA prife  de Jérufalem  avoit  jette    Hég.  5«4. 
l'Europe  dans  la  plus  grande    J'C-IX,,# 
confternation.  L'Archevêque  de 
Tyr ,  que  quelques  Ecrivains  ont  nom- 
mé Guillaume ,  &  qu'on  a  confondu 
avec  L'Hiftorien  des  Croifades  mort 
peu  auparavant ,  pafla  la  mer  ,  pour 
apprendre  aux   Peuples  d'Occidenc 
les  malheurs  de  la  Paleftine.   Cette  R(!cHot; 
trifte  nouvelle  aigrit  les  douleurs  d'Ur- Match.  Pari* 
bain  III ,  alors  malade  à  Fefrare ,  &:£cb;  '•  *"• 


^^^  îji  Histoire 

^jrjjf^p  le  précipita  dans  le  tombeau.  Gré- 
h  c  Vis»!  goire  VIII.  qui  ne  lui  furvécut  que 
de  peu  de  jours ,  laifla  la  Thiare  &  fes 
projets  à  Clément  III.  Ce  Pape  ré- 
nouvella  toutes  les  Indulgences  &  les 
prérogatives  accordées  aux  Croifés 
par  Urbain  II.  &  par  Eugène  III ,  fie 
réveilla  l'ardeur  des  Chrétiens  en  éta- 
bliflant  des  prières  publiques ,  des  jeû- 
nes ,  des  jours  d  abltinence.  (a) 

L'Italie  plongée  dans  la  licence  & 
la  débauche ,  éprouva  tout-à-coup  une 
fermentation  générale.  Les  cerveaux 
échauffés  par  la  chaleur  du  climat ,  le 
furent  encore  davantage  par  les  vives 
exhortations  des  Prêtres  ,  par  le  récit 
exagéré  des  cruautés  des  Sarrazins, 
par  limage  des  lieux  Saints  profanés, 
(V)  des  tourmens  des  Francs  >  enfin 

(a)  Il  ordonna  qu'on  jeûneroit  pendant 
cinq  ans  ,  tous  les  vendredis ,  &  qu'on  ne 
prendrait  que  des  alimens  de  Carême  ,  le 
mercredi  &  le  famedi  :  ce  dernier  jour  n'étoit 
pas  encore  un  jour  d'abfKnence  Outre  cela, 
le  Pape  &  les  Cardinaux  promirent  dobfer- 
Ter  la  même  abfUnence  le  lundi 

(b)  Les  Arabes  difent  que  Conrad  avoît 
repréfenté  fur  une  grande  Image ,  la  ville 
Mainte  &  principalement  te  Saint  Sépulchri 


] 


*i  Sàiàbih.  Liv.  IX.    uj 

toar  laflurance  de  la  rémiffion  des 

péchés  &  du  falut  éternel.  On  foifoit  ££Jfâ 

qu'un  cheval  monté  par  un  Mufulman  fou* 

lok  aux  pieds  &  couvrait  d'ordures  ;  mie 

cette  Image  fût  envoiée  en  Occident  ;  que  les 

Prêtres  la  portoîent  de  ville  en  ville ,  pieds 

nuds  &  couverts  d'un  cilice ,  &  la  montraient 

au  Peuple  en  gémiflant,  &c.  Ce  paflàge  eft 

trop  remarquable,  pour  n'être  pas  rapporté 

en  entier  :  Nempè  civitmtem  ille  SsncJam  im 

thsrt*  depinxerat,  in  eaqùeeffrgiem  expreffo- 

ta*  Ttmpli  refurteûionis  ,  quod  Religm*  *««• 

Unt   feregrinanone  ,    cujufque  m*jeft*tem 

vonerantur  :  in  oofacellumefi  Sefulchri  Mef* 

fi*  ,  inque,  ex  ofinione  eorum  pofi  crucifixion 

nom  humains  fuit.  Hôc  Sepulchrum  radix  efi 

&frt,cifu*  tau/s  ipforum  pérégrinations ,  im 

quod  credunt ,  ftato  quodam  acfolomni  Fefta 

•  luccm  defcendere  quotannis.  Hoc  fuper  SepuU 

chro  oquum  delineaverat ,  ah  équité  MufuU 

mano  inceffum ,  qui  monumentum  Méfia  f 

intormingonte  equo ,  con'cuUabau  H*ne  pi&n* 

ram  ,  tr ans  mare  ,  produxit  inforis  &  concU 

HaMis  ,  portantibm  oam  Sacerdotibu$ ,  nudo 

csfite,  citicio  mdtttis  ,  luUuofamquo  vainge* 

minantibus.   Jam  veto  pian*  &  imagine? 

eorum  corda  vol  maxime  adficiunt  ;  ee.  quippè 

funt  radix  &  fundamentum  Reîigionis  ipfo- 

rum ,  &c  Boha-eddin.  ch.  80.  p.  1 3  5  , 1 3& 

& Aboul-Fedha,  ch.  30,  dit  qu'on avoitre* 

Îréfenté,  fur  une  autre  Image,  le  Mçi&t 
>oetté  de  verges  par  Mahomet. 


t$4  HïfTom* 

des  proceflîons  \  on  s'attroupoit  dan* 
Hég.  s*g  les  Places  ;  on  s'animoit  les  uns  les 
*•  &  *«•  •  jujjjes  :  ia  populace  fouillée  de  cri- 
mes, fe  crut  chargée  de  venger  les 
intérêts  du  Ciel  :  chacun  prit  la  Croix  : 
on  vit  encore  des  Evêques ,  des  Ecclé- 
fiaftiques,  des  Moines,  dépofer  les 
habits  Sacerdotaux  pour  endofler  la 
cuirafie,  des  Vierges  confacrées  à  la 
retraite  par  des  vœux  indiflolubles  , 
quitter  leur  Cloître  par  le  voeu  de  la 
Croifade ,  &  fous  prétexte  d  aller  fer* 
vir  dans  les  armées  les  Soldats  de 
Jefus  -  Chrift.  Cet  enthoufiafme  fe 
communiqua  bientôt  dans  toutes  les 
autres  parties  de  la  Chrétienté. 

Les  Cardinaux  donnèrent  l'exem- 
ple de  la  première  ferveur  &  malheu- 
reufement  auffi  du  premier  refroidiC 
fement  :  ils  s'aflemolérent ,  firent  des 
réglemens  fort  fages ,  pour  réformer 
leurs  moeurs  &  réprimer  leur  luxe  ;  )\u 
rérent  folemnellement  de  prêcher  eux- 
-mêmes la  Crpifade ,  d'aller  à  pied  à 
Jérufalem'  en  demandant  l'aumône , 
d'obferver  plufieurs  auftérités,  en,fin 
de  ne  plus  vendre  les  Bénéfices ,  ni  les 
grâces  du  Pontife.  Mais  ces  accès  d  un 
zélé  indifcret ,  furent  une  étincelle  qui 


se  SaIàdin.  Liv.  IX.  ijf* 

sfévanouit  auffitôt.  Ces  Prélats  plus  1  Ré  g  ^ 
imprudens  que  parjures,  relièrent  à  j.oiis£ 
Rome ,  exercèrent  de  nouveau  la  fimo- 
nie  &  vécurent  comme  auparavant 
avec  cette  pompe  &  ce  fefte  fi  oppo- 
fés  à  la  fainte*  modeftie  des  premiers 
Apôtres. 

Cependant ,  après  avoir  enflammé  le 
cœur  des  Italiens  ,   l'Archevêque  de 
Tyr  &  le  Cardinal  Henri ,  Evêque 
d'Albano ,  honorés  l'un  &  l'autre  par 
le  Pontife  du  titre  de  Légat ,  paflerent 
en  France,pour  y  allumer  la  même  ar- 
deur. Ce  Royaume  étoit  alors  troublé 
par  la  guerre,  quelefeune  Philippe 
Augufte  avoir  déclaréeau  Roi  d'Angle- 
terre. Henri  IL  reténoit  injuftemerit  lé 
Comté  de  Vexin  &  la  Princefle  Alix, 
On  vouloir  l'obliger  de  rendre  Alix  à 
Richard  fon  fils ,  à  qui  elle  avoit  été 
fiancée  ,&  le  Vexin  à  Philippe,    (a) 
tes  deux  Rois  étoient  en1  armes  & 
jwréit*  d'en  venir  aux  mains ,  pour  vui- 
der  leur  querelle,  lorfque  les  Légats 
»■■'»•  ■  »   ■      «•• 

(a)  Les  Villes  du  Vexin  aroient  été  don- 
nées en  dot  à  Marguerite  foeur  de  Philippe , 
mariée  avec  Henri,  fils  aîné  de  Henri  II. 
Elle  étoit  morte  fans  enfans ,  &  le  Vexin 
çievoit  revenir  à  Philippe         * 


Ijtf  HlSTOlRl 

arrivèrent  en  France.  Le  refreâ  qu'on 
jfcJiiM."*70^  a'ors  Pour  *e  Saint  Siège  ètoit 
tel  >  que  ces  Princes  fufpendirent  leurs 
hoftilités ,  &  eurent  une  entrevue  en- 
tre Trie  &  Gifors.  Là,  l'Archevêque. 
deTyr  fait  une  peinture  fi  vive ,  fi  tou- 
chante, G  pathétique,  des  malheurs 
de  la  Paleftine ,  que  tous  les  Afiîftans 
fondent  en  larmes.  Les  deux  Rois 
s'embraftènt  en  pleurant ,  fe  jurent 
une  amitié  fincére ,  &  reçoivent  la 
Croix  des  mains  des  Légats.  Richard 
Duc  de  Guyenne  &  Comte  du  Poitou , 
le  Duc  de  Bourgogne  ,  Philippe 
Comte  de  Flandres,  les  Comtes  de 
Champagne,  de  Soiflbns,  de  Blois» 
de  Dreux,  de  Perche,  de  Germon  t, 
de  Bar,  de  Beaumont,  de  Nevers, 
Jacques  Seigneur  d'Avefnes,  &  les 
principaux  Seigneurs  de  France,  d'An» 
gleterre  &  de  Flandres,  imitèrent  cet 
exemple  qui  fut  fuivi  par  tout  le  Peu* 
pie.  On  diftinguaies  trois  Nations  pat 
des  couleurs  différentes  :  on  donna  une 
Croix  rouge  aux  François ,  une  blan* 
che  aux  Anglois  &  une  verte  aux  Fia* 
mands  :  le  lieu  de  la  conférence  fut 
appelle  le  champ  Sacré  :  on  y  planta 
une  Croix  f  &  on  y  établit  une  Eglife* 

Le 


dï  Saiadiv.  Liv.IX.  i)7 
Le  nombre  des  Croifés  formoit  déjà 
une  très  grande  armée  :  on  avoit  des  _"*«•  *•«• 
Soldats  ;  on  avoit  des  Chefs  5  mais  on 
manquoit  d'argent.  On  en  trouva 
par  le  moyen  d'une  nouvelle  impoli- 
tion  appellée  la  Saladine ,  ou  la  Dix- 
me  Saladine.  Il  fut  ordonné  que  tous 
ceux  qui  ne  fe  croiferoient  pas ,  paye* 
roient  une  fois  feulement  le  dixième 
de  leurs  revenus  &  de  leurs  biens  meu* 
blés.  Les  Eccléiiaitiques  alléguant  les 
immunités  de  l'Edite ,  fe  récrièrent 
contre  cette  taxe  à  laquelle  on  les  avoit 
fournis ,  (4)  comme  f  1 ,  pour  être  Prê- 
tre ,  on  ceflbic  d'être  Citoyen  ;  &  fi 
les  Miniftres  du  Dieu  de  pauvreté ,  en- 
richis par  les  aumônes  des  Peuples , 
pouvoient  refofer  aux  befoins  de  l'E- 
tat ,  une  partie  des  biens|qu  ils  en  ont 
reçus. .  Le  célèbre  Pierre  de  Blois,  en- 
tfautres  ,  un  des  plus  fçavans  hom- 
mes de  ce  teins ,  écrivit  fur  cette  im- 
position ,  qu'il  appelloit  une  entreprife 
criminelle  contre  la  liberté  &  les  pri- 
vilèges du  Clergé  dont ,  félon  lui ,  on 


(4)  On  n'exemta  de  cette  impofition  que  les 
Chartreux,  les  Bernardins  &  les  Religieux 
de  FontevraiiUL 

Tome  If.  M 


I)S  Histoïhé 

n'âvoit  droit  d'exiger  que  des  priétfes  5 
hciilît ma{s  il  n>y  eur  de  crinwnd  dans  cette 
affaire ,  gue  fa  hardieflfe ,  les  murmu- 
res de  (es  fëmblables  ,  &  l'emploi 
qu'an  fit  de  cet  argent* 

En  effet  les  fommes  qu'on  leva  car 
cette  dixme ,  tant  en  France  qu  en 
Angleterre ,  &  qui  dévoient  (ervir  à 
détruire  les  Infidelles ,  furent  confom* 
niées  dans  la  guerre  que  les  deux  Na- 
tionsà  peine  réunies  fe  firent  Tune  à 
l'autre.  Richard  fruc  de  Guienne ,  & 
Comte  de  Poitou ,  attaqua  fous  un  lé- 

fer  prétexte  le  Comte  de  Touloufe. 
>  Richard  étdit  fils  de  cette  Eléo- 
nore  de  Guienne  ,  que  Louis  le  jeu* 
ne  eut  l'imprudence  de  répudier  à^rès 
lavoir  accufée  d'adultéré  ,&' que 
Henri  II.  moins  fcrupuleux  ne  rougit 
pas  d  epoufer ,  parce  qu'elle  lui  ap- 
portait en  dot  la  Gafcogne  ,1a  Guien- 
ne &  le  Poitou.  Le  Comte  de  Touloufe 
implora  la  prote&ion  de  fon  Souve- 
rain. Philippe  accourut  au  fecours  de 
fon  va(Tal  ,  Henri  au  fecours  de  fon 
fils,  &  tout  fut  en  armes.  Le  Roi  de 
France  enleva  plufieurs  Places  aux  An- 
glois,  &  s'avança  pour  les  combattre 
en  bataille  rangée  :  mais  les  Comtes 


DE  SàLÀDIN.   LlV.IX.    1)9 

de  Flandres  &  de  Champagne  ,  & 
d'autres  Seigneurs  qui  vouloient  ac-  j^cÎVim! 
complir  le  vœu  delà  Croifade , en-       ". 
gagèrent  les  deux  Rois  dans  des  pro- 
jets de  paix. 

Philippe  ,  à  qui  la  guerre  étoit  avan- 
tageufe,  exigea  des  conditions  capa- 
bles de  la  perpétuer  :  non-feulement 
il  demanda  qu'on  rendit  fa  fœur  Alix 
à  Richard  ,  que  ce  Prince  rcgardoit 
comme  fa  femme  ,  &  que  fon  perd 
craitoit  comme  fa  maîrreffe ,  félon  les 
bruits  publics-,  mais  encore  qu'en  fa- 
veur de  ce  mariage,  Richard  fût  dé- 
claré Roi  d'Angleterre  conjointement 
avec  Henri.  Ce  Roi  n'eut  garde  de 
confentir  à  cette  proportion.  La  corn-* 
plaifance  qu'il  avoit  eue  pour  fon  fils 
Henri ,  en  l'aflbciant  au  trône ,  ne  lui 
avoit  été  que  trop  funefte ,  Se  il  ne 
s'attendoit  pas  à  plus  de  modération 
de  la  part  de  fon  fécond  fils ,  devenu 
ion  héritier  par  la  mort 'de  l'aîné.  Ce 
que  Philippe  avoit*  prévu  arriva.  Ri-* 
chârd  dont  il  venoit  d'aigrir  l'ambi- 
tion ,  indigné  de  la  fermeté  de  fon 
père,  fe  joignit  à  Philippe, &  cette 
guerre  de  politique  devint  une  guerre 
civile. 

Mi} 


f40  Histoihï 

Les  hoftilités  recommencèrent  de 
Hég   %2s.  toutes  parts.  Il  y  eut  cependant  en- 
f.c  ut}.  corç  une  conf^rence  au(Jj  inuciie  qUe 

les  précédentes ,  &.  dans  laquelle  Aï- 
chard  voulut  tuer  le  Légat  du  Pape  . 

3ui  menaçoit  de  mettre  le  Royaume 
e  France  en  interdit ,  fi  on  ne  fai- 
foit  la  paix.  Il  reftoit  au  malheureux 
Henri  un  fécond  fils  qu'il  avoir  tou- 
jours tendrement  aimé ,  &  auquel  il 
avoit  donné  l'Irlande.  Ce  fils ,  non 
moins  dénaturé  que  fon  frère,  fe  jetta 
parmi  les  Rebelles ,  &  augmenta  les 
horreurs  de  la  guerre  civile ,  fi  on 
peut  appeller  de  ce  nom  trop  doux  , 
une  guerre  où  des  enfans  combattent 
contre  leur  père  »  exemple  trop  fré- 
quen^dans  l*Hiftoire  pour  l'opprobre 
de  l'humanité.  Henri  pour  fui  vi,  vain- 
cu partout ,  n'ayant  aucune  reflource , 
après  avoir  fait  une  paix  honteufe  & 
néceflaire ,  mourut  de  douleur  en  corn* 
blant  de  malédiâions  tes  enfans  ac- 
eufés  lourdement  de  parricide.  Il  étoh 
âgé  de  foixante  &  un  ans ,  &  en  avoit 
régné  trente-cinq. 

•  Mais  dans  le  tems  que  les  Rois  de 
France  &  cf  Angleterre  épuifo  eut  inu- 
tilement pour  la  Chrétienté  leurs  for- 


»e  Sàlàbin.  Lïv. IX.  141 
ces  &  leurs  finances  *  l'Empereur  fe 
difpofoic  à  partir  pour  la  Terre  fainte.  jf^fjjj* 
C'étoit  un  Prince  éprouvé  par  la  bon- 
ne &  la  mauvaife  fortune ,  célèbre  par 
des  viâoirês ,  par  de  grandes  aâions , 
par  un  règne  long  &  glorieux ,  &  plus 
encore  par  Tes  démêlés  avec  les  Papes. 
On  voit  que  je  veux  parler  de  Frédéric 
I.  de  Souabe,  dit  Barberoufle.  A  Page 
de  foixanre-quatre  ans ,  il  avoit  certt 
inrctuofité  de  courage  qui  femble  ne 
comenir  qu'à  la  jeunette -,  &  une  prtn. 
dence  éclairée  que  la  vieillefle  ne  don- 
ne pas  toujours»  Après  la  conférence 
de  Gifors ,  l'Archevêque  de  Tyr  vint 
le  folliciter  d'employer  pour  la  Reli- 
gion les  armes  qu  il  avoit  portées  con- 
tre le  faint  Siège.  Frédéric  étoit  alors 
en  paix  avec  les  Princes  Tes  voifins  , 
&  furtout  avec  Rome  fi  long.tems 
agitée  par  fes  querelles  avec  les  Souve- 
rains Pontifes.  Il  aflembla  une  Die  t te 
générale  f  &  prit  la  Croix  en  pré* 
fence  de  toute  la  Nation  germanique , 
dont  les  Chefs  fe  croiférent  avec  lui: 
c  étoient  Frédéric  Duc  de  Souabe  fon 
fécond  fils ,  Léopold  Duc  d'Autriche, 
Berthold  Duc  de  Moravie  ,  Herinan 
Marquis  de  Baden  ,  les  Comtes  de 


î+i  Histoire  . 

Naflau ,  de  Tharinge ,  de  Miffen  ,  de 
*c!ws£  Hollande  5  les  Evéques  de  Befançon , 
de  Cambrai*  de  Munfter ,  d'Ofnabrug , 
de  Miffen ,  de  Paflau,  de  Wirtzbourg , 
&  plusieurs  autres  Princes  &  Seigneurs 
qui  tous  voulurent  le  fuivre  dans  cette 
expédition. 

Frédéric  avoit  accompagné  l'Empe- 
reur Conrad  (on  oncle  dans  la  féconde 
Croifade.  Pour  prévenir  les  défordres 
&  les  malheurs  dont  il  avoit  étéfté- 
nioin  ,  il  fit  dans  cette  occafionies 
loix  les  plus  fages  :  il  ne  permit  pas  in- 
différemment à  tous  fes  Sujets  de  fe 
croifer ,  mais  feulement  à  ceux  qui 
pouvoient  emporter  au  moins  trois 
marcs  d'argent  ,  environ  cent  cin- 
quante francs  de  notre  monnoie  :  il 
ordonna  aux  riches  d  amafler  le  plus 
d'argent  qu'ils  pourroient  j  cette  pré- 
caution étoit  utile ,  pour  éviter  la  di- 
(ètte  qui  avoit  caufé  tant  de  maux  dans 
les  premières  émigrations  ;  il  chafla 
ce  grand  nombre  de  femmes,  qui  fous 
prétexte  de  fervir  les  Soldats  &  de  ga- 
gner des  Indulgences ,  portaient  dans 
Parmée  la  corruption  &  la  débauche. 
Enfin  il  publia  les  Edits  les  plus  févé- 
res ,  pour  faire  obferver  dans  la  route 
une  éxadfcc  difcipline. 


de  Sàlàdin.  Liv. IX.  14) 
Les  croupes  eurent  une  année  en-  ' 
tîére  pour  le  préparer.  On  leur  affi-    H*?'  Jjj* 
gna pour  rendez-vous  général ,  les  en-    ' 
virons  de  Ratifbonne.  Dans  cet  in- 
tervalle ,  Frédéric  envoya  des  Am- 
baffadeurs  à  tous  les  Princes  fur  les 
terres  defquels  il  devoit  pafler ,  pour 
les  prier  de  ne  point  interrompre  fà 
marche,  &  de  lui  fournir  les  vivres  & 
les  autres  fecours  dont  il  avoir  befoin. 
Ces  Princes  étoient  Bêla  Roi  de  Moi*  .     -      v 
grie ,  Ifaac  Empereur  de  Conftantinô» 
pie  ,  Kilidge-Arflan  Sulthan  d'Ico- 
nium.   Le  premier  accorda  tout  ce 
qu'on  lui  demandoit  :  les  deux  autres 
promirent  de  favorifer  les Croifës,& 
prirent  des  mefures  pour  leur  nuire. 
Mais  l'AmbafTade  la  plus  extraordi- 
naire fut  celle  de  Henri  Comte  -de 
Pieftzril  eut  ordre  d'aller  vers  SaJ$- 
din ,  pour  le  fommer  de  rendre  tout 
ce  qu  il  avoir  prisjiux  Chrétiens  &  lui 
déclarer  la  guerre  fcn.  cas-de  refus.  Fré- 
déric croyant  avoir  fuccédé  aux  droits 
des  Empereurs  Romains ,  parce  qu  il 
enjjrenoit  le  titre ,  adreflbit  lui-même 
au  Sulchan  une  Lettre  celle  qu'auroient 
pu  l'écrire   les  premiers  Céfars  aux 
Gouverneurs  de  la  Syrie.  On  ne  fera 


144         Histoihï 

'  point  furpris  de  tant  de  fierté ,  puiP- 
fH%*  5jî-  qu  on  fçait  que  le  même  Empereur 
j.  c.  us*.  avoit  fe.t  déciier  à  Cologne  en  1 1 5  8 

par  les  DoAeurs  en  Droit, que  l'em- 
pire du  monde  entier  lai  appartenait , 
&  que  l'opinion  contraire  étoit  une 
hcréfie.  Vqici  à  peu  près  la  lubftance 
de  cette  Lettre.  Ça) 

Frédéric  Empereur  des  Romains 
toujours  augufte  ,  magnifique  triom- 
phateur des  ennemis  de  l'Empire  à 
Sàlah-adin  Chef  des  Sarrasins. 

Fuyez  Ifrael  à  l'exemple  de  Pharaon. 

Pmfque  vous  avez,  prophané  la  Terre 
fdme  qui  mus  appartient  Jl  eftde  mire 
fillicitude  Impériale  &  de  notre  devoir , 
de  punir  une  fi  criminelle  audace ,  &  de 
Itous  avertir ,  que  fi  vous  n  abandonnez^ 
tout  le  pays  que  vous  avez,  ufurpê,  nous 
irons  éprouver  avec  vous  le  fort  des  ar- 
mes  par  la  vertu  de  la  Croix  ,  &  au 


(a)  Cette  Lettre  eft  rapportée  avec  des  diffé- 
rences confidérables  par  tous  les  Auteurs  qui 
en  ont  fait  mention  :  la  copie  qu'on  lit  dans 
Bàronius  eft  la  plus  ridicule;  celle  qu'on  trouve 
dans  Matth,  Paris  eft  la  plus  raifonnable. 

nom 


»e  Saladik.   Liv.  IX.  145 
nom  du  véritable  Jofeph.  (a)  VHiftoire 
ancienne  &  moderne  doit  vous  avoir  ap-   j,  c?u«£ 
pris  que  toutes  les  provinces  de  l'Orient 
(b)  font  foumifes  à  notre  domination:  ils 
ne  l  ignor  oient  pas ,  ces  Rois  qui  ont  eni- 
vré defang  les  épies  des  Romains ,  &  vou$ 
ffaurcz,  blêmit  vous-même  par  expérience 
et  que  peuvent  nos  aigles  viBorieufes ,  nos 
cohortes  composes  de  différentes  Nations , 
&  combien  font  redoutables  tous  les  Peu-, 
pies  de  notre  Empire,  (c)  Dans  ce  jour 
falligreffe  ,-joHr  deftinê  au  triomphe  du 
Chrift  y  nous  vous  ferons  fentir  la  force  de 
ce  bras  que  vous  croyez,  appefantipar  lâgem 

Saladin  fut  furpris  qu'on  ofiit  le  me- 
nacer de  fi  loin  :  il  reçue  félon  fà  .cou- 
tume ,  l'A  mbaiïadeur  avec  diftinétion  a 
répondit  à  l'objet  de  fa  million ,  &  lui 


(a)  On  fait  peut-être  ici  allufion  au  titre  de 
ïofeph  ,  que  Saladin  affeâoit  de  prendre 
dans  tous-les  aâes. 

(b)  Il  nomme  les  deux  Ethiopies ,  la  Mau- 
ritanie ,  la  Perfe  ,  la  Syrie,  le  pays  des  Par- 
thés  ,  la  Judée  ,  la  Sàmarie  ,  l'Arabie,  là 
Chaldée ,  l'Egypte ,  &c. 

ftc)  Il  fait  rénumération  de  tous  les  Peuples 
d'Allemagne  &  autres ,  &  leur  donne  à  tous 
pne  épithéte.' * 

Tome  IL  N 


14<f  El  8TOIKÊ 

'  remit  la  Lettre  Clivante  (#)  pour  l'Em- 
j.c/iSpereur. 

Au  très-iilnftre  Frédéric ,  notre  fîn- 
cére  ami ,  Roi  des  Allemands. 

A*  nom  de  Die*  mifiricorMeux ,  par 
Ugract  de  Dieu  qui  eftfiul  &  unique 
Dieu  (by  fiépreme  >  viRorieme*  immua^ 
ble ,  dont  le  régne  ri  a  point  dejm»  Louan- 
ges éternelle*  foient  rendues  À  eebri  qm  A 
répand*  fa  grâce  fur  la  terre.  Nom  le 
prions  rm  faveur  de  fis  Prophètes ,  & 
principalement  de  notre  Legtjlateur  fin 
Prophète  Mahomet ,  qttil  *  envoyé  pour 
réformer  la  feule  véritable  Loi ,  laquelle 
il  fera  reJpeSer  de  toutes  les  Nations. 

Nonsfaifons  fiavohr  aupuijfant  Roi 
ttïïtre  fincére  ami  le  Roi  des  Allemands  , 
qtfil  eft  arrivé  un  homme  nommé  Henri, 
fi  difimt  v&trc  Amintffadatr  Jequd  nous 
a  remis  une  Lettre'  qtfil  dit  être  de  vous. 
Nous  avons  répond*  de  vive  voix  ame 

(if)Nous  «cpo&s  un  peu  abrégé  cette  Lettre* 

(b)  Les  Mufulmans  fe  fervent  toujours  de 

cette  formule ,  par  oppofition  aux  Chrétiens 

?ui  admettent  trois  Dieux ,  félon  eux.  Ces 
euples  fondent  cette  opinion  fur  le  Myftére 
de  la  Trinité:  ils  difent  ordinairement,  quo 
nous  donnons  des  compagnons  à  Dieu* 


DE    S  À  LAD  IN.   LlV.  IX.     I47 

Mfeours  qu'il  nous  a  tenus;  &  voici  la 
rèponfe  que  nousfaifom  à  ta  Lettre,  j^cfxï^! 

Fous  nommez,  des  Rois  ,  des  Princes  ,  Hi(U  ^^ 
des  Comtes ,  des  Archevêques ,  des  Mar-  &  alibi. 
quis  ,  des  Cheiratiers,  &  plufieurs  Na- 
tions qui  doivent  nous  attaquer  avec  vous. 
Apprenez,  que  cotte  Lettre  ne  pourrait  pas 
feulement  contenir  les  noms  de  tous  les  dif- 
férons Peuples  quicompofent  notre  Empire* 
Aucune  mer,  aucun  oiftacle  ne  peuvent 
retarder  leur  marche:  As  font  prêts  à  fi 
rendre  fous  nos  drapeaux.  Nous  avons 
même  actuellement  avec  nous,  ces  Soldats 
avec  lefquets  nous  avons  conquis  tant  de 
pays-  Si  vous  ofez,  venir  avec  cette  mul- 
titude que  nous  annoncent  votre  Lettre  & 
votre  Ambajfadeur ,  loin  de  vous  crain- 
dre* nous  irons  au-devant  de  vous  t  & 
Dieu  parfafitprêmepuiJ}ance,nous  accor- 
dera ta  viBoire.  Alors  nous  pajferons  nous- 
mêmes  la  mer ,  &  nous  irons  détruire  vo- 
tre Royaume  vcar  nous/codons  que  pour 
former  cette  grande  armée ,  vous  dépeu- 
plerez, vos  Etats  y  &  vous  n'y  laijferez*  au- 
cun Dêfcnfeur.  -Rien  n  empêchera  que 
nous  ne  nous  en  rendions  maîtres ,  après 
vous  avoir  vaincu  dans  la  Palefiine.par 
la  vertu  du  fini  &  unique  Dieu.  Deux 
fins  fa  Chrétienté  mitre  s'eft  foulevét 

Ni) 


148  Histoire 

Hé  -contre  nous  :  elle  efi  venue  nous  attaquer 
i.i±us<>!en  Egypte*  une  fois  devant  Damiette* 
une  autre  fris  devant  Alexandrie.  Fous 
n'ignorez,  pas  où  ont  abouti  ces  efforts  >  & 
quelle  a  été  ïiffue  de  cette  double  entre- 
prifi.  Depuis  ce  tcms  ,  Dieu  a  bien  di- 
ininuk  votre  puijfance  &  augmenté  la  no- 
tre: il  nous  a  donné  toute  V Egypte  ,  les 
Royaumes  de  Damas  ,  de  Jérufalem, 
d'Haï ep ,  les  cotes  de  la  Syrie  9  la  Méfi- 
potamie  &  beaucoup  d?  autres  régions.Tous 
les  Princes  Mufulmans  font  nos  vajfaux 
au  nos  tributaires.  Tous  les  Sulthans  obéi  fi 
fent  a  nos  ordres.  Si  nous  mandions  mê- 
me au  Khalife  de  Bagdad  (que Dieu 
comble  de  bénédittions  )  de  nous  amener  des 
troupes  j  il  defeendroit  de  fin  tronc  fu- 
blimcypour  accourir  au  fecours  de  notre 
Hautejfe.  Il  ne  refte  plus  aux  Chrétiens 
que  trois  villes,  Tyr  ,  Tripoli  &  Antio- 
che ,  que  nejus  allons  leur  enlever.  Si  vous 
voulez,  laguerre ,  &  fi  Dieu  a  réfolu  vo- 
tre ruine  dans  fis  Décrets  éternels ,  ve* 
nez, ,  nous  marcherons  à  votre  rencontre. 
Si  vous  voulez,  la  paix ,  ordonnez,  aux 
Gouverneurs  de  ces  trois  villes ,  de  nous  en 
ouvrir  les  portes. 

\  A  cette  condition  nous  vous  rendrons 
VMtre  Croix:  nous  délivrerons  tous  vos 


»i  Sàladin.  Liv.  IX.  149 
ICaptifs ,  nous  permettrons  qu'un  de  vos 
Prêtres  demeure  dans  le  Temple  de  la  Ré-  £**  l  $£ 
fitrre£Hon;  (le  S.  Sépulcre)  nous  vous 
reftituerons  vos  Afonafiéres;  nous  traite- 
rons avec  bonté  vos  Religieux  ;  nousper* 
mettrons  à  vos  Pèlerins  de  vifiter  la  ville  - 
fainte  ,&  nous  garderons  avec  vous  une 
faix  inviolable* 

Si  la  Lettre  que  le  nommé  Henri  nous 
a  préfentée  eft  du  Jloi,  nous  voulons  que 
celle-ci  en  foit  la  réponfe. 

Donné  l'an  de  P  Hégire  cinq  cent  qua- 
tre vingt  quatre ,  par  la  grâce  de  Dieu 
feul&  unique  Dieu.  Quil  fauve  fin  Pro- 
phète Mahomet ,  &  tous  [es  Defcendansi 
quil  procure  le  falut  du  très  illuftre  Sul- 
thon ,  vitioritux ,  défenfiur  de  la  parole 
de  vérité,  ornement  de  F  étendard  de  la  foi , 
réformateur  du  monde  &  de  la  Loi ,  Roi 
des  Mufulmans  ,  ferviteur  des  deux  villes 
faintes ,  (a)  &  de  lafaintemaifon  de  Jé- 
rufalem,  père  des  Fainqucurs*  Jofiph  ,fUs 
fAyoub.  (b> 

En  écrivant  avec  tant  de  fierté ,  Sà- 
ladin ne  laiffbit  pas  de  fe  préparer  con- 

(*)  La  Mecque  &  Médine. 
(4) Le  P.  Maimbourg  dit,  qu'il  ne  rap-* 
N-iij 


15b  Hxstoihb 

tre  l'orage  qui  fe  formoit  dans  tout 
"^  *AU  l'Occident.  Il  fit  une  nouvelle  Ligue 
11  *'  avec  le  vieux  Kilidge-Arflan,  On  dit 
qu'il  fcella  ce  Traire  par  le  mariage 
d'une  de  Tes  filles  avec  un  des  fils  de  ce 
Sulthan  :  mais  l'alliance  la  plus  avan- 
tageufe,  &  qui  prouve  combien  on  re- 
doutai t  fa  puiflance ,  fut  celle  qu'il  con- 
tracta avec  Ifaac  l'Ange.  Ce  Prince 
monta  fur  le  trône  par  une  de  ces  ré- 
volutions auxquelles  l'Orient  étoit  ac- 
coutumé ,  6c  qui  &mbtant  être  deve- 
nues ladeftinée  de  l'Empire  de  Con£- 
tantinople. 

A  Manuel  Comnéne  ,  dont  nous 
avons  parlé ,  fuccéda  Alexis  II.  fou 
fils  âgé  de  douze  ans.   Ce  régne  de 

porte  point  ces  deux  Lettres ,  parce  qu'elles 
font  faites  à  loifir  ,  mais  avec  peu  a  art  & 
fens  aucune  vraifemblance.  Et  moi ,  je  le$ 
rapporte ,  parce  que  je  les  trouve  bien  dans 
le  (nie  du  tenus ,  parcequ  aucua-des  Auteuii 
qui  en  ont  fait  mention ,  ne  les  regarde  corn* 
me  fuppofées  ;  parce  que  celle  de  Saladin 

]>orte  tous  les  cara&éres  de  vérité»  On  y  voit 
e  tos  &  la  formule  ordinaires  aux  Musul- 
mans &  que  les  Occidentaux  ignoraient  ; 
on  y  voit  la  rraduâioh  éxaâe  de  tous  les 
titres  que  les  Arabes  donnoientà  Saladin , 
titres  inconnus  aux  Chrétiens  de  Syrie  eux- 
mêmes,  &c 


de  Sàlàd™,  Liv.IX.  151 
tourte  durée  (a)  fut  agité  par  les  intri-  ' 
gués  de  l'Impératrice  mère  d'Alexis,  j^iî^ 
par  les  vexations  du  Prdtofébafte 
amant  de  la  PrinceflTe  ,  par  les  mur- 
mures des  Peuples  &  les  (éditions  fré- 
quences des  Grands ,  enfinpar  la  cruel- 
le ambition  d'Andronic  Comnéne. 

Celui-ci  parvint  à  l'Empire  à  force 
d'attentats ,  &  s'y  foutint  par  Les  em- 
poifonnemens ,  les  aflkffinats ,  les  par- 
ricides &  les  brigandages  les  plus  af- 
freux. Il  joignait  à  ces  crimes  d'une 
politique  amoitieufe ,  ceux  d'une  cupi- 
dité outrée  &  d'une  débauche  effré- 
née :  il  prlioit  les  maifons  des  particu- 
liers, les  Temples,  les  Monaftéres  * 
violoit  les  femmes  Se  les  filles ,  &  ne 
refpedriit  pas,  même  dans  fes  défirs 
impurs,  ces  azylés  facrés  oà  des  Vier- 
ges vouées  à  Dieu  avoient  mis  leur 
vertu  à  couvert  de  la  dépravation  du 
fiécfc.Ce  «aonôre reçut  enfin  la  pu- cont.cui«. 
jmion  due  à  «aw  d  excès  5  mais  fi  {k  Tyt.*  aiii. 
vie  fut  déréglée ,  (a  mort  fut  hèrrîble, 
&  pcoovje  autant  ta  barbarie  des  Grecs 
de  ce  rems,  que  leur  haine  contre  le 
Tyran. 

--■•-■     ■        -■       -  •    ■  -■•■  -^ * 

'  '  (p)  il  régnatrois  ans. 

Niiij, 


ir j*  ,  Histoim 
Andronic  n'avoit  pas  la  force  d'être 
j"cî"«lî!  un  ^lérat  intrépide.  La  grainte  &  le 
remords  inféparables  du  crime  ,  dé- 
chiroient  fon  ame  fbible  ;  il  croyoit 
continuellement  qu'on  alloit  arracher 
le  fceptre  de  fes  mains  indignes  de  le 
porter.  Apres  avoir  épuifé  toutes  les 
reflources  de  la  cruauté ,  en  détruifant 
ceux  qui  pouvoient  afpirer  à  la  cou* 
ronne ,  il  recourue  à  la  magie,  pour 
fçavoir  lequel  de  fes  Sujets  devoit  lui 
enlever  la  pourpre,  ^e  Magicien  ré- 
pondit ,  que  ce  feroit  Ifaac.  Il  y  avoit 
-  a  Conftantinople  piufieurs  perfonnes 
de  ce  nom.  Etienne  y  que  d'autres  ap- 
pellent Langofle  ,fit*tomber  les  loup* 
çons  fur  Ifaac  l'Ange  ,  parent  de  Ma- 
nuel Comnéqe  ,  &  reçut  ordre  de  le 
conduire  en  prifon. 

If^ac ,  au  lieu  d  obéir ,  fe  jetta  fur 
le  Miniftre,  J'étendit  par  terre  &  cou*- 
rut  dans  la  ville ,  en  criant  :  foi  tue  U 
Diable.  Dans  le  moment  ,  tonte  la 
populace  s'affçmble  en  tumulte,  au- 

5>rès  de  lui ,  l'émeute  devient  généra- 
e.les  Grands  fe  joignent  au  peuple  j 
&  au  milieu  de  cette  confufion ,  on 
proclame  Empereur  celui  qu'on  alloit 
mener  à  la  mort.  Andronic  veut  pren- 


*b  Sâiabin,  Liv.IX.   r 5  5 

'Are  la  fuîte:  il  eftpourfuivi,  arrêté  ,& 
attaché  à  un  poteau  dans  la  Cour  de  j,  ç?\ \fc 
fbn  propre  Palais.    Après  lui  avoir 
crevé  un  œil,  arraché  les  cheveux, 
coupé  une  main ,  brifé  les  dents ,  & 
]  avoir  chargé  de  coups  ,  on  lui  dé- 
chire Tes  habits  &  on  le  met  tout  nud 
far  un  âne,  la  tête  tournée  vers  la 
queue.  On  le  fit  pafler  ainfi  dau£  tou- 
tes les  rues  de  Conftantinople  :  on 
jettoic  fur  lui  des  pferres ,  des  ordures  v 
de  l'eau  bouillante;  on  î'açcabloit  de 
xralédiâions  &  d'outrages  :  enfin  ar- 
rivé dans  une  Place  publique ,  on  le 
{rendit  par  les  pieds,  &  on  le  livra  à 
a  fureur  des  femmes  :  celles-ci  com- 
mencèrent par  lui  couper  les  parties 
dont  on  Taccufoit    d'avoir  fait  un 
u(age  coupable.  On.  frémit  d'appren- 
dre qu'elles  déchirèrent  enfuite  fbn 
corps  à  belles  dents  ;  qu'elles  mangè- 
rent dans  leur  rage ,  les  chairs  de  ce 
malheureux  grince  ;  qu'elles  s'en  arra- 
choient  les  morceaux  ;  qu'elles  bri-  % 
foient  les  os  pour  pouvoir  les  ava- 
ler ,  &  croyoient  faire  une  aâion 
fainte  par  de  telles  horreurs.  Quel 
Peuple  barbare  offrit  jamais  un  fpeâa- 
çle  pareil  ?.    ; 


154  Histoir* 

Les  commencemens  du  régne  d*I- 
j!*c  illl'.  &ac  fawnt  marqués  par  quelques  (ac- 
cès contre  les  Siciliens ,  contre  les 
Myfiens  ou  Valaches,  &:  contre  une 
troupe  de  rébelles  5  mais  ce  Prince 
comprit  qu'il  ne  feroit  jamais  bien  af- 
fermi fur  le  trône,  fi  occupé  conti- 
nuellement à  diflïper  des  fa&ions  dans 
-  l'intérieur  du  Royaume  ,  il  étoit  en- 
core obligé  de  foutenir  des  guerres 
étrangères  :  il  chercha  donc  à  le  faire 
un  appui  de  ceux  même  qu'on  regar- 
doit  comme  ennemis  irréconciliables 
du  nom  Chrétien  :  il  aima  mieux  avoir 
recours  à  eux ,  qu'aux  Latins  qui 
depuis  long-temsavoient  conçu  ie  defc 
fetnde  renverfer 'l'Empire  d'Orient; 
ou  plutôt  ïl  cherchoit  à  les  tromper 
les  uns  &  les  autres.  Quoi  qu'il  en  (oit, 
il  s'affujettît  à  payer  un  tribut  au  SuU 
than  d'Iconiuiai  ,  &  fit  une  étroite 
alliance  avec  Saladin. 

Pa^lè  Traité  qu'il  conclud  avec  ce 
dernier  ,  il  céda  aux  Mufulmans  une 
des  principales  Eglifes ,  qu'on  coiiver- 
tit  en  Moiquée ,  pour  y  exercer  publia 
quement  la  Religion  de  Mahomet ,  Se 
promit  de  faire  le  plus  de  mal  qu'il 
pourroit  aux  Croifés.  Saladin  deïott 


<6té  donna  le  Saint  Sépulchre  aux 
Prêtres  Grecs  *  &  permit  à  ceux  de     H*g.  s*u 
cette  Nation ,  de  venir  librement  vifi-  Jè  °  ' ,f  * 
ter  la  Paleftine.  Lorfque  ces  articles  jofe.Edd» 
eurent  été  lignés  de  part  &  d'autre , 
le  Sulthan  envoia  une  lolemnelle  Am- 
baffade  à  Conftantinople ,  compofée 
•d'un  de  Tes  Emirs,  d'un  Imam  ,  (*) 
d'un  Muezin  ,  (J?)  d'un  Cadhi  (c)  8c 
4c  plufieurs  Codeurs  de  la  loi  :  ils 
porto  Lent  avec  eux  une  chaire  ,  un 
•exemplaire  de  l'Al-koran  fc  d'autres 
livres  de  doârine. 

Le  jour  de  leur  arrivée  fut  annoncé 
à  riflamifme,  comme  un  jour*  de 
triomphe.  Tous  les  marchands  Maho* 
métans  établis  à  Conftantinople  ou 
aux  environs ,  fe  rendirent  £ur  le  ri- 
vage avec  les  Officiers  de  l'Empereur, 
Eour  recevoir  &  accompagner  les  Ara- 
affadeurs.  Ceux-ci  entrèrent  avec 
pompe  dams  la  ville,  &  altèrent,  fuivis 
de  cette  foule  de  Mirfulmans ,  prendre 

m  i    ■  ■    m  !■■■■■■   ■  ii ■  ii   i» 

(*)  Imam  Prêtre ,  Pontife.  Voyez,  i*  nou  9 
fage  18*.  . 

(b)  Muezin  9  crieur  public  qui  annonce  la 
prière*  Voyez*  Ta  note  ,  ^  1 8  $ . 

[c]  CadM ,  Juge  dès  aflaires  civiles  &  des 
points  de  doôrine. 


1 5#  HistoihK 

poftèffion  de  la  Mofquée  qu'on  leuf 
Hég.  ç8î.  avoit  deftinée.  Le  Muezin  annonça  la 
'         ''prières  l'Imam  monta  dans  la  Chaire, 
ylut  un  chapitre  de  l'Al-koran ,  &  fit 
folemnellement  le  Khothba  (efpéce 
de  Prône)  au  nom  des  Abbaffides.  De- 
là ,  on  fe  rendit  au  Palais  d'Ifaac ,  qui 
combla  d'honneurs  ces  Députés.  Go- 
défroi ,   Baron  de  Wifembach ,  qui 
étoit  venu  de  la  part  de  Frédéric  de- 
mander un  partage  libre ,  fut  témoin 
de  cette  cérémonie.  Ifaac  fit  partie 
peu  après  un  AmbaflEadeur »  pour  ligni- 
fier au  Sulthan  qu'on  avoit  rempli  les 
conditions  du  Traité.  Les  deux  Prin- 
ces fe  firent  mutuellement  des  préfens, 
&  pour  marque  dé  leur  bonne  intel- 
ligence, ils  gardèrent  refpe&ivement 
dans  leurs  Cours ,  les  Ambaflàdeurs 
qu'ils  s'étoient  envoies. 
,.  Cependant  Saladin  écrivit  dans  les 
Provinces ,  pour  faire  revenir  fes  trou- 
pes de  leurs  quartiers  d'hiver ,  &  fe  mit 
en  Campagne  avec  celles  qu'il  avoit 
auprès  de  lui.  Entre  Damas  &  la  mer, 
non  loin  de  Panéas  &  de  Sidon ,  étoit 
une  Citadelle  trèsf-forte  établie  fur  1$ 
cime  d'un  roc.   On Tappelloit  Scho- 
kaif-Arnoun  ,  la  Roche-Arnauld  ou 


F 


de  Sàlàdin.  Lit.  IX.    157 
Raynaud.  Le  Prince  de  Sidon  s'y  étoit 

"  enfermé,  après  avoir  perdu  Ces  autres  "{£,$*■ 
Etats.  Le  Sulthan  ail?  fe  placer  au  *"  X  ** 
voiûnage  de  cette  Citadelle  &  atten- 
dent de  nouveaux  renforts,  pour  en 
commencer  le  fîége  :  il  montoit  tous 
les  jours  à  cheval ,  &  venoit  en  recon- 
noître  la  fitoation.  Raynaud  voyoit 
.  du  haut  de  fes  murailles ,  les  prépara- 
tifs qu'on  faifoit  contre  lui.  Pour  en 
fufpendre  l'effet,  il  réfolut  de  tromper 
les  Sàrrazins ,  rufe  qui  lui  réuflît  d'a- 
bord ,  &  qui  lui  devint  funefte  dans  la 
fuite. 

1  Un  Jour*  (ans  que  perfonne  eut  été 

f  prévenu,  on  vit  paroître  devant  la  tente 
du  Sulthan ,  un  Chrétien  qui  deman- 
dent à  lui  parler  :  c'étoir  le  Prince  de 

f  Sidon  lui-même.    Saladin  s'avança 

pour  le  recevoir ,  &  avant  que  de  l'en- 
tendre ,  il  le  fit  afleoir  à  fa  table.  Pen- 
dant le  repas ,  on  n  agita  que  des  quet . 
tion*  fur  la  loi  de  Mahomet ,  compa- 
rée à  celle  du  Chrift.  Raynaud  qui 
avoit  appris  la  langue  Arabe  &  les  tra- 
ditions Mufulmanes ,  parut  un  pro- 
dige à  ces  Peuples  qui  regardoient  tous 
les  Prancs  comme  des  ignorans.  Cette  Boha-cd» 
forte  d'érudition  prévint  tous  les  e£ 


ï$S  HisTdini 

ptks-en  ùt  feveur  Se  fur-tout  Saladin  » 
•^  f**qui,  comme  tous  les  dévots,  aimoic 
*les  difputes  Théologiques.  Dès  que  les 
Emirs  furent  fonîs  ,  le  Prince  de  Si- 
dbn  refté  feuî  avec  le  Sukhan ,  fe  jetta 
à  fes  pieds,  Fappella  fon  maître,  lui 
dit,  qu'après  les  fervices  qu'il  avoir 
rendus  aux  Chrétiens,  il  n'en  rece- 
voit  que  des  dégoûts ,  qu'il  avoit  def. 
fein  d'abandonner  certe  Nation  in- 
grate ,  qu'il  Ieprioit  de  lui  céder  quel* 
que  Château  aux  environs  de  Damas , 
où  il  pût  finir  fes  jours  avec  fa  famil- 
le ,  qu'il  lui  rendroit  la  Citadelle  , 
maïs  qirfl  fouhaitoic  auparavant  ferre 
revenir  de  Tyr  quelques-uns  de  fes 
parens  ,  fur  lefquels  on  pourroit  fe 
venger  de  fa  défertion ,  6c  demanda 
un  délai  de  trois  mois,  afin  de  leur 
donner  le  tems  d'arriver ,  &  pourvue 
pas  découvrir  fes  projets  par  trop  de 
précipitation*    SaJàdin  d  autant  plus  * 
facHe  à  tromper,  qu'il  étoit  hir-meme 
incapable  de  rufe  &  d'artifice ,  crût : 
fes  proteftattons  fîncéres ,  lui  accorda 
tout  6c  le  combla  d'amitiés. 

Raynaud  venoit  fouvent  vifïter  Sa- 
ladhr ,  avoit  avec  lui  de  longues  con- 
férences &  lui  renouvelloit  fes  pro- 


i>£  Sala»in.  Liv.  IX.  *jj 
meflc*  y  mais  dans  le  même  tems ,  il 
travailtoic  fans  relâche  à  fortifier  &    ***•  f  j£ 
Place  5  il  y  fai£bjt  entrer  des  vivres  »    %    M   ' 
des  armes  &  des  Soldats.  Les  Saosar 
zins  sapperçurem  enfin*  de  tous  ces 
raouvemens,  et»  devinèrent  le  motif 
&  avertirent  lew  maître.  Celui-ci  fit 
observer  les  Chrétiens  de  plus  près , 
découvrit  leuc  imentioa  >  &  malgré 
Ion  reflentimem*  il.  nofa  pas.  violes 
ksdro&s  del'HofpitaUté.  Rigide  ob» 
fervateur  de  fa  parole,  il  ne  voulut 
jamais  confentir ,  contre  l'avis,  de  tous 
te*  Généraux,  qu'on  arrêtât  le  Prince 
de  Sidon,  lorfqu'ii  ferendoit  au  Camp; 
&  diffimula  Cau  colère  juiqaà  l'expira- 
tion de  la  trêve.  Quelques  jouis  avant 
ce  terme,   Raypaud  étant  arrivé  k 
fon  ordinaire ,  trouva  plus  d'agttation 
dans'  l'efptk  dit  Sukhan  ,  entendit 
Quelques  murmures  parmi  les  Eimrs  , 
le  hâf aide  fe  cetires  &  fatfu«*is  d'être 
renvoie  libre  :jmais,  foie  qu'il  fût  aveu- 
glé  par  fon  imprudence,loic  qu'il  crût 
les  fajpçpi»  mal  fondes ,  ouqaecoru 
unifiant  la  bonté  &  la  facilité  cfc  Sala- 
dm,  il  efipcfâ*  le  tromper  encore,  il 
vint,  après  les  trois  mots,  s'exeufer  de 
ne  pouvoir  remplir  lès  pro  méfies,,  al  lé* 


léo  Histoire 

'  guant  pour  prétexte  que  fa  famille  n*é- 

jï&ilil. t0lz  Pas  encore  arrivée  de  Tyr ,  Se 
'  demanda  un  nouveau  délai  de  neuf 
mois. 

LeSnltfaan  indigné  lui  reprocha  fa 
perfidie ,  &  le  fonwiia  de  tenir  fa  pa- 
,     rôle.  Raynaud  voulant  s'évader ,  fei- 
gnit d'aller  donner  ordre  qu'on  ouvrit 
les  portes  ;  mais  on  ne  permit  pas 
qui!  entrât  daésla  Place. ;  On  le  ht 
efeorter  jufques  fous  les  murailles.  La 
garnifbn  rerafe  de  fe  rendre.  Un  Prê- 
tre forti  de  la  Citadelle  eut  avec  lui  un 
long  entretien ,  après  lequel  "les  Chré- 
tiens parurent  plus  obftinés  à  fe  défen- 
dre. On  ne  douta  pas  que  le  Prince  de 
Sidon  rue  leur  eut  cbnfèillé  de  ne  pas 
fe foumettre.  On  lenvoia  prifonnier 
àPanéas,  enfuite  à  Damas  5  &  Ton 
commença  le  fiége  de  Schokaïf-Ar- 
jioun  dans  toutes  les  formes.  Saladin 
étoit  d'autant  plus  irrité  d'avoir  perdu 
inutilement  trois  mois,  que  d'autres 
foins  l 'appelaient  ailleurs.  Il  venoit 
Rapprendre  que  Lufignan  ,  malgré 
les  fetmens  les  plus  folemnels ,  avoit 
repris  les  armes  &  ravageoit  la  Syrie. 
Nous  avons  dit  plus  haut  que  Sala- 
din en  recevant  la  foumiffion  d'Afca- 

lon , 


de  SalAdin.  Liv.  IX.    I<fl 
Ion,  avoit  promis  de  délivrer  dans 
huit  mois,le  Roi  dejérufalem.  Ce  ter-  jf^'iJ»^ 
me  étant  expiré,  il  lui  donna  la  li-    .     ... 

•  ,  .     •  .11./-.  B»ha-cdii3. 

•berce  \  mais  auparavant ,  il  lui  ht  jurer  6c  alii. 
fur  l'Evangile ,  de  renoncer  au  Royau- 
me de.  la  Paleftine ,  de  retourner  en 

-  Europe  &  fur-tout  de  ne  jamais  tirer 
l'ëpée  contre  les  Sarrazins.  Lufîgnari 
alla  fe  renfermer  avec  la  Reine  Sibillô 
IHemme,  dans  le  Château  d*Anta± 
rados  :  il  s'y  tint  quelque  tems  en  re- 
pos ;  mais  nonteux  d'être  fugitif  dans 
îès  propres  Etats ,  il  chercha  pe«  après 
les  moyens  de  reprendre  le  fceptre. 
auquel  il  avoit  renoncé.  Il  fe  fit  dé- 
lier de  fou  ferment  par  les  E^ques 
perfuadés  qu'on  ne  devoir  point  gar- 
der la  foi  aux  Infidellea  :  enfuîte  ,  il 
affembla  quelques  Chrétiens  que  la 
crainte  avoit  difperfés  dans  la  campa-  : 

gne ,  &  vint  fe  préfenter  devant  Tyr , 
pour  en  prendre  le  commandement» 
Conrad  lui  en  ferma  les  portes,  pré- 
tendant avoir  acquis  la  Souveraineté 
de  cette  ville  par  le  chôixdes  Citoyens* 
&  en  la  défendant  contre  les  ennemis. 
Le  Roi  outré  de  colère  réfolut  d  abord 
d'employer  la  force ,  pour  faire  ren-^ 
trer  le  Marquis  de  Montferrat  daft& 
Tmt/Z.  O 


%6t  Histoire 

le  devoir  :  il  forma  une  petite  atmée 
"c.  i5il£  àes  troupes  que  Guillaume  Roi  de  Si- 
cile avoit  envoyées  au  fecours  de  la 
Terre  Sainte,  &  de  quelques  Croifés 
nouvellement  débarqués,;  &  il  envi- 
ronna Tyr,  dans  le  deffeia de' laflié- 
ger  i  mais  il  abandonna  bientôt  ce  pro- 
jet téméraire  par  l'avis  des  Prélats  Se 
des  Barons  qui  lui  confeillérent  de 
«céder  autems ,  pour  ne  pas  ruiner  en- 
tièrement fesefpérances ,  &  de  gagner 
par  la  douceur  Conrad  plutôt  que  de 
l'irriter  par  la  violence.  Alors  Lufi- 
gnan  tourna  fes  armes  contre  les  Sar- 
xazins ,  fit  des  courfes  fur  leurs  terres 
&  eut  quelques  fuccèe. 

Entre  Tyr  &  Sidon  coule  le  fleuve 
Leiran  ou  Léonte,  qui  prend  fa  fource 
dans  les  montagnes  du  Liban  &  fe  dé- 
Boha-cd.  charge  dans  la  mer ,  au  Nord  de  Tyr. 
Sur  ce  fleuve  étoit  un  Pont  gardé  par 
un  corps  de  Cavalerie  Musulmane. 
Lufignan  attaque  cette  troupe ,  la  met 
en  fuite ,  palfe  de  l'autre  côté  &  ravage 
la,  campagne.  Dans  cette  déroute, 
un  Officier  Sarrazin  nommé.  Ibek- 
d- Akrafch ,  digne  d'un  meilleur  fort, 
fe  trouve  environné  par  lis  Chrétiens. 
Ayant,  eu  Ton  cheval  tué  fous  lui  ,  il 


di  Saiàdik.  Liv.IX.  itfj 
monte  fur  un  rocher  &  foutient  une 
efpéce  de  fiége.   Après  avoir  épuift  j^cfViU". 
tous  fes  traits ,  il  met  1  epée  à  la  main 
Se  fe  défend  encore,  quoique  couvert 
de  tleflures  :  enfin  il  tombe  accablé 
par  la  multitude.  Cependant  les  Ma- 
hométans  fe  rallient,  reviennent  à  la 
charge,  &  repouflent  à  leur  tour  les 
Francs  qui  fe  précipitent  dans  le  fleuve* 
Saladin ,  au  premier  bruit  de  cette 
incurfion,  étoit  accouru  dans  la  plaine  : 
il  arriva ,  lorfque  le  combat  étoit  fini  : 
il  voulut  voir  le  cadavre  d'el-Akrafch, 
&  honora  <Je  fes  regrets  la  mort  de  ce 
Brave  Mufulman  :  il  pafla  le  Pont, 
£our  aller  reconnoître  de  près  les  for- 
ces des  ennemis.    Une  grande  mul- 
titude de   fantaflins   emportés    par 
leur  ardeur,    le   fui  vit  malgré  lui. 
Lufignan  avoit  placé  une  embufeade 
fur  le  bord  du  fleuve.  Des  que  le  Sul- 
than  fut  éloigné  ,  les  Chrétiens  fe 
jettérent  fur  cette  troupe  de  fantaC- 
fins  mal-armés  &  les  mirent  en  défor- 
dre.  Saladin  vint  trop  tard  au  fecours 
de  fes  Soldats ,  il  en  trouva  deux  cens 
étendus  par  terre.  Réfolude  fe  venger 
de  cette  perte ,  il  range  le  lendemain 
ùl  petite  armée  en  bataille  &  s'avance 

Oij 


n$4  Histoire. 

contre  les  Francs  5  mais  ceux-ci  Ce  re- 
Hég,  f8ç.  tirent  fous  les  murailles  de  Tyr ,  où  il 
j.  c.  »8*.  ^toit  impoflible  de  les  forcer.  Alors  Sa- 
ladin.  court  à  Ptolémaïs ,  pour  voir 
dans  quel  état  étoit  cette  Place  $  il 
donne  Ces  ordres ,  pour  en  augmenter 
les  fortifications ,  &  revient  continuer* 
le  fiége  de  Schokaïf-Arnoun. 

Cependant  Lufignan  ne  ceflbit  de 
faire  du  dégât ,  &  d'infulter  les  Ma-A 
hbmétans  jufques  fous  la  fotterefle  de 
Tebnin  ,  vôifine  de  Sarfend  &  de 
Schokaïf  ;  il  conduifoit  lui-même  ces 
partis  compofés  d'un  grand  nombre 
de  Fantaffins  &  d'un  corps  de  cavale- 
rie. Saladin  pour  avoir  u  revanche  * 
difpofa  tout  pour  le  furprèndre  >  lorC-; 
\quil  reparoîtroit.  La  garnî(or>  de 
Tebnin  eut  ordre  de  fortir  ;  &  de  pren-. 
dre  la  fuite ,  fi  elle  écoir  pourfuivie  » 
afindeféparer  la  Cavalerie  de  Mnfen- 
terie  :  il  y  avoitde  diftance  en  diftanicè  . 
&  de  plusieurs  côtés,  vingt  Cavaliers 
armés  à  la  légère ,  qui  dévoient  te-? 
hir  ferme  un  moment ,  reculer  en- 
fuite  avec  précipitation,  &  par  diffé- 
rentes évolutions  /rompre  encore  plus 
les  Francs ,  &  en  attirer  le  plus  grand 
nombre  dans  le  lieu  de  rembufcade. 


Dl  Sàiàjun.  l*v.  IX.  l£j 
Saladin  auroit  paru  avec  Tes  Mame- 
luks en  pouffant  de  grands  cris.  Alors    "^  fjf* 
ceux  de  Tebnin  ,  &  les  différentes  pe-   h  c'"tl  u 
ti  tes  troupes  de  Cavaliers ,  donc  nous 
avons  parlé ..  auroient  fait  voltç  face ,    . 
&  on  eût  battu  de  tQutes,  parts  les 
Chrétiens  divifés ,  &;  en  défordre.  Pour 
leur  ôter  l'efpoir  d'être  fecourus  par  la 
grande  armée  >  les  Citoyens  de  Ptpjc^ 
xhaïs  dévoient  le  même  jour  faire  une 
Tortîe,  &  aller  attaquer  le  camp^nnç- 
jmi: enfin  les'  méftirçs'  «étQiçat  jÇbïe^l 
prifésVqu^irne  pôuvoîtécliapér  aucun  . 
Soldat  de  ce  nombreux  détachement; 
mais  un  excès  de  bravoure  fit  manque* 
lç  projjet  le  plgs  ïagemént  cônceçté, 
.'  En  effet ,  Jiés  francs  ayant  ét£  Ter 
pàr£s  parla  retrait^4eJaTg^r^ifçn  dé 
Tebrim  ,  les  vingt  Cavaliers  qui  fe 
préfentérént  lés  premier^,  crurent  leur 
gloire  intéreflee  à  ne  point  fuir  >  mal- 
gré les, ôrdreçi qu'ils  âv$ént  rççus  :  il$  • 
réjïftérènt  feuls  aux;effofts  des.  enne? 
riiîs,&  leur  donnèrent  le  tems  deTe 
rejoindre  ;  ils  fe  défendirent  pendant 
plpfieurs  heure* ,  8c.  eurent  l'honneur 
dedïfputer.la  vi&oire  à  des  troupes 
infiniment  fupérieures  :  mais  cette  va- 
leur déplacée  rendit  inutiles  les  difpo-» 


fitïons  duSulthan.  Impatient  dé  ne^ 
J.c£  iî*£  yolT  arriver  perfonne,  il  fortit  enfin   \ 
de  fon  retranchement ,  &  trouva  le 
combat  engagé  ;  à:  la  vérité ,  les  Cb ré-    . 
tiçns  furent  forcés ,  mais  ils  fe  reti^i 
rérent  en  bon  ordre  ,  &*.  fans  avoir 
perdu  beaucoup  de  monde.  / 

Dans  le  tems  que  le  Roi  de  Jérufa- 

iéiri  erroit  dans  un  coin  de  fon  Royau-  / 

me, une  foule  de  Croifès  débarquai 


^uprès  de  Tyr,  &  renforça  la  petite 
"rmée  de  ce  Prince.  Avec  'èèl  fécours 
il  voulut  s'aflurer  au  moins  un  azyle 
dans  fes  propres  Etats ,  &  marcha 
drbit  contre  Ptolémaïs ,  croyant  la  fur- 
ptendr'e.  Cette  ville  rendue  célebte 
par  un  fiége  deirôft  ans  qu'elle  fou- 
tint  contre  les  ibreés  réunies  de  tou- 
te llEurbpé,  mérite  d'arrêté*  un  mo- 
ment notre  attention. 

Ptolémaïs  ,  (a)  connue  aufli  <fans 
ÏHiftoire  ,  fous  les  différehs  noms 
3'Acco  ,  d'Acca ,  d'Ace  >d'Acra ,  d'Ac- 
càron ,  d'Acre  ou  de  S.  Jean  d'Acre, 
(£)  avoit  effuyé  anciennement  plu- 

(a)  Ptolémaïs.  Voyez ,  pour  cette  ville ,  les 
notes  de  Schnhens,  tTHerbelôt  &  Réland, 
p.  5x4.  &.Hift.  ]éruf. 

(I>)  Ptolémaïs  eft  appellée  par  les  Hébreux 


2.  Garde  des  2kmpaers. 


3.  Garde darj&tùùmr. 
4,.  Urur  des  AFUjfai* . 
â.  HmrJKattdite . 
S.  Hmr StNicckhf  -. 

7.  EmrduJPontr. 

8.  Tbur  duPatriartkc 
p.  IburdesAUman*. 
10.  Château,. 
21.  Batriarchatr. 
22, .  Quartier  des  J&dàeTW. 
t3  Ofiartierder  Gênais. 
34.  Hôpital. 
jS.  leZmpIe. 
16. Irtres  ïrecheia"s. 

vp.  Ibères  mineurs. 
18.  Carmes. 
îg.Mounj  duZfnjple. 
2o.Maùro7t  des  Tkmpaers. 
2i.StLa*are. 


jrrecs 
Croi- 
ûde  ; 


*SBHEar  peuplée.  Sa  fituation  dans  une  plaine 
jîc?  ii8j!agrcaWe ,  un  port  commode  pour  la 
navigation  &  le  commerce ,  des  fof- 
fés  larges  &  profonds  ,  une  double  en- 
ceinte de  murailles  flanquées  de  gro£- 
fes  tours  dediftanceen  diftance,  en 
faifoient  une  des  Places  les  plus  consi- 
dérables de  la  Paleftine.  Dans  fa  for- 
me prefque  triangulaire  >  elle  s'élar- 
girtbit  du  côté  Oriental ,  &  Ce  rétré- 
ciffoit  vers  l'Occident.  Les  deux  tiers 
de  la  ville  du  Sud  au.  Nord  étoient  bai* 
gnés  par  la  mer.  Le  .port  bâti  Se  revê- 
tu de  pierres  Tan  deux  cent  cinquante 
de  l'Hégire  par  Amed  Ben  Touloun 
quirégnoit  en  Egypte  &  en  Syrie, 
étoit  gardé, par  une  grotte  tour,  ap- 
pellée  la  Tour  des  mouches,  (4)  & 
terme  par  une  chaîne  qu'on  levoit  & 
baiflbit  à  volonté.  Les  débris-d'un  an- 
cien Temple,  que  les  Chrétiens  di- 

(a)  Les  uns  difent  qu'on  l'appelloit  amfi  , 
parce  que  le  rocher  fur  lequel  elle  eft  Jbàtie, 
étoit  autrefois  toujours  rempli  de  mouches  » 
à  caufe  qu'on  y  lavoit  les  entrailles  des  viâi- 
xnes  immolées  :  les  autres  prétendent  qu'il  y 
avoit  anciennement  fur  ce  rocher  un  Temple 
dédié  à  Béelzébut ,  c'eft-à-dire ,  au  Dieu  des 
mouches* 

foient 


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ipf'l'WI!^!  >iïM'''ijjjhiP  W^::\^'lIMW\ 


ENVIRON  S  Ï>RE 


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t>%  Sàiàdin.  Liv. IX.  169 
foient  avoir  été  élevé  en  l'honneur  de 
S.  Jean ,  &  les  Mahométans  en  Thon-  H%-  *•*  • 
neur  du  Prophète  Saleh ,  c'eft-à-dire ,  J*  *  l  '  *' 
du  Patriarche  de  ce  nom ,  rendoient 
Pcolémaïs  refpedtable  aux  deux  Na- 
tions. A  l'Eft  on  voyoît  une  efpéce  de 
Château  nommé  la  Tour  maudite , 
parce  que  le  peuple  croyofc ,  félon  une 
vieille  &  ridicule  tradition ,  qu'on  y 
avoir  fabriqué  les  trente  deniers  pour 
iefquels  Judas  vendit  fon  maître* 

Cette  ville »  telle  que  nous  venons 
de  la  décrire ,  étoit  fituée  à  douze 
milles  de  Tyr,  à  vingt-quatre  de  Ti- 
fcériade  ,'dans  une  campagne  fertile  & 
fur  la  côte  feptentrionale  d'un  golphe 
que  la  mer  forme  en  cet  endroit.  Son 
terroir  eft  borné  au  midi  par  le  Car- 
mel  (4)  que  le  féjour  de  Pythagore  & 
la  retraite  du  Prophète  Elie  ont  ren- 

'  (*)  Le  Carmel  eft  éloigné  de  Ptolémaïs 
de  1 20  ftades  :  il  eft  à  la  pointe  méridionale 
du  Golphe  :  011  y  montre  encore  la  caverne 
d'Elie.  Les  Carmes ,  qui  font  remonter  l'ori- 
gine de  leur  inftitution  jufqu'à  ce  Prophète  , 
tirent  leur  nom  du  Mont-Carmel.  J'y  ai  vu 
quelques-uns  de  ces  Religieux  qui  y  ménen  t 
une  vie  fort  auftére.  Voyez. ,  four  le  Carmel  , 
des  notes  ffavtnte*  dum  Rcl*nd,é>c. 
TomU.  P 


17©  HlSTOIHB 

du  fameux ,  au  nord  par  le  mont  Sa.  - 
Hég.  j«f.  ron,  autrement  dit  l'Echelle  des  Ty- 
j.  c.  u **•  rjens  ^  ^  ^  à  l'Orient  par  les  mon- 
tagnes de  la  Galilée.  Le  fleuve  Bélus  # 
eu  félon  les  Mahométans  ,Nahar-«el~ 
haloii ,  coule  du  Sud-Eft  au  Nortfc- 
Oueft ,  &  fe  décharge  dans  la  mer 
au  Sud,  &  à  deux  ftades  de  Ptolé- 
maïs.  On  dit  que  les  eaux  de  cette 
petite  rivière  qui  font  d'ailleurs  fa- 
des &  faumaches  ,  ont  occafionné  la 
fabrique  du  verre,  car  elles  s'arrêtent 
dans  une  efpéce  d'étang  que  Pline 
nomme  la  Pain  ccndtvia>  large  dans 
fon  contour, d'environ  cent  coudées,& 
de  figure  parfaitement  ronde.  Les  fa- 
bles que  le$  vents  y  portent  des  mon- 
tagnes voifines  >  après  avoir  féjourné 
quelque  tems  dans  ce  marais,  acquiè- 
rent une  vertu  qui  les  rend  propres  à 
devenir  du  verre  ,  &  fe  convertirent 
en  effet  en  cette  matière ,  lorfqu'ils 
ont  été  mis  au  feu  :  mais  ce  qui  pa- 
role le  plus  remarquable,  c'eft  quon 
prétend  que  les  morceaux  de  ce  verre 
ainfi  préparé  étant  jettes  dans  cet  étang, 

0*)  Le  Mont  Saron  ou  l'échelle  des  Tyriens 
eu  à  ico  ftades  de  Ptolémaiïs ,  &c 


de  Saladir*  Liv.  IX.    171 
y  prennent  leur  première  nature  &  fe 
changent  de  nouveau  en  fable  corn-  j"^Iî|f' 
mun. 

La  plaine  de  Ptplémaïs  égale  par- 
tout ailleurs ,  eft  coupée  auprès  de  là 
ville  par  deux  collines  connues,  l'une 
fous  le  nom  de  Turon  ou  de  Tell-el- 
moufaliin  ,  c'eft-à-dire  ,  la  montagne 
des  Priants;  l'autre  fous  celui  de  la 
-colline  de  la  Mofquée  (  de  Mahumé- 
ria  )  ou  de  Tell~el-aiadhiar,  Sur  cette 
dernière ,  on  voyoit  les  débris  d'un  an- 
cien Sépulcre  que  le  vulgaire  difoit 
être  le  tombeau  de  Memnon ,  fans 
<ju  on  puiffe  fçavoir  l'origine  de  cette 
opinion. 

Tels  étoient  les  lieux  qui  fervirent 
de  théâtre  à  tant  de  belles  a&ions  ,  Se 
où  i'Iflamifme  &  la  Chrétienté  affem- 
blés ,  vinrent  décider  les  armes  à  là 
main  ,  à  laquelle  des  deux  Religions 
devoir  appartenir  la  ville  de  Ptolé- 
maïs. 

Lorfque  Lufignan  parut  devanreette 
Place ,  il  navoit  en  tout  que  neuf 
mille  hommes:  il  ne  laiffa  pas  cepen- 
dant de  donner  un  aflaut.  Ayant  été  re- 
fouffé  avec  perte ,  il  fe  retrancha  vers 
Orient ,  fur  la  colline  de  Turon ,  en 


17*  Histoire 

attendant  de  nouveaux  fecours  qui  ne 

h%.  585.  tardèrent  pas  d'arriver, 

'  n  *     Les  premiers  qui  débarquèrent  far 

les  côtes,  furent  des  Croifésde  Dan- 

nemarch  &  du  pays  de  Frize ,  au  nom- 

eont.  Guiiu  bre  de  douze  mille.  Jacques  Seigneur 

IFa  ?{TC  d'Avefne  &  de  Guife  ,  un  des  plus 

Kaa*  ae  aie.  ,     ,  .  * 

j.  Brompton.  grands  hommes  de  ce  tems  ,  amena 

^?£eT'  c  «r  une  petite  armée  compofée  de  Fla- 

icc.  mands ,  d  Anglois  &  de  François  ivor 

patiens  de  remplir  leur  vœu  ,  tandis 

cjue  les  Rois  de  France  &  d'Angleterre 

le  faifoient  une  guerre  cruelle.  D'au^ 

très  François  avoient  fuivi  Robert 

4       II.  Comte  de  Dreux  ,Thibàud  Comte 

de  Chartres,  Ton  frère  Etienne  Comte 

de  Sancerre ,  Thibaud  Comte  de  Bar , 

Raoul  Comte  de  Ciermont  en  Beau- 

voifis ,  &  Philippe  E vêque  de  Beauvais, 

#ce  Prélat  guerrier  qui  eut  toutes  les 

vertus  qui  font  les  Héros ,  (ans  en  avoir 

aucune  de  (on  état;  plus  excufable 

alors  df exercer  fa  bravoure  contre  les 

ïntidelles,  que  lorfqu  il  fe  mêla  dans 

fa  Patrie  des  querelles  des  Rois ,  Se 

qu'il  fut  pris  les  armes  à  la  main,  (a) 

(a)  Il  fut  fait  prifonnierpar  les  Angloisdant 
ne  bataille*  Le  JPape  Celeftin  III.  écrivit  à 


( 


fit  Sàladin.  Ltv.IX*  17J 
trard  &  André  deBrienne,  Guillau- 
me Comte  de  Chàlons  fur  Saône  »'7Ji^>I{g^ 
GeoflFroi  de  Joinvilie  5  Sénéchal  de 
Champagne,  Gui  de  Dampierre ,  Ma- 
nafles  de  Garlarrde,  AnférJcde  Mon- 
tréal ,  Guy  de  Châtilloii  fur  Marne  , 
&  Gaucher  III.  fon  ftere ,  connu  dans 
la  fuite  fous  le  nom  du  Comte  de  S. 
Paul,  nom  qu'il  rendit  célèbre  par 
tant  de  belles  a&ions  ,  précédèrent 
avec  leurs  yaflaux  ,  Philippe  Augufte 
dans  la  Paleftine  *&  vinrent  défendre 
les  intérêts  de  la  Religion  ,&  fbutenir 
l'honneur  de  laNobleffeFrançoife, 

Le  Landgrave  de  Thuringe  &  le 
Duc  de  Gueldres  s'embarquèrent  avec 
plusieurs  Allemands ,  qui  ne  voulurent 
point  attendre  le  départ  de  Frédéric 
Barberouflfe  :  mais  leur  prudence  ne 
fut  pas  moins  utile  que  leur  valeim; 
car  ayant  abordé  àTyr,  ils  perfua- 

Richard,  pour  obtenir  la  liberté  de  TE  vêque; 
il  mandoit  au  Roi  :  Rendez-moi  mon  fils.  Re- 
tânnoijfez-vous  l'habit  de  votre  Fils ,  répon- 
dit Richard  au  Saint  Père ,  en  lui  envoyant  le 
cafque ,  la  cuirafîè  &  les  autres  armes  avec 
lefquelles  le  Prélat  avoit  combattu?  Il  étok 
frère  de  Robert  Comte  de  Dreux  &  couf» 
du  Roi  Philippe. 


174  Histoi-ri 

dérent  à  Conrad  de  Montferrat ,  de 

"c'n8^aire  c^er  *°n  *eflentimentau  bien 
*  public ,  &  de  Ce  joindre  au  Roi ,  pour 
la  conquête  de  Ptolémaïs.  Toutes  ces 
troupes  jointes  aux  Templiers  ,  aux 
Hofpitaliers ,  aux  Génois ,  aux  Pîfans  , 
aux  Lombards  ,  aux  Vénitiens  qui 
avoient  à  leur  tête  les  Archevêques  de 
Pife  8c  de  Ravenne ,  compoférent  une 
armée  d'environ  quatre-ving*  mille 
hom  mes. 

Saladin  apprit  avec  indifférence* 
que  Lufïgnan  s'approchoit  de  Ptolé- 
maïs ,  il  ne  daigna  pas  troubler  la 
marche  de  ce  Prince  ;  il  crut  que ,  par 
ce  mouvement,  les  Francs  vouloient 
faire  diverfion  ,  &  l'éloigner  de  Scho-r 
kaïf-arnoun  jpour  jetter  du  fecours 

iwa.        jans  cette  piace  :  il  en  prefTa  le  fié— 

ïoha-eddin.  ge  avec  vigueur ,  laïuant  a  ceux  de 
Ptolémaïs  le  foin  de  fe  défendre  con- 
tre une  poignée  de  Soldats  fi  fouvént 
vaincus  :  mais  il  méprîfa  trop  des  en- 
nemis animés  par  le  défefpoir*&  qui 
recevant  tous  les  Jours  du  renfort ,  de- 
venoient  plus  difficiles  à  détruire  :  il 
reconnut  enfin  fa  faute ,  &  pour  la  ré- 
parer,  il  ordonna  des  levées  dans  fes 
Etats,  inveflic  Schokaïf  avec  peu  de 


*s  Saladin.  Liv.  IX.  17) 
troupes ,  &  partit  avec  te  refte,  pour 
aller  combattre  les  Chrétiens ,  qu'il  ,/£*#£ 
auroit  pu  difliper  auparavant  par  & 
feule  préfence ,  &  qui  étoient  alors  re- 
tranchés clans  leur  camp ,  &  fortifiés 
par  l'arrivée  des  Croifés. 

Lorfqu  il  fut  dans  la  plaine  de  Pto- 
lémaïs ,  il  rangea  fon  armée  en  batail- 
le» appuyant  fa  droite  fur  le  fleuve 
Bélus ,  &  fa  gauche  fur  la  colline  de 
la  mofquée  (  Tell-aiadhiat.  )  Par  cette 
difpofition ,  il  tenoït  les  ennemis  blo. 

2ucs  du  côté  de  la  terre  $  mais  h  mer 
toit  libre, &  les  flottes  de  l'Europe 
amenoient  fucceflïvementdufecoi^rs, 
des  vivres  fie  des  munitions.  Le  $ul- 
than  plaça  de  toutes  parts ,  des  gardes  * 
avancées  ,  &  fit  approcher  un  corps 
d'Archers  qui  tiroient  continuellement 
fur  les  Francs.  Ceux-ci  s'étendirent  à 
l'Orient  ,  depuis  la  montagne  de  Tu- 
ron  où  étoit  le  quartier  du  Roi  jufqu'à 
Ptolémaïs ,  Se  occupèrent  tout  l'efpace 
depuis  la  Tour  maudite ,  jufqu'au  ri- 
vage ,  vers  le  Nord ,  c  eft-à-dire,  la 
moitié  de  la  ville.  Il  y  eut  d'abord  plu- 
sieurs efearmouches  qui  affoiblifïbient 
les  deux  partis.  Dans  une  de  ces  atta- 
ques, les  Chrétiens  étant  fortîs  avec 

P  mj 


i7<?  Histoire 

toute  leur  cavalerie ,  gagnèrent  infen~ 
*%  tlV\  fixement  <to  tcrrein  ,&  profitant  de 
cet  avantage ,  ils  fe  répandirenc  jus- 
qu'à la  mer  du  côté  du  Nord,  où  ils 
fe  logèrent ,  environnant  ainfi  toute  la- 
Place. 

Saladin  ne  leur  donna  pas  le  tems 
de  fe  fortifier  dans  ce  nouveau  pofte~ 
H  aflembla  le  foie  même  fes  Emirs  > 
&  leur  dit  de  fe  préparer  pour  un 
combat  général.  Tous  applaudirent  à 
cette  réfolution.  Le  lendemain  vers 
l'Aurore  >  Vendredi  le  premier  de 
Schaban  y  huitième  mois  de  l'armée 
Arabique ,  il  monta  à  cheval ,  &  tom- 
ba brufquement  avec  toute  fon  armée  , 
fur  les  Francs  qui  l'attendirent  de  pied 
fermé.  Il  n'avoit  plus  affaire  à  ces  Sy- 
riens accoutumés  à  fuir  :  il  trouva  de- 
vant lui  des  Croifés  animés  parfegloi- 
re  &  par  la  religion  ,  qui  fbutinrent 
cet  effort  avec  un  courage  intrépide, 
Plufieurs  fois  ils  furent  repoufles  par 
eux.  Le  carnage  fut  horrible  de  part 
&  d'autre ,  &  la  vi&oire  demeura  in- 
décife  jufqtfà  la  nuit  qui  fépara  les 
combattans. 

Le  Sulthan  fçavoit  que  l'endroit  le 
plus  foible  étoit  celui  dont  la  cavale- 
lie  ennemie  s'étoit  emparé  la  veille 


©i  Sàlàdin.  Liv. IX.  17^ 
du  côté  de  la  mer  ,&  où  elle  n'avoit 

£û  fe  retrancher.  Il  choifit  les  plus    J^J'JJ* 
raves  &  les  plus  déterminés  parmi  "  * 

fes  Mameluks  &c  parmi  les  autres  Ca- 
valiers, met  à  leur  tête  Teki-eddin- 
Omar  Ton  neveu ,  jeune  homme  plein 
de  feu  &  propre  pour  les  expéditions 
hardies,  &  lui  recommande  de  char- 
ger la  gauche  des  Croifés ,  tandis  qu'il 
les  occuperait  lui-même  vers  la  droite. 
Le  Samedi  à  la  pointe  du  jour ,  les 
Mufulmans  marchent  au  combat  en 
pouffant  de  grands  cris  félon  leur  cou* 
tnme.  Teki-eddin  defcend  le  fleuve 
Bélus  avec  fa  troupe  d'élire  :  arrivé  fur 
le  bord  de  la  mer  ,  il  tourne  tout  à 
coup  à  droite ,  Ôc  tombe  fur  la  cava- 
lerie des  Francs.  Ceux-ci  réfîftérent 
pendant  quelque  tems  ;  mais  obligés 
enfin  de  céder ,  ils  fe  replièrent  à  l'Eft  > 
vers  le  gros  de  l'armée»  Ce  fuccès  ani- 
ma les  Sarrazins,  &  ralentit  l'ardeur 
des  Croifés.  Au  milieu  du  combat ,  Sa- 
ladin  entré  à  cheval  dans  la  ville  par 
le  Nord,ceurt  à  la  partie  Orientale* 
monte  fur  la  tour  la  plus  élevée  >  exa- 
mine la  (îtuation  des  ennemis  y  fait 
ouvrir  les  portes,  &  (brtant  avec  la 
garpilbn ,  il  vient  prendre  en  queue 


tyt  H  î  s  t  or  i  m 

les  Chrétiens  furprisde  cette  attaque, 
Hég.  385' Alors  ct%  derniers  pouffes  de  coures 
' t#  "  9"  parts  &  pôurfuivîs  ,  abandonnent  le 
champ  de  bataille  ,&  vont  fe  renfer- 
mer dans  lecrr  camp?. 

Après  avoir  donné  qurfqûe  repos  à 
fon  armée ,  le  Sulrhan  fe  prépara  à  le» 
forcer  dans  leû#s  ferrancfcemens.  Plu» 
f  entreprife  étoït  difficile ,  plus  elle  flat. 
toit  fon  courage;  il  introdtiifit  dan» 
Ptolémais  un  corps  de  cavalerie  qui 
dévoie  déboucher  de  ce  côté ,  dans  le 
rems  qu'on  chargeront  les  Francs  par 
Fendroit  oppofë.  Cette  attaque  com- 
menta le  Lundi  (  quatrième  jottr  de 
Schaban)  &  dura  jufqu'au  Vendredi  : 
Saladïn    environna  aabord    rout  le 
camp  des  ennemis ,  8c  les  fit  accabler 
de  traits-  En  divifaftt  fes.  forces,  il; le» 
affaiblit.  Jamais  il  ne  montra  tant 
de  fermeté  &  de  confiance  :  il  ne*  fe 
livra  prefqoe  point  au  fommeil,  &  ne 
prit  que  très-peu  de  nourriture  pen- 
dant placeurs  Jours,  Semblable ,  dit 
Boha-eddin ,  à  une  Lionne  qui  a  per- 
du fes  petits  &  qui  tourne  fans  cefïè 
en  rugiffant  autour  de  fon  antre,  fe 
Sulthan  étoit  préfent  à  tour ,  il  fe  por- 
toit  dans  tons  les  rangs ,  parcourait 


de  Saladin,  Liv.  IX,  iyy 
plufieurs  fois  avec  rapidité  tout  l'ef-  ■ 
pace  occupé  par  les  lignes  des  Chré*  *****  **'• 
tiens,  animant  fes  Soldats  par  Ces  ex.  J* C*  ,l1* 
bortations  encore  moins  que  par  (on 
exemple:  mais  quoiqu'il  fut  bien  fé- 
condé par  eux ,  tant  de  bravoure  fur 
inutile  :  il  ne  put  faire  fortir  les  enne- 
mis de  leur  pofte ,  &  fut  obligé  le  cin# 
quiéme  jour  de  fe  retirer  à  quelque 
diftance ,  pour  laifler  refpirer  fes  trou- 
pes épuifées  de  fatigues. 

Alors  les  Chrétiens  s'étendirent  eux- 
mêmes  dans  ta  plaine  :  ils  formèrent 
une  colomne  impénétrable  ,  plaçant 
l'Infanterie  dans  le  centre  &  au  flanc  9 
&  la  cavalerie  fur  les  aSles.  Ils  s'avan- 
cèrent lentement  8c  à  pasmefurés,fi 
ferrés  entr'eux  &  en  fi  bon  ordre,  qu'ils 
paroiflbient  ne  former  qu'une  mafle 
énorme  à  laquelle  on  avoir  imprimé 
un  mouvement.  On  croyoit  voir  mar- 
cher une  muraille ,  dit  THiftorien  Ara- 
be, Ils  Tenverferent  tout  ce  qui  étoit 
devant  eux  en  s*approchant  des  Mi*~  . 
fulmans  ,  chaflerent  tes  gardes  avan- 
cées qui  portèrent  l'allarme  ({ans  le 
camp  des  Sarrazins.  Le  Sulthan  cou- 
rut dans  tous  tes  quartiers  en  criant 
de  toutes  fes  forces  Iaï-aMffam  (tar 


l8o  HlSfOÎRE 

dd/Jlamifmum)  à  l'Iflami,  à  l'I/fatit* 
Hég.  58 y.  f0^  crj  je  guerrc  ordinaire.  Les  Offi- 

J.C  H85.       .  &  ,     .     .  ,        , 

ciers  montes  précipitamment  a  che- 
val ,  répétoient  les  mêmes  mots»  Les 
Soldats  réveillés  par  te  motif  de  la  Re- 
ligion ,  oublient  leur  laflttude ,  &  pren- 
nent les  armes  en  tumulte.  On  fe  raC- 
femble ,  on  s  anime  les  uns  les  autres  , 
en  pouffant  de  grands  cris  ;  &  l'on  vient 
à  la  rencontre  des  ennemis.  On  fon- 
dit fur  eux  de  tous  côtés ,  &  à  plufieurs 
reprifes  j  fans  pouvoir  les  rompre  :  or* 
leur  tua  beaucoup  de  monde  -,  mais  ils 
en  tuèrent  davantage.  À  la  fin,  ris  re- 
culèrent infenfiblement  dans  le  mê- 
^  me  ordre  >  8c  rentrèrent  dans  leurs  li- 
gnes. Saladin,  dont  l'armée  avoit  be- 
soin de  repos,  fit  entrer  des  vivres 
dans  la  ville,  rafraîchit  la  garnifon  , 
laifla  quelques  troupes  pour  garder  les 
paffages,  &  abandonna  le  lieu  qu'il 
occupoit ,  pour  aller  s'emparer  plus 
avant  dans  les  terres  d'une -hauteur 
dont  les  Francs  auroient  pu  fe  rendre 
maîtres. 

Il  ne  (èpaffà  rien  de  remarquable 
jufques  au  vingt-unième  de  la  Lune 
de  Schaban.  Il  y  eut  feulement  des  es- 
carmouches, de  petits  combats  >onfe 


©e  Sàladin.  Liv«IX.  i8i 
tendoit  des  embûches ,  on  fe  harceloit  Hé  8 
à  coups  de  flèches  ;  on  faifbit  des  cour-  j-  c?'i  îs*." 
fez  dans  les  terres  ;  on  pilloit ,  on  ra- 
vageoit.  Semblables  aux  Héros  d'Ho- 
mère ,  les  Francs  &  les  Sarrasins  ac- 
coutumés à  fe  voir  9  s'approchoient 
fans  crainte  ,  s'entcetenoient  les  uns 
les  autres ,  fe  difoient  fouvent  des  in- 
jures ,  &  les  vengeoient  par  les  armes,  ^ 
Les  Tournois  qu'on  croit  inventés  par 
les  Arabes ,  étoient  alors  en  ufoge. 
Les  Chrétiens  s'exerçoient  avec  les  Inr  tbîà* 
fidelles  dans  ces  fortes  de  combats, 
fous  les  muf ailles  de  ftolémaïs.  Les 
deux  champions  entrés  en  lice ,  n'en 
venoient  aux  mains  ,  qu'après  s'être 
harangués  hm  &  l'autre  :  le  vaincu 
étoit  tait  priibnnier  de  guerre  ou  ra- 
cheté. On  fit  même  quelquefois  bat- 
tre des  enfant  :  enfin  la  familiarité 
étoit  telle  entre  les  deux  Peuples  en- 
nemis ,  que  les  Francs  danfbient  fou» 
vent  au  fon  des  inftrumens  Arabes , 
&  chantoient  enfuite,  poucf^ired^n- 
ferles  Sarrazins.  Ces  détails  qu'on 
peut  regarder  comme  minutieux ,  fer- 
vent à  l'hiftoire  des  moeurs. 

Cependant  les  Chrétiens  ayant  en- 
core reçu  des  fecours  confidérables , 


Boha».cd4. 


iSz  Histoire 

'  furent  honteux  de  refter  dans  l'inac- 

i.cé.5il8^tîon'  ,Les  nouveaux  Croifés  dont  le 
\      zélé  n'étoit  point  ralenti  par  les  dé- 
bauches de  la  Syrie ,  demandèrent  à 
combattre  les  Infidelles.  Bientôt  tour- 
tes les  troupes  furent  animées  de  la 
même  ardeur.    LuGgnan  profita  de 
cette  heureufe  difpourion.  Jamais  il 
n'avoit  eu  une  armée  auffi  nombreufe , 
&  fi  bien  compofée.  Nos  Hiftoriens 
qui  exagèrent  rarement  les  forces  des 
Croifés ,  difent  qu'elle  étoit  compofée 
de  quatre  mille  chevaux  &  de  cent 
mille  Fantaffins.  Les  ennemis  avoienc 
plus  de  cavalerie  &  moins  d'infanterie. 
Ce  fut  le  Mercredi  vingt-unième 
de  Schaban ,  quatrième  jour  d'Oâo- 
bre ,  que  les  Francs  fortirent  de  leurs 
lignes.  Ils  s'étendirent  dans  la  plaine, 
depuis  le  fleuve  Bélus  jufqtfà  la  mer. 
Le  Roi ,  devant  lequel  on  portoit  le 
Livre  des  Evangiles  couvert  d'une 
étoffe  de  foye ,  &  foutenu  dans  les  an- 
gles par  quatre  Officiers ,  occupoit  la 
droite  vers  le  fleuve,  avec  les  Fran- 
Hift  Hier,     çois  &  les  Hofpitaliers.  Le  Marquis 
Boha-cddin.  de  Montrerrat  commandoit  la  gau- 
.  che  du  côté  de  la  mer  ,  ayant  fous  lui 
les  Vénitiens  &  les  Lombards.  Le 
Landgrave  de  Thuringe ,  les  Anglois, 


de  Saladïn."  Liv«  IX.  18} 
les  Pifans  >  étoient  au  centre.  Gérard 
de  Bidesford,  grand  Maîcre  des  Tem-  ,/£Vx$£ 

Elîers ,  le  Duc  de  Gueldres ,  les  Cata- 
ms  forraoienr  le  corps  de  réferve  ; 
&.  Ton  avoic  laiffé  pour  la  garde  du 
camp ,  Geoftroi  de  Lufignan ,  frère  du 
Roi ,  &  Jacques  d'Avefne.  Les  Ar- 
chers &  la  Gendarmerie  étoient  en 
avant ,  &  la  Cavalerie  fut  placée  en- 
tre les  lignes.  Nous  devons  remarquer 
que  parmi  les  Prélats  qui  fe  fignalé- 
rent  dans  cette  journée ,  on  voyoit  à 
la  tête  de  leurs  troupes ,  les  Archevê- 
ques de  Ravenne  9  de  Pife ,  de  Can* 
torberi ,  de  Bezançon ,  de  Nazareth , 
de  Mont-réal  ;  &  les  Evêques  de  Beau- 
vais ,  de  Salifburi ,  de  Cambrai ,  de 
Ptolémaïs ,  de  Bethléhem*  armés  d'un 
cafque  &  d'une  cuirafle.  Les  Chrétiens 
pour  ne  perdre  ^ucun  des  avantages 
qui  pouvoient  leur  aflTurer  le  fuccès , 
s'emparèrent  de  toutes  les  hauteurs» 
&  s  avancèrent  en  cet  ordre  contre 
l'ennemi ,  fiers  de  leur  nombre  &  de 
leur  fîtuation.  On  a  dit  qu'un  des 
Chef  admirant  la  force  &  la  réfolu- 
tion  de  cette  grande  armée ,  s'écria 
dans  fon  enihoufiafme  :  »  quelle  puit- 
»fance  pourroit  nous  rélîfter?  Dieu, 
»  foyez  neutre  &  la  vi&oire  eft  à  nous. 


184  Histoire 

Saladin ,  de  Ton  côté  fut  bientôt  pré- 
j?c.'  iI*£  paré  au  combat  :  il  n  eut  pas  de  peine 
a  ranger  Ton  armée  ;  car  les  Arabes 
difent ,  que ,  pour  n'être  jamais  fur- 
pris  ,  il  marchoit  &  campoit  toujours 
en  ordre  de  bataille ,  ce  qui  paroic 
avoir  été  difficile  dans  un  pays  lï  iné- 
gal &  coupé  partout  de  montagnes» 
On  peut  croire  feulement  que  chaque 
Officier ,  chaque  corps  de  troupes 
avoient  leur  pofte  marqué  ,   &c  que 
dans  une  aâion ,  tous  fe  mettoient  au 
rang  qui  leur  avoit  été  affigné.  Les 
Sarrazins  occupoient  également  tout 
le  ter  rein ,  depuis  le  fleuve  jufqu a  la 
mer ,  ayant  leur  aile  gauche  oppofëe 
à  la  droite  des  Chrétiens  s  &  la  droite 
à  la  gauche  de  ces  derniers.  Le  Sulthati 
fe  plaça  dans  le  centre  avec  Tes  Mame- 
luks. Cependant  on  animoit  de  part  & 
d'autre  le  courage  des  troupes  par  les 
mêmes  motifs.  Cette  guerre  étoitap- 
pellée  par  les  deux  Peuples  une  guerre 
fainte,  une  guerre  entreprife  pour  la 
caufe  de  Dieu,    Les  Evêques  &  les 
Imams  promettaient  aux  Soldats  la 
remiffion  des  péchés  &  la  palme  du 
martyre.  Les  Francs  &  les  Sarrazins 
fe  traitoient  réciproquement  dlnfi- 

délies  : 


ï>e  Saladim.  Liv.IX.    iÏj 
délies  :  les  Mufulmans  prenoient  le   •HSS» 
nom    &  Unit  air  es  ,    par    oppofition  jfo  iîg£ 
aux  Chrétiens ,  qu'ils  appélloient  Tri- 
maires,  à  caufe  du  Myftére  de  la  Tri 
i*iré. 

Les  deux  armées  furent  en  préfence 
pendant  quatre  heures  ;  mais  vers  les 
dix  heures  du  matin  >  les  Archers  des 
Francs  courent  en  avant  &  accablent 
de  traits  la  droite  des  ennemis.  Ceux- 
ci  détachent  d'abord  leurs  Archers  f 
&  s'avancent  pour  les  foutenir.  Teki- 
eddin  Omar ,  qui  commmandoit  de  ce 
côté ,  joignant  la  rufe  au  courage ,  or- 
donne à  Tes  troupes  de  plier  ,  pour 
féparer  du  corps  de  bataille  ceux  qu'il 
avoit  en  tête  :  mais  Saladin  ignorant 
le  deflèin  de  Ton  neveu ,  attribue  à 
foiblefle  fa  retraite ,  &  lui  envoie  un 
renfort  de  fes  meilleurs  Soldats.  Ce 
mouvement  exécuté  avec  précipitation 
jette  l'allarme  dans  toute  l'aîle  droite 
qui  s'ébranle ,  incertaine  fi  elle  doit 
fuir  ou  combattre*  Les  Chrétiens  fai- 
llirent cet  inftant ,  pour  attaquer  les 
Infidelles  qui  déjà  vaincus  par  leur 
propre  frayeur ,  prennent  la  fuite  # 
.  fans. faire  aucune  réfiftance.  L'épou- 
vante étoit  telle  que  les  uns  fe  fauve-: 

Tmtth  Q. 


i8£  Histoire 

rent  jufqu'au  de -là.  de  Tibériade  5 
£^t\*l\  d'autres  allèrent  jufquà  Damas»  Le» 
Francs  les  pourfuivirent  long-tems  w 
en  tuèrent  un  très -grand  nombre, 
forcèrent  la  garde  du  camp  ennemi^ 
&  au  lieu  de  profiter  de  leur  vi&oire* 
ils  s  amuférenr  à  piller  ce  camp,  &  à 
fe  charger  cfun  riche  butin  qu'ils  dé- 
voient bientôt  abandonner.  Le  Comte 
de  Bar  monta  fur  la  colline  deTel-el- 
Aia^iiat ,  (  de  la  Mofquée ,  )  oit  ètoit 
le  Pavillon  de  Saladin  &  maflacra, 
fur  le  Sopha  même  du  Suhhan ,  plu* 
fîeurs  Officiers  de  fa  maifon. 

Cependant  Saladin  ,  la  rage  dans  le 
cœur ,  couroit  à  cheval  de  toutes 
parts,  pour  arrêter  fes  Soldats,  pro- 
mettant aux  uns  des  récompenfes  & 
menaçant  les  autres  de  la  mort  qu'ils 
vouloienr  éviter.  Il  ne  lui  ètoit  reftè 
que  cinq  Mameluks  avec  îefquels  il 
pafla  pluueurs  fois  au  travers  des  entier 
mis  difperfés  dans  la  plaine  :  mais  (a 

5>erite  troupe  groflïr  infenfiblement  t 
es  fuyards  fe  rallient  autour  de  lui ,  & 
demandent  à  laver  leur  honte  dans  le 
fangdes  Chrétiens.  Ces  derniers,  après 
avoir  ravagé  le  camp ,  retournoient 
Vers  leurs  armées.  Ceux  qui  étoieût 


de  S  al  ad  in.  Lrv.IX.  187 
montés  fur  TeUAïadhiat ,  voyant  de 
cette  hauteur  la  gauche  des  Infidel-  j^J',^ 
les ,  immobile  &  en  bon  ordre,  ju- 
gent qu'ils  noue  remporté  qu'une  vic- 
toire imparfaite  *  Oc  le  hâtent  de  cher- 
che^ leur  fureté  par  la  retraite.  Sala- 
din  arrive  au  pied  de  la  colline ,  place 
en  embufeade  (a  troupe  animée  par  le 
défefpoir ,  &  tombe  avec  fureur  fur  les 
Francs  defeendus  de  la  montagne» 
Dans  le  même  tems  ,  Téki-eddin 
Omar  débouche  d'un  autre  côté  avec 
les  Soldats  qu'il  avoit  raffemblés,& 
augmente  la  déroute  des  Chrétiens, 
qui  jettent  leurs  armes  &  leur  butin, 
&  courent  vers  leur  droite  qui  n'avoir 
pas  combattu. 

Les  Croifës  les  voyant  revenir  en  \ 

cet  étatè&  en  fi  petit  nombre  croyent 
que  tous  les  autres  ont  été  tués.  La 
même  terreur  qui  avoit  agité  les  Sarra- 
zins  les  faifït,  comme  eux ,  ils  font 
fburds  à  la  voix  des  Officiers  &  quit- 
tent leurs  rangs.  Au  milieu  de  cette 
agitation  générale,  un  cheval  Arabe 
pris  fur  les  ennemis  s'échappe  :  on'le 

S ourfuit  pour  l'arrêter.  Quelques  Sol- 
ats  furpris  de  ce  mouvement  f  s'é- 
crient que  ceux  de  Ptolémaïs  ont  fait 


i8S  Histoire 

une  fdrtîe  &  qu'ils  pillent  le  camp^ 
r.ci  iîl£  Cette  fauflEe^ nouvelle  redouble  le  ra- 
j^         multe  &  la  crainte.  Dans  ces  circonC 
tances ,  Saladin  ayant  rejoint  la  gau- 
che de  fon  Armée  anime  fes  troupes  , 
femet  à  leur  tête  ,  fond  fur  tes  Chré- 
tiens &  en  fait  un  horrible  carnage. 
Les  Chevaliers  Templiers  furent  les 
feuls  qui   eurent  honte  de  fuir  fans 
combattre  r  mais  cette  fermeté  leur 
devint  funefte ,   il  en  périt  un  très- , 
grand  nombre ,  entr'autres  leur  grand- 
Maître  Gérard  de  BidesforcT  %  qui  par» 
tageoitleur  périt  &  leur  gloire.  André 
deBrienne,  (de  Brenno  ,)  célèbre  par 
fbn  courage ,  fut  tué  en  voulant  ral- 
lier les  fuyards.  Jacques,  Seigneur 
d'Avefne ,  auroît  (ubi  ïe  même  fort  y 
fans  un  Cavalier  qui  lui  donna  foi* 
cheval  avec  lequel  il  fe  fauva.  Erard 
de  Brienne  paffa  en  fuyant  fur  le  corps 
de  fon  frère  expirant  qui  lui  demanda 
du  fecours,.  maisla  peur  l'emporta  fur 
la  pitié.  Le  Roi  plus  généreux ,  ou- 
bliant fon  reffentiment ,  dégagea  le 
Marquis  deTyr  prêt  a  périr.  Les  Mu* 
fulmans  poprfuivirent  les  Chrétiens 
Jufquà leurs retrànchemens  qu'ils  au- 
raient forcés ,  fi  #n  n  avoit  eu  là  jcé- 


tTB  SàLADIN,     LlV.   IX#     1^9 

caution  d  y  laifler  des  troupes ,  pour ( 

les  garder.  *%  ***« 

Ainfi ,  dans  cette  Journée  ,  ht  for-  *  *  "  *" 
tune  couronna  fucceffivement  les 
Francs  &  les  Sarrazins  :  La  même 
caufe  produifît  le  même  effet  de  part 
&  d'autre.  Une  terreur  panique  caufa* 
la  défaite  des  deux  armées.  Laîle 
droite  fut  mffe  en  déroute  de  Pun  Se 
de  l'autre  côtés  &  la  gauche  remporta 
la  vi&oire,  >  La*  perte  fut  confidérable 
dans  les  deux  partis  ;  mais  le  nombre 
des  morts  fut  beaucoup  plus  grand  par- 
mi les  Chrétiens ,  que  parmi  les  Infi- 
delles. 

#Le  Sulthan  fit  jetter  dans  le  fleuve 
les  cadavres  qui  infe&oient  Fais.  Ren- 
tré dans  (on  camp ,  il  fut  obligé  de 
détacher  de  la  cavalerie  pour  arrêter 
les  valets  &  les  efeFaves ,  qui ,  croyantr 
les  Sarrazins  vaincue  fans  reflburce^ 
avoient  eux  -  mêmespillé  le  camp  &  - 
pris  la  fuite.  Tous  les  effets  furent  rap- 
portés Se  rendus  à  ceux  qui  les  récla- 
moient  avec  ferment.  Saladin  ne  dé* 
cFaïgna  pas  de  préfider  à  cette  diïlriba- 
lion  pendant  plufiëurs  jours. 

Après  ce  combat ,  les  Chrétiens  ne 
furent  pas  tentés  de  hazarder  une  fe- 


J.C.  i 

IbiA 


ï3S  Histoire 

une  fortie  Se  qu'ils    pillent  le  camp* 
Cette  faufle  nouvelle    redouble  /e  tu* 
multe  &  la  crainte.   Dans  ces  chconù 
tances,  Saladïn  ayant  rejoint  la  gau- 
che de  fon  Armée  anime  fes  troupes, 
femec  à  leur  tete  a  fond  fur  les  Chré- 
tiens &  en  fait  un  horrible  carnage* 
Les  Chevaliers  Templiers  furent  les 
feuis  qui   eurent  honte  de  fuir  uns 
combattre  :  mais   cette  fermeté  leuf 
devint   funefte ,   il  en  périr  un  tres- 
grand  nombre ,  eut  r'autres  leur  grand- 
Maître  Gératd  de  Bidesford \  qui  pjr* 
tageoit  leur  périt  fk  leur  gloire,  André 
de  Brienne,  {de  Brtnm  ,)  célèbre  pat 
fon  courage»  Fut  tué  en  voulant  ral- 
lier les  fuyards-    Jacques,    Seigneur 

d'Avefne,  auroït  lubi  te  mêi 
fans  un  Cavalier  qui  lui  do 

cheval  avec  lequel  il  fe  fauva.  Er, 

deBrienne  paffaen  ruyan^sH 

de  fon  frère  expirant  qui 

du  fecouts;  matsJapeur 

la  pitié.  Le  Roi  pli 

bliant  fon  reflem  " 

Marquis  dcTyr 

fui  m  ans  po^in 

jufqu'à  leurs 

roient  foci  " 


iça  Histoire 

condef  a&ioiï  ?  mais  Saladin  ayant 
SSilir  donné  quelque  relâche  à  fes  croupes, 
appella  dans  fon  Divan,  cous  les  Emirs 
&  les  dïfférens  Princes  fes  vaflaux 
venus  à  fonfe cours  &  ieu*  parla  dans 
ces  termes* 

Au  nom  de  Dieu ,  k  qtri  louanges 
Joient  rendues;  [dut  (a)  fur  fin  Prophète 
Mahomet* 

Sachet,  <me  Fennemî  de  Dieu  &le  notre 
eft  entre  dans  nos  États*  &  qu'il  a  ofi 
fouler  aux  pieds  la  ferre  de  Vlfiamifine* 
Mais  par  la  grâce  &  la  volonté  de  Dieu* 
nous  avons  vu  briller  fier  nous  F  étendard 
de  la  vi&oirc  :  il  nous  refit  encore  peit  a 
faire.  Uordre  du  Ciel  eft  que  nousfaffions 
tous  nos  efforts  pour  chaffèr  loin  dïci  cette 
Nation  Infidelle  ,  &  pour  en  détruire 
jufqu'â  la  moindre  trace.  Fous  n'ignorez, 
pas  que  nous  n  avons  de  renfort  k  atten- 
dre que  de  Matel^Adel ,  qui  ne  tardera 
pas  d'arriver  *  au  lieu  que  tout  délai  fera 
favorable  a  nos  ennemis*  Ils  recevront  de% 
fecours  immtnfes  de  ï  Europe ,  lorfque  la 

(a\  C'eft  une  formule  Mufuimane.  On  dit  : 
la  prière  foit  fur  Mahomet,  le  falut  foit  fut 
Mahomet ,  &c, 


»«  Sàiadim.  Lit.  IX.    foi 

navigation  interrompue  par  l'hiver  fers  'BS-fiss* 
devenue  libre,  ,'e  fais  dote  dherminê  d$  tftJfit 
*«* Inrer bataille.  Cependant,™ cha,  * 

*****  veut  dife  l&remtnt  G>n  avis  fur 
cette  réjoltaùm.  J 

Les  Emirs  reptéfemérem  au  Suf- 
than,  que  les  troupes  étoient  fous  le* 
armes  ,  depuis  quarante  jours,  fans- 
avoir  eu  le  teins  do  Kfpirerj  quelle» 
paroiflôient  epuifées  de  tant  de  tra- 
vaux ,  que  dans  cet  état  il  étoit  dan- 
gereux de  les  mener  au  combat ,  que 
ce  qui  étoit  arrivé  dans  la  dernière  ac- 
tion ,  devoir  faire  craindre  fa  même  là* 
cheréfqu'il  falloir  ranimer  leur  cou- 
lage abbatu;  que  ces  troupes  autre- 
fois Çt  fiéres  de  feurs  fuccès ,  man- 
quoient  de  zéïe  Se  de  réfolution  j  qu'à 
tant  de  bravoure  àvoit  fuccédé  une 
foiblefTe&  une  langueur  funeftés^qœ 
le  premier  foin -du  Sultfran  devoir  être 
de  rétablir  fa  tenté  aftérée  par  tant  de 
fatigues  ;  que  s'il  tomboit  férieufemenr 
malade,  les  Soldats  n'étant  phis  fou- 
tenus  par  les  exemptesdu  Chef, aban- 
donneraient leurs  drapeaux  ou  n'ob- 
ferveroient  aucune  difeipline  ;  que 
l'air  qu'on  refpiroit  à  Tel-aiadniat  ,  J 


I5>*  Histoire 

corrompu  pair  l'odeur  des  cadavres* 
^"c^ll^-  occafïonnoic  des  maladies  dansl'as- 
mée  -f  qu'on  devait  fe  retirer  plus  avant 
dans  les  terres  versKhourouba  ,  oit 
l'on  trouverait  une  bonne  fortereflfe 
6c  les  rafraîchiflemens  néceflaires  ^ 
qu'on  attendroit  dans  ce  Heu  Malek- 
adel ,  (a)  dont  la  préfence ,  les  con- 
feils  &  les  lumières  feroîent  fort  uti- 
les dans  des  ci r confiances  auflî  criti- 
ques; que  Ces  troupes  pleines  d'ardeur 
pourraient  réveiller-  la  confiance  de» 
autres  Mufulmans;  que  dans  l'inter- 
valle ,  on  rappetleroit  tous  ceux  qui 
avoient  pris  la  fuite  ;  qu'on  fbmmeroit 
tous  les  Princes  d'Orient  de  venir  pren- 
dre part  à  la  guerre  fainte  j  qu  avec 
leurs  fecours ,  on  ferait  en  état  de  ré- 
fiffer  aux  Francs ,  quand  même  ils  au- 
roient  reçu  les  renforts  qu'on  pTépa- 
roit  en  Europe. 

Saladin  fe  rendît  à  ces  raifons  :  iï 
étoit  alors  malade,  &  avoir  plus  be~ 
foin  lui-même  de  repos  ,  qu'aucun  de 
fes  Soldats.  Onïaiffaun  gros  détache- 
ment dans  l'ancien  camp  ;  on  plaça 
partout  des  gardes  avancées  ;  oa  in- 

(m)  Frère  de  Saladin* 

troduific 


•i  Saiadin.  Liv.  IX.  i>$ 
troduifit  dans  la  ville  des  vivres ,  & 
quelques  troupes  -,  &  on  recula  jufqtfà  j"g#  f  J*f  • 
Khourouba,  montagne  munie  d'une 
citadelle,  &  fituée  à  peu  de  diftance  de 
Ptolémaïs ,  pour  y  paiTer  une  partie 
4e  l'hyver* 


Fi»  du  Livre  neuvième 


Tmcll. 


SOMMAIRE 

:     DU  LIVRE  DIXIEME. 

Départ  de  Frédéric  Barberouffe 
pour  la  Palejiine  if  on  arrivée 
à  Conjlantinople.  Lettre  d'I- 
faac  à  Saladin.  Etat  dujiége 
de  Ptolémaïs.  Voyage  de  Fré- 
déric ,  fes  malheurs ,  fa  mort. 
Kaghic  Prince  d'Arménie  écrit 
au  Sulthan.    Evénemens  du 
fiége  de  Ptolémaïs.  Humanité 
de  Saladin.  Troubles  dans  J on 
armée.  Mort  de  la  Reine  Sy- 
bilîe.    Nouvelles    diffenjions 
parmi  les  Chrétiens. 


HISTOIRE 

DE 

SALADIN 

Sulthan   d'Egypte  &  de  Syrie. 

rfw  ■  i     ■  i  il 

LIVRE   DIXIEME. 


CEPENDANT,  Frédéric Bar- 
beroufle,  qui  sctoic  croifé  le 
dernier  de  tons  les  Princes  d'Oc- 
«  cidenc ,  fut  le  premier  à  fe  fignaler.  Il 
aflembla  aux  environs  de  Ratisbonne, 
une  armée  de  près  de  deux  cens  mil- 
les hommes ,  fat  les  loix  les  plus  fages 
&  les  plus  févéres,  pour  établir  Tor- 
dre &  la  difcipline  parmi  Tes  troupes» 
défigna  Henri  Ton  fils  aîné  pour  fon 

Rij 


Hég.    5»f. 
J.  C,  ni?. 


rvtfr* 


IJ>6  HlSTOIEE 

Succeflèur ,  &  partit  vers  la  fin  d*À- 

îHcg  \\V'  vn'#  ^é'a  Roi  de  Hongrie  vint  le  re- 
'  1!  9'  cevoir  fur  les  frontières  de  fon  Royau- 
Hift.CHÎcr.  rae  >  &  lu*  fournit  les  vivres  &  les 
Godcf.  mon,  provifions  néceflaires.  Mais,  lorfqu'ori 
Bo^d!'  h*  arrivé  dans. la  Bulgarie,,  il  fallut 
ta.  combattre  les  Hnns ,  les  Alains^  Peu- 

ples barbares,qui  occupoient  cettePro- 
vince  &  qui  diïputérent  le  paflage  aux 
Allemands.  Ceux-ci ,  après  deux  mois 
de  peines  &  de  travaux ,  parvinrent 
enfin  fur  les  terres  dTfaac  l'Ange. 

Depuis  le  fchifme  fatal  qui  divifo 
Rome  &  Conftanrinople ,  les  Grecs  ne 
déteftoient  pas  moins  les  Latins ,  qu'ils 
redoutoient  les  Mahométans.  Il  eft 
vrai  que  la  conduite  des  Croifés  étoit 
bien  capable  de  fomenter  cette  haine. 
Ces  hommes  fiers  de  fe  voir  armés 
pour  la  défenfe  de  la  Religion,  & 
croyant  pouvoir  maflacrer  fans  feru- 

Î>ule,  tout  ce  qu'on  appelloit  Infidèl- 
es ,  s'imaginoient  auflï  que  tout  ce 
qui  portoit  le  nom  de  Chrétien  ,de- 
voit  les  refpeéfcer ,  leur  être  fournis  , 
fatisfaire  leur  cupidité  ,  &  favoriier 
leurs  débauches  &  leurs  brigandages* 
Ils  enlevoient  avec  violence  tout  ce 
qu'on  étoit  en  droit  de  leur  refufer, 


i*e  Salahin.  Lit.X.    197 
âc  trairoient  comme  ennemis ,  ceux 
qui  ne  les  craitoient  pas  comme  leurs  j"2'iïî£ 
maîtres. 

Les  Grecs  auraient  voulu  oppofer 
des  digues  à  ces  torrens  qui  inondoient 
l'A  fie ,  &  qui  dévoient  un  joue  englou- 
tir leur  empire  :  mais  trop  foibles  pour 
leur  réfifter  ouvertement ,  ils  étoient 
réduits  àlarufe,  reflburce  rarement 
utile  &  prefque  toujours  funefte  à  ceux 
qui  l'employent.  Ifaac  l'Ange  fut  le 

{premier  qui  ofa  faire  une  alliance  fo- 
emnelle  avec  les  Sarrazins.  La  hai- 
ne contre  les  Francs ,  &  la  crainte  de 
la  puifTance  de  Safadin  furent  les  liens 
qui  formèrent  cette  union.  Ëntr  au- 
tres articles  ,  l'Empereur  d'Orient 
promit  par  ce  traité ,  de  traverfer  les 
entreprifes  des  Croifés ,  de  détruire  s'il 
pouvoir  leurs  armées ,  ou  de  les  affai- 
blir en  leur  coupant  les  vivres  ,  en 
troublant  leur  marche ,  &  en  leur  li- 
vrant de  petits  combats ,  fous  diffé- 
rens  prétextes. 

Le  Prince  des  Grecs  fidelle  à  fes  in- 
térêts autant  qu  a  fa  parole,  ufà  de  di£- 
fimulation  auprès  de  Frédéric  :  il  ac- 
corda le  paiïàge  qu'on  lui  demandoit 
à  force  ouverte  ,  &  envoya  des  trou- 

Riij    ' 


ij?3  HiSTftmt 

pes  dans  les  Provinces  avec  ordre  dé 
^c'iî!*".  narce^erles  Croifés  dans  leur  route. 
'  Les  Allemands  n'ignoroient  pas  le» 
difpofitions  d'Ifaac  &  ne  ménagèrent 
pas  Tes  Etats:  ils  entrèrent  dans  la 
Thrace  comme  des  Vainqueurs  irri- 
tés ,  ravagèrent  tout  le  pays ,  pillèrent 
les  villes  5  payèrent  une  partie  des  Ha- 
bitans  au  fil  de  l'épée,  fe  rendirent 
maîtres  de  toutes  les  Places  fkuéesen- 
tre  la  mer  Egée  Se  le  pont  Euxin ,  & 
parurent  aux  portes  de  Conftantino- 
pie ,  après  avoir  perdu  cependant  beau- 
coup de  monde  par  les  maladies  & 
par  les  embûches  des  Grecs, 

Ifaacqui  bravoitde  loin  Frédéric, 
lui  fit  alors  des  fournirions.  Il  lui  de~ 
mandoit  auparavant  des  otages  pour 
ia  fureté  de  fon  Empire;  il  en  offrit 
pour  la  fureté  de  fa  parole: il  ne  la- 
voit  appelle  jufques-là  que  le  Roi  des 
Allemands,  prétendant  avoir  fèul  le 
titre  d'Empereur  ;  il  le  reconnut  en 
cette  qualité  ,  renvoya  fes  Ambaffà- 
deurs  qu'il  tenoit  en  prifon ,  lui  pro- 
mit des  guides ,  des  vivres  »  des  muni- 
tions» des  vaiffeaux  de  tranfporr,  & 
pour  fe  défaire  d'un  hôte  fi  dangereux ,. 
il  le  prefla  de  paffer  promptement  e» 


dé  Saladin.  LlV.X.  Ip9. 
Afie.  Mais  Frédéric  ufa  des  droits  de 
la  fupériorité  :  il  impofa  lui-rpême  des  "*?•  t |*r- 
Loix  à  l'Empereur  des  Grecs  ;  répon- 
dit que  la  faifon  écoit  rrop  avancée 
pour  continuer  (a  marche* qu'il  vou- 
loir attendre  le  Printems  dans  la  Thra- 
ce,exigea  de  grofles  contributions,choi« 
fit  Andrinople  pour  fon  féjour ,  afïïgna 
des  quartiers  d  nyver  à  fon  armée,  &  fe 
fit  donner  huit  cens  vingt-quatre  ôca- 
ges,&  toutes  lesprovifions  néceflaircs. 
Ifaac  heureux  encore  qu'on  ne  renrer- 
fàt  pas  fon  trône  ébranlé  déjà  par  plu* 
fieurs  fecouffes ,  foufcrivit  à  ces  condi- 
tions humiliantes,fit  même  des  préfens 
à  Frédéric  ,  &  foufFrit  fans  murmure 
les  rapines  &  les  vexations  que  les  AI-  ^^^^ 
lemands  exercèrent  dans  la  Province.  *—-—■» 
Cependant  Saladin  apprit  par  fon  jf^,***' 
Ambaflàdeur  réfident  à  (Jonftantino- 
pie ,  l'arrivée  des  Croifés.  On  lui  écri- 
voit  qu'ils  n  étoient  pas  moinsde  deux 
cens  (oixante  mille  hommes ,  nombre 
exagéré  par  la  terreur  qu'ils  a  voient 
imprimée  aux  Grecs.  Cette  nouvelle 
lui  caufa  beaucoup  d'inquiétude  :  il 
pouvoit  à  peine  fe  défendre  alors  con- 
tre les  Francs  qui  afliégeoieht  Ptolé- 
maïs,  &  défefpéroit  de  réfifter  à  tant 

R  mj 


toc  Histoire 

d'ennemis  à  la  fois  :  il  envoya  PHîP- 
h%.  iU.  corien  Boha-eddia  au  delà  de  l'Eu» 
j.c.  ii 9o.  phrate  &  ju  Tigre, pour  fommer  les 
Princes  fes  Tributaires ,  fes  Vaflaux  ou 
fes  Alliés  >de  joindre  leurs  forces  pour 
là  caufe  commune  :  il  lui  donna  or- 
dre d  aller  auffi  auprès  de  Nafler 
Khalife  de  Bagdad ,  pour  l'engager  à 
fecourir  la  Religion  dont  il  étoit  le 
Chef  &  le  Souverain  Pontife. 

On  eut  dit  que  la  même  politique 
préfidoitaux  Confeils  de  Bagdad  &  de 
Rome.  Le  Khalife  fe  conduifit  à  peu 
près  comme  les  Papes  dans  les  mê- 
mes circonftances.  II  fit  prêcher  par 
Ces  Imams  ce  qu'on  nommer  oit  fort 
improprement  une  Croi fade,  promit 
des  récompenfes  éternelles  ,  &  n  ac- 
corda ni  troupes  ni  argent  ;  tandis  que 
les  autres  Princes  Mufulmans  éptff- 
foienc  leurs  tréfors  &  leurs  Etats  pour 
là  gloire  de  l'Iflamifme  ?  feulement 
il  permit  au  Sulthan ,  par  une  Patente 
expreffe  d'emprunter  vingt  mille  écus 
d*or  des  Marchands  Syriens.droit  dont 
Saladin  ne  voulut  point  u(èr ,  pour  ne 
pas  molefter  fes  Peuples  :  mais  il  y 
avoir  cette  différence  entre  les  Kha~ 
Bfes  &  les  Pontifes  Romains ,  que  le* 


dje  Saladtn.  Liv.X.  ïoi 
premiers  perdoient  tous  les  jours  de 
leur  autorité  ,  &  ne  dévoient  retirer  /i^'1ïj£ 
des  victoires  du  Mahométifme  fur  la 
Chrétienté ,  que  le  frivole  honneur  de 
faire  prier  en  leur  nom  dans  plus  de 
Mofquées,au  lieu  que  les  derniers 
augmentaient  leur  puitfance  par  l'af- 
foibliflement  même  des  Princes  qu'ils 
envoyoient  en  Orient,  &  partageoienr 
réellement  les  conquêtes  des  Croifés  , 
fans  en  partager  les  périls.  Nous  re- 
marquerons ici,  que  les  Arabes  ap- 
pelaient la  Cour  du  Khatife,  h  f acre 
Divan ,  &  qu'ils  donnaient  à  celle  des 
autres  Souverains  h  nom  de  Pmt, 
fa)  comme  nous  difons  encore  de  no» 


{a)  Bah  9  poste.  Dans  l'Orient,  ce  mot 
dgnifîe  la  CourdTun  Prince.  On  ajoûtoit  or- 
dinairement à  ce  mot  une  épithéte  honora- 
ble ,  comme  forte  fubtime ,  &c.  Les  Khalifes 
de  Bagdad ,  pour  infpirer  plus  de  refpeâ  aux 
Peuples  ,  avoientfok  enchafler  iur  le  feuil  de 
la  porte  de  leur  Palais,  un  morceau  de  la 

Ç'erre  noire  révérée  à  la  Mecque  dans  le 
emple  de  la  Caabah ,  tous  les  Mufulmans  % 
fans  diftin&ion  en  entrant  dans  ce  Palais  ;  fe 
profternoient  fur  cette  pierre  &  y  appliquoient 
kur  front.  Cauroit  été  Une  profanation  hor- 
rible de  la  fouler  aux  pieds  v  &  comme  ce 


lOt  HlSTOIR  I 

Jours,  h  Porte  Ottomane.  LesHiftotien* 
Hég.  58*.  Orientaux  défignent  ordinairement  la 
J.«.  1 1^0.  Cour  deSaladin  par  le  titre  de  Port* 
Sultkdm<jne. 

Ifaac  fçavoit  bien  que  Saladïn  fe- 
roit  inftruit  de  toutes  fes  démarches  v 
il  craignoit  qu'on  ne  donnât  à  ce  Prin- 
ce de  mauvaifes  imprefiïons  de  fa  con^ 
duite  envers  les  Allemands. Pour  fejuf- 
tifier  auprès  de  lui ,  &  détruire  les 
ibupçons  que  le  Suit  ha  n  au  roit  pu  for- 
mer ,  il  fit  partir  un  Àmbaffadeur  char- 
§é  de  fes  inftrtf&ions.  L'alliance  de 
aladin  lui  étoit  néce(Taire  ,  moins 
pour  le  foucenir  contre  les  entrepri- 
ses des  Croifés ,  que  potrr  arrêter  le» 
incurfions  des  Turkomans  6c  des  Sel- 
joucides  du  Roum ,  voifins  dangereux 
qui  feifoient  tous  les  jours  des  progrès 
dans  l'Afie  mineure.  L'Ambaflàdeur 
qu'il  avoir   envoyé  précédemment  > 

{>our  conclure  le  Traité  d'union  entre 
es  deux  Couronnes  ,^étoit  mort  dans  la 
Syrie.  Le  nouveau  Miniftre  arriva  au 
camp  de  Khourouba  ,  &  outre  les 
ordres  fecrers  Se  relatifs  à  l'objet  de 

feuil  étoit  allez  élevé ,  il  falloit  enjamber  ou 
fauter  par-deflus,  uns  y  toucher» 


J.C  uj». 


»e  Salabin.    Liv»X.   203 

fe  million ,  fur  lefquels  il  ne  dévoie 
Couvrir  qu'avec  le  Sulthân ,  il  lui  re-  •/***•.  Jff* 
mit  publiquement  une  Lettre  que 
Boha-eddin  nous  a  confervée:  elle 
étoit  écrite  fur  un  grand  papier  plié 
dans  fa  largeur  &  divifé'en  deux  co- 
lomnes ,  dont  ftine  contenoit  le  texte 
original ,  l'autre  l'interprétation  Ara- 
be. Dans  l'intervalle  des  colomnes 
étoit  le  Sceau  dlfaac  imprimé,  non 
fur  de  ta  cire ,  mats  fur  une  efpéce  de 
médaille  d'or  repréfemant  l'Empe- 
reur, du  poids  de  quinze  écus  dor» 
Cette  Lettre  (s)  étoit  conçue  en  ces 
termes. 

Le  Roi  Ifaac  l'Ange  ,  croyant  au 
Meffie  qui  eft  Dieu  ,  couronné  de 
Dieu>  vifl-orieux ,.  toujours  augufte» 
très-puiflànt  &  très-invincible  Empe- 
reur des  Grecs» au  très-noble  Sulthan 
d'Egypte  >  Saladin ,  Salut  &  amitié. 

J'ai  reçu  la  Lettre  adrejfce  par  vo- 
tre Hautejfe  i  ma  Majefte  ,  par  laquelle 
f  ai  appris  la  mort  de  mon  Ambajfadem. 

(a)  Pai  retranché  de  cette  Lettre  les  mots 
dé  Héutejfe  &  de  Majefte',  qui  font  répétés 
à  chaque  phrafe* 


io4  Histoire 

— — ■ m     Je  fuis  afflue  qu'il  ait  fini  fis  jours  âanf 

J^cl'll'Ô!  Unô  Terre  etrmi€Tt  9  &  <}*%    "**  ?** 

termine    U  négociation   dont  je  Pavois 
Soha<ddin.  chargé  auprès  de  vous.  Il  efl  maintenant 
n:cejfaire  que  vous  me  renvoyiez,  far  un 
Amba/Jadeurfin  cadavre  &  fis  effets ,  afin 
que  je  puijfe  les  remettre  if  fa  famille.  Au 
refie ,  les  mauvais  bruits  qu'on  a  répan- 
dus touchant  les  Allemands  qui  ont  pajje 
.     par  mon  Empire  .doivent  être  parvenus  ju fi 
qu'à  vous.  Je  n'en  fuis  point  fur  pris  ,car 
mes  Ennemis  fi  plaifent  à  publier  de* 
menfonges  utiles  à  leurs  dejfeins  :  mais  fi 
votre  Hautejfi  veutfçavoit  lavérité yellc 
apprendra  que  ces  Peuples  ont  fiujfere 
eux  mêmes  plus  de  dommages  qu'ils  rien 
cm  caiifes  a  mes  Sujets  :  ils  ont  perdu  de 
l'argent,  des   chevaux  &  des  hommes 
dont  les  uns  font  morts  de  maladie  &  de 
miftres ,  les  autres  ont  été  tués  par  mes 
Soldats-  A  peine  ont  ils  pu  ichaperk  mes 
troupes  difperfees  dans  les  Provinces.  Ils 
font  fi  afjoiblis  >  qu'il  leur  efi  impojfibli  do 
pénétrer  dans  vm  Etats.  S'ils  j  arrivent  * 
ils  feront  tellement  epnifes>  qn  ils  ne  pour- 
ront ni  fecourir  leur  nation  ,  ni  nuire  k 
votre  Hautejfi*  Mais  pomqnoiparoiffimt 
oublier  notre  alliance  %  ri  informez,- vous- 
pas  ma  Majefie  de  vos  projets  &  de  vos 


CE  Sàlàdîn.    LlV.X.    IOJ 

mrtfrifhs  ?  Je  vois  bien  que  je  ne  dois 
Atttndre  d% autre  fruit  de  votre  amitié ,  /^P,**** 
que  de  nfttre  attiré  Ja  haine  de  tous  lei  *  '* 
Francs. 

Les  aflurances  d*Ifaac  ne  calmèrent 
pas  les  craintes  du  Sulthan.  Il  travailla 
fens  relâché  à  augmenter  fes  forces, 
fit  faire  des  recrues  dans  toutes  fes 
Provinces ,  prefla  les  Princes  Mufbl- 
mans  de  hâter  leur  marche  ,&  ne  né- 
gligea aucun  moyen  pour  fe  mettre 
en  état  de   s'oppofer  aux  nouvelles 
inondations  des  Croifes  :  il  avoir  lailfë 
quelques  troupes  pour  bloquer  Scho? 
kaïf  Arnoun  :  il  leur  ordonna  défer- 
rer de  plus  près  cette  Place  t  &  de  n'y 
laifler  entrer  aucune  provifion  :  en 
même  rems ,  il  fit  garder  plus  étroite- 
ment dans  la  forterefle  de  Damas, 
Raynaud  Seigneur  de  Schokaïf  qui 
l'avoir  trompé  fi  indignement  :  c'étoit 
cependant  ce  même  Prince  de  Sidon 
qu'on  difoit  avoir  trahi  les  Chrétiens 
à  la  bataille  de  Tibériade ,  de  concept 
avçc  Raymond  de  Tripoli, ,  Saladin 
lui  ôta  tout  ce  qui  pouvoir  adoucir 
l'ennui  de  fa  captivité,  afin  de  l'obli- 
ger par  ces  rigueurs  à  rendre  la  Cita- 


xod  Histoire. 

délia.  En  effet >*  Raynaud  écrivit  aux 
I1  c!  *8o  officiers  qui  cominandoient  dans 
j.  / 1^°*  Schokaïf- Acnoun  ,  de  fe  foumettre 
&  d'obtenir  fa  liberté  par  la  capitula- 
tion. La  garnifon  réduite  à  l'extrémi- 
té ,  exécuta  (es  ordres ,  &  fortit  avec 
tous  les  Habitans,  mais  fans  rien  em- 
porter. Les  Mahométans  qui  les 
avoient  inveftis  ,  vinrent  renforcer 
l'armée  du  Sultharw 

Dans  le  même  tems  plufieurs  barques 
équipées  enEgypte ,  &  chargées  de  vi- 
vres &  de  toutes  lottes  démunirions  de 
guerre,abordérent  fans  obftacle  à  la  fa- 
veur d'une  nuit  obfcure,&  apportèrent 
l'abondance  à  Ptolémaïsqui  commen- 
cent à  fouffrir  de  la  difette.  Les  Chré- 
1  tiens  profitant  de  l'abfence  des  Sarra- 

zins ,  en  avoient  prefle  le  fiége.  La 
ville  environnée  de  toutes  parts ,  ne 
recevoh  plus  aucune  fubfiftance  que 
par  la  mer  que  Thyver  rendoit  dan- 
gereufe  Se  libre  :  mais  le  Printems  ap- 
^prochoit  f  &  les  ports  de  l'Europe 
étoient  couverts  de  vaiffeaux  frétés 
pour  la  Paleftine.  Saladin  quitta  le 
camp  de  Khourouba,  &%  s'approcha 
de  Ptolémaïs  pour  chafler  les  Francs 
des  portes  dont  ils  s'étoient  emparés  f 


& 


»e  Sa  lad  in.  Liv.X.    207 

-&  pour  ouvrir  la  communication  avec 
la  ville.  Il  ne  fut  pas  long-.tems  àat-    .Hé?  *u* 
tendre  les  fecours'des  Princes  Muful-     ' u  lv°' 
mans.  Son  frère  Malek-Adel  (a)  Se 
fon  fils  El-Dhaher,  (b)  Prince  d'Ha- 
lep ,  les  Princes  d' Arbelles ,  (0  de  Sina* 
giar,  (d)  deJMéfopotamie ,  (e)  le  fils 
du  Sulthan  de  MoufToul ,  (f)  arrivant     s 
les  uns  après  les  ^utres,  ranimèrent 
le  courage  de  fes  Soldats.  Il  étoit  dans 
Pufage  de  faire  défiler  en  préfence 
des  ennemis ,  les  nouvelles  troupes  en- 
feignes  déployées ,  au  fon  des  trom- 
pettes 8c  des  cymbales ,  tandis  qu'on 

l ■ 

(a)  Al-Malek  Adel  Séiff-eddin  Abou- 
hêkr. 

(b)  Malek  el-Dhaher  Gaïath-eddin  Ghazi. 

(c)  Zéin-eddin  Youfouf,"  (  Jofeph)  ben 
Zéin-eddin,  Prince  d'Arbelles.  Son  frère 
Modhaflfer-eddin  ben  Zéin-eddin  ,  vint  auffi 
avec  des  troupes. 

(d)  L'Atabek  Emad-eddin  Zenghiben  Mau- 
doud. 

lé)  L'Atabek  Moëzz-eddin  Slndgiarfchah  , 
fils  de  Séiff-eddin  Gfiafi,  &  neveu  du  précé- 
dent. Il  regnoit  dans  le  Dgéfiret  ben  Omar , 
rifle  du  fils  d'Oma^Sc  étoit  appelle  Prince  de 
Méfopotatnje. 

(f)  L'Atabek  Aladin  fils  d'Ezz-eddinM* 
zoudL 


loi  Histoire 

pouffait  par  intervalle  de  tous  les 
Hég.  i  s*,  rangs  des  cris  de  Allahacbar  (Dieu 
j.aifo.  ^  gran<|Bj  Après  cette  cérémonie 
propre  à  infpirer  de  la  terreur  aux 
Chrétiens  &  de  l'ardeur  aux  Maho- 
jflécans ,  il  marquoit  le  porte  que  cha- 
que corps  devoir  occuper, &  donnoic 
un  feftin  à  tous  les  Officiers. 

Avec  ce  renfort,  le  Sulthan  des- 
cendit dans  la  plaine  pour  fecourir 
Ptolémaïs  vivement  attaquée  par  les 
Chrétiens.  Ceux-ci  avoient  fait  de 
grands  progrès  pendant  l'hyver.  Ils 
i  occupoient  tout  le  terrein  du  Nord 

au  midi ,  depuis  ce  qu'on  appelloit  la 
garde  des  Templiers  jufqu'à  la  tour  du 
Koij-c'eft- à-dire,  d'un  rivage  àl'au- 
tre.  Ils  s'étoient  fortifiés  dans  leur 
camp,&  necraignoient  pas  d'y  être 
forcés.  Ils  battoient  fans  relâche  la 
ville  qui  fe  défendoit  avec  une  conf- 
iance &  une  fermeté  admirable.  Ce- 
pendant on  commençoit  à  craindre. 
La  partie  Orientale  depuis  la  tour 
maudite  jufqu'à  la  mer ,  étoit  celle  où 
les  Francs  avoient  dirigé  principale* 
ment  leurs  attaques^ 

Ils  avoient  fabriqué  de  et  coté  trois 
tours  dune  grolfeur  énorme ,  beau- 
coup 


Dt  Sa  lad  in.  Liv.X.    209 
coup  plus  élevées  que  les  murailles ,  & 
capables  de  contenir  chacune  cinq  cens    j.*^',^ 
hpmmes:  elles avoienc  trois  étages: 
dans  l'un  étoient  des  béliers  pour  ren- 
verfer  les  murs  >  dans  l'autre  des  balif- 
tes»,  des  catapulte»,  (a)  pour  landr. Hift.  Hier. 
des  dards  &  des  pierres  5  dans  le  troi-  Boh# 
fiéme,des  Archers  &  des  Frondeurs  qui 
dévoient  accabler  de  traits  ceuxqui  ofev 
roient  paroître ,  &  dévoient  descendre 
dans  la  ville  par  le  moyen  d'un  pont- 
Ievis  qu'on  auroit  appuyé  fur  les  mu- 
railles. Ces  terribles  machines  portées 
fur  des  roues ,  étoient  couvertes  de 
cuirs  durcis  dans  du  vinaigre  ,&  ten- 
dus impénétrables  à  laâion  du  feu. 
Après  avoir  uni  le  ter  rein,  &  comblé 
même  une  partie  du  foflfc ,  on  les  fit 
avancer  à  force  de  leviers.  Déjà  elle» 

(a)  On  fe  fervoit  dans  ce  tems ,  pour  affié- 

Srr  les  Pkces,  des  mêmes  mftramens  qur 
oient  en  ufage  parmi  les  Anciens.  Les  Ca- 
tapultes étoient  des  machines  propres  à  lan- 
cer des  dards»  Leur  portée  étoit  d  une  ftade  » 
c*eft-à-dire ,  de  cent  vingt-cinq  pas.  Les  Ba^ 
liftes  jettoient  des  pierres  du  poids  de  trois  à 
quatre  cens  livres.  Ces  pierres  erevoient  les-  , 
toits  des  maisons ,  démontaient  les  machines* 
de  rennemipôc  fracaflbient  les  murailles*. 
Tm*  II.  S 


r/-' 


2  Î  0  HlSTOÏltl 

commençoient  à  agir ,  &  rnenaçoienr 
Hé^.  s%*  Prolémaïs  cTone  ruine  totale.  Plufieur* 
'  x,*°  fois  on  avoir  tenté  d'y  mettre  le  fea. 
Les  Artificiers  épuHèrent  leur  indus- 
trie. On  fit  des  efforts  inutiles  pour 
le#  renverfer  à  coups  cte  pierres,  (-*} 
Saiadin  promît  tes  plus  grandes  ré- 
compenfes  à  ceux  qui  les  détruiroient_ 
Enfin  un  jeune  homme  de  Damas  fe 
flatta  de  les  réduire  en  cendres- far  lé 
moyen  d'une'  matière  inflammable 
dont  ilavok  le  feçrct,  &  différente 
du  feu  grégeois  ordinaire.  Ea  effet* 
après  avoir  mêlé  pi  ufieurs  d rogues  avec 
de  la  naphte,  Cefpéce  de  bitume^ 
dans  des  vafes  d  airain;  il  FaHça:ces: 
vafes  &  cette  mixtion  embrafée  contre 
ces  redoutables  machines  qui  furent 
conûmées  en  un  inftant.  Les  Chré- 
tiens au  défefpofc  s'efforcèrent  eu- 
vain  déteindre  l'incendie.  Ils  pôuf- 
foient  des  cris  horribles  qui  furent 

'i     i    '     m   m    i  i     ■■..!■).■■■  ,       i  ii,  ■  i  m    t 

(^L'Atitttjrmconnuclel'HiftoiredeJéru^ 
61em  «fit,  au*on  avoit  formé  avec  des  ca- 
Blés ,  des  efpéces  de  filets  attachés  au  haut  de 
ces  Tours  &  arrêtés  par  des  pieux ,  au  bas  r 
à  quelque  diffance  en  avant  Ces  fiJets  tendus- 
lâchement  fe  prêtaient  à  llmpnlfion  des  pfet*- 
ns  %  & ejiaiiKMtiàbientte*  coups* 


J.  C.  u;o. 


de  Saladin.  Liv.  X.  lit 
entendus  du  camp  ennemi.  Au  milieu 
de  cette  confufion  ;  le  Sulthan  fit  mon-  *$'t  {**• 
ter  tout  le  monde  à  cheval,  &  alla 
préfenter  le  combat  aux  Francs  qui 
n'oférent  fortir  cfc  leurs  retranche* 
mens.  Leur  consternation  fut  fi  gran* 
de, que  le  Landgrave  de  Thuringe, 
qui  commandoit  une  de /es  tours ,  re- 
pafla  peu  après  la  mer ,  alléguant  ce 
mauvais  fuccès  pour  excufer  fon  dé- 
part. Sans  doute  il  fe  fer  vit  de  ce  pré- 
texte ,  pour  abandonner  un  fiége  long 
&  laborieux,  &  retourner  dans  Tes 
Etats. 

Cet  avantage  fut  bientôt  fuivi  d* un 
autre  non  moins  important.  Le  retour 
duPrtntems  rendoit  la  navigation  li- 
bre. Conrad  alla  chercher  des  vivres 
àrTyr  :  il  en  revint  accompagné  d'au- 
tres bâtimens  arrivés  de  l'Europe. 
Apres  avoir  débarqué  les  provifïons» 
il  fit  croifer  fa  flotte  devant  Ptolémaïs 
&  devint  maître  de  la  mer.  Ces  flottes 
fi  renommées  reflèmbloient  peu  à  ces 
roachines  énormes,  qui  voot  porter  ». 
d'une  extrémité  du  monde  à  l'autre  r 
fiotre  luxe ,  nos  vices  r„  ijotre  ihdtuffrie 
&  trop  fouvent  nos  fureurs»  Cétoienr 
desefpécesdegros  batteaux,altaittàl* 


V 


XMl'  HlSTOIRI 

^— ■— ^  voile  &  à  la  rame ,  qu'on  mettoit  â  fc&1 
Hèg.  çs«f.  pendant  l'hiver,  comme  les  vaifleaux 

j.  c.  u^o.  àesAnciens.  Les  plus  petits  connus  foité 
le  nom* de  Galions ,  (Galiones}  fer- 
voient  à  tranfporter  des  troupes ,  des" 
provifions  &  à  jetter  Ai  feu  grégeois* 
pendant  le  combat  y  les  autres  appel- 
lés  Galées  ou  Gaféafles  /  femblablcs; 
à  nos  Galères ,étoienr  longs  &  peu  éle- 
vés :  la  proue  étoît  armée  d'un  éperon- 
garni  de  fer  &  terminé  en  pointe  ^ 
qui  perçoit  les  barques  ennemies  fur 
lefquels  on  fondoit  à  force  de  rames», 
tandis  que  tes  Archers  décochoienr 
leurs  traits  de  toutes  parts.  L'Auteur 
de  THiftoire  de  Jérufalem  itffinue  que 
ces  Galées  avofcht  demr  rangs  de  ra«- 
mes ,  placées  les  uns  fur  les  autres;  Ce 
témoignage  bien  apprécié,  pourroir 
éclaircir  la  queftion  fi  fouvent  agitée 
fur  les  vaîffeaux  des  Anciens,  {a) 

Pour  enlever  aux  Francs  l'Empire 
de  la  mer,  Saladin  avoir  fait  équiper 
dans  le  Poit  d'Alexandrie  une  flotte 
compofée  de  cinquante;  voiles.  Dès 

(tf)  Voyez  à  la  fin  de  cette  Hiftoire,  le 
oaflàge  en  queftion.  Pièces  juMcatives  > 


se  Saladin.  Lïv.X.  21 J 
Qu'elle  parut  à  la  hauteur  de  Ptolé- 
maïs,  il  fit  mettre  fe*  troupes  fous  le»  héj.  i**. 
armes,  &  envoya  urr  gros  détache-  *  *  "^ 
ment  fur  le  rivage,  tant  pour  recevoir 
les  Soldats  de  fes  navires ,  s'ils  étoienr 
vaincus, que  pour  les  animer  par  des 
fignaux  d  intelligence  :  car  les  bâti- 
mens  de  ce  fiécle  étant  prefque  plats» 
&  prenant  po*  d'eau,  navigeoient  tou- 
jours teire  a.  terre,  &  venôient  échouer 
fur  les-  côtes  ,  forfqu  ils  étoient  e» 
danger  par  la  tempête ,  ou  lorfqu  ils 
pouvoient  s'échapper  d'un  combat  iné- 
gal. Les  Chrétien*  ignorant  fi  ces. 
vaifleaux  étoient  montés  par  des  Groi- 
fcs  oupar  des  Mahométans  r  les  firent 
reconnortre  par  une  barque  légère 
qui  alla  tomber  au  milieu  de  l'efcadre  t 
die  fut  prife,  &  les  matelots  s  étant 
jettes  danfrla.  mer  forent  ou  noyés» 
ou  tués  à  coups  de  flèches»  Alors  les 
Francs  armèrent  à  la  hâte  leurs  Galè- 
res &  vinrent  à  la  rencontre  des  Sar- 
razins.  On  fe  battit  de  part  &  d'autre 
avec  un  fureur  égale  k  la  vue  des  deux 
armées  dont  les  Soldats  frappoient 
leurs  boucliers  &  crioient  de  toutes 
leurs  forces,  les  uns  Diex  emolt ,  Dieu* 
le  veut  >  les  autres ,  Àllah^ackaryDb&M 


%\^  Hi  stoir  g   . 

eft  grand  :  mais  honteux  d'être  (mrpfe* 
j?c."m^!  tf>e&ateurs  du  combat ,  les  Chrétiens» 
'  défiés  par  les  Iofidelles ,  fortent  des 
retranchement  &  les  -attaquant.  La 
viûoire  fut  long-tems  indécife  entre 
les  deux  Partis  •>  enfin  elle  fe  déclara. 

Eur  les  Mafulmans ,  tant  fur  terre  que 
:  mer.  Leur  flotte  entra  triomphan- 
te, dans  Ptolémaïs ,  traînant  après 
die  deux  gros  vaiffeaux  ennemis  &  en 
ayant  coulé  d'autres  à  fond  ;  &  1  ar- 
mée de  terre  retourna  dans  fon  camp* 
après  avoir  forcé  les  Chrétiens  de  le 
renfermer  dans  leurs  lignes. 

La  joie  que  Saladin  refleurit  de  ce 
fuccès  fut  troublée  par  la  nouvelle  qu'il 
reçut  en  même  teins  du  départ  des 
Allemandsr 

Frédéric  ayant  palTé  l'hiver  dans  la 
Thrttce  en  partit  vers  Pâques  de  cette 
année,  avec  toutes  fes  troupes  char- 
gées des  dépouilles  des  Grecs ,  &  gtef- 
fiés  par  l'arrivée  de  plufieurs  Croifés  : 
il  trouva  fur  fHellefpont  plus  de  vaik 
féaux  de  tranfport  qu'il  n'en  avoit  de- 
mandés ;  tant  Ifaae  était  preffé  de  fe 
débawafTer  de  ces  Latins  ennemis  na- 
turels de  fon  trône.  Frédéric  fe  mé- 
fiant tpufotirade  la  bonne  foi  de  L'Em> 


de  Sababim.  LlV.X.  XJf 
vereur ,  emmçna  dans  PAfic  le  fite  Se 
le  frère  de  ce  Prince  >  &  quarante  des  Hé*  f  •* 
principaux  Officiers  dte  fa  Cour  de  ,iC-,,>* 
Conftantinople  t  pour  lui  fervir  d  ota- 

Îjes.  Il  ne  les  renvoia  que  lorfqu  il  fur 
urles  terres  de  Kilidge-Arflan» 

L'Afie  mineure  connue  de  nos  four» 
fous  le  nom  de  Natolieou  Anatolic,. 
&  par  les  Historiens  Arabes,  fous  ce- 
lui de  Roum  ou  de  Provinces  Rumées  T 
(*)diviféeautrefoisentantde  Royau- 
mes &  célèbre  par  les  guerres  donc  elle 
fat  le  théâtre-  et  oit  alors  occupée  & 
F  Occident  par  les  Grecs,  au  centre 
par  les  Seljojicides  >  &  dans  la  partie 
méridionale  qui  confine  à  la  Syriepar 
un  Prince  Grec  Schifmatique  :  l'Etat 
de  ce  dernier  éteit  appelle  la  petite 
Arménie.  Outre  les  Turcs  fournis  aux 
Sulthaos  dlconium*  Turcs  eux-mê- 
mes, d'autres  Mahoraétans  s'étoient 
établi;  dans  piqfieur?  Contrées  de 
PAfie-mineure  ±  c'étaient  les  TurfcK 
mans  ou  Touroomans ,    Çt)  Nation 

^i  i ■ ri         ..  i  .i    ■ ■— ■ — 

(a)  Voyez  les  notes  de  Schultens  fur  ces. 
Provinces, 

[b)  Turkmans,  Turkomans  ou  Turco— 
mans  ;  ce  mot  fignifie  femblablesaux  Turcs». 

Cette  Nation  habitait  au-delà  de  la  Transo?  ** 


tiS^  Hisront* 
barbare  qui  habitoîc  (bus  des  tenre$V 
J.  a'i '£»  comme  te»  Arabes  Bédouins ,  &  vivoi* 
comme  eu* ,  de  rapines  Se  du  produit 
»  de  fe»  Troupeaux*  Il  paroit  que  cette 
colonie  étoit  répandue  indifférem- 
ment dans  tes  campagne»  de»  Chré- 
tiens &  des  Seljourides. 

Kilidge-Àrflan  imita  <Cans  ùt  politr- 
que  Ifaac,  &  fin  puni  comme  loi  ;  màiV 
avec  desforc^  inférieures^!  roina  l'ar- 
mée des  Allemands ,  ce  quTfaac  n'a* 
voit  pâ  faire.  Il  leur  promit  des 
partages  y  Se  difperlâ  de»  troupe»  fur 
la  route  pour  fe  difputcr  j  il  promit1 
des  vivres  &  dévafta  lui-même  fou 
ptfopre  pays  pour  les  affamer»  11  com- 
mença par  fufeiter  contre  éàx  tes  Tur~ 
.  koman»  qui  vinrent  en  foule ,  fous 
prétexte  de  leur  vendre  des-  provi- 
fions ,  &  pour  les  obferver  &  faifir 

ukTnitoC  ^occa^on  <*e  "Bar  nuire.  Ges  Peuples? 
codefrkU  ° *  avides  de  butin ,  ne  furent  pas  toflg- 

Tagenoa.  - 

^J*  fiane  :  elle  a  produit  piuficurs  personnage* 

célèbres ,  &  deux  fameufes  DynafKes.  Celle . 
de  K*r*  Cohunlou,  du  mouton-  noir,  & 
celle  de  AkrCoiomnlom ,  du  mouton  blanc 
Voyez,  four  cet  P  captes  y  d'Hërèelot  &  PHif* 
trier*  des  Hum  :  il  y  *  des  Auteurs  qui  croient 
f**  Us  StljûHâdn  ément  T*rk?m*nu 

tem&> 


di  Sàxàdin.  Liv.X.  117 
tfems ,  fans  exercer  leurs  brigandages  :  ' 
ils- fondirent  fur  les  Croifës  de  routes  "  *,î*£ 
parts,  les  harcelèrent  pendant  trente 
jours,  &  leur  enlevèrent  les  richefles 
prifèsfur  les  Grecs,  Ils  les  fetiguoienc 
par  des  efcarmouches  continuelles: 
fêmblables  aux  Scythes  donc  on  les 
croît  defcendus ,  ils  dçcochoieat  leurs  . 
flèches ,  prenaient  la  fuite  &  revew 
noient  3  h  charge  un  inftant  après* 
Ces  fortes  de  combats  épuHbieut  d'au* 
tant  plus  les  Chrétiens ,  que  ne  pou- 
vant jeuir  d'aucun  repos,  ni  le  jour, 
ni  la  nuit,  ils  avoient  encore  à  fup* 
porter  les  horreurs  de  la  difette ,  &  les 
tangues  d'une  marche  pénible  d^ns 
des  chôfnin$impratiçafc>les  &  couverts 
de  troupes. 

Le  Sulthan  d'Iconium ,  pour  mien* 
tromper  Frédéric ,  lui  avoir  envoyé 
des  Ambaflideurs  qui  iui  ferraient  dç 
guide?  fc  4'&9ges.  L'Empereur  s'étanç 
fijûnr  à  ces  derniers  de  ces  hqftilités, 
Us  excuférent  leur  maître ,  en  difant , 
que  les  Turkomans ,  Nation  indépen* 
danté&  ennemie  de  toute  domination, 
ne  refpeâoient  pas  pi  us  dans  leur  rava- 
ge, les  M?hpmétan?  que  les  Chrétiens. 
Cependant,  après  bien  des  travaux ,  on 
Tmc  II.  T 


n9  Hi  stoirb 

arriva  auprès  de  Laodicée  fur  le  borcf 
'  "c  1190.  ^U  Méandre ,  où  commençoient  les 
#  Etats  de  Kilidge-Arflan.  On  trouva 
de  l'autre  coté  du  fleuve ,  une  armée 
de  ces  Turkomans  rangés  en  ordre 
de  bataille.  Comme  ils  étoient  fans 
Chef,  ils  furent  défaits  après  un  rude 
combat.  Cette  vi&oire  ne  rendit  pas 
Je  fart  des  Croifés  moins  déplorable. 
Leur  valeur  pouvoir  les  défendre  coii* 
tre  les  incurfiorts  de  ces  barbares  ; 
mais  elle  ne  put  les  garantir  de  la  fa- 
mine 8t des  maladies,  fuite néceflaire 
de  ce  fléau.  Les  provifions  étoient  épui- 
fées,  le  pays  défère,  les  campagnes 
flrériles.  On  fut  réduit  à  fe  nourrir  des 
chevaux  &  des  autres  bêtes  de  fomme. 
Il  périt  autant  de  Soldats  par  la  difètte» 
iju'il  en  étoit  mort  par  les  armes. 

Frédéric  ne  douta  plus  de  la  perfidie 
de  Kilidge-Arflan ,  malgré  les  dîflfê-» 
•eus  prétextés  allégués  par  les  AmbaP 
fedeurs  de  ce  Prihce,  «jufr difparureift 
enfin ,  crainte  d'être  punis  de  la  trahi* 
fbn  de  leur  maître.  L'Empereur  mar- 
cha droit  à  Iconium ,  pour  fe  venger 
du  Sulthan.  Celui-ci  ©la  mettre  enfin 
une  armée  en  campagne ,  &  en  donna 
le  commandement  à  fon  fils  Matek 


de  Sàlàdîn.    Liv.X.    119 
Cothb-eddin  Mazoud,  le  même  qu'on  "* 


difoit  avoir  époufé  la  fille  de  Saladin.  2H$\\Hlm 
On  a  écrit ,  que  fes  troupes  écoient  '  ' xx>°* 
compoféesdeplusde  trois  cens  mille 
hommes ,  comme  fi  le  petit  Etat  de 
Kilidge  Arflan  avoit  pâ  nourrir  un  lï 
grand  nombre  de  Soldats.  Il  n'fft  pas 
étonnant ,  que  dans  ce  fiécle  barbare , 
des  Hiftoriens  ignorans  ayent  débité 
de  pareilles  ab&rdkés  5  mais  que  dans 
des  tems  où  la  raifon  &  la  faine  criti- 
que ont  fait  tant  de  progrès,  des  Ecri- 
vains  ne  rougiflent  pas  de  renouveller 
ces  menfonges  ,  c  eft  le  combla  de 
l'ineptie  &  de  l'impudence.  Nous 
croirons  encore  exagérer ,  fi  nous  ré- 
duilbns  cette  armée  à  foixante  mille 
•combattans.  Quoiqu'il  en  foit,  les 
Allemands  mirent  en  fuite  les  Turcs  & 
les  pour  fui  virent.  Nous  devons  remar- 
quer ,  qu'on  attribua  le  fuccès  de  cette 
a<5tion,  à  la  protection  miraculeuse 
de  Saint  Vidor  &  de  Saint  Georges  , 
qui  combattirent,  dit-on,  armés  de 
toutes  pièces  à  cheval  &  vêtus  de  blanc 
&  à  la  tête  des  Croifés.  Il  eft  certain 
queplufieurs  Chevaliers,  entr'autres 
Louis  de  Helfeftein,  ^tteftérent  par 
ferment  fur  l'Evangile,  U  vérité  du 


120  Histoire 

fait.  On  feroit  grâces  aujourd'hui  à  de 
n*g.  f^^. tels  hommes,  fi  on  ne  les  regardoic 
j.c.  «'^-que  co  nme  des  vifiannaires  ;  ils  fa- 
re  ut  alors  regardes  comme  des  Saints 
fayorifés  des  dons  du  Ciel. 

Kilidge-Arflan  prefle  dans  fa  Capî-  - 
taie ,  fit  des  fournirons ,  proteftaque 
fon  fils  avoit  agi  contre  fes  ordres,  Se 
promit  des  vivres,  des  guides  &  des 
orages.  Frédéric  irrité  rejetta  fes  pâFres 
&  les  exeufes ,  &  vint  affiéger  Ico~ 
nium,  nommée  aufliÇogni.  (a) Il 
prit  cette  ville  daffaut,  la  mit  au  pil- 
lage &  pa(Ta  les  Habitans  au  fil  de Vé^ 
pée.  On  a  dit ,  qu'il  trouva  dans  le  Pa» 
tais  de  CQthb-eddin  plus  de  cent  mille 
marcs  d?Qr  que  Saladin  avoit  donnés 
pour  la  dot  de  fa  fille.  Le  Sulthan  s'ér 
toit  renfermé  dans  la  Citadelle  aiïez 
forte  pour  foutenir  un  fiége.  Son  fils 
tenoit  la  campagne  avec  une  armée 
nombrçufe  :  il  falloir  les  attaquer  Tua 
&  l'autre  :  on  aima  mieux  pour  ne  pas 

m      '  n    i»*  .  i  •■  y    'p..'^!,.  ' .       ■  j» 

(4)  Iconiuin  »  Gouni ,  Çoni  9  aujourd'hui 
Çcgni ,  Capital^  de  la,  Lyçapnie  :  elle  étoit 
riche  &  environnée  de  bonnes  murailles.  Les 
dehors  en  étaient  fort  agréables.  Les  Arabes, 
difent  qu'on  y  voit  encorç  lç  'tomfeçgu  cfe 
Platon.         \ 


he^Saladin*  Liv.  X.   lit 
s*expofer,  à  de  nouveaux  périls ,  capi-   TJT"  a6 
tuler  aux  conditions  que  Kiîidge-Arf-    j,  c.'  ,1^* 
lan  donnerait  des  vivres  >  Se  pour  ffr- 
retë  de  fa  parole,vingt  otages  an  choix 
de  lfEmpereur4 

Les  Etats  du  Sukhan  d'ïconium  s*é- 
tendoient  à  l'Orient  jufques  à  la  Sy- 
rie. On  pouvoh  prendre  ce  chemiit 
pour  aller  dans  la  Paleftine  :  mais  le 
Prince  Seljoucide a  voit  intérêt  devoir 
fortir  au  plutôt  les  Allemand*  de  fou 
Royaume  pillé  &  ravagé  par  eux.  Il  ibid. 
leur  perfuada  de  traverfer  la  petite 
Arménie  qui  touchoit  par  Je  mfdi  à 
la  Lycaonie,  dont  Iconium  étoit  la 
Capitale.  Le  fils  de  Léon  ou  Livon  » 
frère  de  Rupin  de  la  montagne  dont 
il  eft  fouvent  parlé  dans  les  Croi  fa- 
des ,  avoit  envoyé  de  fon  côté  à  Fré- 
déric, des  Ambaffadeurs  auxquels  il 
recommanda  de  l'engager  à  continuer 
fa,  route  par  la  Cappadoce ,  fbumife  en 
partie  à  Kilidge-Arflan  ,  pour  n'être 
pas  obligé  de  recevoir  &  de  nourrir 
ces  Latins  non  moins  odieux  aux 
Grecs  Schifinatiques  qu'aux  tyuful-* 
snans-,  mais  torique  ces  Députés  ar- 
rivèrent ,  l'Empereur  étoit  déjà  fur  les 
terres  du  Prince  d'Arménie.  I 

Tuj 


lil  .HlSIOIll 

Il  avoit  paflë  le  mont  Taurus  au* 

h%.  f8*.  «rès  de  Larenda,&ferepofoit  de.  fes 
J.C, iijo  r    ,  »  t  ,  , 

fatigues  dans  une  campagne  agréable  » 

arrofé#par  le  fleuve  Salef ,  qui  paroît 
être  le  même  que  le  Cydnus,  Invité 
par  la  fraîcheur  des  eaux  ,  Frédéric 
voulut  s'y  baigner  tout  en  fueur  com- 
me  autrefois  Alexandre  ;  mais  moins 
heureux  que  ce  Conquérant ,  il  mou. 
rut  de  la  même  maladie  qui  avoit  mis 
Alexandre  à  deux  doigts  du  tombeau. 
D'autres  Ecrivains  afïurent,  qu'ayant 
eflayc  de  pafler  la  rivière  à  cheval ,  il 
s'y  noya. .Les  Hiftoriens  Arabes  di- 
fent  qu'on  fit  cuire  fon  corps  dans  du 
vinaigre ,  &  qu'on  enferma  les  os  dans 
un  coffre  pour  les  enterrer  à  Jérufa- 
Jem.  Telle  fut  la  fin  tragique  de  ce 
grand  Empereur ,  qui  avoit  fixé  fi  long- 
tems  l'attention  de  l'Europe. 

Son  fils  Frédéric  de  Souabe  ,  qui  le 
fuivit  dans  cette  expédition  funefte , 
prit  le  commandement  des  troupes.  Il 
en  embarqua  une  partie  dans  les  ports 
delà  Cilicie,  &  partit  avec  l'autre 
pôur«Antioche.  La  famine,  la  perte, 
&  les  armes  des  Sarrazîns ,  détruifi- 
tent  les  misérables  reftes  de  cette  ar- 
mée autrefois  fi  flo  ri  (Tante  ,  réduite 


de  Sàladim.  Liv.X.  aa$ 
alors  à  fix  tm  fept  cens  chevaux  »  &  à 
fepç  ou  huic  mille  Fan  ta  (fin  s  dont  la  "c.'u^oJ 
plupart  n'avoient  ni  armes  ni  habits. 
Enfan ,  après  avoir  efluyé  des  périls 
fans  nombre,  &  perdu  encore  la  moi- 
tié de  fes  Soldats ,  dans  le  trajet  d'An- 
tiocheà  Tyr ,  Frédéric  arriva  dans  cet- 
te ville  ou  Conrad  vint  le  recevoir 
avec  fes  vaiffeaux  ,  &  le  conduisit  au 
camp  de  Ptolémaïs  où  ce  Prince  in- 
fortuné devoit  terminer  fes  jours. 

Les  premières  nouvelles  que  Sala-» 
din  reçut  des  Allemands ,  durent  aU 
larmer  fbn  courage.  Oh  lui  mandoit 
que  malgré  tous  les  malheurs  qu'il* 
avoient  foufFerts  &  les  pertes  qu'ils  - 
avoient  faites,  Frédéric  de  Souab.ç Boha,,cddin,i 
fuccédant  au  commandement  de  l'ar« 
mée,  après  la  mort  de  l'Empereur* 
avoir  encore  fous  fes  drapeaux  plus  dé 
quarante  mille  chevaux  8c  une  Infan- 
terie innombrable.  Les  Gouverneurs 
des  Places  frontières  mefurant  les  ex* 
prefïïons  fur  leur  crainte ,  ne  ceflofent 
de  dépeindre  dans  les  termes  les  plus 
forts  les  dangers  de  la  Syrie ,  la  dis- 
cipline des  Latins,  leurs  forces ,  leur 
nombre,  leurs  progrès,  Se  deman^ 
doient  un  prompt  fecours.  Tous 1  les 

Jiiij 


1*4  Histoire 

'  jours  de  nouveaux  Couriers  caufoient 
Hég.  <**  de  nouvelles  frayeurs.  Celui  qui  écri- 
.  n*«.  v^  avec  pju$  j^  détail  fur  la  marche 

&  la  foliation  des  Croifés,ïut  le  Kag hic- 
bar  Grégoire  fils  de  Batte ,  (*)  qui 
commandoit  dans  la  Citadelle  d*Er- 
roam ,  (k)  fituée  auprès  de  l'Euphrate  , 
entre  Bira  8c  Samofar.  Boha-eddin 
nomme  ce  Prince  Chef  des  Armé- 

(tf)Ilétok  de  la  famille  des  Princes  de  la 
petite  Arménie. Bar  fignifie^/s,  commet; 
ainfi  ilétoit  fis  de  Grégoire  fils  de  Bafile, 
c'cft-&-dire  f  petit  fils  de  Kaghic  Bafde  ,  ce-» 
kn  qu'on  donne  pour  premier  Roi  de  la  petite 
Arménie;  il  paroit  qu'il  y  a  voit  dans  ce  canton, 
«ne  perite  P  rindpaùté  compofée  d'Arméniens 
dépendante  de  la  petite  Arménie  &  tribu- 
taire de  Saladuv  Remarquons  que  dans  les 
notes  Géographiques  d'Aboul-tëdha  fur  la 
fcrtereûe  d'Erroum ,  ce  Prince  eu  nommé 
t+trics  des  Arméniens.  C'eft  la  fignification 
qu'on  donne  du  mot  Kaghic ,  écrit  dans  la 
Lettre  en  quefhon  de  trois  manières ,  Tay- 
fcons,  Kaykous,  Kakhieous. 

{b)  Erroum,  place  mile  au  nombre  des 
fbrtereilês  imprenables  :  elle  avoit  des  faux- 
bourgs,  des  jardins  ,  &  un  fleuve  qui  fe  jet* 
ft>it  dans  l'Euphrate.  Malek  al-Afchraph  fils 
de  Manfour  Kélaoun  Roi  d'Egypte  &  de 
Syrie ,  la  prit  fur  les  Arméniens  :  elle  eft  au 
Sud-Oucft  de  1'Euphrat* 


x>b  SàlàDin.  Liv.  X.  «5 

Jiiens,  8c  interprète  le  titre  de  Kaflhjc 
par  celui  de  Viceroi  ou  de  Lieutenant, 
La  Lettre  de  cet  Arménien  ,  mono» 
ment  remarquable  de  la  haine  que  les 
Grecs  portoiem  aux  Latins  f  &  de  la 
terreur  que  les  Allemands  avoientim*» 
primée  dans  tous  les  efprits ,  riiétits 
detre  rapportée  eh  entier. 

t»  Lettre  deKaghie  à  notre  Seigneur 
s*  &  Roi  Saladin  ,  Sulthan  augufte \ 
nquî  a  levé  l'étendard  de  la  juftice  & 
*>de  la  bienfaifance  ,défenfeur  de  la 
*Foi ,  Salut  du  monde  &  de  la  RelU 
ngion, Prince  de  l'Iflamifme  &  des 
»»Mufuhnans,  dont  Dieu  perpétue  le 
»  bonheur ,  augmente  la  Majefté ,  con- 
»  ferve  la  vie  ,  &  comble  enfin  les  e£ 
apérances  par  la  gloire  cèle  (le  :  Salut 
»&  foumiffion. 

»>  Du  Roi  des  Allemands  (4)  depuis 
»  qu'il  s'eft  montré  fur  la  fcêne. 

»  Etant  parti  de  fon  Royaume,  il 
»  eft  d'abord  entré  violemment  dans 
»  la  Hongrie ,  6c  a  forcé  le  Roi  à  une 

(* î  Les  Grecs  ne  donnoient  à  l'Emperarf 
d'Occident ,  que  le  nom  de  Roi  des  Alle- 
mands ;  &  tes  Sarrazins  appelloîent  les  deux  . 
Empereurs ,  l'un  Roi  des  Allemands ,  l'auirç 
Roi  des  Grecs, 


îî6  HistoUï 

Hcgirc58tf.  wobéiflfance  prompte  :  îl  loi  a  enlevé 
j.c.  iijp.  „&e  l'argent  &  des  hommes ,  &  il  eft 
Bobard.  fienfuite  venu  dans  les  Etats  du  Prin- 
tfce  Grec,  dont  il  a  pris  &  ruiné  lefr 
»  fortereffes ,  Se  mis  le  pays  à  contri- 
bution. Il  n*a  pas  voulu  en  fortir  \ 
ttqu'I&ac  n'ait  fubi  la  Loi  qu'on  lui 
I»  impofoit ,  &  donné  pour  otages  foi! 
>»  (ils ,  Ton  frère  &  quarante  des  P"n- 
»>  cipaux  Officiers  de  faCour.Il  s'eft  fait 
»  livrer  aufli  par  ce  Prince  cinquante 
»)  talens  d'or  ,  autant  d'argent  &  des 
»  vaifTeaux  pour  débarquer  en  Afie.Oq. 
»  n'a  renvoyé  les  orages  que  lorfque 
»  »iTon  eft  arrivé  fur  les  terres  de  Ki-r 
»  lidge  Arflan.  Dans  les  trois  premiers 
-tï  jours ,  les  Tarkomans  (à)  ont  fourni 
»  des  chevaux  >  des  bœufs  ,  des  mour 
»  tons  &  d'autres  provifions  ;  mais  Va^ 
u  mour  du  butin  les  a  fait  accourir  de 

(a )  Le  texte  dit  :  Les  Turkomans  d'Aufch  , 
Turcomani  JlHfchenfes  :  c'eft  une  ville  de  la 
Tranxofiane  ,  ou  félon  les  Arabes,  du 
Maouarennahar ,  c'eft-à-dire,  Pays  au-3elà 
de  la  rivière.  Les  Turcomans  s'étoient  établis 
dans  cette1  Province  ;  &  la  colonie  dont  il  eft 
queftion,occupoit  apparemment  avant  qu'elle 
ne  vint  dans  l'Atie-mineure ,  les  environs  d* 
fe  ville  d'Aufch. 


* 


de  Saladin.  Ljv.  X.  ai? 
i»  toutes  parts  ;  la  guerre  s'eft  allumée 
jtentr'eux,  &  le»Roi  des  Allemands  Hég.  5g*. 
>>  qu'ils  ont  harcelé  dans  la  route  pen-  JCm  n*°' 
*  dam  trente-  trois  jours* 

»  Dans  le  tems  qu'il  sfapprochott 
m  d'Iconium ,  Cothb-eddin  ,  fils  de  Ki- 
ttlidge-Arflan  ,  ayant  raflemblé  des 
»  troupes,  lui  a  livré  bataille  ;  mais  il 
»a  été  vaincu  &  mis  en  déroute  par 
«l'Allemand  quieft  venu  camper  de- 
»  vant  Icoqium  ,  menaçant  d'attaquer 
»Ia  ville*  Les  Mufulmans  ont  tenté 
»une  féconde  fois  le  fort  des  armes , 
»  avec  le  même  malheur.  Le  Roi  en 
»a  fait  un  horrible  carnage ,  eft  entré 
»  dans  Iconium  lepce  à  la  main ,  &  a 
»»frapéde  fon  glaive  tous  les  Habi- 
»tans;  (a)  il  eft  demeuré  cinq  jours 
ndans  cette  Place ,  pendant  lefquels 
»>  Kilidge-Arflan  a  demandé  &  obtenu 
»  pour  capitulation  la  vie&  la  liber- 
»  té.  Vingt  de  fes  Emirs  ont  été  cmrae- 
»  nés  pour  otages.  Le  Sultharia  perfua- 
pdéau  Roi  de  prendre  fon  chemin 
*i  par  Tharfe  &  Marife.  (b)  Avant  que 

p» 1— — — ■  un  ii  ■  i.  m  ■  m 

(a)  Le  texte  dit  :  les  Mufulmans  &  les  Per- 
fans.  Les  Orientaux  appelloient  ainfi  les 
Turcs  venus  de  la  Perfe. 

(b)  Villes  de  la  Ciiicie  où  régnoit  le  Prince 
^Arménie, 


tlS  HlSTOIRI 

»  l'Allemand  ne  parvint  dans  la  petite* 
'jTc'i^o.  »  Arménie,  le  fils  de  Léon  seft  déret- 
»  miné  degré  ou  de  force  d'envoyer 
»  vers  lui  Te  Mameluk  Harem  ,  avec 
*  d'autres  Officiers  ,  leur  ordonnant 
»  dans  Tes  inftru&ions  fecrettes,  dern- 
»eager ,  s'il  étoir  poflible ,  ce  Prince 
t»a  continuer  fa  marche  parles  Etais 
»  deKilidge-  Àrflan  j(4  'mais  lorfque  ces 
»»  Députés  vinrent  s'acquitter  de  leur 
j»commifIion,  ils  trouvèrent  les  cho* 
»  (es  autrement  décidées  :  car  le  Roi 
>i  des  Allemands  s'étoir  avancé  à  la  tête 
»  de  Tes  troupes  dans  la  Cilicie,  &  fy 
arepofoit  fur  le  bord  d'un  certain 
»>  fleuve.  Là  ayant  pris  de  la  nourri* 
Mtiire,  &  s'étant  endormi ,  il  voulut  à 
*fon  réveil  ,  fe  baigner  dans  cette 
t»  eau  ;  mais  à  peine  en  fut-il  forti ,  que 
»>  le  froid  lui  caufa  ,  par  la  volonté  de 
h  Dieu ,  une  maladie  dont  il  mourut 
*pcu  de  jours  après. 

»  Le  fils  de  Léon  s'étoit  mis  en  route 
»  pour  aller  au-devant  de  l'Allemand} 
»  mais  après  cet  accident ,  fes  Amba£> 

:  (a)  Il  y  a  ici  une  très-grande  obfcurké  dans 
le  texte.  Je  tne  fuis  attaché  à  rendre  le  fen*} 
^enefçaisfijeraifàUl 


DE  SALA0IH.  LïV.X.      %tp 

»*  fadeurs  s'enfuirent  de J armée,  & 
9»  vinrent  apprendre  la  mort  du  Roi    *%•  **'• 
»  au  Prince  d'Arménie.  Alors  celui-ci  h  ^  "** 
»fè  renferma  dans  une  Citadelle,  ré- 
solu de  s'y  défendre.  Cependant  le 
»  fils  du  Roi  fit  revenir  au  camp  les 
»» Députés  par  douceur,  &  en  leur 
»  donnant  des  efpérances  flatreufes ,  Se 
»  leur  tiit  :  que  fon  père  n  avoir  entre* 
»pris  cette  expédition,  que  pour  faire 
»  foi*  pèlerinage  à  la  ville  fainte  ;  que 
t>  chargé  du  commandement ,  il  n> 
avoit  pas  lui-même  d'autre  deflein  ; 
»  qu'après  avoir  fupporté  tant  de  maux 
»il  ne  pardonneroit  pas  au  fils   de 
w  Léon ,  Se  $?empareroit  de  fes  Etats* 
I» fi  ce  Prince  lui  refpfoit  un  libre  pa£» 
»?  fage  &  des  vivres  ;  mais  qu'il  le  trai- 
»»  teroit  avec  amitié,  fi  on  lui  accor- 
n  doit  l'un  &  Vautre.  Ces  menaces  ont 
ît  réduit  le  fils  de  Léon  à  la  trifte  né- 
f>ce(fité  de  faire  alliance  avec  l'AUç- 
»mand, 

»  Enfin  ce  dernier  conduit  une  ac- 
»  mée  très-nombreufe  5  &  faifant  deç- 
»  niérement  la  revue  de  fes  troupes  ,  il 
»  a  trouvé  encore  quarante-deux-mille 
»  Cavaliers  armés  de  toutes  pièces ,  & 
tiqpe  Infanterie  fi  prodigieufe ,  qu'il 


J»C.  ujo. 


2)0  HlSTOIRÏ 

>feroit  impoiïîble  d'en  fixer  le  nom- 
*H£\!Îf*  »bre.  Ce  font  différentes  efpéces 
»»  d'hommes  contenus  par  une  difci- 
»pline  fiexaéte  &  fi  rigide  ,  qu'elle 
orient  de  la  cruauté.  Pour  la  moindre 
»  faute ,  on  les  tue  comme  dçs  vi&i- 
»  mes ,  fans  que  rien  puifle  les  garantir 
t)  de  la  punition.  On  avoit  accufé  un 
9»  des  principaux  Officiers  >  d'avoir 
t»pa(Téles  bornes  de  la  modération, 
•»  en  châtiant  un  dç  Tes  domeftiques, 
»&  de  s  être  rendu  coupable  par  cette 
m  févérité-:  les  Prêtres  affemblés  1  ont 
9»  condamné  à  la  mort ,  &  cette  Sen~ 
»  tence  a  été  exécutée  malgré  les  inC 
»  tances  &  les  prières  de  piufieurs  qui 
»demandoient  (a  grâce  au  Roi.  Ils 
»s'abftiennent  de  toutes  vokiptés.  Si 
»  quelqu'un  d'entr'eux  s'y  livre ,  les  au- 
titres  l'évitent  comme*  un  criminel, 
»,  &  lui  impofent  une  pénitence,  ifs 
t#  en  agtflent  ainfi  par  la  douleur  d'à* 
91  voir  perdu  la  mai  Ton  fainte.  Il  eft 
9i  certain  que  plusieurs  ont  fait  vœu  de 
99  ne  porter  pendant  long-tems  d'autre 
»  vêtement  que  leurs  armes,  quoique 
99  les  Chefs  désapprouvent  cet  excès  de 
9i  zélé.  Leur  patience  dans  les  fatigues  9 
9»  dans  les  peinçs,  dans  les  travaux 9 
9»  parte  tout  ce  qu'on  peut  imaginer. 


DE   SàLÀDIN.    LlV.  X.     2JI 

-  w  Voilà  ce  que  votre  Mameluk  ,vo. 
»  tre  Efclave ,  vous  écrit  touchant  l'é- 
9»  tat  aétuel  des  Allemands  :  il  vous  in- 
formera dans  la  fuite,  par  la  volonté 
«►de  Dieu ,  de  ce  qu  il  apprendra  de 
•i  nouveau. 

En  effet,  ce  Khagic  mieux  inftruit, 
écrivit  quelque  rems  après  une  Lettre 
plus  conforme  à  la  vérité. 

^  Cependant  fur  ces  nouvelles,  Sala- 
din  aflembla.  un  Confeil  de  guerre  pour 
délibérer  fur  le  parti  qu'on  avoit  à 

J «rendre.  Tous  les  avis  fe  réunirent  à 
aire  garder  les  paflages  par  où  les  AK- 
lemands  dévoient  entrer  dans  la  Syrie. 
On  fit  donc  partir  la  moitié  de  l'ar- 
mée, Ces  troupes  formèrent  un  cor- 
don depuis  l'Euphrate  jufqu'à  la  mer  t 
Ôcôtérent  aux  débris  des  Croiféstout 
çfpoir  de  pénétrer  dans  la  Paleftine, 
Ces  derniers  furent  en  effet  prefque 
tous  tués  ou  faits  prifonniers  en  allant 
d'Antioche  à  Tyr. 

,  Mais  en  fortinant  ainfi  les  f  rontié-p 
res,on  affbiblit  l'armée.  La  droite  fut 
prefqu'entiérement  vqide,  Le  Sulthan 
y  fit  paflTer  (on  frère  Adel  avec  les 
Egyptiens.  Les  Chrétiens  que  la  peftç 
Çc  la,  difette  rendoient  tous  les  jours 


iji  Histoire 

^Ïé^sI  plus  malheureux ,  crurent  devoir  pro-^ 
j.ç-n^o.  gter  <|e  labfence  d'une  partie  des  en* 
nemis  :  ils  fortirent  de  leurs  rerranche- 
mens ,  s'étendirent  vers  la  droite  des 
Sarrazins,&  les  attaquèrent  fans  leur 
donner  le  rems  de  le  mettre  en  dé* 
fçnfe.   Adel  ne  put  foutenir  ce  choc 
impétueux  :  il  recul»  &  alla  fe  retran- 
cher à  quelque  diftance  9  où  de  nou- 
veaux renforts  détachés  par  fon  frère  % 
vinrent  le  fecourir.  Il  faut  que  la  di£ 
cipline  des  Francs  fut  bien  mauvaife  t 
puifque  nous  voyons  qu'ils  ont  pres- 
que toujours  perdu  leurs  avantages  »  ; 
E)ur  n'avoir  pas  fçû  ufer  de  la  viâoire* 
ans  cette  occafion,  au  lieu  de  pour- 
fuivre  les  Mahométans  épouvantés , 
ils  entrèrent  dans  te  quartier  des  ra» 
fraichiflèmeni  \  &  comme  ils  fouf- 
froient  de  la  famine  f  ils  fe  jettérent 
fur  les  vjvres  qu'il;  trouvèrent  dan$ 
les  tentes,  Se  qu'ils  s'arraçhoient  les 
uns  aux  autres  pour  les  dévorer,  Dan? 
le  tejns  qu'ils  pitloient  le  camp  enne- 
mi 9  leur  c?mp  étoit  pillé  par  ceuxldç 
1?  ville,  qui  tarent  une  fortie ,  &  en» 
levèrent  furrout  beaucoup  de  femmes» 
Adel  après  avoir  placé  une  partie  de 
fis  Soldats  e*i  eoibufçade ,  fondit ,  le 

Ûbrç 


J.C4iiJ«* 


r>ï  Sàlàimn.  Liv.X.  tjf 
labre  a  la  main  ,  &  en  pondant  de 
grands  cris  >  félon  la  coutume  des  Hég  *»*. 
-Sarrazins ,  fur  les  Francs  qui  ne  pen- 
foient  qu'à  faire  du  butin.  Ils  voulu- 
rent en  vain  prendre  la  fuite.  Les  uns 
furent  égorges  dans  les  tentes  mêmes; 
les  autres  en  tâchant  de  fe  fauver» 
tombèrent  xians  l'embufcade  qu'on 
leur  avoir  drefTée.  On  ne  fit  point  de 

Erifonniers ,  parce  que  les  Soldats  dans 
»ur  foreur ,  n  accordèrent  la  vie  à  au- 
cun Chrétien  »  Ils  refpe&érent  cepen- 
dant au  milieu  du  carnage  ,  deux 
femmes  qui  avoient  vaillamment 
combattu,  &  les  préfentérent  à  Sala- 
din:  deux  autres  avoient  péri  dans  la 
mêlée  ;  exemple  remarquable  de  ce 
que  peut  l'entbouGafme  fur  des  cer- 
veaux échauffes.  Si  l'on  en  croit  les 
Arabes ,  les  Francs  perdirent  huit  mille 
hommes  dans  cette  journée ,  nombre 
qu'on  peut  réduire  aux  deux  tiers. 
L'Hiftorien  Boha-eddin  ,  qui  décric 
cette  aâion  avec  chaleur  ,  dit  dans  fan 
ftyle  oriental  plein  de  figures  outrées , 
&  de  comparatfons  quelquefois  fubli- 
nies  >•  mais  plus  fouvent  abfurdes  :  Les 
Ennemis  de  Dieu  livrés  ah  pQHvair  des 
JOifenfturs  dt  fon  Unité,  ewrent  tin]** 
Ttm  II.  V 


1)4  H*  s*°  ÎILB 

lence  d'entrer  dans  le  camp  des  tiens  de 
Hég.  -m  [ ifiamifme  ;  mais  ils  éprouvèrent  les  effets 
'  ,l*°*  terribles  de  fa  colère.  Le  glaive  de  Dieu 
ayant  arraché  les  efprits  de  leurs  corps  > 
moiffonna  leurs  âmes  &  leurs  têtes ,  abafr* 
donnant  fier  là  pouffiére  leurs  troncs  & 
Jeurs  cadavres  :  dans  un  moment  la  cam- 
1  Ta£n*  en  f**  couverte  ;  comme  des  feuil- 
les qui  tombent  dans  F  Automne:  ils  for- 
mulent une  ligne  non  -  interrompue  de- 
puis notre  droite  jufqu*à  leur  camp  , 
amoncelés  les  uns  fur  les  autres  ,  fem- 
blablcs  à  des  branches  abbatuesqui  rem- 
plirent les  vallées  &  les  collines  dans  une 
foret  quon  a  coupée.  Nos  glaives  s'abreu- 
vèrent de  leur  fang  jufqu'à  Vjvreffe ,  & 
Us  lions  des  combats  s  en  raffolèrent  avec 
les  dents  de  la  vtâoire.  Je  rn  élevai  fur 
mon  cheval ,  pour  paffer  ce  fleuve  de 
fang,  Sec. 

Il  eft  certain    que  les   Chrétiens 
étoient  réduits  à  l'extrémité,  puif- 

3 d'immédiatement  après  ce  combat  > 
s  demandèrent  à  capituler.  On  leur 
envoya  un  Emk,  pour  régler  les  arti- 
cles de  la  paix  ;  mais  tandis  qu'on  né- 
'  gocioit ,  de  nouveaux  fecours  leur  <toft- 
nérent  de  nouvelles  efpéranees.  Une 
flotte  Européenne  débarqua  des  pro- 


de  Salàdih.  Lit.  X.    *j$ 

*vifïons  de  toiïte  efpéce ,  &  un  grand J 
nombre  de  François,  d'Anglois&d'L--  Hég.  58*. 
taliens  conduits  par  Henri  Comte  de 
Champagne.  Alors  tout  changea  de 
face  :  les  Francs  reprirent  h  fupério*- 
sité  qu'ils  avoient  perdue  :  ils  remi- 
rent en  mer  les  vaiffeaux  qu'ils  avaient 
tirés  à  terre ,  &  qui  joints  à  ceux  des 
Ooifés,  fe  rendirent  maîtres  de  la 
croifiére  que  l'Efcadte  des  Sarrasins 
■éccupoit  auparavant.  Saladin  ,  donc  t  ,%  ' 
l'armée  dé périflbit  par  les  maladies  * 

<:ontagieufes ,  averti  par  les  Défer- 
teurs,  qu'on  avoit  deifein  de  le  fur- 
prendre  pendant  la  nuit ,  fe  retira  plus 
avant  dans  les  terres,  fur  la  colline  de 
Khoarouba  ,-n  ayant  ktiffé  dans  l'an- 
cien camp ,  qu'une  garde  compofée 
•ordinairement  de  miite  hommes.  \ 

Mais  moins  il  fatiguoit-les  Chré- 
tiens ,  plus  ceux-ci  fatigupient  Pcolé- 
maïs.  Toute  leur  attention  fe  portent 
«vers  le  fiëge ,  lorfqu  il  leur  permettait 
«derefpfre^  Rteu  ne  pouvoir- appraj- 
kiher  de  la  Placée  fans  être 'intercepté 
*j*ar  eux.  Leur  armée  couvrant  ta  cam- 
pagne d*tm  rivage  à  l'autre, -fermok 
toute  communication  ;  &  leur  flotte  . 
Moquant  Je  port  $  empêchoîtqu^tivun 

Vij 


*|tf  Histoire 

vaifleau  n'y  entrât.  Le  *Su)than  ne  tte? 

Hég.  58<  cevoicdes  nouvelles  de  la  ville  que  par 
?,c#  lt*°  des  nageurs  affez  vigoureux  pour  Étire 
un  grand  trajet  à  Ta  nage  ,  &  affez 
hardis  poui  braver  la  tempête  &  lef 
traits  (tes  ennemis  y  mais  plus  commu- 
nément les  avis  lui  venoient  par  ces 
.pigeons ,  (bus  les  ailes  defquels  on  at- 
tachoit  des  billets  ;  efpéce  de  meflage- 
rie  volante ,  comme  difent  les  Arabes  * 
-établie  par  Nour-eddin ,  &  dont  nous 
P*  avons  parlé  plus  haut.  Les  Habita» 
-qui  fuppottoient  avec  une  confiance 
héroïque  les  horreurs  d'un  fiége  auffi 
long ,  étoient  Ibutenus parla  prudence 
«le  deux  Emirs  dont  les  noms,  tout 
barbares  qu'ils  raroiflent  à  nos  oreil- 
les ,  méritent  d  être  tranfinis  à  la  po£ 
térité.C'étoient  Huflam-cddin  Aboul- 
Haideia,  (s)  Se  Boha-eddin  Kara- 
coufeh ,  (b)  le  premier  commandant 
M  les  troupes ,  le  fécond  Gouverneur  de 
la  Ville.  Ces  deux  Généraux  célèbres 
i>ar  des  aâions  de  bravoure,  &  qu'une 
longue  expérience  dans  le  métier  dp 
la  guerre ,  avoit  éclairés  (pr  les  opéra^ 

{a)Vépèedehfo*,  père  dt  fe  guerra. 


pi  Sàladin.  Lxv.  X.    1)7 
.lions  de  cet  Art,  endurcis  aux  travaux  >  ' 
agitant  toujours  de  concert ,  vigilans ,    "^ ,  J*£ 
préfens  à  tout ,  calmoient  les  murmu- 
res du  peuple ,  rendoient  vaines  les  at- 
taques des  Francs ,  ptévenoient  leuis 
deffcins ,  &  mettant  en  ufage  rufes  & 
ftratagêmes,  ils  ne  laifToient  échaper 
aucune  occafion  de  lesfurprendre.  Si 
on  élevoit  des  machines  pour  battre  le 
mur ,  d  autres  machines  dreflées  à  la 
hâte  les  renverfoient  >  ou  bien  ils  (ai* 
foient  des  (orties ,  écartoient  les  Affié- 
geans,&  portoient  la  flamme  à  ces  ter- 
ribles inurumens.Souventlorfqu  on  fe 
préparent  à  donner  un  aflaut ,  ces  deux 
.  Emirs  attendoient  dans  Hnaâion  que 
les  Chrétiens  fuffent  defeendus  dans 
les  foS&s  y  pour  fapper  les  murailles , 
éc  appliquer  les  échelles  :  alors  ils  les 
écrafoient  à  coups  de  pierres  ,  tandis 
que  le  refte  dès  Habitans  fortant  tout 
à  coup  de  deux  portes  différentes,  at?> 
faquoit  à  Mmprovifte  les  travailleurs* 
ntettoit  en  fuite  les  Archers ,  &  s'emr 
paroic  de  leurs  aunes.  Toutes  les  fois 
que  les  ennemis  quittoient  leurs  li- 
gnes pour  aller  livrer  bataille ,  Kara- 
coufeh  &  Aboul-haidgia  les  harce- 
loient  par  derrière  9  pilloient  leur 


IjS  HlSTOUt 

'  camp  ;  &  faifant  obfervef  leur  mouvez 
j.  cfxîpo. menc  du  haut  des  tours ,  ils  tomboient 
fur  la  partie  la  plus  foible.     -' 

Cétoit  par  ce  zélé  infatigable,  que 
ces  deux  Officiers  déconcertoient  les 
mefures  des  Francs ,  &  faifoient  trafc- 
ner  le  fiége  en  longueur;  mais  ils  ne 
pouvoient  remédier  aux  miféres  publi- 
ques. Les  vivres  manquoient ,  &  les 
Habirans  qui  ne  craignoient  pas  le  fer 
ennemi ,  craignoient  la  difette.  Les 
maladies  jointes  aux  fléaux  de  la  guer- 
re &  de  la  famine  défoloient  ces  bra- 
ves Citoyens.  Des  barques  légères 
trompant  la  vigilance  de  la  flotte , 
leur  apportoient  quelquefois  des  pro- 
visions ,  foibles  fecours  pour  leurs  be- 
soins toujours  renaiffans.  Saladin  vint 
cependant  à  bout  de-foulager  leurfc 
maux  pour  quelque'  tefns,  en  intro- 
duifànt  dans  la  ville  un  convoi  confï- 
dérable.  Il  fit  partir  de  Bérout  plufieurs 
vaiflTeaux  chargés  de  vivres  &  aux  mlts 
ifefquels  on  avoir  arboré  de  grands  pa- 
villons blancs  coupés  par  une  croik 
rouge ,  à  la  manière  des  Croîfës.  L*é- 
quipage  vêtu  à  la  franque  &  Gins  bar- 
i>e ,  étoit  compôfé  en  partie  de  ces 
.  'Chrétiens  apoftats,  qui,  aptes  avoir 


DE  Sàlàdin.  LlV.X.  2jp* 
abjuré  lâchement  leur  Religion  en  de- 
▼enoient  les  ennemis  les  plus  cruels.  ";*  j8*- 
A  la  faveur  de  ce  déguifement,  on  '  ll*0tl 
paffa  au  milieu  des  Francs  avec  lesquels 
tm  s'entretint  des  nouvelles  du  fiége* 
Ceux-ci  croyant  parler  à  des  Croifés , 
indiquèrent  aux  Sarrazins  le  mouillage 
le  plus  commode,  pour  débarquer  fur 
la  côte  les  provifions  ;  mais  ces  bâti- 
mens  étant  arrivés  à  la  hauteur  de 
Ptolémaïs ,  virèrent  de  bord  tout  à 
coup ,  &  entrèrent  dans  le  Port  à  force 
de  voiles  &  de  rames  ,  laiffant  les 
Chrétiens  dans  la  furprife  &  la  con- 
fufion. 

Cet  événement  les  rendit  plus  cir- 
confpeâs  :  ils  s'emparèrent  de  plufieurs 
barques  qui  portoient  du  renfort  à  la 
"ville  :  enfin  pour  ôter  aux  affiégés  tout, 
efppir  d'être  fecourus  par  mer  ,  ils  en- 
treprirent de  fe  loger  dans  la  Tour  des 
mouches ,  forterefle  bâtie  fur  un  ro- 
cher à  l'entrée  du  Port  :  ils  élevèrent 
*  donc  fur  un  gros  batteau,  une  Tour 
^de  bois  à  plufieurs  étages  &  remplie 
de  Soldats  ;  c'était  une  Citadelle  am- 
bulante ,  femblable  à  THélépole  (*) 

{a}  Au  fiége  de  Rhodes. 


«  *4*  H  i  s  t  o  x  a  t 

de  Démétrius  Poliorcetes»  Unfecoij<f 
xf^f i^ol  barreau  plein  d'artifices  devoir  erre 
poufle  tout  embrafé  dans  le  Port ,  pour 
y  brûler  les  vaifleaux  des  Sarrazins  : 
h  ce  projet  eût  réuiïi ,  c'en  éroir  fait  de 
Prolémaïs  \  mais  il  ne  devint  funefte 
qu'à  fes  Auteurs  :  car  >  dans  le  rems 
qu'on  attaquoit  la  forterede ,  le  brûlot 
qu'on  avoir  dirigé  dans  le  Porr  &  au- 
quel on  avoir  mis  le  feu ,  fur  jerré  par 
le  venr  contre  la  rour  de  bois.  Dans  le 
moment ,  la  flamme  fe  communique  à 
cerre  machine  &  la  réduiren  cendres  , 
malgré  les  efforts  qu'on  fit  pour  érein- 
dre  l'incendie.  Les  matelots  &  les  fol- 
dars  s'élancent  dans  la  mer  ,  pour  ga- 
gner une  barque  deftinée  à  les  rece- 
voir après  l'enrreprife  :  ils  y  enrrenr  en 
fi  grand  nombre  avec  tant  de  confu- 
fion ,  &  fonr  un  mouvemenr  fi  vio- 
lent ,  qu'elle  coule  à  fond  :  on  l'avoic 
couverte  en  forme  de  tortue ,  pour 
garantir  les  Chrétiens  des  traits  enne- 
mis ,  précaution  qui  ne  fervit  qu  k 
rendre  cer  accident  plus  funefte  :  car, 
ceux  qui  étoienc  venus  chercher  leur  fu- 
reté dans  ce  barreau ,  étant  retenus  par 
cet  obftaclç  >  forenr  engloutis  dans  les 
ondes.  Peu  feTauvérenr  à  la  nage.  De 

ce 


de  Sàlàdin.  Liv.  X.  241 
ce  nombre  fut  Léopold  Duc  d'Autri- 
che qui  commandoit  cette  attaque.  j^S'ii** 
Les  Hiftoriens  dilènt ,  qu'il  fauta  le  '  • 
premier  dans  la  Tour  des  mouches  ;  & 
qu'après  y  avoir  vaillamment  eom«- 
battu  &  reçu  plufieurs  bleffures ,  il  fe 
jettadans  la  mer  tout  couvert  de  fang, 
excepté  dans  l'endroit  où  il  porroic  une 
écharpe  blanche  dont  il  étoit  ceint.  Ils 
ajoutent ,  que  pour  conferver  la  mé- 
moire de  cette  a&ion  ,  l'Augufte  Mai- 
ion  d'Autriche  a  porté  depuis  pour 
armes,  un  écu  de  gueule  à  la  face 
d'argent,  (a)  Quoiqu'il  en  (bit  de  l'o- 
rigine de  ces  armoiries ,  que  d'autres 
rapportent  à  d'autres  rems  &  à  d'au* 
très  circonftances  qui  font  peut-être 
toutes  également  fabuleufes ,  il  eft  cer- 


(a)  II  ne  faut  cependant  pas  confondre  lès 
Ducs.  d'Autriche  d'alors  avec  la  mahon 
d'Habsbourg ,  qui  fuccéda  peu  après  à  l'an- 
cienne maifon  d'Autriche.  Ce  n  eft  que  vers 
la  fin  du  treizième,  fiécle ,  que  les  Comtes 
d'Habsbourg  devenus  Duc  d'Autriche,  joi- 
gnirent à  leurs  armes  celles  d'Autriche  ;  & 
au  commencement  du  quatorzième ,  ils  ne 
portèrent  plus  que  ces  dernières.  Lesancien- 
"nes  armes  d'Autriche  étoiônt  d'Azur  à  cinq 
Alouettes  d'or. 

Têm*  IL  X 


142  Hl  S  TOI  Kl 

tain  que  Léopold  s'acquit  dans  cette 
jfc.'i/jo.'occafion  une  gloire  immortelle,  6c 
•  qu'il,  fe  feroit  rendu  maître  de  la  Tour 
des  mouches,  fans  ce  malheur  que 
les  Mufulmans  ne  manquèrent  pas  de 
regarder  comme  un  miracle  opéré  en 
,leur  faveur. 

Cependant  Frédéric  de  Souabe  vou- 
lut fe  fignaler  par  quelque  exploit ,  & 
vint  attaquer  avec  le  peu  de  Soldats  qui 
lui  reftoient  ,  la  garde  que  Saladin 
avoit  laiflce  àTel-Aïadhiat.  Ce  jour  là > 
fes  Mameluks  défendoient  ce  pofte  : 
quoiqu'inférieurs  en  nombre ,  ils  at- 
tendirent les  Allemands  de  pied  fer- 
me &  foutinrent  leurs  efforts,  11  y  eut 
beaucoup  de  morts  &  encore  plus  de 
biefles  de  part  &  d'autre  >  mais  fur  la 
nouvelle  que  le  Sulthan  envoyoir  du 
fecours ,  Frédéric  fe  retira. 

On  ne  s'occupa  pendant  deux  mois , 
.  qu'à  prefler  le  fiége,  fans  faire  de 
grands  progrès.  On  cônftruifit  de  non- 
Telles  machines  qui  furent  brûlées  -,  on 
donna  plufîeurs  aflauts  dans  lefquels 
on  fut  repoufTé  i  il  veut  tous  les  jours 
.  des  forties ,  des  escarmouches  ,  de 
petits  ^combats ,  des  avions  de  bra- 
voure auflïglorieufes  qu'inutiles  :  mais 


de  Sàlàdim.  Liv.  X.  245 
f  hiver  approchoit  Se  rendoic  la  met 
impraticable.  Les  Francs  avoient  tiré  Hés-  **'• 
leurs  vaifTeaux  à  terre,  félon  l'ufage  T'c-,l5°# 
du  tems ,  Se  ne  pouvoient  plus  rafraî- 
chir leurs  provifîoas.  Les  Soldats  man- 
quant de  nourriture,  fortoient  par 
bandes ,  pour  piller  ou  pour  acheter 
au  camp  des  Sarrazins  des  vivres ,  au 

{>rix  de  leur  foi  qu'ils  renioient ,  ou  de 
eur  liberté ,  lorfqu'ils  avoient  la  force 
de  refter  fidelles  à  leur  Dieu ,  en  deve- 
nant infidelles  à  leurs  Chefs.  Les  Offi- 
ciers, pour  arrêter  ces  déferrions  fré- 
quentes, prirent  la  réfoluriou  d'aller 
attaquer  les  Mufulmans ,  pour  tâcher 
de  s  ouvrir  un  paflagedans  les  terres, 
&  de  fe  procurer  de  la  fubfiftance. 

L'occafion  étoit  favorable.  Saladin 
languiflbit  d'une  maladie  cruelle.  Ses 
troupes  n'étoient  point  encore  reve- 
nues de  la  Syrie.  Il  campoitau  pied 
des  montagnes  fituéesà  l'extrémité  de 
la  plaine  de  Ptolémaïs.  Les  Chrétiens 
formèrent  une  efpéce  de  bataillon 
quarré ,  &  s'avancerait  dans  cet  ordre 
en  côtoyant  le  fleuve.  La  Cavaletie 
étoit  au  centre  Se  l'Infanterie  fur  les 
'  ailes.  On  voyoit  au  milieu  de  1  ar- 
-  mée,  un  char  fort  élevé  fur  lequel 

Xi} 


144  Histoire 

flottoit  leur  grand  étendard  ;  c'étoit 
Hég,  $8tf.  un  paviHon  blanc  avec  une  croix  rouge 

J.  Ç.  i  J>o.         r  •     x      1  r      ri 

qui  le  partageoit  également.  Le  Sul- 
than  ne  pouvant  monter  à  cheval/e  fit 
porter  fur  la  colline  de  Khourouba,  la 
plus  haute  de  toutes  pour  obferver  le 
mouvement  des  Francs  &  donner  de- 
là Tes  ordres  à  fes  troupes.  Il  les  dis- 
tribua &  les  fit  retrancher  dans  les 
défilés  des  montagnes ,  recommanda 
aux  frondeurs  ,  aux  archers ,  &  au 
refte  de  la  Cavalerie  de  voltiger  dans 
la  plaine ,  de  harceler  continuellement 
les  Chrétiens  &  d'éviter  cependant  le 
combat.  Par  cette  manœuvre ,  il  fit 
avorter  le  projet  des  ennemis  ,  &  les 
tint  en  haleine  pendant  trois  jours. 
En  effet ,  ils  préfentérent.  inutilement 
la  bataille,  attaquèrent  tous  les  portes 
fank pouvoir  percer  nulle  part ,  &  er- 
rèrent dans  la  campagne  preflés  &  fati- 
gués jour  &  nuit.  Des  que  les  Soldats 
s'écartoient  du  corps  d'armée  >  pour 
repoufler  les  Sarrazins  qui- les  acca- 
bloient  de  traits,  ils tomboient dans 
les  embufcades  qu'on  leur  avoit  dref- 
fées.  Saladin  qui  ne  pouvoir  fe  tenir 
de  bout  à  caufe  de  fa  foible(Te,porté  fur 
un  brancard ,  dirigeok  toutes  les  opé- 


Ht  Sàladin.  Lrv.  X.    145 
étions  du  haut  deKhourouba.  Ses  en* 
Êms  étoient  autour  de  lui  verfant  des  ^c.\IIq. 
larmes  fur  fon  état  :  il  les  renvoya  .en 
leur  difant ,  d  aller  montrer  aux  Mu- 
fùlmans.  l'exemple  qu'il  ne  pouvoir 
leur  donner ,  &  de  fe  fou  venir  furtouc 
que  leur  porte  dévoie  toujours  être  dans 
les  endroits  les  plus  expofés  aux  dan- 
gers. Boha-eddin  ajoute,  qu'il  le  vit 
pleurer  de  douleur  de  ne  pouvoir  par- 
tager les  périls.  Cependant  les  Chré- 
tiens rentrèrent  ennn  dans  leur  camp 
où  ils  avoient  laide  Frédéric,  qui  de 
fbn  côté  eut  à  fe  défendre ,  pendant 
tout  ce  tems-là ,  contre  les  amégés* 
:  Quelques  jours  après  ,  on  préfenta 
au  Sulthan  plusieurs  prifonniers  de  dif- 
tin&ion  parmi  lefquels  étoit  un  hom- 
me accablé  fous  le  poids  des  années  , 
Se  pouvant  à  peine  fe  foucenir.  Sala;-  n©ha*ddin. 
din  fut  attendri  en  le  voyant  ;  &  après 
avoir  ranimé  fes  forces  en  lui  faifant 
apporter  à  manger  &  à  boire  >  Se  dif- 
fipé  fa  frayeur  par  des  témoignages  de 
bonté ,  il  lui  demanda  par  fes  inter- 
prêtes ,  quel  étoit  fon  pays  :  »  ma  Pa- 
w  trie ,  répondit-il ,  eft  fi  éloignée  qu'il 
»  faudroit  plufieurs  mois  pour  y  arri- 
»  ver.Et  pourquoi  à  votre  âge,  répliqua 

X  iij 


i^6  Histoire 

»Saladin,  venez  «vous  me  (aire  Es 
fë*l*£  »guerre  de  fi  loin*  Je  n'ai  entrepris 
»  ce  voyage ,  dit  le  vieillard ,  que  pour 
»  avoir  le  bonheur  de  vifiter  la  Terre 
t>  Sainte  avant  que  de  mourir.  Faites 
»  donc  votre  pèlerinage ,  ajoura  le  Sut- 
»than;  foyez  libre,  allez  finir  vos 
»,  jours  dans  le  fein  de  votre  famille» 
»  &  portez  à  vos  enfans  ces  marques  de 
>»  ma  bienveillance.  <«  En  même  tems» 
il  loi  fit  donner  de  riches  préfens  „ 
&  un  cheval  fur  lequel  on  le  conduifit 
au  camp  des  Chrétiens.  Il  ne  traita 
pas  avec  moins  d'égard  les  autres 
captifs,  patmi  lefqueïs  les  Arabes  di- 
fent  qu'il  y  avoït  le  Commandant  des- 
Troupes  Françoifes  &  le  Tréforier  dix 
Roi  de  France.  11  s'entretint  long- 
tems  avec  eux  ,  les  logea  dans  une 
tente  voifine  de  la  tienne,  lés  admit 
fouvent  à  fa  table  ,  leur  permit  d'en- 
voyer chercher  au  camp  tous  leurs  ef- 
fets ,  &  les  fit  partir  pour  Damas* 

Outre  les  enfans  dé  Saîadin,  que 
îjous  avons  vus  décorés  du  titre  de  Sul- 
thans  &  créés'Gouverneurs  des  princi- 
pales Provinces  de  fes  Royaumes,  if 
en  avôit  d'autres  encore  fort  jeunes 
qu'on  élevoit  fous  fes  yeux*  Ces  Pria- 


de  Sàlàdin.  Liv.  X.  147 
ces  firent  demander  à  leur  père  la  per- 
miffion  de  trancher  la  tête  à  quelques  H^  f  ?*£ 
prifonniers  Chrétiens,  croyant  faire 
une  a&ion  fainte  en  donnant  la  mort 
aux  ennemis  de  leur  Religion.  »  A 
»Dieu  ne  plaife ,  répondit  Saladin, 
ttque  je  con  fente  à  une  cruauté  fi 
»  horrible.  Je  ne  veux  point  que 
t*mes  enfans  s'accoutument  à  fe 
»  faire  un  Jeu  de  répandre  le  fang 
»9  humain ,  dont  ils  ne  connoiffent  pas 
»  le  prix»  «« 

Les  Arabes  accoutumés  à  là  petite 

Suerre  pénétraient  fouvent  jufques 
ans  les  tentes  des  Chrétiens  &  em- 
portoient  tout  ce  qu'ils  y  trou  voient.  Ils 
enlevèrent  un  four  d'entre  tes  bras  de 
fa  mère ,  Un  enfant  de  trois  mois  :  cette 
femme  s'arrachant  les  cheveux  de  dé-» 
fefpoir,  coutut  dans  tout  le  camp  Se 
le  remplît  de  fa  défolation.  Allez  vers 
le  Sulthan,  lui  dirent  les  Princes  Chré- 
tiens. Touché  fans  doute  de  votre  dou- 
leur >  il  en  tarira  la  fource.  Elle  fuivit  Boha-ed. 
ce  confeil ,  &  s'avança  vers  les  Mu- 
fulmans  en  pouffant  de  grands  cris. 
Dès  qu'elle  parut  devant  Saladin ,  elle 
fe  profterna ,  fe  frappa  la  poitrine, 
couvrit  fàtête  depoumére  &  demanda 

Xmj 


148  Histoire 

Ton  fils.  LeSulthan,  fur  qui  la  nature 
Hég   5 s*.  avojt  tant  je  pouvoir,  fit  chercher  &c 

Jm  C.     I  1*0.  *  /•  •  .       ...         .      « 

rapporter  cet  enfant  qui  avoit  déjà  été 
vendu  ;  il  le  racheta  &  le  tendit  à 
cette  mère  défoiée.  Elle  le  prit,  le 
bai  fa  mille  fois,  le  prefla  contre  fon 
feiii,  &  lui  prcfenta  fes  mammelles;. 
tandis  que  Saladin  &  fes  Emirs  atten- 
dris par  ce  fpeâade  *  verfoient  tous 
des  larmes  de  compaflion. 

L'Hiftoire  qui  neft  malheureute^ 
ment  qu'un  récit  continuel  d'injuftices- 
Se  d'horrturs ,  femble  confoler  l'huma- 
nité, lorfqu'au  milieu  de  tant  de  cri- 
mes ,  elle  s'arrête  à  raconter  quelques 
a&ions  de  clémence  &  de  modéra^ 
don.  Pourquoi  faut-il  que  dans  cet 
ouvrage ,  nous  foyons  obligés  de  n'em- 
prunter ces  trait»  <Jue  des  moeurs*  d'un 
homme  que  le  fanatifme  de  nos  Hifto~ 
riens  appelle  barbare  >  barbares  eux- 
mêmes  de  Ravoir  fi  peu  connoître  la 
Vçrrif. 

Cependant  les  troupes  qui  gardôient 
la  Syrie  revinrent  à  l'armée  i  mais  cette 
armée  fi  floriflante  auparavant  dépé^ 
riflbit  tous  les  jours.  L'air  mal-fain  de 
Ptoiémaïs  csruîa  des  maladies  que  la 
rigueur  de  l'hiver  rendait  encore  plu» 


tit  Sàladin.  L.iv.X.  I49 
fimeftes.  On  perdoir  plus  de  Soldats 
pat  la  contagion  que  par  le  fer  enne*  j"£f  ,«£ 
mi.  JLe  Sulthari  lui-même  croit  aux 
portes  cte  la  mort.  Une  fièvre  rebelle 
à  tous  Tes  remèdes ,  le  mettoit  à  to\ite 
extrémité.  Au  zélé  entrcpide  des  Mu~ 
fulmans ,  refroidi  alors  pat  (on  ab- 
fence ,  avoir  fuecédé  un  dégoût  gêné, 
rai.  Une  guerre  aaflï  longue  lartoir  leur 
Confiance,  Douze  groffesoarques  char-  ïM 
gèes  de  pçpvifions  pour  Piolémaîs  fu- 
rent priies  par  les  Francs.  Cet  événe- 
ment aggrava  les  malheurs  publics. 
D'un  autre  côté,  on  apprenoît  que  Bo- 
hémond  MinBdelle  aux  Traités»  atta« 

2uoit  les  frontières.  Les  murmures 
u  Peuple  croient  foutenus  par  l'exem- 
ple des  Chefs.  Parmi  ce»  derniers  ,  il 
Îr  avoit  plufieurs  Atabeks,  autrefois 
es  Maïtres,alors  les  vaflaux  de  Saladin, 
Sandgiarfchah  (&)  Prince  de  Méfopo4- 
tamie  ou  plutôt  du  Dgéziret  -  ben«* 

r    -        -  -        -  1         r  • .-.  ■  ■ ■—       1     •  .  ■     —" ^- *■» 

(i)Bohémond,  Printïe  de  Tnpoli ,  petit- 
es de  Raymond  Prince  d'Antîoche. 

(b)  Moëzz-eddin ,  Sandgiarfchah  fils  de 
Séiff-eddin  Ghafi  fils  de  Maudoud  fils  de 
Zenghi  ;  il  régnoit  dans  le  Dgéziret-fee» 
Omar ,  &  on  Tappelloit  le  Prince  4e  M&b- 
pôtaoue» 


%fO  Mis to  î k  ê 

Omar,  H'Ifle  du  fils  d'Omar,}  & 
H:g.  &6.  Emad-eddin  Zenghi  Çt)  (on  Oncle 
}. Ci  150. prjnce  je  Sindgiar  ,  fomentaient 
entr*aatres  ces  divifians.  Nous  avons 
dit  comment  ils  follieitérent  autre- 
fois les  fecours  du  Sulthan  auquel  ils 
prêtèrent  foi  &  hommage.  Ces  Prin- 
ces d'un  cara&ére  inquiet  &  remuant 
demandoient  avec  importunhé  la  per- 
midîon  de  retourner  dans  leurs  Etats. 
.  Saladin  qui  n'étojt  accefltble ,  à  caufe 
de  fa  grande  foiblefle  ,  qu'à  fes  Méde- 
cins,  à  fes  enfans  &  à  fes  Miniftres ,  fit  ' 
dire  aux  Âtabeks ,  qu'on  violeroir  les 
régies  de  la  prudence  en  féparant  les 
troupes ,  dans  le  tems  que  les  Chré- 
tiens faifoient  des  proportions  pour 
la  paix  5  que  l'affbibliflement  de  l'ar- 
mée les  rendroit  plus  difficiles  pour  Içs 
conditions  ,  &  leur  donneroit  des  es- 
pérances qu'ils  avoient  perdues  ;  qu'on 
devoit  attendre  Tiffue  de  cette  négo- 
ciation ;  que  d'ailleurs ,  il  comptait 
bientôt  congédier  l'armée  pour  la  lait 
fer  repofer  pendant  l'hiver ,  Se  qui! 

(a)  Emad-eddin Zenghi,  fils  de  Maudoud, 
fils  de  Zenghi  Prince  de  Sindgiar ,  il  étoit  frère 
du  père  de  Sindgiarfchah. 


db  Saladin.  Liv.  X.    aji 

les  prioit  de  différer  leur  départ  jufc    

ques  à  ce  tems.là.  Peo  docile  à  ces  re-  nég.  <**. 
préfentations  >  Eraad-eddio  fie  remet-  *  u  ***** 
tre  au  Sulchan  un  mémoire  dans  le- 
quel ,  à  des  expreflïons  fort  refpec- 
tueufes ,  H  mêloit  des  reproches  durs 
&  offenfans.  Saladin  prit  la  plume  , 
écrivit  feulement  au  bas  du  mémoire 
ces  mots  :  Je  veudrois  bien  fawir  quel 
jruit  prétendent  retirer  de  leur  dejfeiny 
ceux  qui  veulent  fe  fiufiraire  à  ma  pttif- 
fance  &  perdre  un  Prote8atr  tel  qm  moip 
&  renvoia  ce  papier  au  Prince  de  Sind- 
giar  qui  garda  depuis  le  filence. 

Mais  km  neveu  Siadgiarfchah  plus 
impétueux  que  lui ,  fit  éclater  fon  mé-  N 
contentement  :  il  adrefla  au  Sulthaa 
plufieurs  placets  remplis d  amertume  „ 
&  ne  recevant  point  une  réponfe  con- 
forme à  fes  défirs  ,  il  prit  la  réfolutioîi 
<f  aller  lui-même  demander  fon  con- 
gé. Le  Sutthan  pour  éviter  cette  con- 
férence ,  loi  fit  dire  qu'il  étoit  ce  jour» 
là  trop  accablé  par  &  maladie  ,  pour 
lui  parler.  L'Acabek  prenant  cette  ex- 
eufe  pour  un  nouvel  affront  ,  entra 
brufquement  dans  la  tente ,  malgré  les 
Gardes  qui  refufoîent  de  l'introduire. 
Saladin  fe  plaignît  de  cette  violence  » 


lyi  tiistùiki 

&  voulut  lui  faire  des  repréfentatioftë 
j."e.'  *\*99.  fur  1  objet  de  fa  vifire-,  mais  Sindgiar~ 
fchah  fans  lui  répondre ,  s  approche  étx 
Ht»  fe  baifte,  prend  la  main  du  Sul- 
than ,  la  baife  comme  pour  faire  fes 
adieux ,  &  fort  :  il  dit  à  4 es  gens  de  le 
fuivre,  monte  à  cheval  ,&  part  pouf 
la  Méfopotamie  ,  fans  attendre  fes 
équipages  ni  fes  troupes*  Dans  d'au-' 
très  circonftances  ;  cette  efpéce  de  ré- 
volte, n'eut  pas  été  impunie,  mais 
il  étoit  dangereux  d'irriter  par  trop  de 
févérité ,  les  Atabeks  &  les  Seljouci-' 
des  qui  n'auroi«nt  pas  manqué  d'en** 
brader  la  querelle  de  Sindgiarfchah , 
pour  avoir  tfn  prcrette  de  fecôuer  le 
joug  d'un  Prince  mourant  dont  ils  ne 
fefpe&oient  plus  le  pouvoir.  Saladinfe 
contenta  d'écrire  au  Prince  de  Mé- 
fopotamie la  Lettre  fûivante. 

»  Je  n'ai  point  recherché  votre  amî- 
tt  dé  :  c'eft  vous  qui  avez  imploré  ma 
^prbte&ion,  ïorfque  vous  craigniez 
*>  pour  vos  Etats  ,  &  même  pour  votre 
»  vie.  Je  vous  ai  fefouru  de  toutes  mes 
9>  forces  contre  vos  ennemis,  &  contre 
n  vos  Sujets  rebelle*.  Depuis  ce  tem$, 
wvôus  n'avez  ceflé  de  tyrannifer  vo$ 
h  Peuples  en  exerçant  fur  eux  toutes 


de  Sacadin.  Liv.  X.    ZJJ 
#3  fortes  de  vexations  ,  de  cruautés  Se 
•>de  brigandages.    Inutilement  vous    j^S**] 
•9  ai-  je  averti  pïufieurs  fois  de  changer 
»  de  conduite.  Enfin  je  vous  ai  Comme 
»  de  venir  prendre  part  à  la  guerre 
»  fainte ,  Se  Ton  fçait  quelles  troupes 
»  vous  avez  amenées.  A  peine  êtes- 
»*  vous  arrivé ,  que  vous  avez  paru  in> 
««patient  de  partir.  Vous  avez  étéauffi 
»  inutile  à  l'Iflamifinè ,  que  peu  redou- 
ta table  aux  ennemis.    Vous  ne  vous 
»  êtes  difting^  que  par  votre  tiédeur , 
ti&  vos  murmures.    Cherchez  donc 
»à  préfent  un  autre  Souverain  qui 
»  vous  défende  contre  ceux  qui  enva-  '. 
ohiront  vos  Etats:  car  je  vous  déclare 
»  que  déformais  je  reiioftce  à  toute  air 
»  liance  avec  vous ,  &  que  je  vous  livre 
»  entièrement  à  votre  fort. 

Sindgiarfchah  reçut  cette  Lettre  à 
Tibériade  f  Se  continua  (à  route  plein 
d'agitation  &  d'inquiétude.  A  quelque 
dî fiance  de  cette  ville  §  il  rencontra 
Téki-eddin  Omar  qui  revenoit  à  Pto- 
lémaïs  ,  &  lui  expliqua  les  motifs  de 
fa  retraite»  Téki-eddin  lui  confeilla 
de  retourner  fur  fes  pas ,  &  de  fe  ré- 
concilier avec  le  Sulthan  ;  mais  l'Ata- 
bek  perfiftant  dans  ie  deffein  d'aller 
en  Méfopotajpie  fe  préparer  à  tout 


2)4  Histoire 

événement  :  vous  me  fuhnrtz,  >  lui  dit  le 
yc'il]*.  neveu de  -Saladin , d'un  ton  à  lui  faire 
fentir  qu'il  fçauroit  bien  l'y  contrain- 
dre. Sindgiarfchah  Cachant  à  quel 
homme  il  avoit  affaire,  obéit  &  vint 
fe  jetter  aux  pieds  du  Sulthan  qui  le 
reçut  avec  bonté ,  &  diffipa  fa  frayeur 
en  le  comblant  de  bienfaits.  Cepen- 
dant comme  l'hyver  devenoirtous  les 
jours  plus  rude  ,  Saladin  licencia  fon 
armée ,  &  ne  retint  auprès  de  lui  que 
le  peu  de  troupes  qui  compofoit  (a 
garde. 

Les  Chrétiens  auroient  profité  de 

ces   circonftances    favorables  ,  s'ils 

n'euflent  pas  été  eux-mêmes  dans  un 

-état  non  moins  déplorable.  Comme 

«ï*  «.    r  ies  Sarrazins  .  ils  étoient  défolés  par 

jacq.  vit.     la  pelle  t  &  avoient  encore  à  fuppor- 

GodîfMc«,ter  toutes  'es  ho^eurs  de  la  famine 

&c.   '    °D"  dont  les  Sarrazins  étoient  exempts. 

11$  furent  obligés  de  fe  nourrir  de 

leurs  chevaux  ;  &  lorfque  cette  ref- 

fource  leur  manqua  ,   ils  dévorèrent 

les  harnois  \  les  cuirs  ,  lés  vieilles 

peaux  qu'on  vendoit  à  un  prix  ex- 

ceffîf.  Frédéric  Duc   de  Souabe  fut 

enlevé  par  la  contagion.  Lorfqu'on  a 

dit  qu'il  refufade  fe  guérir  parl'ufage 

des  femmes ,  on  a  dit  une  abfurdité. 


!)£  Salàdin.  Liv.X.    %$$ 
Après  fa  mort  ,  prefque  tous  les  AU 
lemands   quittèrent  laPaleftine,  8c  wp.jif' 
retournèrent  en  Europe.  Croira- 1- on 

2ue  dans  ces  teins  de  calamité  »  les 
Ihrftiens  s'occupaiTent  encore  de  leurs 
divisons  iateftines  ?  Les  factions  op- 
pofées  du  Marquis  de  Tyr  &  du  Roi 
de  Jérufalem  parrageoiem   l'armée. 
Tous  les  jours  de  nouvelles  querelles 
étoient  fiifcitées    par  l'ambition  du 
premier  qui  avoit  fçu  s'attacher  les 
principaux  Chefs.  Mais  un  événement 
inattendu  penfa  plonger  les  Francs 
dans  les  malheurs  d'une  guerre  civile. 
La  Reine  Sybille  &  fes  filles  étant 
mortes  de  la  perte ,  on  fourint  que  Lu- 
fignan  étoit  déchu  de  Ton  droit  à  la 
couronne.  Conrad  digne  en  effet  de 
régner  >  fi  à  de  grandes  vertus  il  na- 
voit  joint  des  vices  encore  plus  grands, 
afpira  au  trône.  On  fera  étonné  d  ap- 
prendre qu'Honfroi  du  Thoron  mari 
d'Ifabelle  fœur  de  Sybille,  lui  qui  avoit 
reftifé  le  Royaume  de  Jérufalem  s  ior£ 
'  que  les  conquêtes    de  Saladin  n  en 
a  voient  démembré  que  quelques  vil- 
les ,  voulut  être   Roi  ,  lorique  ce 
.  Royaume  fut  détruit-.  Peu  s'en  fallut 
que  Baléan  d'Ibelin  qu!  avoit  époufé 
la  Reine  Marie  nièce  de  l'Empereur 


2  5  6  ii  I  S  T  O  I  R  B 

T  .  .  0  Manuel ,  &  veuve  d'Amaury ,  ne  pré* 
*.  cTji$x>.  tendit  également  a  la  Royauté  ,  & 
qu'on  ne  vît  à  la  fois  quatre  Rois 
d'une  MonaTchie  qui  n'èxiftoit  plus. 
Mais  le  Rival  le  plus  redoutable  de 
Xufignan  ,  étoit  le  Marquis  de  Tyr  , 
le  feul  qui  poflcdât  au  moins  une  fou* 
veraineré  dans  la  Paleftine,  Il  n  avoit 
de  droit  que  fon  ambition ,  &  rouhit 
s'en  faire  un  plus  réel  en  s'unitfant  avec 
Ifabelle  dont  51  étoit  aimé.   Il  fallôit 

•  pour  réufïïr  dans  ce  projet ,  Faire  cad 
fer  le  mariage  de  cette  Princefle  avec 
Honfroi  5  mais  l'impatience  de  Coii- 
rad [ne  lui  permit  pas  d  attendre  la  dé- 
cifion  des  Prélats  ;  &  cet  homme  qui 
avoit  abandonné  à  Conftantinople  fà 
femme  O)  qui ,  vivoit  encore ,  'enleva 
publiquement  la  femme  d'autrui ,  èc 
alla  Tépoûfer  à  Tyr.  Le  Patriarche 
HéracliusSc  les  autres  Evêqpes  ne 
manquèrent  pas  de  confacrér  cette 

,  violence  en  déclarant  nul  Iç  Sacre- 

•  ment.quj  Hoir  Hàbelle  avec  Hqnfroi , 
&  en  cprifirmant  l'union  de  cette  Prin- 
cefle avec  Conrad.  Après  cet  Arrêt 
inique,  celui-ci  fe  porta  pour  Roi  de 

{a :  Bile  étoit  filled'Andronic ,  Sefeeur  dî- 
,<aacr Ange  Empereur,  Jérufalem, 


de  Sàlàdîn.  Liv.X.    157 

Jérufalem  ,  &  revint  à  l'armée  pour 

en  prendre  le  commandetneut  en  cette  THrV»!o 

qualité.  Luiignan  le  recria  contre  cette 

ufurpation.  Ses  malheurs  &  U  juftice 

de  la  caufe  lui  firent  des  Partifans  qui 

fe  préparèrent  à  défendre  fa  dignité. 

Alors  tout  fut  en  mouvement  dans  le 

camp-  Les  diflenfionspaflànt  des  Chefs 

aux  (impies  Soldats  ,  on  saccabloit 

d'injures  ;  des  injures  on  en  venoit 

aux  coups.  On  prit  les  armes  de  part 

&  d'autre.  Les  Chrétiens ,  comme  s'ils 

n'eullent  point  été  aflez  malheureux 

par  les  ravages  de  la  pefte,  &  les  ri. 

tueurs  de  la  difette ,  forent  fur  le  point 
e  s'égorger  de  leurs  propres  mahis , 
pour  décider  auquel  des  deux  concur- 
rens  devoit  appartenir  un  vain  titrée  & 
un  Sceptre  brifé;  Enfin  des  perfonhes 
fages  fufpendirent  ces  fureurs,  enpto- 
polantuneefpéce  d'accommodement; 
ce  fut  de  remettre  cette  grande  affaire 
au  Jugement  de  Richard  Se  dç  Phi- 
lippe Augufte ,  partis  de  l'Europe  pour 
la  Terre  fainte. 

Tel  étoit  l'état  du  fiége  de  Ptolé- 
maïs  ,lorfqueces  deux  Rois  arrivèrent 
dans  la  Paleftine.  v 

Fin  dU  Livre  dixième 
TêmJI.  Y 


SOMMAIRE 

DU  LIVRE  ONZIEME. 

Croifade  de  Richard  &  de  Phi~ 
lippe-Augufte*  Leurs  aventu- 
res ,  leur  arrivée  à  MeJJine  9 
leurs  querelles.  Départ  du  Roi 
de  France  pour  Ptolémais. 
Ses  premiers  exploits.  Le  Roi, 
d'Angleterre  s9 empare  de  l'IJlc 
de  Chypre.  Il  arrive  en  Palef- 
tine.  Les  deux  Rois  &  tous 
les  Francs  Je  livrent  aux  fu- 
reurs de  la  difeorde  :  ils  fe 
réconcilient  >  fe  rendent  enfin 
maîtres  de  Ptolémais.  Phi- 
lippe s' embarque  pour  l'Euro* 
pe.  Cruauté  horrible  de  Ri- 
chard. 


111     ^      4ix>ck'mxi<kx:»<:hxi<.i<><  ^ 


HISTOIRE 

D  E 

SALÀDIN 

Sulthan  d'Egypte  &  de  Syrie* 
LIVRE  ONZIEME. 


LE  S  guerres  du  jeune  Philippe-    Hég.  s8*. 
Augufte  &  du  vieux  Henri  II.    J"c*  lx>0' 
avoienc  fufpendu  l'effet  de  la 
troifiéme  Croifade,  Après  là  mort  de  ££*■  G"iU* 
ce  dernier ,  Richard  Ion  fils  appelle  ja£°vit.  °8  * 
Cœur  de  ZAn*  fiirnom  qu'il  méritoi t  en  *romP<°n- 

4~r  r  *    .        ,    .  ,  Mar.  San. 

effet  par  ion  courage   intrépide  at*  au*  *.  font, 
tant  mie  par  fa  férocité,  monta  furj^t^ 
le  trône  d  Angleterre  ,  qu  on  raccu-  &c 
(bit  d'avoir  obtenu  par  un  parricide. 
te  commencement'  de   fon   régne 


léd  Histoire 

mm^mm  fat  fignalè  par  une  fureur  qui  gagn* 
j!c?  u'»'.  bientôt  la  France  &  l'Allemagne.  Oi*  : 
fit  main-J>a(Ie  rfans'la  Grande- Breta-. 
gne,  fur  tous  tes  Juifs  enrichis  par  le 
commerce  &  par  l'trfure  :  leurs  fem- 
mes &  leurs  filles  furent  violées  par  les 
Soldats  &  livrées  aux  flammes,  leurs 
mai  Ton  s  pillées ,  leurs  biens  enlevés*' 
par  les  Croifés  Se  employés  à  la  déli- 
vrance du  tombeau  du  Chrift  dont 
cette  Narion  eft  repurée  l'ennemie.  IL 
faut  voir  dais  les  Hiltoriens  du  temâ  + 
&  principal*™  *nr  dans  Guillaume  der 
Neuhrîge  ou  de  Newbourg  ,  les  dé- 
tails hurnilians  de  cette  perteeution  Se 
la  mpi  t  héroïque  des  Juifs  de  fa  ville* 
d'Yorck. 

*  Richard  ayant  fait  la  paix  avec  Phi-* 
lippe,  &  renouvelle  le  vceudela-Croi-- 
fade ,  fe  prépai  a  pour  le  voyage  de  la 
Terre  (aime.  Lcsfommes  qu'on  avoir 
Jevéespar  la  dixmc:  Saladiirc,  avoient 
été  diffipées  dans  Tes  guerres  précé- 
dentes. 11  fçut  amafler  de  nouveaux 
tréfors ,  fans  charger  fes  peuples  d'im» 
pots  onéreux.  Il  vendit  des  charges  » 
des  Jignités,&  même  des  Domaines 
de  la  Couronne ,  Se  répondit  à  ceux 
qui  lui  repréfemoient  l'abus  &  le  dan- 


J*C«  i\ya? 


»e  SalAdin.  Ljv.XI.  i6t 

Îjer  de  cette  conduite ,  qu'il  vendroit 
a  ville  de  Londres ,  s'il  trouvoit  un  HHj*\&* 
Marchand  alTex  riche  pour  l'acheter, 
11  profita  furtout  de  1  orgueil  des  Pré* 
lats  de  fon  Royaume ,  qui  s'empreffé-* 
rent  d'acquérir  à  prix  d'argent  des  ti- 
tres, des  honneurs»  de;  droits  Seigneu- 
riaux. L'Eveque  de  Durham  ,  ea- 
tr'autres ,  vieillard  avare  &  ambitieux^ 
employa  tout  ce  qu'il  avoit  épargné 
dans  fon  Dioccfe ,  pendant  une  lon- 
gue adminiftrarïon  ,  ceft-à-dïre ,  la 
lubftance  des  pauvres,  à  joindre  à  fon 
Evêché  le  Comté  de  la  Province  de 
Northumberïan  y  ce  qui  fit  dire  à  Ri- 
chard dans  cette  occafion  ,  qu'il  ve- 
noir  3'opérer  une  efpécç  de  miracle*,' 
en  faifant  un  jeune  Comte  d*im  vieux 
Evêque. 

Ce  n'eft  pas  au  refte  qu'il  prétendir 
aliéner  tous  ces  biens  :  il  les  réunît  à  la 
Couronne  après  fon  retour  de  la  Pa- 
leftine.  Ce  ji'étoitalors  qu'un  emprunt 
fait  fur  la  vanité  d'une  partie  de  laNa- 
tion.  Outre  ce  moyen  quf  \u\  procura 
beaucoup  d'argent,  Heur  encore  une 
reflource  dans  le  refroidiflement  des 
Croifës  dont  la  plupart  fe  repenroienc 
4'a voir  fait  un  vœu  indifcret»  Il  ob~ 


l€%  HlSTOfKB 

tint  du  Pape  la  permiflion  de  les 
h%.  5  s*,  exempter  de  la  Croifade ,  &  fit  ache- 
rfer  cette  difoenfe  a  tous  ceux  dont  le 
zélé  étoït  ralenti.  Avec  ces  tréfbrs ,  il 
équipa  une  flotte  d'environ  deux  cens 
voiles»  en  donna  le  commandement 
à  Gérard  Archevêque  <TAufch  ,  &  à 
Bernard  Evêque  de  Bayanne,  Iaiflk 
la  Régence  du  Royaume  à  la  Reine 
Etéonore  fa  mère  ,  &  à  Guillaume  de 
Longchamp  fon  Chancelier,  Evêque 
d'Eli ,  &  vfnt  en  France  pour  confé- 
rer avec  Philippe  Augufte  fur  les  opé- 
rations de  cette  grande  entreprise. 

Pour  connoître  les  mœurs  de  ce  fîè- 
cle  &  celles  de  Richard ,  il  fat#  fça- 
voir  qu'ayant  reçu  le  bourdon  de  pè- 
lerin à  Tours,  &  ce  bâton  s'érant  rom- 
pu  (bus  lui ,  les  Affiftans  frémirent  de 
ce  funefle  préfage  &  que  pour  en  dé- 
tourner l'effet  ,  il  prit  un  nouveau 
bourdon  béni  à  Vezélai  ;  que  quoiqu'il 
fût  d'un,  cara&ére  dur ,  féroce ,  cruel , 
implacable ,  qu'il  fe  fouillât  fans  feru- 
pule  de  tous  les  crimes,  qu'il  violât 
dans  fes  débauches ,  les4  régies  de  la 
pudeur  la  moins  auftére ,  qu'il  mépri- 
lat  la  Religion  &  fes  Miniftres  ,  il  fe 
livroit  aux  pratiques  les  plus  fuperfti- 


ÔE    SAtADINr  LlV*XI.    16% 

tieufes,  s'irapofoit  des  pénitences  ri- 
goureufesr&  ailoit  fouvent  dans  Tes  H*s-  '"• 
accès  de  dévotion,  (è  jetter  en  chemi-  * c*  uy9% 
fe  aux  pieds  des  Prêtres ,  avouoit  pu- 
bliquement fes  fautes  .  &  fe  feiioie 
donner  la  difcipline  par  eux  ;  que 
Foulques  Curé  de  Neuilly  lui  ayant 
reproché  dans. un  Sermon  fes  vices  & 
fes  défauts ,  te  lui  ayant  dit  en  tr'auge* 
choies ,  m'il  avoir  trois  Aturs  trefc 
dangereuses  qui  le  conduffbient  en 
Enfer ,  &  dont  il  devoir  fe  dé&ire  , 
fçavoir  l'orgueil ,  l'avarice  &  la  luxu- 
re ;  Richard  répondit  en  fe  levant  ; 
yhEh  bien  >  je  donne  mon  orgueil  aux 
t» Templiers,  mon  avarice  aux  Moi- 
*nes~;  &  ma  luxure  aux  Prélats  de  mon 
»  Royaume. 

Philippe  plus  modéré  &  peut-être 
moins  politique  que  le  Roi  d  Angle- 
terre ,  le  contenta  des  fonds  qui  re£- 
toient  dans  fes  coffres  ,&  négligea  d'en 
acquérir  de  nouveaux.  Il  comproit  fur 
l'ardeur  des  Nobles  &  des  Barons  de 
fon  Royaume  ,  qui  faifoient  la  guerre 
à  leurs  propres  dépens  ,  &  condui- 
foient  fous  leurs  bannières  un  grand 
nombre  de  Serfs  mal  difeiplinés  Se 
toujours  braves  :  mais  il  ne  comprit 


t&f.  Histoire 

pas  affez  que  l'argent  eft  le  nerf  Je  \i 
j"c!  iîîl  puiffance»  aue  des  troapes  mal  payée» 
te  laiftent  facilement  corrompre  par 
l'appas  d'une  meilleure  folde  ;  & 
qu'entré  deux  Princes  rivaux ,  &  pa~ 
roiflant  agir  de  concert  pour  la  même 
encreprife ,  le  plus  riche  devient  iàr- 
fenfiblement  le  maure.  Philippe  Se 
Richard  eurent  une  entrevue  à  Ve- 
zelai  où  ils  fe  jurèrent  une  amitié  in- 
violable ,  tomme  fi  elle  avoir  pu  fub- 
fifter  entre  deux  Monarques  di  vif  es  par 
tant  d'intérêts.  Le  Roi  de  France  re- 
çut dans  i'Eglife  de  S.  Denis  le  bour- 
don &  l'oriflamme  ,  (a)  confia  le  gou- 
vernement de  Tes  Etats  à  fa  mère 
Adèle  ou  Alix ,  fille  de  Thibault  Com- 
te de  Champagne  &  à  Ton  oncle  ma-* 
ternel    Guillaume     Archevêque    de 

■  ■  ■        ■  ■      i        ■       i n 

(a)  L'oriflamme  étoit  une  bannière  de  (oie 
couleur  de  feu  ou  rouge  ,  fèmblable  à  celles 
qu'on  voit  dans  les  liglifes.  Anciennement,  . 
elle  étoit  l'enfeigne  particulière  du  Monaftére 
de  Saint  Denis  ;  elle  devint  dans  la  fuite  celle 
de  nos  Rois ,  qui ,  comme  Comtes  de  Vexih 
turent  les  advoués  &  les  vaffaux  de  F  Abbaye, 
&  eurent  le  droit  de  porter  l'oriflamme  :  il  y 
avoit  auffi  la  bannière  Royale  dHHnguée  de 
celle-ci, 

Rheims, 


de  Salahik'Lïv,  XI.  i£j 
Rheims ,  &  partit  avec  le  Roi  d'An- 
glererce  :  ils  fe  féparérent  à  Lyon  ,  &  J§  cl us* 
prirent  la  route  le  premier  de  Gênes , 
le  fécond  de  Marfeille ,  pour  fe  re- 
joindre à  Meflïne ,  choifie  pour  leur 
rendez- vous  général. 

À  peiné  furent*ils  arrivés  dans  cette 
ville  ,que  la  bonne  intelligence  qu'ils 
s'étoient  promife  fe  changea  en  hai- 
ne ,&  penfa  dégénérer  en  une  guerre 
ouverte.  Guillaume  Roi  de  Sicile,  de 
la  race  de  ces  Avanturiers  Normands 
qui  avoient  conquis  cette  Ifle ,  étant 
mort  fans  enfans ,  les  Siciliens  élevè- 
rent fur  le  trône  ,  le  bâtard  Tancré- 
de ,  (*)  quoique  l'Empereur  Henri  VI. 
(t)  prétendît  à  cette  couronne.  Ri- 
chard ,  dont  le  nouveau  Roi  recher- 
choit  1  appui  avant  que  de  fe  déclarer 
pour  lui,  demanda  qu'on  lui  rendît  fa  : 
four  Jeanne  »  veuve  de  Guillaume  , 
^ayec  tout  ce  qu  elle  avoit  reçu  en  dot , 
putre  cent  vaifteaux  pour  l'expédition 

■  l  ■       i     m        ■  ii  .  i       é   i    i  ■■  ,'m 

(a)  Tancréde  coufin  de  Guill.  &  fils  natu- 
rel de  Roeer  Duc  de  la  Pouille  :  il  étoit  de  la 
race  des  Princes  Normands. 

(b)  Henri  VI.  avoit-  époufé  Confiance 
tante  du  Roi  GuilL  que  ce  Prince  avoit  dé- 
clarée fon  héritière* 

.  Tarn  II.  Z 


x66  Histoire  • 

de  1*  Terre  fainte.  Tancréde  renvoya 
jH^'  \*6'  *a  Pfi»ccffe  &  ne  renvoya  point  ï'ar- 
n^'genfc  Alors  Richard  s  empara  de  deux 
citadelles.  Chaffé  de  Meffine  par  les 
Citoyens  à  canfede  cette  hoftilité  ,  il 
l'affiégea ,  la  prit  d'aflaut  >  paflà  une 
partie  des  Habitans  au  fil  de  1 epée  9 
faw s  refpeder  la  Majefté  de  Philippe 
Augufte  qui  faifoit  Ton  féjour  dans  cet- 
te ville.  Tancréde  obéit  à  la  force , 
accorda  tout  ce  qu'on  voulut  ;  &  pour 
fe  fortifier  contre  l'Empereur  par  la 
protç&ion  de  i'Anglois  ,  il  fit  une 
étroite  alliance  avec  lui ,  &  répandit 
des  foupçpn*  injurieux  à  la  gloire  de 
Philippe.  Les  Rois  de  France  {^'An- 
gleterre furent  fur  le  point  de  vuider 
leur  querelle  par  les  armes  ;  mais  cet 
©rage  ayant  été  diffipé ,  Richard  en 
fofeita*  un  nouveau- 

Nous  avons  dit  que  ce  Prince  quel- 
ques années  auparavant  ,  avoit  été 
fiancé  avec  Alix ,  feur  de  Philippe. 
Après  la  mort  de  Henri  II.  loin  de 
ratifier  ce  mariage  pour  lequel  il  avoit 
fait  la  guerre  civile  à  fon  père  qui  re- 
tenoit  Alix  dans  une  prifon  de  Lon- 
dres ,  il  voulut  en  contraâer  un  non» 
▼eau  en  préfence  même  du  Roi  de 


de  Saiadin.  Iïv.XI.  %6y 
France ,  avec  Berengére  (  BtrtngudU  ) 
fille  de  Garde  de  Navarre,  que  fa  «**  s**\ 
irierc  Eléonore  ou  Àliénor  amenoit  î,c* tl**' 
en  Sicile.  Philippe  fe  plaignit  d*une 
telle  injure  faite  a  fa  freur  ;  mais  il  fut 
obligé  dé  dévorer  cet  affront,  Se  de 
céder  à  la  fupériorité  que  Richard  pre- 
hoit  dans  l'armée  &  aux  raifons  qu'il 
kîiéguoit.Çes  raifons  étoient  queHenri 
abufant  de  h  ieunefle  d'Alix  dont  il 
éroit  amoureux ,  avoit  entretenu  avec 
elle  un  commerce  criminel  ,  {*)  & 

?ue  les  loïx  de  l'honneur  &  de  la 
Leligion  défendoient  au  fils  d'époufer 
la  concubine  du  père.  Ces  faits  dé- 
voient être  bien  notoires ,  puifque  Phi- 
lippe ne  fe  récria  pas  contre  la  calom- 
nie :  il  fit  même  une  efpéce  d  accord 
avec  Richard  ,  &  confentit  à  fon 
union  avec  Berengére  de  Navarre. 

Il  faut  remarquer ,  pour  l'Hiftoire 
de  TEfprit  humain,  qu'il  y  avoit  alors 
dans  les  montagnes  de  laCalabre,  un 
homme  nomme  Joachim ,  Abbé  d*un 
lUonaftére  de  Cireaux ,  regardé  par  les 
uns ,  comme  un  Saint  favorifé  du  don 
de  Prophétie  ,  par  les  autres  comme 

(a)  On  dit  qu'il  en  avoit  eu  un  enfant.  ' 


*63.  Histjolili 

un  impoftcur  ,mais  réellement  viûoiv* 

"S"iîSnâlrc-  Dim  bout  de  la  Chrétienïé  à 
f  autre ,  on  venoit  interrogée  ce  Moi- 
jie  fur  les  évçnemens  futurs^  I/igno^ 
rance  de  ce  fiéclç  écoic  telle ,  que  les 
Rois  de  France  &  d'Angleterre  ne  vou- 
lurent point  fe  mettre  en  mer  ,  fans 
confiilter  cet  Oracle*  L'Abbé  Joachim 
*  arriva  donc  en  Sicile ,  &  dit  aux  Prin- 
ces, entr'àutres  abfurditéS  ,  en  leur 


ingloutira  V enfant  ne  de  la  fci 

du  Soleil,  que  la  fixiéme  de  ces  têtes 
ctok  5aladin ,  &;  la  feptiéme  l'Ànte- 
chrjft,que  ce  dernier  étpk  dans  l'âge 
d'adolefcehce  ,  &  qu'il  ferpit  bientôt 

Pape. 

Hég.  ç8 7.  Cependant  Philippe  pour  ne  pas  être 
l.c.  x»  ji.  témoin  du  triomphe  de  Bërengére  de 
Navarre ,  humiliant  pour  fon  amour 
-  propre, partit  de  Meffine  où  il  avoit 
paué  Thyver ,  le  même  jour  que  cette 
Princefle  devoit  y  arriver  avecla  Reine 
Eléonore.  Ce  fut  une  grande  joie  pour 
les  Chrétiens  défunis  &  accablés  de 
maux ,  de  voir  enfin  débarquer  (4)  le 

^— — — — — i^ — — — — — — — 

(a)  Il  arriva  le  xi  Mars,  famedi  veille  <k 


di  Sàlàdin.  Lit.  XL    1^9 
Roi  de  France  qui  leur  amenoic  des 

«vaiffeaux  x  desprovifions  &  de  bonnes  J#  ^'1?î# 
troupes.  Ils  lui  déférèrent  d*un  com-  *    ' 
muA  accord  le  commandement  gêné-  uoha-cd. 
rai  de  l'armée.   Philippe  après  avoir 
vifiré  la  Place  &  les  travaux  des  À£- 

.fiégeans ,  prit;  fon  pofte  à  l'Eft ,  vis-à- 
vis  la  tour  Maudite,  contre  laquelle  il 
dirigea  principalement  fes  machines. 
Les  François  qui  de  tout  tehft  bnréti^ 
terribles dâtls leurprémïer  choc, don- 
nèrent plufieursaflautsconfécut Ifs  avec 
tant  de  furie ,  qu'ils  auroient  emporté 
la  Place ,  (i  la  garnifon  ne  leur  eût  op- 
pofé  un  courage  égal,  &c  fi  Saladin 
n'eût  fait  tout  à  coup  diverfiôn,en 
attaquant  leurs  lignes.  Ils  avoient  reiir 

.  verfé  les  murs  de  Barbacanes  ,  &  s'é- 
toient  avancés  jufques  à  un  foffe  large 
&  profond  qui  empêchoit  d  approcher 
des  murailles  &  d'y  appliquer  les 
échelles.    •■     i  'r   * 

L'humanité  frémit  d'apprendre  que 
pour  le  combler,  les  (Shréciens  y  j es- 
tèrent non- feulement  leurs  chevaux ^ 
mais  encore  les  Soldats  morts  de  leurs 


Piques  ,23.  Rabi-el- Apual ,  troifiétge  mp» 
ie  tannée  Mufdmanei    \ 


Ziij 


17*     '       HtsietRi 
bleffures  oude  la  contagion  »  &  mentit 
a!c iî*u ceux  quî  Soient  bleffes  on  malades 
fans  elpoir  de  guérir.   De  leur  côté  t 
les  Sarrazins  defcendus  dans  le  foflc 

Êror  le  vuider ,  coupoient  à  coups  de 
bre  ces  cadavres ,  &  en  donnoienr 
les  membres  fanglans  ou  à  demi-pour- 
ris à  d'autres  qui  alloienr  les  jetter  dans 
la  mer-  Pendant  cette  affreule  opérai 
lion  >  les  Afiïégés  &  (es  Afliégeansj 
les  uns  fur  les  murailles  ou  aux  por- 
tes ,  les  autres  fur  le  bord  du  foflc ,  t* 
lançoient  des  flèches  &  des  traits  i  Se 
pour  augmenter  les  horreurs  de  ce 
ipeftacle ,  ils  bruloient  dans  leur  ca- 
ge à  la  vue  les  uns  des  autres  les  prj* 
fonniers  qu'ils  avoienc  faits  précédem- 
ment. 

Mais  il  ne  faut  pas  croire  que  cette 
.  barbarie  fut  approuvée  par  les  Chers 
des  deux  Nations ,  &  furtout  par  Sa^ 
ladin  qui  envoyok  dans  ce  tems-là  > 
des  ratrakhiffemens  à  Philippe  Au- 
gufte.  Le  Sulthtn  >  dont  la  fanté  étok 
un  peu  rétablie  par  le  repos  &  la  belle 
faiion  ,  avoir  rappelle  les  troupes  de 
leurs  quartiers  d'hyver,  &  s*étoit  ap- 
proche de  Ptolémaïs  pour. la  fecourfo 
Jl  Vint  à  bout  d  y  faire  entrer  quelques 


J.  O  n?i. 


deSa&adïn.  Liv.  XI.  171 
Solcfats  &  un  peu  de  vivres ,  foulage- 
ment  bien  foible  pour  les  malheureux  Hég.  587. 
Citoyens:  tous  les  matins  (1  montoic 
achevai,  &s#xpofa  ne  à  tous  les  traits 
des  ennemis >  ilalbit  obferver  leurs 
amouvemens,  leur  fittiarfcm ,  la  direc- 
tion de  leurs  machines,  &  revenoit 
donner  fes  ordres  pour  les  opérations 
de  la  journée.  Les  Francs  affiégés 
eux-mêmes  dans  leur  camp ,  en  avoient 
fait  une  efpéce  de  ville ,  en  l'environ- 
nant de  murailles  &  d'un  double  fo£ 
fé.  Plusieurs  fois  Saladin  franchit  ces 
retranchemens  &  vint  infulter  les 
Chrétiens  jufques  dans  leurs  tentes. 
Lof  fou  ils  battoient  la  Place ,  il  fon- 
doit  fur  eux  de  toutes  pans  &  détour- 
noit  ailleurs  leur  attention.  Ceux-ci 
fortoient  fbuvent  de  leurs  lignes  pour 
tenter  le  fort  des  armes.  Ces  combats 
auffi  meurtriers  qu'opiniâtres  ,  du. 
roient  ordinairement  depuis  le  rpatin 
jtifqu'au  foir ,  &  recommençoient  aveé 
l'Aurore.  Après  avoir  perdu  bien  du 
monde, chacun  fe  retiroit ,  fe  flattant 
d'avoir  remporté  la  vi&oire  qui  n  a- 
voit  couronné ,  ni  l'un ,  ni  l'autre  par- 
ti. Enfin,  la  nuit  &  le  jour,  on  ne 
ceflbir  de  fe  harceler  &  de  fe  tendre  det 
embûches.  Z  iiij 


27*  Histoire  < 

Philippe  fie  d'abord  une  faute  rrré- 

Hég.  ^7*  parable.  Au  lieu  de  calmer  les  efptte 
j  c.  n^i-  ajgrjs  par  jes  jeux  fa(5tions  f  &  je  ter- 
miner ou  de  fufpendre  les  querelles  du 
Marquis  de  Tyr  &  du  Roi  de  Jcrufa- 
lem  ,  il  ralluma  ces  troubles  funeftes» 
en  fe  déclarant  ouvertement  pour  Con- 
rad contre  Lufignan.  Ce  dernier  per- 
dant alors  toute  çonfidération  dans 
l'armée  ,  alla  chercher  de  l'appui  au- 
près de  Richard ,   qui  devenoit  Ton 
Prote&eur,dès  que  Philippe  l'abandon- 
noit.  Il  partit  avec  fon  rrere  Géoffroi* 
Raynaud  Prince  de  Sidon ,  Honfroi 
Seigneur  du  Thoron  &  d'autres  Ba- 
rons fes  créatures.  Les  travaux  du  fiége 
fouffrirent  de  cette  défertion  ,  &  des 
nouvelles  diviûons  qui  s'életérent  dans 
le  camp.  Ceux  qui  tenoient  pour  te 
Roi  de  Jérufalem  refuférent  d'obéir 
à  Philippe.  Ce  mécontentement  fit 
craindre  à  ce  Prince  d'efliiyer  de  plus 
grands  dégoûts  après  l'arrivée  de  fon 
rival  ;  mais  ne  voulant  point  quitter 
.    fans  gloire  une  entreprise  qu'il  n  au* 
roit  pas  dû  commencer ,  il  tenta  d'ob- 
tenir Ptolémaïs  par  capitulation  ,  afin 
de  pouvoir  enfiaite  retourner  dans  fe$ 
Etats,  fans  qu'on  pût  lui  reprocher  de 


deSàlàdin.  Liv.XL  175 
n'avoir  rien  fait  pour  la  Paleftine.il 
fit  dire  à  Saladin  de  lai  envoyer  ira  jvc?n/il 
de fes Emirs,  pouc  écourer  les  condi- 
tions auxquelles  il  confencoit  d'accor- 
der la  paix.     * 

*  Depuis  le  commencement  du  fiége  * 
on  avoit  entamé  jtfufièurs  négociations 
toujours  infru&ueufés.  Le  Sulthan- 
croyant  qu'on  érherchoit  à  l'amufer 
par  tant  de  projets  inutiles 9  8c  choqué 
d'ailleurs  qu'on  prétendît  lui  faire  la 
loi ,  répondit  aux  Députés  :  »  dites  à 
*>  votre  maître  ,que  s'il  a  befoin  de 
»moi,  il  peut  envoyer  lui-même  un 
»  de  fes  Officiers  ;  &  que  pour  moi  , 
»  je  ne  lui  demande  rien  &  n  ai  aucune 
npropofitîon  à  Iflf  faire.  «*  Philippe 
comprit  par  Ifrfierté  de  cette  réponfe  > 
qu'il  ne  hiiferoît'pas  auffi  facile  qu'il 
-  lavoit  imaginé  de  déduire  le  Sulthan. 
Il  refufa  de  fe  fbumettre  à  la  démar- 
che humiliante  de  follicirer  lui-même 
auprès  d'un  Mohdmétan  la  paix  qu'il 
défiroit  :  il  crut  fon  honneur  intéreffé 
à  faire  -plier  à  fes  volontés  la  Nation 
infidelle  qui  le  bravoic.  Il  gagna  par 
la  douceur ,  une  partie  des  Francs  & 
pouffa  le  fiége  avec  plus  de  vigueur  , 
ieconjc  furcout  par  fes  braves  Fraft- 


tj(  Histoire 

~  g  de  Chypre  &  fe  foutenoit  dans  Cota 
,  j.c ji^i.'ufurpation  ,  fous  le  régne  d'Ifaac 
l'Ange.  Cétoit  un  Tyran  non  moins 
haï  de  Tes  propres  fujets  opprimés  par 
•  Tes  vexations ,  que  cruel  envers  les 
étrangers.  Le  Roi  d'Angleterre  lai 
demanda  fatisfa&ion  pour  l'infulte 
faite  aux  Princeffès ,  &  la  reftitution 
de  Tes  Soldats ,  de  fes  matelots  qui 
avoient  fait  naufrage  &  de  tous  leurs 
effets.  Sur  le  refus  d'Ifàac ,  il  prit  ter  te 
&  pourfuivit  pendant  plufieurs  jours  , 
le  Prince  Grec  qui  fuyoit  devant  lui. 
Celui-ci  forcé  dans  fa  dernière  retrai- 
te ,  &  abandonné  de  fes  propres  fu- 
jets, vint  avec  fa  fille  fe  jetter  aux 
pieds  du  vainqueur  %  &  demanda  pour 
toute  grâce  de  n'être  point  misauxTers* 
Richard  le  fit  lier  arec  des  chaînes 
d'argent  ;  mais  en  donnant  des  chaînes 
-au  père ,  on  dir  qu'il  en  reçut  d'une 
autre  efpéce  de  la  fille  avec  laquellç 
il  vécut  depuis  enSyrie  dans  une  grande 
familiarité.  Les  habitans  lui  prêtèrent 
ferment  de  fidélité  comme  à  leur  Sou- 
verain ,  &  lui  apportèrent  la  valeur  de 
la  moitié  de  leurs  biens  qu'il  avoit  éxf. 
*ée  :  il  joignit  à  fes  titres  celui  de 
"  loi  de  Chypre ,  époufa  dans  cette  Ifle, 


t 


de  Saladin,  L  iv.  XL  277 
Berengére  de  Navarre ,  &  la  fit  cou-  ' 
tonner  en  préfence  de  Gui  Roi  de  Je-  ^\%\ 
rufalem,  de  Gcoffroi  de  Lufignan» 
de  Raymond  Prince  d'Antioche ,  de 
Boëmond  Prince  de  Tripoli  fils  de  ce 
dernier,  de  Raynaud  de  Sidon,  d'Hon- 
froi  du  Thoron ,  de  Léon  Prince  d'Ar. 
xnénie,frere  de  Rupin  de  la  montagne 
&  d'autres  Barons  &  Princes  Syriens 
qui  venoient  implorer  fà  prote&ioa, 
Enfin  9  après  avoir  laiffe  quelques  trou» 
pes  dans  (a  uouvelle  conquête  &  des 
Officiers  pour  les  commander ,  il  par- 
tit du  Port  de  Limiflb,  emmenant  fbç 
prifonnier  qu'il  fit  conduire  à  Tripoli 
&  dont  ilgarda  la  fille,         ;  .• 

Sa  navigation  fut  heureufe  :  car  il 
déoruifit  dans  fa  route,  le  plus  gros 
vaiffeau  des  Sarrazins,  qqi  portoit  à 
Ptolémais  des  fecours  de  toute  efpéce  \ 
cetoit  ce  qu'on  appelloit  alors  unç 
galée  ou  galéafle  de  la  plus  grande 
Forme  que  Saladin  avoir  &it  équipe? 
à  Berc>ut  :  elle  renfermok  des  vivres  » 
des  munitions  de  guerre,  du  feu  gré- 
geois, environ  fept  cens  Soldats  d'élite 
outre  les  matelots  :  elle  tomba  au  mi. 
lieu  de  l'efcadre  Angloife  &  arbora  lé 
pavillon  François ,  pour  échapper  dpi 


tyS  Histoire 

danger  par  ce  ftratagême.    Richari 

*ct'ii%7t'  l'ayant  fait  reconnoître  la  fit  attaquer. 

îbid %lfU  **es  Mufulmans  fe  battirent  en  défeC 
i»hMi  pérés  :  ils  coulèrent  à  fond  un  des  vaif- 
feaux  Anglois;  mais  les  Chrétiens  Ayant 
écé  à  l'abordage,  gagnèrent  le  ttllac 
à  la  faveur  du  nombre ,  après  un  com- 
bat meurtrier.  Alors  le  Patron  nommé 
Jacob ,  s'adreflànt  à  Ces  camarades  : 
w  il  ne  faut  pas  ,  dit-il ,  que  les  Infi- 
ndelles  profitent  de  notre  malheur  , 
fcfuivez-moi.  ««Après  avoir  prononcé 
ces  mots ,  il  defcend  dans  le  fond  de 
cale  ,  ouvre  à  coups  de  hache  les  flancs 
de  fon  vaiffeau  qui  engloutit  dans  les 
onde*  ,  les  armes ,  les  provifions ,  les 
vaincus  &  les  vainqueurs. 

Le  lendemain  (*)  Richard  mouilla 
devant  Ptblèmaïs.  Les  Francs  célébré-  . 
rent  fon  arrivée  par  des  feux  de  joie 
allumés  dans  tout  le  camp.  Leur  ar- 
imée  par  ce  nouveau  fecouts  ,f  fe  trouva 
forte  de  trois  cens  mille  hommes  ar- 
rêtés devant  une  feule  ville  que  l'Occi- 

(j)  Les  Chrétiens  difent  le  8  Juin  ,  les  Ara- 
bes le  13  Dgiounadi  el-Aoual.  Mais  ces 
deux  époques ,  ainfi  que  bien  d'autres 
que  nous  avons  rapportées ,  ne  s  accordent 
^>oint. 


in  Salaain.  Lit.  XL  17$ 
dent  difputoit  à  l'Orient,   Les  deux 
Rois  parurent  d'abord  agir  de  bonne    H£  IJ8[; 
foi,  &  avoir  oublié  leur  ancienne  mé-    *     ll'1 
finteiligence  :  ils  concertèrent  enfem- 
Me  les  opérations  du  fiége ,  &  firent 
les  loix  les  plus  fages  pour  la  difciplini 
des  troupes  :  mais  l'orage  fuccéda  bien- 
tôt à  ce  calme  apparent;  &  Ton  eût  dit, 
qu'ils  nétoient  venus  dans  la  Paleftine 
que  pour  la  déchirer  par  leurs  propres 
divisons.  Philippe  alléguant  le  Traité 
fait  à  Vézelai  ,  prétendoit  avoir  la 
moitié  du  Royaume  de  Chypre  qu* 
Richard  n'étôit  pas  difpofé  à  partager* 
Cette  première  concertation  Fut  l'étin- 
celle qui  caufa  un  incendie  rgénéfal  : 
elle  reveilla  la  haine  des  deux  Nations 
qui  de  tous  les  tems  ont  été  rivales  & 
ennemies.  Lorfque  les  François  don*» 
noient  un  aflàut ,  les  Anglois  jaloux 
de  leur  gloire,  reftoient  dans  Wnaârion 
au  lieu  de  les  féconder;  &  les  Fran- 
çois fe  vengeoient  par  la  même  con- 
duite. 

Ce  qui  choquoit  le  plus  Philippe, 
étoit  Tafcendant  que  ptenoh  dans  l'ar- 
mée un  vaff'al  plus  puiflànt  que  lui.  C» 
dernier  irritait  par  Ton  farte  &  fa  ma- 
gnificence ,   l'orgueil  du  Monarqott 


xSq  Histoire. 

François  :  il  en  vint  jufqu'à  lui  débatt- 
Hég.  587.  chcr  par  fes  pxofufions ,  la  plupart  des 
"  tlfU  Officiers  &  une  partie  des  ibidats  aux» 
quels  il  offroic  une  plus  groiïe  paye. 
Philippe  réduit  dans  l'état  humiliant 
cPun  ^Prince  fubalterne  attaché  à  la 
fortune  d  unautre  Souverain ,  fouffroit 
impatiemment  tant  d'outrages  %  &  ne 
pouvant  les  réprimer ,  il  excitoit  par. 
les  'murmures ,  les  plaintes  des  Barons 
qui  lui  reftoient  fidelles. 

Les  deux  Contendans  au  trône  de 
Judée,  joignirent  leurs  querelles  aux 
difputes  des  Rois  de  France  &  d'An- 
gleterre. Lufignan  vit  enfin  Ton  parti 
dominer  :  il  avofcpour  lui  Richard, 
jes  Pifans ,  les  Flamans  ,  le  Comte  de 
Champagne  &  les  Hospitaliers.  Les 
Templiers >  les  Génois ,  le-  Duc  de 
Bourgogne  &  Philippe  (butenoientles 
droits  de  Conrad  :  mais  celui-ci  crai* 
gnant  d  être  écrafé  par  la  fupériorité 
des  Anglois ,  Te  réfugia  dans  la  ville 
de  Tyr  avec  (es  créatures.  On  députa 
desEvêques pour  l'adoucir;  leurs  ex- 
hortations &  leurs  prières  ne  purent 
rien  gagner  fur  une  ame  auffi  fiére. 
Dans  ces  fâcheufes  circonftances  ,  les 
deux  Rois  tombèrent  dangereusement 

malades. 


.  1 
j 


de  Sala*in.  Liv. XI.  l8t 
malades.  Ce  fiécle  accoutumé  aux  cri- 
mes autorifa  les  foulons  injuftes  qui  Hég.  t«7- 
^élevèrent  de  par^  d'autre  :  Phi-  ^^ll^ 
lippe  accula  Richard  de  lavoir  fait 
empoifonner  ,  tandis  que  Richard 
fbrmoit  la  même  accusation  contre 
Philippe*  Saladin  qui  fa'foit  la  guerre 
avec  cette  grandeur  fc  cette  généra- 
lité que  l'Europe  n'a  connue  que  plu* 
fleurs  fiécles  après ,-envoyoit  rrès-fou- 
vent  aux  deux  Princes  des  raitakhiffe- 
Miens,  &  tout  ce  dont  ils  pouvoient 
avoir  befoin  pour  leur  guérifon  ou 

£>ur  leur  fubfiftance.  Il  n'en  fallut  pas  . 
vantage  pour  faire  dire  aux  uns ,  que 
Richard  trahiflant  la  caufe  commune 
ètoit  d'intelligence  avec  lesinfidelles , 
ans  autres  que,  Philippe  étoit  payé  par  f 

eux  pour  fomenter  la  difeorde  parmi    • 
tes  Chrétiens.  Enfin,  après  bien  des 
débars ,  On  fit  une  efpéce  d'arrange- 
ment qui  patut  aflbupir  les  différentes 
factions. 

On  décida  que  Lufigrtan  garderait 
le' titre  de  Roi  pendant  fa  vie,  fans 
pouvoir  le  tranfmettre  à  fes  héritiers , 
&que  cette  qualité  pafferoit  à  Conrad 
Se  aux  enrans  qtfH  atfroit  de  la  Pr«v-t 
ceffe  Ifabelle^  que  les  Rbisde  France 

TtmtlL  A  a 


ttt  Histoire 

&  et  Angleterre  rcnouvelleroient  Iemr 
Hég.  ï«7  Traité  d'union  £t  partageraient  de 
j.c.  H» i.  bonne  foi  les  c^P&etes  qu'on  ferait 
fur  les  Sarrazins;  Se  que  fucceffive* 
ment ,  lorfWmite  des  .deux  Nations 
attaquerait  la  Place  *■  rentre  défen- 
droit  tes  lignes  contre  Salaiin.  Après 
cet  accord  ,  le  Marquis  de  Tyr  étant 
revenu  à  l'armée,  on  recommença  les 
opérations  du  fiége. 

.  Le  Sukhaiî  ne  masqua  pas  de  pro- 
fiter de  tous  ces  troubles  :  tient  le  terns 
de  faire  venir  de  nouvelles  recrues»  de 
fc  pofter  avantageufemenc ,  &  trouva 
le  moyen  de  foulage*  Ptolémaïs.  Les 
Emirs  quiconunandoienidan^ta  vill^ 
mirent  leurs  foins  à  creufcr  les  fofles 
comUcs  par  les  ennemi*  &  à  élever 
de  nouveaux  murs  à  la  place  de  ceux 
qui  avoient  été  reaverfé*.  Le  Peuple 
preflé  par  les  Chrétiens  &  par  la  fam>*> 
ne»  ce(pirà  mi  peudaiw  cet  intervalle 
&  reprit  un  courage  que  la  mifère 
avoir  ahbatrur  ;  de  ibrte  que  les  Francs 
éprouvèrent  une  réûftance  à  laquelle 
ilsnesattendoient  pas  :  leurs  machi- 
nes furent  encore  plufieurs  fois  bràléet 
par  le  feu  grégeois  du  détruites  dans 
des  forties.  Ce*  machines  étaient  à 


z>e  Saladik.  Lit.  XL  îSj 
peu  près  les  mêmes  que  celles  des  Grecs 
&  des  Romains.  La  manière  de  faire  j^?',^ 
la  guerre  ne  reffembloir  en  rien  à  cet 
arrfi  perfectionné  de  nos  jours.  La  va- 
leur confîftoit  alors  dans  l'intrépidité , 
dans  1  adrefle  &  dans  la  force  du  corps; 
Un  ruftré  n'avoit  pas  le  pouvoir  de  pré- 
cipiter  de  loin  un  Héros  dans  le  crêpas* 
Lès  flèches ,  Jes  pierres ,  les  traits  n'é- 
toient  dangereux  que  peur  rfrifanterfe 
&  alloient  fe  brifer  contre  le  fef  dont 
la  gendarmerie  étoit  couverte.  C'étoit 
dans  la  mêlée,  qu'on  pouvoit  défarçon- 
ner  un  Cavalier  &  lui  plonger Tépée  au 
défaut  du  cafque  ou  de  la  cuirafle.  L'in- 
vention de  la  pondre  à  tout  changé 
dans  Patraque  &  la  défenfe.  Refteà 
fçavoir,  fi  ce  fecret  meurtrier  a  été 
plus  ou  moins  funefte  à  l'humanité 
que  l'ancienne  manière  de  s'entredé- 
traîre. 

Après  l'accord  dont  nous  venons  de' 
parler,  les  Chrétiens  mirent  leur  ij- 
Valhé  à  fe  fignaler.  C'était  à  qui  mon-, 
tteroît  plus  de  zélé  ,  &  fe  dîftingueroit, 
par  de  plus  grandes  aftions.  On  dreflà 
ces  inftrumens  deftru&eurs  qui  renver- 
fdient  les  maifons  8c  les  murailles.  En 
peu  de  Jours ,  on  fe  dé  nouvelles  bré-' 

Aa  ij 


1S4        .  H  i  sto  m  e 
ches.  Une  partie  de  la  Tour  maudire  au 
jîcfiî**".  P*e<*  ^e  ^^.k  campoienr  les  Fran- 
çois, fut  abbatue  par  l'effort  de  leurs 
béliers.    Les  Afliégés  réparoienr  les 
dommages ,  &  fouteuoienc  ce  malheur 
avec  une  a&ivité  &  une  confiance  in- 
croyables,   Saladin  de  Ton  côté ,  ne 
cefloiç  d'inquiéter  les  Francs.  Lorfque» 
ceux-ci  alloient  à  laflaut ,  les  Habitans 
l'avertidoient  du  danger  au  bruit  de 
leurs  cymbales:  celles  duSuithan  ré- 
pondoient  à  ce  fignal.  Alors  il  raoa- 
toit  à  cheval  >  animoit  les  troupes ,  Se 
tomboit  fur  les  Chrétiens  avec  d'au- 
tant  plus  d'acharnement ,  que  les  en* 
nemis  en  montroient  à  battre  la  Pla- 
ce :  il  entroit  dans  leur  camp  ,  pilloic 
les  tentes  ,  enlevoit  les  meubles  &  for- 
çoit  les  Francs  à  venir  défendre  leur» 
retranchemens  &  leurs  femmes  qu'on 
menoit  en  captivité.    Les  Chrétiens- 
qui  depuis  l'arrivée  des  deux  Rois  9 
n'a  voient  point  donné  de  combat  gé- 
néral >  fortirent  enfin  en  ordre  de  ba- 
taille, &  s'étendirent  depuis  la  mon* 
tagne  du  Thoron  jufqu  au  fleuve  Bé- 
lus.  Saladin  les  reçut  à  la  tête  de  foa 
armée  ;  &  après  une  aâion  vive  & 
meurtrier e  >  il  les  repoufli.  De  tout  le 


xje  Saladîn.  Liv.  XL  2R5 
Jour ,  il  ne  prit  aucune  nourriture,  & 
paffa  la  nuic  fous  les  armes.  Au  lever  "c.\î^« 
de  l'aurore,  il  alla  lui-même  provo- 
quer les  Chrétiens  ;  mais  Tes  troupes 
reculèrent  au  choc  des  François  qui 
donnèrent  les  premiers:  les  Mufut- 
mans  ne  reprirent  leur  avantage  que 
le  foir. 

Le  lendemain  on  vit  arrfver  un 
Ambaïïadeur  de  Richard  qui  fut  in- 
troduit dans  la  tente  du  Sulthan  :  il 
demanda  de  la  part  de  (on  Maître ,  un 
entretien  avec  cePrince^  «  Les  Rots,  &&*&£* 
»  répondit  Saladin  >  ne  doivent  fe  trou- 
*ver  enfemble  qu'après  une  paix  jurée.' 
9  »Ii  feroit  indécent  de  les  voir  fe  livrer 
«bataille  au  (or tir  d'an  repas  Se  d'une 
^conférence.  Il  faut  auparavant  ré-  N 

»gler  les- articles  de  la  paix.  Nous 
»  marquerons  enfuite  le  tems  &  le 
«lieu  de  l'entretien;  &  nous  pourrons 
nconverfer  enfemble  par  le  moyen 
»  d'un  Interprète.  •«  Pour  l'intelligence 
de  cette  répotife  %on  doit  fçavoir  que 
les  Arabes  rigides  obfervateurs  de 
I'hofpitalité ,  préfentoient  à  manger  6t 
à  boire  aux  Etrangers  qti  venoienr 
chez  eux  pour. témoigner  qu'ils  leur 
accordoient  touœ  ittfecérSaiaditt  pour» 


\%6  Histoire 

qui  cet  ofage  éroit  facré ,  avoic  coo- 
»%•  î*7  tume  d'admettre  à  fa  table  les  Princes 
ltfu  Mufulmans  &  les  Emirs  qui  lai  ren- 
doient  vifite  ,&  même  les  prisonniers 
aux  jours  deiquels  on  ne  pouvoit  plus 
attenter  après  cette  marque  de  bonté. 
Il  auroit  crû  manquer  à  fa  dignité  & 
aux  loix  refpeâables  de  rhofpitalité, 
silavoit  reçu  Richard  dans  fon  camp 
fans  lui  donner  un  feftin. 

Malgré  cette  «ccufe,  le  Roi  d'An-» 
gleterre  perfifta  à  folliciter  la  permiP 
Son  de  venir  lui-même  négocier  avec 
le  Sulthan.  Celui-ci  connoiflTant  les 
divifions  qui  régnoient  parmi  let 
Francs,  çfpéra  tirer  avantage  de  ces 
troubles  ,  en  traitant  en  particulier 
avec  Richard!.  Malek-Adel  fon  frère 
fut  chargé  d  écouter  les1  proportions 
de  ce  Prince,  &  d'en  faire  part  à  Sa- 
fedin..  On  drefla  une  cerne  magnifi- 
que pour  recevoir  le  Monarque  An- 
glois  qui  >  ayant  pris  jour,  manqua  au 
i?adez~vous.  Le  tirait  courut  que  les 
Chrétiens  lui  avoient  défendu  de  ve- 
nir »  en  lui  représentant  que  cette  dé- 
marche humiliante  compromettroit 
l'honneur  de  la  Religion  &  k  majefté 
4u  trône;  maisia&ercé  de  Richard  fut 


de  Saiadih*  Liv.  XL    itj 

Méfiée  de  ce  difcours  qu'il  rcgardoic 

comme  injurieux  à  la  gloire.  »»Ne   /^'Jîî* 

»  croyez  pas ,  fit-il  dire  au  Solthan  f 

t9  que  les  raifons  qu'on  publie  m ayent 

»  empêché  d'aller  auprès  de  tous.  Ap* 

»  prenez  que  je  ne  dépens  ici  que  de 

m  moi  même ,  que  Je  (ois  le  maître  de 

«ma  conduite,  de  que  perfonne  n'a 

»  droit  de  s'oppofer  à  mes  Uolonrés, 

oUne  maladie  dont  j'ai  été  attaqtté  ne 

»  m'a  pas  permis  de  fortir  de  ma  ten* 

»r  te  :  dès  que  ma  famé  fera  un  peu  ré* 

>aablie,  je  ne  manquerai  pas  de  me 

»  rendre  au  lieu  de  la  conférence ,  fans 

m  demander  lavis,  encore  moins  les 

»  ordres  de  tous  ces  Princes  Chré- 

»  tiens  dont  aucun  n'a  *  autorité  fur 

»fIK>L<* 

Dans  le  tems  que  le  Roi  d'Angle- 
terre s'adreffbh  aux  Mufulmans  pour 
réglée  les  conditions  de  la  paix,  les 
Habitant  de  Ptolémaïs  saorefToient 
an  Roi  de  France  >  pour  obtenir  une 
capitulation.  Les  veines,  les  maladies  » 
les  fatigues  y  Ta  difette  les  avoïent  ré- 
duits dans  un  état  déplorable.  Ils  dé- 
putèrent à  Philippe  un  de  leurs  Corn- 
mandàns  qui  lui  parla  en  ces  termes* 
»  Tomes  lcfcfoisqpe nousawas  *ffiét 


jl$8  Histoire. 

»gé  une  de  vos  villes  ,  nous  voie» 
jvc  i  if  il  "  avons  accordé  la  fureté  que  vous  de- 
tt  mandiez ,  lors  même  que  nous  étions 
v déjà. maîtres  de  la  Place;  &  nous 
»  vous  avons  fait  conduire  avec  hon- 
»  neur  aux  lieux  que  vous  choififlîer 
»pour  retraite*  Aujourd'hui  nous  con- 
.  »  (entons  de  vous  rendre  Ptolémarô 
»  avec  tout  ce  qu'elle  renferme  ,  à 
i>  condition  feulement  que  vous  nous 
» donner  ei  ce  que  nous  ne  vous  avons 
»  jamais  refufë,  la  liberté  de  nous  re- 
«9  tirer  avec  nos  femmes  &  nos  en- 
»  fans.  «  Philippe  rejetta  ces  offres  , 
efpéranc  en  obtenir  de  plus  avança-* 
geufes.  »Eh  bien ,  répliqua  le  Mu  fui - 
»  man ,  nous  nous  enfevelirons  fous  les 
»  débris  de  la  ville  ;  mais  ce  ne  fera 
»  qu'après  avoir  vendu  chèrement  no- 
9>trevie.  « 

Cet  Emvt  étant  de  ^retour  à  Ptolé^ 
maïs  y  porta  la  déflation.  On  n  en-* 
tendoic  que  cris  &  que  eèmiffemens^ 
Le  Peuple  accablé  fbuf  le  poids  de 
tant  de  maux  fe  déféndoit  cependant 
encore  :  il  n  avoit  de  relâche  qu'autant 
que  Saladin  lui  en  procuroit ,  en  atti- 
rant ailleurs  les  armes  des  Chrétiens  ; 
encore  *  dans-  ce  teins- là ,  on  xéparoie 

les 


b  e  Saladin.  Liv.  XL  189 
les  brèches ,  les  machines ,  &  on  fai- 
foit  des  fonies.  Les  Francs  Ce  parta-  "f*  Jf  £ 
gèrent  en  diftérens  corps,  qui  atta- 
<juoient  fucceflivement  la  place  jour  6c 
-nuit.  Aucun  (iége  n'a  peut-être  jamais 
produit  autant da&ions  de  bravoure. 
On  ne  finirait  pas  fi  on  s'attachoit  à 
décrire  les  exploits  rapportés  par  les 
Hiftoriens  Chrétiens  &  Arabes.  Ceux- 
ci  nous  apprennent  qu'on  vit  plus  d'u- 
ne fois  des  femmes  Chrétiennes  fe  dit 
tinguer  dans  la  mêlée  &  tuer  de  leurs 
mains  plufieurslnfidèlles.  On  donnoic 
iur  les  brèches  un  combat  continuel» 
Les  cadavres  de  ceux  qui  mouroienc  - 
dans  l'attaque ,  &  dans  fadéfenfe  fer- 
raient de  nouveaux  remparts  aux  Affié- 
gés.Saladin  touché  du  fort  malheureux 
desHabitans,  né  pou  voit  s'empêcher  , 
dit  Boha-eddin  >  de  verfer  des  larmes  » 
toutes  les  fois  qu'il  jettoit  les  yeux  fur 
cette  ville  infortunée  qu'il  ne  pouvoit 
délivrer.  Car,  comment  chauertine 
armée  d'environ  trois  cens  mille  hom- 
mes retranchés  dans  un  camp  forti- 
fié, de  murailles  }  Ptolémaïs  renfer- 
moit  à  la  vérité  l'élite  des  troupes  Mu- 
sulmanes tant  en  Officiers  qu'en  Sol-* 
dats  :  mais  leur  valeur  en  retardant  de 
Tome  II.  Bb  . 


2JO  HlSTOIRl 

quelque  rems  ta  perte  de  la  ville ,  rea- 

j  fîç!'i i1^.  ^°"  enc°re  cctte  pcrw  plus  chère. 

!  "  m  Si  demain  vous  ne  nous  ifecou- 

-#>rez ,  nous  ferons-foscé^de nous  ren- 

9»  dte ,  *  écrivirent  au  Sukfaan  les  Ci- 
toyens  par  un<le  ces  pigeons  dont  nous 

•avons  parlé.  Dans  la  même  Lettre  , 
ils  lui  apprirent  la  dernière  tentative 

.qu'ils  dévoient  faire  pour  écarter  les 

•ennemis.   Il  -y  avoir  dans  Prolémaïs 
x4in  Chrétien  déguifë  qui  eritroit  au 

<€onfeil ,-■&  aVertilToit  les  Francs  4e 
toutes  les  délibérations  qu'on  y  prç- 
noit ,  de  l'état  delà  Place ,  fc  des  en- 
droits foibles.  Ceux-ci  inftrufts  par  ce 

.  moyen  dés  projets  ides  Sarrazins ,  les 
réndoient  inutiles.  En  effet ,  le  lende- 
main, malgré  tes  efforts  de  Saladin 
&  de  laigarnifon  ,  ils  gardèrent  tous 
leurs  avantages. 

Les  François  gagnèrent  le  même 
four  une  tour  où  ils  plantèrent  leur 


•étendard ,  &  d  où<i 


s» ne. furent  délb- 


<gés  quelefoir:  fopeedirent  dans  cette 
occafion  Albéric  Clément ,  Maréchal 
^de  France.  Il  s'étoit  jette  dans  la  ville 
avec  quelques  autres  Barons  François 
-qui  n'étant  point  foutenus  tfàteitt  écra- 
tt$  par  le  nombre*  Cefttci  la  pre? 


oi  Sàlàdin.  Liv.  XI.  tfi 
mïére  fois  qu'il  eit  parlé  dans  l'Hif- 
toire  du  Maréchal  de  France,  comme  j"cfxi*ï*. 
d'un  Officier  confidérable.On  fçait  que 
ion  emploi  fe  bornoit  anciennement 
aux  foins  de  l'écurie  (bus  le  Connéta- 
ble qui  en  étoit  l'Intendant.  On  ignore 
en  quel  tems  ces  deux  Charges  furent 
créées*  Le  Connétable  devint  dans  la 
•fuite  la  première  perfonne  de  l'Etat, 
•Se  le  Maréchal  commanda  les  armées 
fous  lui*  Le  premier  de  ces  Officiers 
a  toujours  été  unique  ,  &  le  fécond 
l'a  été  long-tem*. 

Nous  remarquerons  auffi  que  les 
Ecrivains  des  Croifades  racontent  que 
le  Roi  de  France  fut  principalement 
fécondé  dans  cette  attaque,  &  pendant 
tout  le  ftége  de  (es  braves  Ribauds  % 
{Ribaldi)  qui  firent  des  prodiges  de 
.valeur ,  c'étoient  pour  ainfi  dire ,  le& 
Mameluks  de  Philippe  Augufte ,  une 
milice  particulière ,  compofée  des  jeu- 
^nes  gens  les  plus  déterminés  qu'on 
employoit  dans  toutes  les  entreprifes 
hardies ,  &  qu'on  faifoit  toujours  mon-, 
ter  les  premiers  à  l'aflàut.  Le  liberti- 
nage outré  auquel  ils  fe  livroient, 
avilit  leur  gloire ,  Se  rendit  même 
dans  les  tems  postérieurs,  leur  nom 

Bi>ij 


2J2  HtSTO  I  R  E 

infâme,  aînfi  que  leur  emploi.  Cm ) 
Hég.  587.  Cependant  les  Habitans  qui  man- 
quoient  de  nourriture  &  même  ci  eau  » 
les  Chrétiens  ayant  détourné  un  ruif- 
feau  qui  en  conduifoit  dans  la  ville  , 
commencèrent  à  murmurer ,  &  con- 
tre Saladin  qui  ne  les  fecouroit  pas  , 
Se  contre  leurs  Commandans  qui  les 
laiftbient  périr  les  uns  après  les  autres. 
.  L'Emir  Séiff-eddin  Mefchtoub ,  le  mê- 
me qui  avoit  déjà  fait  des  proportions 
à  Philippe  Augufte  ,  fut  forcé  par  le 
Peuple  de  venir  encore  négocier  avec 
ce  Prince.  Aux  offres  qu'il  avoit  déjà 
faites ,  il  ajouta  la  vraie  Croix,  pro- 
mit d'engager  le  Sulthan  à  délivrer 

r  1  m 

ta)  On  donna  le  nom  de  Ribauds  au*  dé- 
bauchés qui  fréquentaient  les  mauvais  lieux*' 
Ils  avoient  un  Chef  qui  prenoit  le  titre  de 
Roi  des  Ribauds  :  ce  prétendu  Monarque  coh« 
noiflbit  de  tous  les  jeux  de  dez ,  de  brelan 
&  antres  qu'on  jouoit  pendant  les  voyages  de 
la  Cour  :  il  levoit  deux  fols  par  femaine  fur 
tout  ce  qu'on  appelloit  alors  Logis  de  lour- 
dttulx  0»  de  femmes  heur  délier  es  :  chaque 
femme  adultère  lui  devoit  cinq  fols.  Le  nom 
de  cet  Officier  fut  fupprimé  fous  le  régne  de 
Charles  VIL  Mais  l'Office  demeura ,  &  ce 
qu'on  appelloit  le  Roi  des  Ribauds  fut  nom- 
mé grandPrévôt  de  PHôtel-,  charge  qui  fufr- 
fifte  encore  actuellement; 


&e  Sâiabih.    Liv.XI.  29} 
plufieurs  prifonniers>& à  donner  me-  g 

me  une  grofle  fomme  d'argent,  &  ne  j.  ê'ilfu 
demanda  pour  les  Citoyens,  que  là 
vie  &  la  liberté.  »  Je  fuis  votre  mai*  Boha-E^L 
9itre,  vous  êtes  mes  efclaves,  répôn- 
»  dit -Philippe:  je  difpofera»  de  vous 
»»  comme  il  me  plaira.  Si  vous  voulez 
t>  que  je  vous  accorde  la  vie ,  il  faut 
»que  Saladin  me  reftitue  la  croix  du 
»Chrift  ,  &  généralement  tous  les 
»  Chrétiens  détenus  en  captivité,  & 
»  toutes  les  villes  prifes  après  la  ba- 
»  taille  de  Tibériade.  Sans  cette  con- 
»  dition ,  je  vous  ferai  tous  pafTer  au  61 
»i  de  Tépée.  «  Indigné  de  ce  difcours, 
Mefchtoub  fortit  en  menaçant  le  Roi  9 
Se  alla  infpirer  aux  Citoyens  la  rage 
dont  il  étoit  animé* 

Le  défefpoir  fuppléaà  leur  foiblefle , 
&  fit  de  ces  Habitans  autant  de  Héros  : 
ils  oublièrent  leurs  maux  ,  reprirent 
une  nouvelle  ardeur,  s'aflemblérent 
dans  la  Place,  promirent  fur  l'Alcoran, 
de  ne  jamais  fe  rendre  à  des  conditions 
auffi  dures,  &  écrivirent  à  Saladin  la 
Lettre  fui  vante:  Nous  avons  tons  juré  ] 
de  ménrir  &  de  ne  quitter  les  armes  que 
far  la  mort.  Aucun  de  nous  ne  verra 
t ennemi  dans  la  ville  :  elle  ne  fera  prifi  , 

Bbiij 


ftoha-eddii* 


2£4  Histoire 

qm  lorppte  nom  ferons  tous  extermines  r 
j.ftïjî;  tille  4  notre  dernière  réfotmtien.  T*chez>9 
fi  vous pouvez, ,  à  écarter  les  InfideUes^ 
mais  4  Dku  ne  plaife  que  vous  vous* 
éfcdffut»  à  lettr  faire  des  jommiffions  pour' 
nous  conferver  la  vie:  car  notre  fott  e$ 
décidé;  c'en cftfak. 

Les  effets  répondirent  à  ces?  promet 
fes.  Ces  Habitans  Te  défendirent  avec 
tant  de  courage  &  de  fucecs ,  que  1er 
Chrétiens  furpris  ,  crurent  que  la  viUe 
avoit  reçu  du  renfort ,  &  envoyèrent 
on  efpion  pour  fçavok  de  combien  de 
Soldats  ce  fccouts  étoit  eompdfé.  Sa- 
ladin  fit  humainement  tour  ce  qu'il 
put  pour  fauver  ces  intrépides  Muful* 
ntans  :  il  tomba  même  dans  &  pre- 
mière maladie  par  fes  fatigues  &  fes1 
veilles.  Pendant?  plufieurs  jours ,  ce  ne 
.  fut  quW  coftftbat  continuel  :  les  ténè- 
bres de  la  Huit  ne  purent  fufpetfdre 
cette  fureur.  On  n'entendoit  que  les 
cris  de  jal-aLiJlam  &  dé  Diex  es  volt  9 

{>ar4efquels  les  deux  Partis  exciroient 
eur  valeur.  Le  Sulchan  confervant  fort 
cara&ére  au  milieu  de  ce  carnage,  vit 
venir  trois  Chrétiens ,  députés  par  les 
Rois  de  France  &  d'Angleterre ,  pour 
demander  de  la  neige ,  des  fruits  >  des 


be  Sàiàdin.  Liy.  XI,    2j«{ 
poulets  &  d  autres  provifions  :  il  en- 
voya ces  rafrakbiflemens  aux  deux  j"**î*£ 
Princes,  &  alla  les  combattre* 

CependantJes  Francs  fe  repentirent 
d'avoir  rejette  avec  ttanede  hauteur  les- 
propofitions  des  Affiégés ,  &  Jeur  fi- 
rent fignifier  qu'ils  ctotent  difpofés  à 
leur  accorder  une  capitulation.  Sciff- 
eddin  Mefchroub  &  Ëohareddfti  Ka- 
ra-cou(ch ,  les  dera  Emirs  qui  avoient 
la  principale  autorité  dans  la  Place  » 
ne  pouvant  contenir  la  populace  •  qui 
tantôt  montrait  de  l'opiniâtreté  à  fe 
défendre,  &  tantôt  tomboit  dans  l'ab- 
batement  ou  fe  répandait  en  murmu- 
res féditieux  ,  defcendirew  dans  le 
camp  des  Chrétiens  >  invités  par  eux.' 
Ils  revinrent ,  (ans  avoir  ricivconclli. 
Le  lendemain  ils  allèrent  continuer  la 
négociation  entamée ,  &  communi- 
quèrent à  SabuBn  les  articles  dont  on 
paroiflbit  convenir.  Xfh  homme  par- 
courut à  la  nage  l'e^pac*  oppofè  à  ce- 
lui que  les  Francs  occupoientr  fur  la 
côte  ,  arriva  par  un  grand  détour  à 
l'armée  des  Sarrazins  ,  &  parla  ainfi : 
au  Sulthan  :  »  Mefchtoub  8c  Kara- 
9» coufch  m'ont  chargé  de  vous  dire, 
>  que  méprifant  la  vie ,  mais  craignant 
Bbiiij 


i$<>  Histoihi 

»  d'offenfer  le  Dieu  grand  >  en  laifïânr 
ï"c*  iî*ï*.  »»  périr  P^f  le  fer  tant  de  Mufuiman* 
»  renfermés  dans  Ptoiémaïs ,  impor- 
»tunés  d'ailleurs  par  les  plaintes  du 
91  Peuple»  des  femmes  &  des  enfansV 
»  ils  tout  forcés  de  traiter  avec  les 
i>  Chrétiens  ,  aux  conditions  que  ces 
»  derniers  accorderont  aux  habitons  la 
»  liberté  de  forcir  avec  leurs  meubles  6c 
»  leurs  effets  ;  qu'on  rendra  la  ville  Se 
» tout  ce  quelle  contient  -,  que  vous 
»  reftituerez  la  Croix  d'Ida  (  Jefus)  ; 
»»que  vousdélivreiez  quinze  cens pri- 
»(onniers  de  tous  états  &  cent  des 
»plus  conûdérables  au  choix  des 
»  Francs ,  que  vous  leur  payerez  deux 
»  cens  mille  bezans ,  (  environ  deux 
»  millions)  dix  mille  en  particulier  au 
»  Marquis  de  Tyr  ,  &  quatre  mille  à 
»»  fes  troupes ,  «  c  eft-à-dire ,  en  tout 
deux  millions  cent  quarante  mille 
livres  de  notre  monnoye. 

Saladin  trouvant  ces  proportions 
eutrées,  ordonna  au  même  homme 
d'aller  annoncer  aux  Citoyens  qu'il 
ne  ratifièrent  jamais  un  pareil  Traité. 
£n  même  teins ,  il  affembla  tous  fes 
Emirs ,  pour  prendre  leurs  avis  dans 
le$  circonftances  préfentes.  Tandis 


\ 


1>E  Sàlàdin.  Ltv.  XI.  l$f 
qu'on  délibérait,  on  vit  tout  à  coup, 
les  croix,  les  bannières  des  Francs  ar-  jî^jf',^ 
borées  fa r  les  murailles  &  fur  les  Mof- 
quées,&  fuccédçr  aux  drapeaux  noirs 
&  jaunes  (a)  qui  ftottoient  auparavant 
LJHiftorien  Arabe  dépeint  avec  cha- 
leur le  défefpoir  dont  les  Mufulmafis 
furent  agités  à  ce  fpe&acle.  Le  Sul- 
than  décampa  peu  après  9  &  alla  Ce 
pofter  plus  avant  dans  les  terres  ,  fur 
la  montagne  de  Khourouba  qu'il  avoir 
déjà  occupée. 

Les  Francs  avoïent  approuvé  les  ar- 
ticles dont  nous  venons  de  parler  :  ils 
ajoutèrent  feulement  que  fi  Satadin 
ne  confirmok  pas  cette  capitulation  , 
tous  les  habîtans  demeurer/oient  efcla- 
▼es.  Ayant  enfermé  ces  derniers  dans 
un  quartier  féparé  de  la  ville ,  ils  en- 
trèrent 3  Ptolemaïs  le  vendredi ,  dix- 
feptiéme  jourde  Dgioumadiwel-Akher^ 
(ixiéme  moisde  Tannée  Arabique,  le 
douze  ou  treize  Juillet  félon  nos  Hif- 

11  ■      '  ■  '  '  m  ■ 

(a)  Le  Drapeau  noir  étoit  celui  du  Khalife 
Abbaffide  à  qui  les  Suhhans  demandoient 
toujours  l'inveûitûre  de  leurs  Etats,  fans  les 
reconnoîtrepour  leur  Souverain.  Le  drapeau 
jaune  étoit  le  drapeau  particulier  de  Saladinr 
ttute  fa  raaifon  étoit  vêtue  de  cette  couleur. 


*9$  Histoire 

toriens ,  après  un  fiége  d'environ  trôt^ 
ans. 

On  aiïurequeSaladinaaroicconfenct.' 
de  rendre  aux  Chrétiens  Jérufalem,  Se 
toutes  les  villes  maritimes,  s'ils  euffenr 
voulu  joindre  leurs  armes  aux  fiennes  , 
pour  foumettre  les  fils  de  Nour-eddm, 
révoltés  contre  lui ,  &  que  les  Franc»; 
ayant  refufé  par  déifcateQe  de  contrac- 
ter alliance  avec  leslnfidelles  ,  ilétoir 
parti  pour  la  Méfopotàmie,  long- 
tems  avant  la  prife  de  Ptolcmaïs- 
Mais,  i  °.  la  poftérité  de  Nour-eddïti 
ne  fubfiftoit  plus  ;  elle  avok  été  éteinte- 
par  là  mort  de  Saleh.  20..  Les  Atabeks: 
devenus  vafkux  &  tributaires  cte  Sala>- 
din  vivoienten  paix  avec  fui  :  il  avoit 
même  alors  dans  ion  armée ,  le  fils  &- 
les  troupes  du  Sulthan  de  Mouffoul.Les 
mécontentemens  particuliers  d'Emack 
eddin  &  de  Sindgiarfchah  ,  ne  caufé- 
rent  aucun  trouble  dansées  Provinces. 
Son  neveu  Téki-eddin  Omar ,  auquel 
le  §ulthan  avoit  donné  les  Etats  d'un 
Prince  de  Méfopotamie  mort  dans  fon 
camp ,  alla,  prendre  pofleflïon  de  ces 
villes  &  ne  trouva  aucune  oppofition. 
30.  Il  neftpas  vraifemblable  que  les 
Croifcs  euflenc  fàcrifié  ,  par  un  vain 


*i  Sàlàdin.  Liv.XI.  %pp 
fcropule,  l'objet  de  tous  leurs  vœux , 
lacquifition  des  lieux  Saints  &  des    H*s»  ***• 
ailles  de  la  Paleftine,  eux  qu'on  ac-  hC'll'u 
cufa  fi  fouvent  de  vendre  aux  Ihfidel- . 
les  les  intérêts  de  la  Religion.  Enfin: 
les  Auteurs  Arabes  mieux  inftruits  ra- 
content tous  ces  événemens,  comme 
nous  les  avons  décrits. 

Les  Chrétiens  purifièrent  les  Mos- 
quées &  les  changèrent  en  Eglifes, 
deftinée  qu'elles  avoient  éprouvée  plu- 
fieurs  fois  :  ils  partagèrent  entr'euxles 

Jjrifonniers ,  les  armes ,  les  provisions, 
'argent ,  les  vaifleaux ,  les  Temples  Ôc 
même  les  maifons.  Les  Anglois ,  les 
François,  les  Templiers,  les  Hofpi-. 
taliers ,  les  Génois,  les  Pifans,  les  Vér  ; 
nitiens ,  les,Flama«6  ,  les  Allemands  , 
roue  ce  qui  avoir  eu  parc  à  la  conquê- 
te, en  eut  au  burin.  Ptolémaïs  eut 
autant  de  maîtres  qu'elle  avoir  eu  d'en- 
nemis. N  ctoit-ce  pas  fournir  pour 
la  fuite  un  alimçnt  aux  guerres  civiles  ? 
Il  paroit  que  dans  cette  diftribution, 
on  oublia  les  droits  du  feui  Prince  à 
qui  cette  ville  devoit  appartenir ,  de 
Lufignan  Roi  malheureux  du  Royau- 
me de  Judée. 

Le  même  jour  qu'on  s'empara  de 


900  Histoire 

Hc  g  Ptolémaïs,  Richard  fit  à  LéopoWDa^ 
3.C.*  >\/i.  ou  Comte  d'Autriche  un  affront  qoi 
lui  devint  bien  funefte  quelque  tem£ 
après.  Ce  Léopold  s'étoh  rendu  maî- 
tre dune  Tour ,  &  y  avojt  élevé  fa 
bannière  qui  parut  après  la  reddition 
de  la  Place  :  le  Roi  d* Angleterre  la  fit 
arracher  &  jetter  dans  un  cloaque. 
Les  Allemands  prirent  les  armes,  pour 
foutenir  l'honneur  de  leur  drapeau  ; 
mais  le  Duc  d'Autriche  calma  leur  fo- 
reur, fans  perdre  le  retient!  ment  de 
cet  outrage  dont  il  fe  vengea  bien 
cruellement  dans  la  fuite. 

Telle  fut  la  fin  de  ce  fiége  à  jamais 
mémorable.  Nos  Lefteurs  doivent 
avoir  remarqué ,  que  fi  on  vouloir  le 
comparer  au  fiége  de  Trêve,  lecmel  a 
*  été  rendu  fi  célèbre  par  la  lubiimeima- 
gftiation  du  père  delà  Poë'fie  ,  on  trou- 
veroic  des  objets  de  éomparaifon  dans 
fa  durée ,  dans  les  combats  particu- 
liers que  les  Héros  fe  liyroient  les  uns 
aux  autres,  dans  les  difeours  qu'ils 
prononçoienr  avant  que  de  s'égorger  f 
dans  ce  grand  nombre  de  Princes  & 
de  Rois ,  dans  ce  mélange  de  Peuples 
de  tous  les  Pays ,  dans  cette  muraille 
dont  les  Francs  environnèrent  letir 


J.C.  ll$U 


de  Sàlàdiw.  Liv.  XI.    301 

camp  à  l'exemple  des  Grecs ,  dans  la 
forme, la  manoeuvre  des  vaiffeaux &  «%■  /_**• 
l'ufage  de  les  mettre  à  fec  fur  le  riva, 
ge ,  dans  cette  conjuration  de  l'Europe 
entière  contre  une  feule  ville  ;  comme 
autrefois  la  Grèce  conjura  la  perte 
d'Ilion  ;  enfin  on  trouverait  un  Ajax 
dans  les  Marquis  de  Tyr ,  un  Achille 
implacable  Se  cruel  dans  Richard ,  un 
Agamemnon  dans  Philippe  -  Augufte 
qui  étoit  ceufé  le  Chef  de  tous  ces  Sou- 
verains peu  dociles  ,  &c.  Ceft  ici  la 
vérité  hiftorique  qui  rend  la  fable  vrai- 
femblable. 

Ge  triomphe  coûta  cher  à  l'Occi- 
dent :  il  perdit  Ces  tréfors ,  ks  forces  % 
fes  défenfeurs.  L'Afie  étoit  un  gouffre 
où  tout  alloit  s'engloutir.  Ce  fiége 
caufa  la  mort  à  un  Empereur ,  à  un 
Duc  de  Souabe,  à  tant  d'autres  Princes, 
£c  penfa  enlever  au  monde  les  Rois  de 
France  Se  d'Angleterre.  '  Notre  No- 
blefle  qui  fe  fignala  pat  mille  exploits , 
regrette  encore ,  parmi  fes  généreux 
guerriers ,  Erard  de  Brienne ,  Jean  de 
Vendofme,  les  Comtes  Thibaud  de 
Chartres  &deBlois ,  Eftienne  dfe  San- 
cerfe,  Rotrou  de  Perche ,  Gilbert  de 
Tilliéres ,  Raoul  Comte  de  Clermont, 


302  Histoire 

le  Comte  de  Ponthieu ,  le  Vicomte  de 
"et  ùî  i!  Turenne ,  Adam  grand  Chambellan  , 
*  Albéric  Clément  Maréchal  de  France» 
le  Vicomte  de  Câftellane  ,  Florent  de 
Hangeft ,  Gui  de  Châtillon  ,  Jolcelin 
de  Montmorenci  ,    Enguerrand   de 
Fiennes,  Raoul  de  Hauterive,  Hugues 
de  Noifi ,  Bernard  de  Saint  Vaieri  , 
Géoffroi  de  Brîére,  Vaukierou  Gaul- 
tier de  Moy  ou  de  Mouy ,  Gui  de 
Dane ,  Anfelme  de  Montréal ,  Eudes 
de   Goneffè ,    Raoul   de   Fougères , 
Raynaud  de  Magny ,  Philippe  Comte 
de  Flandre,  Henri  Comte  de  Bar, 
GéofFroi  Comte  d'Eu ,  Raoul  de  Mar- 
Je  ,  Erard  de  Chacenai  ,  Robert  de 
•Boves,  le  Vicomte  de  Châtelleraud , 
Ermengard  d' Aps  Grand-Maître  des 
Hofpitaliers ,  &   tant  d'autres  donc 
THiftoire  n'a  pas  daigné  conferver  les 
noms. 

A  peine  les  Chrétiens  joui (ïbient-ils 
de  leurs  conqu&es ,  qu'ils  furent  divi- 
fés  de  nouveau.  Richard  s'arrogeant 
une  autorité  fupréme  fur  tous  ces  Prin- 
ces indépendans ,  s'attira  la  haine  de 
tous ,  &  principalement  dtr  jeune  Phi- 
lippe-Augufte ,  dont  l'argent,  les  bri- 
ngues ,  les  profilions  du  Roi  d'Angle- 


de  Sàlàdin.  Liv.  XL    505 
terre  avoîenc  anéanti  le  pouvoir.  Le  ' 
Monarque  François  réfolut  enfin  de    ,Hlg*  s8f' 
quitter  un  pays  où  fa  dignité  etoit  avi- 
lie, 8c  daller  fe  venger  en  Europe 
des  humiliations  que  fon  Rival  lui  fai- 
foit  effuyer  en  Syrie.  11  étdît  retombé 
dans  une  maladie  de  langueur  qui 
'inettoit  fa  vie*%n  danger ,  &  qu'on 
attqbuoit  au  tjpoifbn  :  Richard  éroit 
publiquement  acculé  de   ce  crime , 
peut-être  avec  auflt  peu  de  raifon ,  que 
d'entretenir .  unç  intelligence  fecrette 
avec  les  Sarrazins.Philippeabandonna 
-donc  1  'aimée»  8c  vint  à  Tyr  fe  difpofet 
à  .fon  retour.  Ce  fut  dans  cette  ville 
TjueSaladin  lui  envoya  une  Amba(îàde 
folemnelle ,  pour  le  complimenter  & 
«lui offrir  des  préfens  dignes  d'un  grand 
^Roi,  félon  lufagé  de  ce  Mufulman, 
'de  donner  même  à  fes  ennemis,  des 
témoignages  de  fa  magnificence. 
"     Le  Prince  François ,  avant  que  de 
•partir ,  déclara  Général  de  fe*  troupes 
qui  t  tfftëient  eh  Paleftine ,  c'eft-^dire, .. 
:  d'environ  cinq  cens  Gendarmes  & 
:  mille  Fantaflïns ,  Eudes  ou  Hugues  III 
Duc  de  Bourgogne,  céda  au  Marquis 
de  Tyr  les  prifonniers  &  la  portion 
de  Pcolémaïs  qui  lui  étoicnt  échus  en 


J04  H  1 1 1  x.o  i  k  i 

parcage  ,  laiflà  à  Raymond  Prince 
j?c.'iî*î*  d'Antioche  quelques  Soldais. entrete- 
nus à  Tes  dépens ,  &  s'embarqua  pour 
l'Italie ,  fur  quinze  Galères  avec  le 
refte  de  Tes  François.  1J  reçue  félon  la 
la  coutume  de  ce  tems ,  les  palmes  de 
fon  pèlerinage,  des  mains  du  Pape 
Céleftin  III.  Se  Ce  randit  en  France, 
.  cù  il  fe  mit  bientôt  en  état  par  fes foins 
&  parunefageadmini(tration,de  pou- 
voir attaquer  avec  avantage  les  Pro- 
vinces de  Richatd ,  malgré  le  ferment 
qu'il  avoir  fait  »  de  les  refpe&er ,  de 
les  garantir  de  toute  invafion ,  & 
de  fufpendre  les  aétes  d'hofttlité,  juf- 
ques  à  l'arrivée  du  Roi  d'Angle^ 
terre. 

Dès  que  Philippe  eut  mis  à  la  voile  i 
Richard  devenu  maître  de  l'armée,  fie 
ufage  defapuiflànce,  en  forçant  Con- 
rad de  lui  renvoyer  les  prifonniers  du 
Roi  de  France*  Le  Marquis  avoit  re» 
fufe  d'obéir  à  des  ordres  auffi  injuftes. 
I/Anglois  confifqua  tout  ce  que.ee  der- 
nier pofledoie  à  Ptplémaïs ,  &  alloit 
lui  enlever  la  ville  de  Tyr ,  fi  le  Duc 
\  de  Bourgogne  n'eût  interppfé  fa  mé- 
diation ,  &  perfuadé  à  Conrad  de  ren- 
dre ces  prifonniers ,  pour  éviter  de  plus 
grands  maux.  Cependant» 


de  Salàpin.  Liv.XI.    $05 
Cependant ,  quoique  Saladin  n'ap- 
prouvât pas  la  capitulation  ,  il  étoit     wég.  587. 
bien  éloigné  de  iailler  dans  Tefclavaee,  Jc  "*• 
tant  de  Mufulmans  qui  avoient  dé- 
fendu fi  généreufement  la  gloire  de 
leur  Nation.    Il  fît   demander   aux 
Francs ,  quel  tems  ils  avoient  fixé  pour 
l'exécution  du  Traité.  Ceux-ci  répon- 
dirent ,  que  les  conditions  dévoient  en 
être  remplies  dans  l'intervalle  de  trois 
mois  y  que  chaque  mois  ,  on  payerait 
une  partie  de  la  fomme  convenue ,  Se 
on  délivrerait  un  certain  nombre  de 
Chrétiens.  Le  Sulthan   confentit  à. 
cette  proportion.  Le  prerrçier  terme 
étant  fur  le  point  d'expirer ,  Richard 
envoya  trois  Officiers  pour  recevoir 
l'argent,  les  prifonniers  &  la  Croix 
qui  devoit  être  livrée  la  première ,  & 
que  les  Sarrazins  traînoient  avec  eux, 
comme  un  trophée  de  leur  vi&oire. 
A  la  vue  de  ce  bois  refpeâable,  les 
Députés  fe  profternérent  &  l'adorè- 
rent en  fe  couvrant  la  tête  de  pouiliére* 
Saladin  fit  dire  à  Richard  que  tout 
étoit  prêt  ;  mais ,  qu'en  tenant  fa  pro- 
mette ,  il  falloir  en  même  tems ,  011 
qu'on  relâchât  les  Citoyens  de  Ptolér 
mais  ,  offrant  de  donner  des  otages 
Tomt  //•  Ce 


$c6  Histoire 

ftour  le  refte  de  la  fournie ,  ou  qu'or» 
ni  garantît  à  lui-même  par  des  ôta~ 
X l*U  ges  Chrétiens  ,  la  fureté  des  prifon- 
niers  Mahométans.  Le  Roi  d'Angle- 
terre paroiffam  bleffé  d'une  précaution 
d'autant  plus  fage,  goe  les  exemples 

Î>récédens  &  des  avis  lecrets  rendoienc 
ufpe&e  la  foi  des  Croifés  >  voulut 
qu'on  s'en  rapportât  à  fa  parole.  Le 
Sulthan  perfifta  dans  fa  prétention* 
On  s'opiniâtra  de  part  &  d'autre.  Pen- 
dant cette  difpute ,  le  premier  terme 
expira,  fans  qu'on  eût  rien  conclu» 
Alors  Richard  fit  une  a&ion  que  ce 
fiécle  tout  pervers  quilétoit,  n'ofa 
juftifier  y  aâion  infâme  dont  le  cou- 
rage intrépide  &  lés  grands  exploits  de 
ce  Prince  n'ont  pu  effacer  la  honte. 

Il  fit  fortir  de  la  ville  lesprifonniers 
nuds ,  hommes  &  femmes  ,  a»  nom- 
bre de  cinq  mille ,  les  mains  attachées 
derrière  le  dos ,  n'ayant  réfervé  que  le» 
principaux  Emirs  dont  il  efpéroit  avoir 
une  grotte  raftçon  ,  8c  conduiût  dans 
la  plaine,  ces  innocentes  vi&imes.  Là 
fes  troupes  fe  jettérent  fur  elles ,  com- 
*ne  des  animaux  féroces,  &  les  maC 
facrérent  à  coups  de  fabre  :  on  leur 
ouvrit  eafuitele  ventre ,  pour  en  re- 


de  Sàlàdin.  Liv.  XI.  307 
tirer  le  fiel  qu'on  dèftinoit  àdes  usages 
de  Médecine.  Richard  préfidbicà cette  TH*s ,  \*7' 
exécution  barbare ,  &  ne  rougifloit  pas 
d'çxcïter  la  rage  de  fcs  Anglflfo  .  + 
Sa  lad  in  campé  à  quelque  diftan- 
ce,  avoit  apperçule  mouvement  de* 
Francs,  &crut  qu'ils  venofeut  lui  li- 
vrer bataille.  II  s'approchoit  en  bon 
ordre,  lorfque  ceux-ci  rentrèrent  dans 
Pcolémaïs.  Son  indignation  fut  égale 
à  fa  furprife ,  lorfqu  ri  vit  étendus  fur 
la  poufltére  tant  de  braves  Mutfubx&us , 
lui  qui  en  attaquant  les.  Places  des 
Chrétiens»  avoir  (buvetit récpmpenft 
la  valeur  de  ceux  qui  lui  réfiftoient. 
Il  pouffa  des  cris  de  défefpoîr  à  cec 
affreux  fpeôade ,  maudit  une  Nation 
impie  &  dénaturée ,  capable  de  telles 
horreur?,  fît  trancher  la  tête  dans  fa 
fureur  f  à  plufieurs  prifonniftrs  Chré- 
tiens ,  par  le  mafheureu*  droit  de  re- 
{ défailles ,  &  alla  cacher  dans  fa  tente, 
a  douleur  profonde  &  la  colère  dont  / 

il  étoit  animé* 

tin  fa  Livre  enziïmt* 
Ccxj 


SOMMAIRE 

DU  LIVRE  DOUZIEME/ 

Bataille  gagnée  par  Richard,  fui- 
tes de  cette  vicbire.  Conrad 
Marquis  de  Tyr  veut  fe  liguer 
avec  Saladin  contre  le  Roi 
d'Angleterre  ,  qui  de  fon  coté 
demande  la  paix  au  Sulthan. 
Conïadeft  aff affiné.  Richard 
fe  met  en  marche  pour  aller  af- 
fliger Jérufalem.  Il  fe  rend 
maître  d'une  riche  caravanne 
&  revient  fur fes  pas.  Murmu- 
res des  Francs  contre  lui.Diffè- 
rehs  événcmens*  Qn  négocie  ; 
wfaitkpqiXf 


'•"-LjEnrarf 


HISTOIRE 

DE 

SALADIN 

Sulthan   d 'Egypte  &  de  Syrie. 
LIVRE  DOUZIEME. 


RICHARD  y  qui  fçavoït  fe 
venger  avec  tant  de  cruauté/, 
ne  fçut  pas  profiter  de  la  victoi- 
re. Au  lieu  daller  droit  à  Jérufalem, 
tandis  que  les  Mufulmans  confternés 
n'avoient  pris  aucune  précaution  pour 
fauver  cette  ville,  &  que  les  Croifés 
enhardis  par  lé  fuccès  brûloicnt  d'im- 
patience de  délivrer  le  faint  Sépulchre; 
il  pafla  plus,  d'un  mois  à  relever  les 
ruines  de  Ptolémaïs ,  laifla  refroidir  le 


Hég.   %%7. 
J.  C,  u>?i« 


JfÔ  HtSTOlRC 

zélé  des  Chrétiens ,  &  donna  le  tems 
jH<£ii'i!  aux  Sarrazins  de  revenir  de  lenr  ab- 
bactement ,  & dappeller  de  nouveaux 
*¥**'*«     fecours  :  enfin  il  aflêmbla  le  confeil 
B"  de  guerre ,  pour  fçavoir  où  l'on  por- 
tetoît  les  premiers  coups.  Le  Confeil 
décida ,  qu'on  iroit  s'emparer  des  vil- 
les maritimes  ,  de  Cxfarée ,  de  Joppé , 
d'Afcalon,  dont  à  la  vérité;  l'acqui- 
fitionétbit  non  moins  importante  que 
celle  de  Jérufâlem. 

Les  Francs  partirent  vers  la  fin 
d'Août ,  le  dix-nuit  Redgeb ,  (a)  paf- 
férent  le  fleuve  Bélus ,  &  prirent  leur 
chemin  au  Midi  :  ils  s'avançoient  à  pe- 
tites journées ,  pour  attendre  la  flotte 
qui  côtoyoit  le  rivage  chargée  des  pro- 
visions pour  l'armée,  Lufîgnan  com- 
mandoit  à  l'avant-garde  >  Richard  au 
centre^  &  le  Duc  de  Bourgagne  à  l'ar- 
riére-garde. L'Infanterie  placée  aux 
flancs ,  a  archoit  fi  ferrée  &  avec  tant 
d'ordre ,  qu'elle  formoit  tout  autour 
une  efpécede  mur  impénétrable.  Cha* 
]ue  Fantaflîn  avoit  une  cotte  d'arme 
île  mailles ,  &  une  bonne  cuira  Te  de 


z 


(a)  Redgeb  fepûéme  jnois  de  Fanaée  Arar 
«e. 


0E  Saxadw.  Liv.  XII.  Jlf 
cuir  qui  amortHïoit  les  coups.  On  eu 
vit  qui  «avoient  jufqu  à  dix  flèches  at-  "é£  **£m 
tachées  au  dos ,  (ans  perdre  leurs  rangs 
ni  interrompre  leurs  mouvemens.  Un 
trait  9  dit  Boha-eddin ,  qui  auroir  perce 
un  Cavalier  Sarrazin  8c  Ton  cheval  , 
devenoitfanseffetcpntrecettearmure* 
La  cavalerie  étoit  entre  les  lignes  Se 
n'en  fortoic  que  dans  les  combats.  Aa 
milieu  de  toute  farmée ,  s'élevoit  une 

Jurande  tour  fi*  un  chariot ,  au  haut  de 
aquelle  flottoft  l'étendard  des  Croi- 
fés.  Chaque  Prince ,  chaque  Seigneur 
particulier  avoit  auflî  fa  bannière  dé- 
ployée. L'Auteur  Arabe  fèrable  infi-  Cont#  6v$, 
nuer  que  les  Chrétiens  ne  faifoietït  Aib.  j*fbœ> 
point  ufage ,  commîtes  Mahométans,  ^XS^di*. 
de  tambours  ,  dje  tymballes  ,  ni  decuiii.  NeuU. 
trompettes •,  nuis  qu'ils  donnoient  les8011** 
ordres  à  la  voix  &  par  des  ôgnaux, 
en  allumant  des  feux.  Un  autre  corps 
d'Infanterie  deftiné  à  remplacer  les 
Fantaflins  tués  ou  trop  fatigués ,  mar- 
choit  à  l'Occident  fur  le  bord  de  la 
mer ,  hors  de  la  portée  des  traits. 

Saladin  croit  occupé  à  diftribuer  des 
chevaux  à  la  place  de  ceux  qu'on  avoir 
perdus  pendant  lefiége  ,  &  àrécom- 
penfer  les  Officiers  &  les  Soldats  qui 


$11  HlSTOIJLÉ 

s'croicnt  principalement  diftirtgnés  » 
J^V'Morfqail apprit  la  réfolution  &Tedé- 
pan  des  Francs.  Il  ordonna  dans  1  mi- 
tant à  fet  troupes  de  décamper.  Elle» 
obéirent  avec  tant  de  précipitation  , 
quelles  abandonnèrent  une  partie  des 
bagages  Scdesprovifions  >  ce  qui  caufa 
peu  après  une  grande  famine.  On  fui* 
vit  les  Chrétiens,  &  on  les  harcela 
pendant  toute  la  route,  (ans  avoir  pu 
ni  les  rompre,  ni  les  attirer  au  com- 
bat. Six  jours  après  ils  arrivèrent  à 
Céfarée ,  qu'ils  trouvèrent  déferre.  Là 
Richard  eut  avec  Malek  Adel  une 
conférence  inutile  >  parce  qu'il  ne  de* 
mandoit  rien  moins  que  Jérufalem  Se 
toute  la  Paleftine.  Enfin  on  s'avança 
dans  la  plaine  d'Arfbph ,  (*)  où  Sa- 
ladin  ayant  devancé  les  Francs  &  fer- 
mé tous  les  paflages ,  engagea  une  ba- 
taille générale  avec  plus  d'ardeur  que 
de  prudence.  Ses  troupes  éroient  fati- 
guées Se  affaiblies  par  la  difette  :  celles 

(*)  Arfbph ,  Orfouf ,  on  Bt  auffi  Àrfouf , 
Orfouf,  Arfiif ,  Arzur,  Affur,  petite  vâte  à 
douze  nulles  de  Ramla ,  à  fut  de  Joppé  : 
elle  eft  détruite  &  il  n'y  a  plus  aucun  habi- 
V*y$***fi  liv.  7.  f*%e  36. 

des 


}•  C  ujv 


m  Saladïk.  Lir.X!lI.  ji  j 

<b$  ennemis  foumifes  à  une  /evere  ' 
clHcipline  &  ayant  pris  du  repos ,  sîé-     H*g-  5*7  • 
toient  polices  avancageufernent  Gît  des . 
hauteurs. 

Richard  ne  pouvant  éviter  le  com- 
bat ,  met  à  la  droite  Jacques  d'Ave£ 
ne,  le  Duc  de  Bourgogne  à  la  gau- 
che, &  fe  place  au  centre.  D'abord  les 
Archers  lancent  leurs  flèches  de  part 
&  d'autre ,  cette  efpécé  d'efcarmouclie 
dure  plufiéurs  heures.  Pendant  cet  in- 
tervalle ,  le  Sulthan  court  entre  les 
deux  armées  expofé  à  tous  les  traits  , 
&  fuivi  feulement  de  deux  jeunes. 
Ecuyers  qui  conduifenç  chacun  un 
cheval.de  felle  :  il  exhorte ,  il  anime» 
itpreffe  Tes  troupes:  les  Soldats  lui  ré- 
pondent par  les.  cris  de  Allah-acbar. 
1  Cependant  l'Infanterie  Chrétienne 
fjùi  jufques  là  avoit  fourenu  l'effort  * 
des  Infidelles ,  s'ouvre  tout  à  coup.  La 
Cavalerie  fort  avec  impétuofité,  là 
lance  en  arrêt  ;  les  deux  armées  Ce 
choquent ,  fe  ferrent  ;  les  Mufuhnans  . 
ibut  vainqueurs  aux  deux  ailes  :  Jac- 
ques d'Avefne ,  ce  guerrier  célèbre , 
tombe  dès  les  premiers  coups  :  ù.  mort 
fait  reculer  fes  Soldats  privés  de  leur 
Chef.  Richard  combat  dans  le  cen- 
têmll.  .Dd     . 


.4- 


H*. 
ItCi 


514  Histoire 

tre ,  met  les  ennemis  en  déroute*  Se 


f*7>  vient  ranimer  Tes  ailes  chancelâmes. 

'*''  Saladin  yole  au  feçours  de  la  droite  : 
la  gauche  affbiblie  par  Ton  abfence , 
plie.  Tous  les  efforts  fe  réunifient  con- 
tre la  droite ,  qui  accablée  par  le  nom- 
bre ,  prend  la  fuite ,  &  abandonne  la 
viâoire  aux  Chrétiens.  Le  Sulthan 
défefpéré  refte  feul  avec  fept  Mame- 
luks ,  veut  en  vain  arrêter  les  foyards , 
paffe  fur  les  corps  expirans  de  fes  Sol- 
dats bieflés ,  rallie  quelques  troupes , 
revient  à  la  charge,  &  fe  voit  de  nou- 
veau abandonné.  On  dit  que  dans 
cette  journée ,  Richard  &  Saladin  s'é-  . 
tant  rencontrés  dans  la  mêlée,  s'at- 
taquèrent l'un  &  l'autre ,  &  que  le 
Roi  d'Angleterre  eut  l'honneur  de  ren- 
verfer  le  Sulthan  de  cheval. 

Quoi  qu'il  en  foit  de  ce  fait ,  il  eft 
certain  que  ces  deux  Princes  firent 
dans  cette  occasion  des  prodiges  de  va- 
leur ;  que  Saladin  fut  entièrement  dé- 
fait ,  &  perdit  près  de  vingt  mille  hom-      v  ! 
mes.  Après  cette  a&ion  glorieufe ,  Ri-       ! 
chard  s  approcha  de  Joppé  où  il  entra       I 
fans  réfiftance ,  &  fit  repofer  fes  trou-       j 
pes  de  leurs  fatigues ,  tandis  que  le 
Sulthan  raflèmbloit  les  débris  épars  de-       I 
fon  armée»  | 


de  Sàlàbin.  Liv.  XII.  3  r  5 
Le  Roi  d'Angleterre  réfolut  d'ajou- 
ter de  nouvelles  fortifications  à  celles     H*g.  f*7- 
de  Joppé  ,  d'aller  enfuite  s'emparer    J^11*1' 
d'Afcalon ,  une  des  clefs  de  la  Pales- 
tine du  côté  de  l'Egypte,  &  de  faire 
de  ces  deux  villes  deux  boulevards  pour 
les  Chrétiens  de  Syrie  5  mais  le  Sulthan 
le  prévint  :  il  l'avoit  fuivi ,  &  campoit 
aux  environs  de  Ramla  :  il  apprit  par 
des  transfuges  le  deflêin  de  Richard , 
&  craignit  en  effet,  que  les  Francs 
maîtres  d'Afcalon,  ne  luifermaflent  la 
communication  de  l'Egypte.  Il  vou- 
lut jétter  de  bonnes  troupes  dans  cette 
place  pour  la  défendre  >  mais  les  Emirs 
lui  repréfentérent   qu'après  tous  les 
maux  qu'on  avoit  foufferts  à  ProJé- 
maïs,  &  le  maffacre  de  tant  de  Mu- 
fulmans ,  les  Soldats  auraient  de  la 
peine  à  fe  renfermer  dans  une  autre 
ville ,  qu'il  valoit  mieux  tenir  fa  cam- 
pagne ,  obferver  l'ennemi ,  &  réunir 
toutes  les  forces  de  l'Iflamifme ,  pour . 
le  traverfer  dans  fes  en treprifei ,  &  le ; 
détruire  peu  à  peu  par  dé  petits  com-         * 
bats  ;  que  la  feule  ville  qu'on  devoir 
fortifier  &  garnir  d'une  nombreufe 

tarnifon  étoit  Jérufalem  qui  feroit 
jeatôc  aflîégée  $  que  >  fi  on  affbihlif- 
Ddij 


jitf.  Histoire 

foie  l'armée  en  ladivifant,  on  côurolt 


jVl;  i  i  •?'.  ri^clue  ^  ne  pouvoir  jamais  réparer 
••«  •  les  pertes  qu'on  avoir  faites  ;  que  pour 
Afcalon  &  les  autres  Places  voifines, 
au  lieu  d'y  mettre  de  nouvelles  trou- 
pes, il  falLoit  en  faire  fortir  les  Sol- 
dats &  les  Habitans,&  les  démolir 
pour  ôrer  aux  Chrétiens  l'efpérance  de 
s'y  retrancher  ,  &  qu'on  pourroit  d'ail- 
leurs en  relever  les  murailles  &  les 
maifons,  après  le- départ  des  Croi- 
fés. 

SalacHn  entraîné  à  ce  dernier  avis» 
ordonna  à  fon  frère  Adel  d'amufer 
Rjchard  par  de  feintes  négociations  9 
afin  de  lui  cacher  la  réfolution  qu'on 
avoir  prife  ,  &  de  donner  aux  Tur- 
komansdont  on  avoit  follîcité  les  fe~ 
cours,  le  tems  d'arriver,  &  prit  la 
route  d' Afcalon  avec  un  gros  détache- 
ment de  cavalerie.  Dès  qu'il  fut  acri-       [ 
vç  à  la  vue  de  cette  Place,  il  frémit 
flbtoueda.     du  deflein  qu'il  alloit  exécuter,  Afca- 
lon que*  les  Ara&es  appelloient  l'é- 
paufe  de  la  Syrie ,  étoit  grande  ,  ri- 
che ,  peuplée,  bien  bâtie  &  aflez  fortç. 
x  Le  Sulthan  campa  dans  le  voifinage. 
U  fut  agité  pendant  toute  la  nuit ,  & 
ne  prit  aucun  repos.  Le  lendemain 


bt    S^LADIH.  L  IV.  XII.     J17 

étant  monté  à  cheval,  il  continuoit  (à 
marche  ,  lorfque  jettant  les  yeux  fur  £*£  f** 
cette  ville ,  il  s'arrêta ,  gémit  &  garda 
quelque  rems  un  morne  filence:  il  die 
énfuite  aux  Officiers;  qui  l'envirort. 
noient:  uMes  enfans  me  font  très-» 
*>  chers ,  cependant  j'aimerois  mieux 
s»  les  perdre  que  d  oter  une  feule  pierre 
*de  cette  ville  ;  mais,  fî  le  bien  de  la 
n  Religion  Se  de  mes  Peuples  exige  ce 
ufacrifice  ,  je  le  fais  fans  regret.  *  v 
Après  avoir  proféré  ces  paroles  >  il  in- 
terrogea les  Imams  &  les  Cadhis ,  fi  la 
ruine  d'Âfcalon  étoit  abfolument  né- 
«ffâire.  Les  Prêtres  Se  les  Doâeurs  de 
la  Loi  répondirent  affirmativement^ 
»I1  faut  donc  obéir  aux  ordres  du 
jfCiel  ,  dit  Saladin:  «il  fit  fîgnifiet 
dans  l'inftant  aux  Citoyens  devuidet 
la  place.  Ces  malheureux  vinrent  fe 
jetter  a  fes  pie<!s ,  &  demander  grâce 
pour  leur  Patrie.  Le  Sulthan  fut  atten- 
dri de  leur  fort ,  &  ne  put  l'adoucir  : 
il  leur  fitdre(Ter  des  tentes  où  ils  fe 
rendirent  avec  leur  famille  défolée  Se 
une  partie  de  leurs  effets. 
.  Enfuke  cm  travailla  fans  relâche 
pendant  plufieurs  jours  à  renverfer  fes 
murailles;  mais  comme  on  perdoit 

Ddiij 


$iS  •  HrsToitK 
beaucoup  de  tems  fans  avancer  cet 
Hég.  58> ouvrage  on  mit  le  feu  partout  ,& 
j.  c:  11^1.  ja  ^njn^  con fuma  cette  ville  aupara- 
vant fi  floriflante.  Saladid  donnoh 
l'exemple  &  portoit  comme  un  (impie 
Soldat  ,  des  matières  combpftibles. 
Une  tour  très  élevée  &  placée  fur  la 
mer  ne  put  être  ni  brûlée  entière- 
«ment ,  ni  démolie, à  caufe  de  (à  for- 
ce. Le  Suhhan  alla  vifiter  Ramla  Se 
jLidda.  Chacune  de  ces  villes  avoit  une 
forterefle  dent  les  Chrétiens  pou  voient 
fe  rendre  maures  ;  il  les  fit  détruire 
également,  ainfique  la  Citadelle  de 
Nitroun ,  rejoignit  Ton  armée  ,  la  quit- 
ta pour  aller  examiner  la  firuation  de 
Jérufalem  ,  y  fit  entrer  des  Soldats  , 
des  armes ,  des  :  provisions ,  ordonna 
quelques  ouvrages  &  revint  dans  fon 
camp/ 

Dans  le  tems  que  les  Mufulmans 
demoliflbient  les  villes  d'Afcalon ,  d$ 
Ranjla,  de  Lidda  ,  de  Nitroun ,  les 
Chrétiens  réparoient  &  fotrifioient 
Joppé  &  Cétarée.  Dans  cette  éfpécê 
de  repos ,  Richard  par  Ton  impru* 
dence ,  penfa  perdre  avec  la  vie  ou  la 
liberté,  le  fruit  de  toutes  fes  conque* 
tes.  Uu  jour  ayant  chaffé  jufques  au* 


•  e  Sàdàbun.  L iv. XII.   jty 

près  de  Ramla  où  campoient  les  enne- 
mis, il  fe  coucha  accablé  de  fatigues  j^f^î 
au  pied  d'un  arbre  ,  &  s'endormit.  À  * 
peine  eut-il  fermé  les  yeux ,  qu'il  fut 
réveillé  par  les  cris  du  peu  de  person- 
nes qui  l'accompagnaient.  En  effet,  H  Bann- 
ie vit  environné  par  une* multitude  de 
Sarrazins.  Richard  monte  à  cheval» 
&  fe  défend  avec  fa  petite  troupe  ; 
mais  ilalloit,  malgré  fa  bravoure» 
fuccomber  fous  le  nombre  ;  lorfque 
Guillaume  de  Porcellets  (4)  Gentil- 
homme Provençal  qui  cômbattoit  à 
fes  côtés  ,  effrayé  du  danger  de  ce 
Prince ,  s'écrie  en  Langue  Arabe ,  Ji 
fuis  le  foi  >  épargne*,  m*  vie  ,  &  court 
dans  la  plaine.  Tous  les  Sarrazins  fe 
réufiiiîent  contre  lui  ,  tous  veulent 
nvoij:  part  à  la  .gloire  de  le  faire  pri- 
fonnier  :  on  le  <pourfuit  ,  tandis  que 
Richard  fe  fauve  à  Joppé.  Ce  'brave 
Officier  fat  prfc  &  iamené  à  Sahidin, 
oui  lomdele  punir,  donna  de  grands 
éloges  à  dette générosité. 

"'  '    »        >  ■■ .  .    •.,..;>»>...... — 

{a)  Guillêltriusdê  Purcell/s  ou  deforeelliU 
Je  ne  fçais  pourquoi  Rapin  de  Thoiras  a  tra- 
duit ce  mot  par  celui  de  D*ffri*ux.  La  fa- 
mille de  Porcellets  fubfifte  en  'Provence  & 
n'a  point-dégénéré* 

•  d  111; 


3*0  H  i  s  Tcrinrr 

Cependant  Conrad  vivement  irriter 
J^cVi^.  contre  ''e  &°l  d'Angleterre  qui  lui  a  voit 
ravi  Çx  part  du  butin  fait  à  Ptolémaïs* 
&  qui  le  menaçoit  de  lui  enlever  Tyrr 
réfoluc  de  fe  venger  de  ce*  outrages 
d'une  manière  éclatante ,  en  Ralliant 
avec  les  Infidelles  r&  contre  Richard 
fon  ennemi ,  &  contre  les  Francs  qu'if 
accufoh  d'ingratitude.  It  promit  au 
Sukhaa  de  faire  la  guerre  a  ces  der* 
niers  ,  &  de  fur  prendre  même  Proie- 
maîsyfi  on  lui  cédoit  Bérouc  8c  Sf± 
don  »  &  qu'on  le  défendît  courre  le* 
forces  des  Croifés,  Saladm  ayant  lieir 
de  fe  défier  de  la  bonne  foi  des  Chré- 
tiens ,  après  tant  d'infra&îons,  répon- 
dit qu'il  acceptait  la  proposition  d<* 
Marquis,  mais  qu'avant  que  de  M  ft- 
vrer  ces  deux  Places ,  it  exigeait;  que- 
ce  Prince  donnât  la  liberté  aux  prifon* 
*iers  Mahométans ,  &  fe  déclarât  ou- 
vertement  contre  les  Francs,  La  dé- 
marche de  Conrad  ne  put  être  aflëi 
fecrette,  pour  que  Richard  n'en  fût 
pas  inftnm  :  il  craignit  les  fuites  dV 
ne  telte  alliance ,  partit  la  nuit  pour 
Ptolémaïs  oiï  il  mit  une  bonne  garni- 
fon  pour  la  garantir  de  toute  furprife* 
&  députa  quelques  Officiers  au~Ma&t 


JfrB  Sx  LAD  IN.    ttv,ÏÏÏ.  $tf 

^fuis ,  pour  le  ramener  à  l'intérêt  com- 
mun. Conrad  &  Richard  feignirent  **£  ***£ 
de  fe  réconcilier  te  gardèrent  toute 
leur  haine.  Le  demie*  revint  a  Joppé* 
&  travailla  férieuferHem  à  conclure  la 
paix  avec  les  Sarrazins  ,  afi»  de  pr&- 
venir  les  deffeins  funeftes  du  Marquis* 
qu'il  étoit  bien  réfolu  de  punir  de  cette 
rrahifoti. 

Il  avoît  déjà  çxx  plufieuitf  conféra** 
ces  avec  Adet  :  il  envoya  cetee  fois  art 
Sulthan  un  Ambafladeur  a*e*  une* 
Lettre  dans  laquelle  après  avoir  d&~ 
pioré  les  malheur*de  la  guerre ,  il  pro~ 
pofoir  trois  condition»  auxquelles  i$ 
confencoir  de  foire  ter  paix.  » Vou* 
irnous  xeftituere* ,  «Kfote-il,.  leseon^ 
y* trées  fowées .  en- deçà  du  Jottf  dahr, 
*îl  ne  nous  eff  pas  permis  de  vous  cé~ 
*der  Jérûfalem  cette  vilfe  feinte  oiï 
*  fe  font  actomplitles  myftére&de  no- 
*tre  Religion  ,  Se  que  tousies*  Chrc* 
w  tiens  çmt  fait  vœu*  de  délivrer  a» 
»  prix  de  leur  fang-  Quant  à  fa»  croix  r 
»  que  vous  regardez  comme  un  bote 
*vil  &  méprifable  »  &  pour  laquelle 
w  nous  avons  tant  de  vénération: ,  vou*  , 
»devez  auflî  nous  l'a  rendre.  »Le$ 
»pays  que  vous  revendiquez,  cégootr 


5  ri  •  Histoire   . 

Hég.  ■çS7##dit  Saladin ,  ne  vous  ont  jamais  ap- 

j.  cvn<?i  .*  partenu  :  Dieu  ne  vous  a  voit  pas  per- 

-•>  mis  d'y  placer  une  feule  pierre.  Vous 

,»  les  avez  envahis  par  la  fbibleffè  des 

^Mufulmans  nos  prédécefleurs.    J&- 

»rufalem  n'eft  pas  moins  réputée  ville 

»(ainte  parmi  nous  que  parmi  vous. 

»Ceft  delà  que  notre  Prophète  eft 

»  monté  miraculeufement  au  Ciel , 

»  pendant  une  nuit  :  (a)  c*éft  là  que  les 

to  Anges  ont  coutume  de  saflembler. 

*»Nous  ne  pourrions  (ans  ctime  vous 

»  abandonner  cette  ville  refpe&able. 

»  Enfin  votre  croix  eft  pour  nous  un 

»  objet  de  fcandale  :  elle  outrage  & 

«9» déshonore  la  Divinité,  &  nous  ne 

»  ta  rendrons  Jamais  à  votre  culte ,  s'il 

m  ne  refaite  <de  ce  facrifice  un  grand 

»  bien  pour  Mflamifme.  « 

Les  propositions  de  Richard  ayant 

donc'  été  rejettées ,  ce  Prince  en  fit  de 

nouvelles,  &  fçut  mêmfe  intéïeflTer  à 

*     la  ôondlufion  de  là  paix  -dû  fi  Ton 

*eut  fçut  tromper  Malefc£KA<!el  dont 

AbouUFcd.    \\  flattoit  l'ambition.  En  effet,  folt 

[a)  Le  Mérage.,<  Mirage  ou  TAfcenfioii 
de  Mahomet,  r  oyez  la  mte  du  Livre  vin. 
t*g*  **.  •  *  '      • 


»e  Saladin.  L iv.  XII.  51J 
qu  il  agît  de  bonne  foi ,  foit  qu'il  cher- 
chât à  gagner  du  tems,à  fe  faire  un  ap-  f^'J^ 
pui  du  frère  de  Saladin  ,  &  à  opppfer  *  ^ 
des  obftacles  à  la  négociation  enta- 
mée par  le  Marquis  de  Tyr ,  il  offrît 
4en  mariage  au  Prince  Muiulman ,  (a 
fœur  Jeanne  ,  veuve  de  Guillaume 
Roi  de  Sicile ,  laquelle  par  une  defti*  m 
née  étrange ,  après  avoir  paffè  une* 
partie  de  la  vie  fur  le  trône,  l'autre 
dans  une  prifon ,  pen(a  devenir  Sut- 
thanedePaléftine.  Il  demandoit  que 
Saladin  cédât  à  Malêk-Adel ,  en  fa- 
veur de  cette  union  ,  tout  ce*  que  les 
Mahométans  poffédoient  du  Royau- 
me de  Judée ,  Se  promettait  de  faire 
céder  aux  Francs  rout  ce  qu'ils  en  re- 
tenoient  encore.  Les  deux  époux  au- 
roient  gouverné  la  Paleftine  fous  les 
titres  de  Roi  &  de  Reine  de  Jérufa- 
•lem.  Les  Chrétiens  &  les  Mufulmarrs 
auroient  partagé  entr'eu*  toutes  les 
villes,  &  vécu  en  bonne  intelligence.  ~ 
El-  Aiti  trouva  ce  projet  fi  avantageux 
pouc*fa;fortunie,  qu'il  vint  à  bout  de 
le  faire  approuver  par  fon  frère ,  quoi- 
que le  Srilthan  traitât  hautement  cette 
idée  de  chimère 

Mais  lorfqu  on  en  vint  à  Texécu^ 


£*4  ttîSTÙltt 

'tion,on  rencontra  plus  de  difficile 
Hé*  587.  qu'on  n'inaftginoit.  La  Princefle  indl- 
l4CtlÈ9i  gnéeprdtefla  cjaelle  ne  recevrait  ja- 
mais dans  (on  lit  un  Iofidette.  Ri- 
chard tâchai  de  Pappaifer ,  en»  lui  fai- 
sant efpéttr  qu'Âdel  embraSeroit  là 
Religiort  Chrétienne.  Cette  ratfon  ne 
fut  calmer  les  murmures*  des  Prçtre* 
*  qui  fe  récrièrent  contre:  une  telle  al- 
liance f&  déclarèrent  qu*avaftt  que  de 
la~conclure  ,  il  Falloit  confulter  le  Pa- 
pe ,  fans  le  confememeitt  duquel  une 
veuve  félon  l'otage  de  ce  teiris  *  ne 
jtouvoïrfe  renafariet.  Le  Roi  d*  Angle* 
terre  fit  dire  à  Saladin ,  qu  il  aïloit  ert- 
toyer  a  Rome  j  que  {île  Pontife  ne 
blâmoit  pas  cette  urtion ,  ctt  garderok 
tes  conditions  arrêtées*  &  que  fil* 
féponfe  n'étoït  pas  favorable,  il  don* 
neroit  au*  mêmes  conditions  à  Ma* 
Jëlc-el-Âdéf  oneaatre  de  fe$  feeurs  eo- 
core  filïe,  parce  que  les  Papes  qui  fe 
mêlaient  du  mariage  des  veuves  s  nV 
voient  aucun  droit  fur  celui  des  filles. 
De  fon  coté  Cortradprelfoit  la  cor* 
clufïon  du  Traité  partîaiïïer  qull  vout 
loit  former  avec  Saladin,  Sort  deflein 
n'étoît  plus  fi  coupable:  car  s'il  unif- 
foie  Ces  armes  avec  celles  des  Sacra* 


f>c  Saladin.  Liv.XII.   515 
«rns  ?cc  n'étoit  que  contre  Richard  fon  J 

-ennemi  déclaré;  &  le  Duc  de  Bour-    "^j'îî 

f;ognè ,  les  Templiers ,  les  Allemands, 
es  Génois  favorisant  en  fecret  cette 
négociation  ,  la  cendoient  moins 
odieufè.  Le  Prince  de  Sidon  exerça 
lui-même  les  fonftions  d'Ambaffa- 
deur  du  Marquis  de  Tyr,  auprès  du 
Siilthan,  tandis  que  le-Prioce  Hon-  '* 
froi  du  Thoroii  rcmpliflbk  le  niême 
emploi  au  nom  du  Roi  d'Angleterre. 
Saladin  nourriflok  cette  divifion ,  erç 
donnant  des  efpérances  flatteufes  au* 
deux  Partis  qui  Te  dctrui&knt  l'un 
l'autre. 

Cependant  xm  petfdoît  inutilement 
il»  tems  précieux.  Les  Croifés  occupés x 

Î>ar  Richard  à  rebâtir  Joppé  &  Afca- 
ons  murmuroient  contre  ce  Prince,  \ 
Ils  fe  foumettoient  avec  peine  à  ce* 
travaux ,  &  prétendaient  n'être  point 
venus  dans  la  Paleftiae  9  pour  creufer 
des  foffés  &  élever  des  murailles  /mais  ; 
pour  combattre  les  Infidelles ,  &  déli- 
vrer les  lieux  faints.  Plufieucs  reparte- 
rent  la  mer ,  d'autres  allèrent  à  Tyr  ; 
tous  demandoient  qu'on  les  menât  à 
Jérufalem.  Richard  forcé  par  leurs  cris 
le  mit  enfin  en  campagne ,  &  vint  juf- 
ques  à  Ram  la,  comrrçe  s'il  eut  eu  envie 


$i6  Histoire 

d  afltéger  la  ville  fainte  :  mais  ayant 
jSiÎJ:  affemblé  le  Confeil deguerre ,  les Of- 
'  ficiers  repréfentérent  que  la  faifon 
étoit  trop  avancée  pour  une  celle  en- 
treprifè  -,  que  Saladin  ayant  dévaftc 
tout  le  pays  ,  on  trouverait  difficile- 
ment de  la  fubûftânce  ;  que  Jcrufalera 
étoit  munie  de  bonnes  troupes  &  de 
•provifions ,  qu'il  éroit  téméraire  d'aï* 
1er  l'attaquer  pendant  l'hyver  tà  la  vue 
d'une  armé£  nombreufe;  qu'il  valoit 
mieux  continuer  les  ouvrages  de  Jop- 
pé  6c  d'Afcalon ,  pour  en  faire  deux 
places  fortes ,  &  remettre  au  printems 
prochain  le  fiége  de  la  fainte  Cité. 

-  Richard  parut  céder  à  cet  avis  ,  8c 
revint  fur  fes  pas.  Alors  lés  déferrions 
furent  encore  plus  fréquentes.  Les 
Chrétiens  fe  di  (perlèrent.  Les  uns  al- 
lèrent avec  le  Roi  à  Afcalon,  d'autres 
à  Joppé ,  d'autres  à  Ptolémaïs ,  &  plu- 
fieurs  à  Tyr.  La  difcor'de  qui  régnoit 
parmi  eux ,  ralluma  fes  fureurs.  Les 
Génois  &  lesPifans  eurent  enfemble 
un  démêlé  très-vif:  ils  en  vinrent  aux 
mains  dans  la  plaine  de  Ptolémaïs. 
Conrad  prit  le  parti  des  premiers ,  les 
féconds  appellérent  à  leur  fecours  le 
Roi  d'Angleterre  qui  termina  ctf  diffé* 
rend ,  en  forçant  par  fon  approche  les 


de  Saiaoik.  Lîv.XII.  527 
Génois&leMarquisdeferéfugietàTyr.  "!??B^r 
Cependant   Saladin    n  ayant  puis    j,u,l^ 
rien  à  craindre  des  Chrétiens ,  aflîgna 
des  quartiers  d'hyver  pour  fes  troupes. 
Avant  que  d'en  féparer  les  Chefs ,  il 
tint  un  Divan ,  pour  fçavoir  avec  le- 
quel des  deux  Princes  de  Conrad  ou 
de  Richard ,  on  feroit  alliance.  Son  : 
avis  étoit  de  les  amufer  l'un  &  l'autre  , 
&xle  n'accorder  Ja  paix  à  aucun.  »  Cet-  . 
»  te  paix ,  difoit-il ,  ne  feca  point  ob- 
n  fervée  par  nos  Ennemie  ,  &  fi  je 
»  viens  à  mourir,  ils  envahiront  de 
»  nouveau  la  Paleftine.  Leurs  forces 
»  fe  détruisent  d'elles-mêmes,  bientôt 
»i!s  ne  feront  plus  en  état  de  nous  ré- 
»  fifter.  L'iflamifme  pourra  déformais 
>»a(Tembier  difficilement  une  armée 
it  auffi  puiflante  que  la  nôtre.  Profit  . 
>»  tons  de  l'occafion.  Ne  quittons  point 
»Les  armes  que  nous  -n'ayons  chaffé 
»  entièrement  les  Francs  de  la  Syrie.  « 
Les  Emirs  opinèrent  différemment  Boha-si. 
Ils  bbfervérent  que  les  Soldats  fati- 
gués d'une  guerre  aufïï  longue ,  brû- 
loîenç  d'impatience  de  retourner  dans 
leur  Patrie ,  &  ne  fervoient  plus  avec  • 
le  même  zélé*  qu  une  terreur  panique 
s'étoit  emparée  de  leur  efprit$  qu'il. 


Ç2«  HliTOI*.* 

'  falloit  leur  procurer  un  repos  après  le? 

iHtt  *'*  W*^  *'s  f°upiro^eilt  depuis  iongtems, 
'  Âf"qac  les  principaux  Officiers  étoient 
morts,  que  la  plupart  des  villes étoient 
défertes,  que  l'Eut  étoit  épuifé  d'ar- 
gent >  &  qu'on  fourniront  difficilement 
au  frais  d'une  nouvelle  Campagne; 
.que  le  Traité  propofé  par  Conrad  étoit 
impraticable  ;  que  jamais  les  Muful- 
mans  &:  les  Chrétiens  n'agiroient  de 
.  concert  &  de  bonne  foi,  &  que  dans  le 
choix  ,  on  devoir  conclure  avec  Ri-  • 
chard  $  qu'on  pourroh  cependant  com- 
prendre dans  les  articles  ,  les  intérêts 
du  Marquis  de  Tyr  &  même  ceux  du 
Prince  d'Antiocne ,  &  parvenir  par 
ce  moyen  à  une  paix  générale. 

Saladin  ayant  congédie  fon  armée , 
fe  rendit  à  Jéruiàlem ,  emmenantavec 
lui  les  deux  Ambafladeurs.  Pour  fe 
conformer  à  l'opinion  de  /on  Divan  # 
il  eut  placeurs  conférences  avec  Hon- 
froi  du  Thoron  ;  mais  ne  pouvant  rien 
terminer,  avec  lui,  parce  que  le  Rot 
d'Angleterre  n'avoir  point  encore  reçu 
la  réponfe  du  Pape ,  &  varioit  tous  les 
jours  dans  les  conditions  de  la  paix , 
le  Sutthan  menacé  d'une  guerre  étran- 
gère ,  do^it  nous  parlerons  dans  le  Li- 
vre 


fit  Saladih»  Lxv.  XII,  ji9 

*re  fcivant  ,  conçlud  enfin  avec  le 
Marquis  de  Tyn  »  Oaftipula,  qu'on  jH%Vtj£ 
»  rendroit  au  Prince  de  Sidon ,  fâ 
^Principauté,  aux  Templiers  &ç  aux 
»  Hofpitalicrs  les  fonerefles  qu'ils 
apofledoient  précédemment  ;  qu'on 
m  abandonnerait  à  Conrad  les  villes 
tiqull  enleveroit  aux  Chrétiens  %  que  fi 
pies  Mufulmans  laidoient  dans  ces 
*»  conquêtes ,  ils  ne  reeten<£r oient  pour 
»  eux  que  le  butin  ;  enfin ,  qu'Afcalon 
»  n'appartiendrait  à  aucun  des  deux 
»  Partis  &  feroit  détruite. 

Ce  Traité  fut  confirmé  de  part  & 
d'autre  par  la  foi  du  ferment  ;  mais 
«ne  mort  violenre  prjva  Conrad: des 
avantages  qu'il  alloît  en  retirer»  Ce 
Prince  avoir  dîné  cher  l'Evêque  de 
Beauvais  :  il  Rit  attaqué  en  fortant  par 
deux  affaffins  qui  retendirent  fur  la 
Place.  Les  cris  de  Pindignation  publir 
que  acculèrent  Richard  de  ce  meurtre, 
ïur  touc,,loffqu*in>médiatemeBt  après  > 
il  s'empara  de  Ty  r ,  &  fit  époufer  à  font 
neveu  le  Comte  de  Champagne ,  Ifa_ 
belle  veuve  du  Marquis.  (*)  En  efFet  f 

(a)  Conrad' fut  aflaffiné  le  Mardi  ;  &  le  jeu* 
dHtichard  maria  ïfâbelle  avec  le  Comte  Se 
Cfiampagne. 

Tom  IL  Et 


3JO  HfSTOTH! 

la  maiigmté  des  hommes  croit  auteur 
Hég.  ^g  do  crime,  celui  à<jai  le  cri  me  eft  utile. 
j-ci^i-L'Hiftorien  Arabe  dit,  que  ces  deux 
fcélerats  avouèrent  dans  les  tourmens, 
qu'ils  avoient  été  fufcités  par  le  Roi 
d'Angleterre.  Ce  (ait  eft  contredit  pat 
les  Ecrivains  Anglois,  qui  prérendent 

2 ne  le  Vieux  de  la  Montagne  avoit 
ikàflàflïner  le  Marquis,  pour. ven- 
ger uhe  querelle  particulière.  On  Ht 
dan&les  aâes  publics  ,  (a)  une  Lettre 
de  ce  Chef  de  barbares  dans  laquelle 
il  juftifie  Richard;  mais  cette  Lettre, 
enrr'autrês  cara&éres  de  fuppofkion  f 
porte  la  datte  du  Pontificat  du  Pape. 
Certainement  le  Schéik  qui  fçavoît  à 
peine ,  s'il  exiftoît  un  Pape  dans  te 
monde,  ne  devoit  pas  fçàvoir  le  nom 
de  ce  f*ontife,encore  nioins  Vannée  de 
ion  exaltation.  Quoi  qu'il  en  (bit ,  Rî- 
ebard  ne  put  étouffer  ces  foupçons  in  ju- 
ftemk  fa  gloirél'Le  brilît  le  répandit 
jnême  alors  qui!  âwk  acheté  à  prix 
d*argetà ,  du  vieux  delà  montagne  ;  la 
mort  de  Philippe  Àugufte;8rque  dfau* 
très  aflkffiu*  partis  de  la  Pàleftine  al- 
leient  en  Europe  confommer  cet  atten- 

(a)  Totn.  i.  p.  71. 


de  Sàiàbin,  L iv. XII.    531 

tôt  horrible.  La  France  fut  allarmée  à 
cette  fauffe  nouvelle  :  Philippe  porta  /^"^ÎJj 
toujours  en  main  depuis  une  grotte 
tnafliie,  pour* défendre  (a  perfonne: 
On  établit  une  garde  de  Sergens  d'ar- 
mes 5  &  c  êft  ici,  là  première  origine 
d'une  garde  pour  nos  Rois  de  la  troi* 
fiémerace. 

•  La  mort  de  Com? ad  changea  la  face 
des  affaires.  Richard, derenu  maître 
abfolu  des  Francs  exerça  d'abord  fon 
autorité  fans  contradiction.  La  Palefc 
due  lui  obéit  en  murmurant.  Lufi- 
gnan  dont  les  droits  étoiènfc  méprifés  ; 
le  Duc  de  Bourgogne  mécontent  du 
Roi  d'Angleterre ,  le  Due  ou  le  Comte 
d'Autriche  plufieurS  fois  outragé  par 
ce  Moiurque,  tes  Barons  Syriens  i 
les  Templiers,  les  Génois  ,  tes  Aile-» 
maftds,  tout  fe  fournit.  Honfroi  du 
Thoron  mime  continuoit  à  remplir 
les  fondions  d'Aitibafladeur \  quoi- 
qu'on lui  enlevât  tine  féconde  fois ,  fa 
femme  la  Princeffe  Rabelle  dent  il 
étoït  indigne  pat  fa  fbifelefîe ,  &  qui 
éroit  indigne  dé  lui  par  ce?  maria- 
ges indécens  Se  fans  doute  crimi- 
nels. Richard  pfrôfitaw  dé  t'étoiine- 
lîientoù  la  Syrifc-étôfe  plongée  &  4à 


33»    .*       HitToiftf    - 

h^,,c58i  la  di fpeifo»  des  troupes  Mufulmatfesy 
j.c.  u^t.  va  invertir  Daroum  Place  force  for  le$ 
confins  de  la  Palettise  du  côté  de  l'E- 
gypte %  la  prend  daflaut ,  (aie  pafler  une 
partie  des  babitans  au  fil  de  Tépée* 
jette  les  autres  dans  des  cachots ,  fe 
rend  maître  de  Magdal  voiûne  de 
Joppé ,  &  de  plufieurs  autres  forteref- 
fes  ;  &  ayant  râtfemblé  tous  le  Francs , 
il  s'avance  jufques  à  Beth-novis  oïl 
Bethenople ,  Heu  éloigne  d'une  joug- 
née  de  Jérufalem ,  feignant,  de youloic 
afliéger  cette  ville  >  &  Faifànt  jouer  de* 
xefforts  fecrets  pour  détourner  cette 
expédition* 

Dans  le  tems  qu'A  cirapoit  à  cet  en* 
droit,  des  Arabes  Bédouias,  traîtres  à 
f  Ifl^mifme  &  fidelfesà  leurs  fculs  in- 
térêts, l'avertirent  que.  la  cacavanne 
d'Egypte  doit  arriver  le  même  jour  à» 
peu  de  diftanee,  &  lui  indiquent  le* 
,  uïoyensdelafurprendred^osrefpéran- 
ce  d'avoir  part  au  butin;  Richard  fedé» 
guife  en  BédafJii^mairche,pendâat  le  fi- 
lence  de  la  nuit  avec  ce*  Arabes  ,ac- 
compagnéde  quelquesOfficiers  affidés* 
rencontre  la  caravanne ,  en  parcoure 
tous  tes  rangs  ,  à  la  faveur  de  fon  tca^ 
teûiiTeiçieiu  &  de  l'obfourité»,  rejoint 


*s  Sàlàdih.  Liv.XÏÏ.  JJJ 
41a  hâte  Ton  armée»  fait  monter  à' 
cheval  faCavalerie  légére*&  vient  fon*  £*?•  j£* 
,  dre  à  la  pointe  4» jour ,  fur  cette  muK 
titude  de  marchands  qui  foyent  &£ 
abandonnent  leucs  rîcheffes.  Cette  ac- 
tion lui  valut  autant  qu'une  conquête  s 
il  prit  trois  mille  chameaux  char-' 
gés  de  t refors  de  toute  efpëce ,  fix  cens; 
chevaux  &  fit  trois  cens  prifonniers  £  . 
il  renyra  ve*s  le  midi  dans  Ton  camp 
en  triomphe,,  traînant  après  lui  cette 
proye  imraenfe- 

Sahadin  ayant  appris  1  aflaiïînar  dtë 
Marquis  de  Tyr  &  les  premières  in»- 
curfions  de  Richard  ^  dépêcha  des  cour- 
tiers dans  les  Provinces ,  pour  hâter  le* 
retour  de  fes  troupes  ,  Se  mit  en  cam-* 
pagne  celles  qui  lui  reftoient.  Il1  pré- 
voyoit  bien  que  les  Francs  réuniflanC 
leurs  forces,  viendroient  attaquer  Jé- 
rufalem  :  il  demeura  dans  cette  ville* 
pour  la  préparer  à  une  vigpureufe  dé- 
fend; if  ruina  tous  les  environs,  en-r 
leva  les  vivres  &-.  les  habitant  de  la> 
campagne  ^corrompit  tes •  eaux  de^ 
citernes  &  des  puits ,  les  feules  qu'on; 
trouvât  dans  ce  Pays  ftérile ,  plaça  des 
corps  Âe  garde  îdans  les  défilés  &  fuc 
les  montagnes ,  &  répara  les  fortifica^ 

i 


5J4  H'istoih» 

rions.  Cependant  les  Généraux  aver* 
j.  cf  i\9x\  tis  du  péril  arrivoient  fucceflïvemenr 
jwa.  de  leur  quartier  dityter.  Lès  Francs 
ayant  ravagé  Pancienne  Provinée  des 
Philiftins  s'avancèrent  vers  Jérusa- 
lem. 

Dans  ce  danger  preflant  le  Sulthan 
conduisit  tous  les  Emirs  dans  la  grande 
•mofquée,  où  après  les  prières  ordinai- 
res ,  il  les  fit  jurer  fur  la  pierre  de  Ja- 
cob ,  de  ne  point  abandonner  Ut  eau* 
fe  de  la  Religion ,  leur  citant  l'exemple 
de  Mahomet  qui  dans  une  Semblable 
circonftance,èxigea  le  même  ferment. 
*id.  Après  cette  cérémonie  ,  il  les  aflem- 
bla  dans  (on  Divan.  Lorfque  tous  eu- 
rent pris  leurs  Places,  Saladin  garda 
quelque  tems  le  Silerice ,  &  dk  en- 
hiice.  »  Vous  êtes  aujourd'hui  le  feul 
»i  boulevard  de  riflamifme.  Le  fort  dès 
»MufuImanst  leurs  biens ,  lettt  vie  ,• 
"leur  liberté,  leurs  femmes,  leurs 
rt'enfahs,  tout  eft  entre  vos  mains. 
*i*Vous  allez  décider  du  falut  de  TEnr- 
9i  pire  &  de  la  Religion.  Si  vous  mon*' 
»  trez  de  la  foiblefle ,  ce  qu'à  Dieu  ne 
*ip!aife  ,  notre  ennemi  engloutira 
i»  fous  fa  puiffance ,  ces  Pays  que  vous 
>i  vous  0 tes  chargé  de  défendre  au  prix 


# 


De  Saladik.  L iv. XII.  5)5 
t*  de  votre  fang.  Ce  feroit  en  vain  que 
tt  nous  aurions  épuifé  nos  rréfors  pour  "^  { *  J* 
t>  cette  fainte  entreprife-  Toutes  les 
*>  Provinces  de  riflamifme  mettent  en 
•wons  leur  efpoir  8c  attendent  '  leur 
m&aué  de  vôtre  bravoure.  « 

A  peine  eut-il  pix>noncé*ces  mots , 
que  Mefchtoub  >  ce  Général  célèbre 
•qui  avoit  footenu  !e  fiége  de  Ptolé- 
maïs,  &  sétok  récemment  fauve  de 
prifon,  {4)  "feîeva  &  dit  :  »  Sulthan , 
#>  tu  es  notre  maître  &  nous  fofrîmes 
ti  cous  tes  efclavcs  :  nourris  ,  entrete- 
•>  nus ,  enrichis  par  tes  bienfaits ,  tirés 
wde  la  poufliére  pour  être  élevés  aux 

(*)  Il  étôit  enfermé  à  Ptolémaïs  dans  u« 
cachot  où  on  lui  refijfoit  même  la  fubfiftance  : 
ilfe  fauva  la  nuit  par  le  trou  des  latrines  :  il 
attacha  fes  habits  a  la  corde  dont  il  «toit  lié , 
&  fe  gliflà  par  ce  moyen  du  haut  d'une  Tour  ; 
mais  cette  corde  étant  trop  courte,  il  Te  laiffa 
tomber  dansïgroJjfé  :  il  feblefla  légèrement 
&  fe  traîna  fur  Mine  montagne  voifine ,  où  il 
demeura  caché  tout  lé  jour.  La  nuit  il  conti- 
nua Ta  route  ,  fit  un  grand  détour  pour  éviter 
d'être  pris ,  alla  de  montagnes  en  montagnes  , 
s'arrêtant  dans  des  cavernes  le  jour, &  mar- 
chant la  nuit  :  il  arriva  enfin  demi  nud  à  Jéru- 
faiem ,  où  Saladin  le  reçut  avec  la  plus 
grande  joie»  ,  * . 


»  honneurs,  rien  ne  nous  apparti'emr 
^a  iî$*#  "^  IK)5  «&»Mioqi»  1»  dévouons  i 
*too  forvice^  Je  jure ,  qu'aucun  de 
»  nous  ne  ceflera  de  rëtte  fidelle  juf* 
«  91  a  lainort.  #  Tou*  le»  Emirs  ap- 
plaudirent à,  ce  difcour*  &  firent  la  - 
même  ferment.  Rafiiiré  par  ces  témoi- 
gnages^de  zèle,  Saladin ïeur  fie  fervir 
un  graàrf  feftîtt ,  après  lequel  il1  les  in» 
*    terroeea  for  les  mefures  qu'on  devoit 
pendre.  Te*  furent  dfrms  da  laitier 
les  meilleures  troupes  dans  la  ville  > 
tandis  qtfii  irait  avec  fe  refte  au-de* 
▼ant  des  ennemis. 

Mais  le  lendemain,  les  Mameluks 
ayant  appris  la  réfolution  du  Divan-, 
firent  f  epréfenter  à,  Saladin  qu'il?  1» 
défapprouvoient  v  qu'Us  craignoient 
les  mêmes  malheurs  qu'on  avoir  fou£ 
ferts  à  Ptolémaïs  -,  qu'on  devoit  plutôt 
Guider  te  Place  y  réunir  les  troupes  Se 
livrer -bataille  5  qufc  fi  on  remportoit  la 
vidoirç  ,  on  fe  renctroit  facilement 
jnakrectetoHTesks^erres  des  Francs* 
•&que  fi  on  étoic  varneu  en  perdant 
-JéVufalem,  on   (kuveroit  1  armée  £• 

?u*avant  qu'on  ne  poflTédât  cette  vilte  f 
Iflamjïme  avoir  bien  fçu  fe  foutenir 
par  Ces  propres  forces^  &  qu'on  n'avoir 

■       p» 


> 


de  Sâlàdîn,  liv.XIL  jj? 

pas  befoin  de  murailles  ,  quand  on 
lavoir  des  Soldats.  Enfin  ils  ajoutoienc  H%-  ***• 
que  fi  le  Sukhan  perfiftoit  à  vouloir  "  "*** 
défendre  Jérufalem ,  il  devort  y  refter 
lui-même ,  ou  y  laitier  quelque  Prin- 
ce de  fa  famille ,  parce  que  les  Kurdes 
n'étoient  pas  difpofés  à  obéir  aux 
Turcs,  ni  les  Turcs  aux  Kurdes. 

Le  Sulchan  comprit  par  ces  repré- 
Tentations  di&ées  par  la  peur  plus  que 
par  la  prudence ,  combien  peu  il  de- 
voir compter  fur  des  Soldats  encore 
épouvantes  du  fort  malheureux  des 
Habitans  &  delà  garnifon  de  Ptolé- 
jnaïs.  Il  tâcha  d  appaifer  leurs  murmu- 
res &  de  diffiper  leurs  craintes  par  1  ap- 
pas des  récompenses  &  par  l'aflurancô 
d'un  fecours  efficace  :  il  fut  tenté  d'a- 
bord de  s'enfermer  dans  la  ville.  Dé- 
tourné de  ce  deffein  par  fes  Emirs  ,  il 
nomma  un  Prince  de  la  famille,  pour 
commander  en  fa  place.  Ces  précau- 
tions ne  firent  point  cefïèr  les  plain- 
tes du  peuple  qui  paroiflbit  prêt  a  s'en- 
fuir à  Damas ,  tant  on  étoit  effrayé.On 
apprit  en  même  tems  la  perte  de  la 
caravanne  d'Egypte,  Cette  nouvelle 
augmenta  le  trouble,  les  allarmes  & 
les  irréfolutions  des  Mameluks.  Jcru» 


j  3  8  Histoire 

falem  au  milieu  de  cette  confufion; 

jHc5  i\*\'-  euc  ouvert  f*s  portes, fi  les  Chrétiens 
le  fuflent  approchés  des  murailles  ; 
mais  leurs  divifions  éternelles  leur  fi- 
rent manquer  cette  conquête  ,  &  la 
ville  fainte  demeura  pour  jamais  au 
pouvoir  des  Infidelles. 

Les  (accès  de  Richard  ne  l'avoient 
rendu  que  plus  fier  &  plus  odieux.  Le 
riche  butin  fait  fur  la  caravanne  ex- 
cita Fenvie  dans'  tous  les  coeurs.  Le 
Duc  de  Bourgogne  ,  le  Duc  d'Au- 
triche >  les-  François  ,  les  Allemands 
fe  livrèrent  à  leur  reffentiment  con- 
tre ce  Monarque  ,  &  fe  plaifoient 
à  le  contrarier  dans  fes  deffeihs.  Rj- 
xhard  venoit  d'apprendre  que  Ton  frè- 
re le  Prince  Jean  fufeité  par  Philippe 
Roi  de  France  tramoit  en  Angleterre 
une  confpiration  *  &  que  ce  dernier  fe 
préparôit  à  fondre  fur  la  Normandie* 
Il  eut  fouhaité  pafler  précipitamment 
en  Europe ,  pur  fe  venger  &  de  fon 
frère  &  de  Philippe;  mais  il  vouloit 
fauver  fa  gloire  &  affurer  la  fortune 
de  fon  neveu  le  Comte  de  Champa- 
gne, en  faifant  auparavant  une  paix 
honorable  avec  les  Sarrazîns.  lierai-- 
gnoit  les  lenteurs  d'un  fiége ,  &  détour- 
nait l'expédition  projettée  fur  Jérufa- 


de  Saiadik.  Liv.  XII.  Jj9 
lém.  Il  repréfenta  ta  difficulté  de  fub- 
fifter  dans  un  pays  ruiné ,  ftérile ,  &  H*&-  *8£ 
manquant  d'eau  ,  &  de  prendre  une 
*ille  à  la  vue  d'une  nombreufe  ar- 
mée :  mais  moins  il  paroftïbit  porté  à 
cette  entreprife ,  plus  le  Duc  de  Bour- 
gogne &  les  autres  Croifés  en  prêt- 
foient  l'exécution.  Leur  ardeur  ou  plu- 
tôt leur  haine  contre  «Richard  levoit . 
tous  les  obftâcfes.  La  délivrance  du 
Sépulchre  étoit  le  but  de  leur  voyage, 
l'objet  de  leur  voeu.  Ils  demandaient 
à  grands  cris  d'êtte  conduits  (bus  les 
inurailles ,  fe  'flattant  d'emporter  Jé- 
rtifalem  du  premier  aflaut.  Une  fem- 
me Cfarétfenne  les  inftruifoit  de  la  & 
tuation  dfe  la  ville,  du  défordré ,  de  l'a- 
gitation qui  régnoient  partout,  des  in- 
quiétudes de  Salàdin ,  de  la  terreur  pa- 
nique des  Habitans;  mais  Richard 
faifoit  regarder  ces  avis  comme  un 
piège.  Enfin  dans  cette  dîverfité  d'o- 
pinions, on  convint  de  s'en  rapporter 
a  là  décifion  de  quelques  Arbitres. 
-Ceux-ci  gagnés  par  les  largefles  du 
Prince  A  ngïois ,  ôpïnérent  conformé- 
ment à  fes  defirs  ;  &  la  retraite  fut  ré- 
folue.  On  décampa  le  jour  même,  AS: 
on  fe  replia  fur  Âfcalon  &  fur  Gaza, 

Ffij 


\ 


94e  H  15 toi  m 

C'étoit  le  vingt  &  un  de  DgioumadiJ 
x^ëfiSt  ei-akher  qui  répondoir  cette  année  au 
'  mois  de  Juin. 

Il  feroit  difficile  de  concilier  fur  cet 
événement  le  récit  des  Hiftoriens ,  les 
uns  faifant  tomber  tout  le  blâme  fur 
le  Duc  de  Bourgogne ,  les  autres  fur  le 
Roi  d'Angleterre  *  mais  toutes  les  fois 
que  nos  Auteurs  ne  (ont  point  d'ac- 
cord en  tr  eux,  ôc  principalement  dans 
cette  oçcafion ,  nous  avons  crû  devoir 
fuivre  l'Ecrivain  Arabe ,  qui  n 'étant 
attaché  à  aucune  des  deux  fa&ions ,  ne 
pept  être  taxé  de  partialité» 

Après  le  retour  des  Francs,  la  plur 
part  indignés   s'embarquèrent  pour 
l'Europe ,  d'autres  fe  retirèrent  dans  la 
Principauté  d'Antioche  ,  tous  criè- 
rent contre  Richard.    On  1  accufoit 
d'être  d'intelligence  avec  Saladin ,  d  a- 
voir  vendu  Jérufalem  >on  lui  reprocha 
de  nouveau  la  mort  du  Marquis  de 
Tyr  ,airçft  que  d'avoir  voulu  faire  a£* 
faffiner  le  Roi  de  France.  Le  Monajv 
que  Anglois  méprifant  ces  clameurs  a 
ne  penfa  qu'à  l'aggrandinèment  de  Ton 
neveu ,  &  à  tout  préparer  pour  Con  dé* 
part.  Il  fit  reconnoître  pour  Roi  de 
Jérafalem  Henri  Contre  4c  CJian^ 


de  Sàiàdïn.  LiY. XII   54f 
^çnë  devenu  Prince  de  Tyr ,  &  céda  en 
dédommagement  à  Guy  de  Lufîgnan  4     ****  1"  • 
le  Royaume  de  Chypre  »  (ans  rem-    *     fI'** 
bourfer    les  Templiers  auxquels    il 
avoit  déjà  vendu  cette  Ifle.  En  même 
tems  le  Comte  de  Champagne  fit  fi-  , 
gnifier  à  Saladin  Tes  nouveaux  droits, 
&  lui  demanda  la  paix.Le  Sulthan  la  lui 
ofFrit  aux  conditions  :  »  que  les  Chré- 
tiens garderaient  les  villes  qu'ils  pot 
»>fedoient  fut  les  cotes  ,  depuis  Tyr 
»  jufqu  à  Joppé  \  &  les  Mufulmans  cel- 
»  les  qui  étoient  fituées  fur  les  monta- 
*  gnes  y  que  le  plat*  pays  dans  le  même 
»  efpace  fcroit  partage  également  en- 
»tre  les  deux  Peuples  ;  mais  qu'Afca- 
m  Ion  n  appartiendrait  à  aucun   des 
»deux,&  feroit  détruite,  u  II  y  eut 
plufieurs  Ambaflades  fncceflîves ,  tant 
de  la  part  de  Richard  que  de  Henri  f 
tantôt  pour  obtenir  le  faint  Sépulchre , 
le  libre  exercice  de  la  Religion  danss 
ce  Temple ,  la  permiffion  de  vifiter 
les  lieux  faims  ,  fans  payer  de  tribut , 
tantôt  pour  difputer  quelqtfe  terrein , 
quelque  village.  On  peut  remarquer 
que  dans  ces  différens  articles ,  il  ne 
fut  point  parlé  de  la  Vraie  Croix.  L'Em»  Bofe 
pereur  de  Conftantinople  awit  eû~ 

Pf  iij 


^54*  Histoihï 

voyé  quelquetems  auparavant  un  Àm* 
Hg   <8K.  bafliJeur  pour  la  demander  ;  mais  oi\\ 
i  iji.  î^j  j^pQj^jn  qUe  je  r0j  de  Géorgie 

avoir  offert  pour  ce  précieux  dépôt  9 
deux  cens  mille écus  <ror ,  &  qu'on  le 
lui  avoit  refufé. 

Les  conférences  furent  plusieurs  fois 
renouvellécs, oufaifoic  tous  les  jours 
de  part  &  d'autre  de  nouvelles  pro- 
portions ;  mais  lorfque  les  troupes  Mif- 
iulmanes  forent  tocftes  arrivées  de 
leur  quartier  d'hyver  ,  Saladin  rompit 
la  négociation ,  parce  que  les  Chré- . 
tiens  -  vouloient  conferver  Afcalon 
qu'ils  avoient  rebâtie  à  grands  frais. 
Le  Sulthan  fe  mit  en  campagne  dans 
.  le  mois  de  Redgeb,  le  feptiéme  de 
l'année  Arabique  (en  Juillet )•&  alla 
fe  présenter  devant  Béitgébraïl,  mag- 
nai ,  Daroum,  Afcalon ,  Jaffe.  Richard 
qui  étoit  alors  à  Tyr  ,  au  lieu  de  ve- 
nir au  fecours  de  ces  villes ,  porta  fes 
armes  vers  le  Nord  de  la  Paleftine, 
dans  l'efpérance  de  furprendre  Bé- 
tout. ,  Saladin  crut  que  ce  Prince  Je 
méprifoit ,  &  réfolut  de  lui  enlever  la 
ville  de  Jaffa  ou  Joppé.  Il  raflèmbla 
toutes  fes  troupes  en  un  fèùi  corps 
d'armée  >  leur  communiqua  fon  defe 


TJB   SàLÀDIN.    LlVtXII.    î4j 

lèïtTÎ  5  &  deux  jouis  après ,  la  Place  fut 
inveftie.  iï£?\ï*,ll 

Des  foffes  larges  &  profonds,  de 
hautes  murailles ,  une  bonne  Citadelle," 
nr\G  garni/on  nombreufe ,  de  nouveaux 
ouvrages  ajoutésauxançiens,rendoienc 
cette  ville  une  des  plus  fortes  de  la  Sy- 
rie :  elle  auroit  pu  tenir  deux  mois  j 
mais  rien  ne  réufte  à  la  valeur  intré- 

Eide  du  Soldat,  animé  par  l'avidité  du 
utin ,  par  la  gloire  &  par  la  Religion. 
Saladin  -fit  environner  la  Place  d'un 
rivage  à  l'autre.  Les  Mineurs  fautèrent 
dans  le  foflfé,  pour  fapper  le  mur  , 
tandis  que  les  Archers  iançoient  des 
flèches  contre  les  Aflïégés  qui  faifoient 
jouer  leurs  machines  du  haut  des  mu- 
railles. Ces  derniers  fe  défendirent 
avec  plus  de  vigueur  qu'on  necroyoit: 
ils  écrafoient  les  Mineurs,  faifoient 
des  forties  ,  &  accabloient  les  enne- 
mis de  pierres  &  de  traits.  Les  Mu- 
fulmans  perdirent  beaucoup  de  mon- 
de &  fe  ralentirent  :  ilsdrerferent  pen- 
dant la  nuit  quelques  machines ,  &  re- 
commencèrent l'attaque ,  dès  l'aurore. 
Cette  journée  fot  encore  meurtriè- 
re: on  donna  plufieurs  aflautt  Se  l'on 
fut  toujours  repoufle.   Saladin  expofé 

F  f  mj 


)44  RisToiiti 

u, .    «0  à  tous  les  dangers  ,  préfent  à  tonf  } 

Hégire fS8.  —  .        r  ...    .*>  .     'r*  P„  '  I 

j.  c.  n$i.  prefloit,  follicitoit  les  troupes.  Elles  | 

reprennent  leur  première  ardeur ,  on 
api  lique  des  échelles ,  on  efealade ,  on 
fe  bar.  Dans  cette  extrémité ,  les  Af- 
fiégés  députent  deux  Citoyens ,  pour 
parlementer:  le  Sulthan  leur  ordonne 
de  fe  rendre  aux  conditions  impofées 
autrefois  aux  Habitans  de  Jéruialem. 
Les  Chrétiens  les  acceptent  &  deman* 
dent  feulement  un  délai  de  trois  jours  , 
efpérant  recevoir  du  fecours  dans  cet 
intervalle.  Saladin  qui  feavoit  que  tout 
retardement  pouvoit  faire  manquer 
Tentreprife ,  leur  refufe  cette  grâce  » 
&  fait  continuer  le  fiége.   On  avoit 
miné  une  partie  des  murailles  du  côté 
de  l'Orient.  Le  Sulthan  fait  mettre  le 
feu  aux  étançons ,  &  ce  mur  s'écroule 
dans  le  foffé  ;  mais  les  Chrétiens  ayant 
prévu  cet  accident  avoient  placé  der- 
rière ce  mur ,  une  grande  quantité  de 
bois  qu'ils  allumèrent.  Les  Mufulmans 
montés  à  la  brèche  trouvent  une  bar- 
rière de  flamme ,  &  reculent  étonnés  : 
ils  refufent  de  revenir  à  la  charge ,  à 
caufe  de  leur  laflîtude ,  &  Saladin  fe 
repentit  de  n'avoir  pas  accepté  la  fort* 
million  des  Afîïégés» 


feï  SAtAfti».  Lïv.XIT.  i4J 
La  nuit  on  conftruifit  de  nouveaux 
inftrumens  ,  les  premiers  ayant  été  j*1^',*^ 
brifés  par  les  ennemis:  il  fallut  aller  !^ 
chercher  des  pierres  fur  les  monta- 
gnes 9  le  terrein  de  Joppé  n'en  four* 
niflant  point.  Le  lendemain  on  donne 
on  aflaut  général ,  au  bruit  des  cym- 
bales ,  des  trompettes,  des  cris  de  al« 
lah-acbar,  du  fracas  des  machines* 
Une  tour  eft  renverfée:  les  MufulmanS 
fûrs  de  la  vi&oire ,  courent  dans  cet 
endroit;  mais  la  flamme  les  arrête;  dà 
Ja  paille  &  du  foin  embrafés ,  fervent 
de  remparts  aux  Affiégés  ,  &  aveiK 
oient  les  Sarrazins.  Dès  que  la  fumée 
fut  diflîpée,  ceux-ci  découvrent  de 
l'autre  coté  un  mur  de  piques  ,  de 
lances  *  d  epées  non  moins  impénétra- 
ble que  le  feu  :  en  vain  ils  s'efforcent 
d'avancer;  on  les  repouffe,  &  ils  fe 
renverfent  les  uns  fur  les  autres.  L'in- 
trépidité des  Aiïiégés  étoit  telle,  qu'ils 
n  avoient  pas  feulement  fermé  leurs 
portes  où  ils  combattirent  pendant  cet 
trois  jours. 

Cependant  pour  éviter  une  mort 
certaine, les  mêmes  Députés  vinrent 
fe  foumettre  au  nom  des  Habitans ,  ne 
demandant  que  la  vie  &  la  liberté* 


}4<f  HiSToxiifc    - 

Saladin  leur  dit  que  chaque  Cavalier 
hG.  u*i.  fc  radieteroitpar  un  Cavalier, un  Fan- 
taflïn ,  par  un  Fanraffîn ,  un  Turco- 
pie ,  Turcopol  ou  Turcobul ,  par  un 
Turcople  ;  &  que  le  refte  du  peuple 
payerait  la  même  rançon  qu'à  Jérufa- 
lem.  Les  Députés  ayant  accepté  ces 
conditions  ,  prièrent  le   Sulthan  de 
faire  ceflfèr  le  combat.  »»  Mes  troupes 
*»font  trop  animées,  répondit  le  Sul- 
9)  than  ;  je  ne  puis  arrêter  leur  foreur  ; 
»mais  enfermez-vous  promptement 
i»  dans  la  Citadelle  avec  vos  effets  les 
»  plus  précieux ,  &  j'aurai  foin  de  votre 
nliireté.«    En   effet  les  Mufulmans 
ignorant  cette  capitulation  ,  entrent 
dans  la  ville  l'épée  à  la  main,  &  fe 
répandent  dans  tous  les  quartiers  pour 
piller.  Saladin  détache  une  partie  de 
fes  Mameluks  avec  leurs  Officiers  qu'il 
introduit  dans  la  Citadelle .  moins  pour 
s'en  rendre  maître,  que  pour  réprimer 
la  licence  des  Soldats  :  ceux-ci  paroi  A 
fènt  à  la  porte  de  la  forterefle  ,  le 
corps  de  garde  leur  en  défend  l'en- 
trée, ils  le  retirent  en  murmurant. 
Lts  Emirs  courent  dans  la  rente  du 
Sulthan ,  ils  lui  repréfentent  qu'on  ne 
doit  aux  Habitans  aucune  capitulation; 


*e  Sàlàdin.  Liv.  XII.  347 

<jue  la  ville  a  été  prife  de  Force  \  ïjue^ 
les  troupes  fe  plaignent  de  fe  voir  en-  j^îîïï 
lever  leur  butin;  que  ce  premier  fuc- 
ccs  les  anime  3  qu'il  faut  profiter  de 
leur  ardeur  pour  de  nouveaux  exploits, 
au  lieu  de  refroidir  leur  zèle  en  leur 
xefufant  le  pillage  des  riçhefles  renfer- 
mées dans  la  Citadelle..  Saladin  fut 
inexorable;  il  avpit  donné  fa  parole  , 
&  n'avoit  garde  de  la  violer  :  il  re* 
jiouyella  même  en  préfence  de  fes 
Emirs  la  promeflè  qu'il  avoir  faite  aux 
Habitans  de  leur  donner  la  vie  &  la 
liberté. 

Le  foir  du  même  jour,  un  Courier 
dépêché  par  l'Emir  qui  commandoit 
un  corps  d'obfervation  auprès  de  Pto- 
lémaïs,  apprend  au  Sulthan  .que  Ri- 
chard à  la  première  nouvelle  du  fiége 
de  Joppé  ,  avoit  abandonné. fan  en* 
treprile  fur  Bérout ,  s'étoit  embarqué 
avec  fon  armée,  &  faifoit  force  de 
voiles  pour  Jaffà.  Saladin  eut  fouhaité 

Îiouvoir  faire  fortir  dans  Tinftant  tous 
es  Francs  de  la  ville;  mais  cela  étok 
impraticable  pendant  ft>bfcurité  de 
la  nuit.  Le  lendemain  dès  la  pointe 
du  jour»  il  chargea  Boha-eddin  t 
Je  jpçme/pi.a  écrit  fan  Hiftoixf 


%+î  HisToiii* 

'  d  aller  recevoir  la  rançon  ;  &  <fé 
Hég.  T8g.  veiller  à  la  fureté  des  Chrétiens  1  mais 
■*•  c#  '  l'Xm  comme  il  craignoit  que  le  Soldat  mé- 
content de  la  capitulation  ne  les  in- 
fultât  dans  fa  colère,  il  voulut  aupara- 
vant que  tous  les  Mufulmans  vuidaf- 
fent  la  place ,  &  fe  rendirent  au  camp. 
Cette  précaution  de  fa  clémence  lui  fît 
perdre  fa  conquête.  Les  troupes  oc- 
cupées à  piller  refitfent  d'abord  do- 
béir  ;  on  leur  fignifie  les  ordres  du  SuU 
than  ;  elles  murmurent;  elles  fe  char* 

f;ent  de  butin.  Les  Officiers  rappellent 
es  Soldats ,  les  preffent ,  frappent  les 
plus  lents  à  marcher  j  le  défordre  aug- 
mente. 

Cependant  la  flotte  de  Richard  pa- 
roit  à  la  hauteur  de  Joppé.  L'efpé- 
rance  renaît  dans  le  cœur  des  Chré- 
tiens :  ils  font  des  fignaux ,  pouffent  des 
cris  de  joie ,  reprennent  les  armes ,  en- 
chaînent les  Mameluks  qui  gardoient 
leur  porte  ,  &  tombent  fur  le  refte des 
Sarrazins  répandus  dans  la  ville,  les 
pourfuiventjes  tuent,  entrent  dans  une 
Eglife  où  plusieurs  s'ètoient  téfùgiés,en 
égorgentle plus  grand  nombre,font  les 
autres  prifonniers.  Saladin  averti  de 
cette  émeute  »  monte  à  cheval  pour  1* 


toE  Saiadin.  Liv.XIL  349 
Jfcéprimer ,  &  s'avance  vers  Joppé.  A 
peine  avoit-il  fait  quelques  pas,  que  le    ***?•  fj*4 
Patriarche  &  le  Gouverneur  viennent  *    "** 
fe  jetter  à  Tes  pieds  &  implorer  fa  mi- 
féricorde  ,  acculent  la  populace  de 
cette  révolte  Jurent  de  faire  exécuter 
fur  le  champ  les  conditions  qu  on  leur 
avoit  impolées.  Saiadin  ,1e  plus  hu- 
fnain  de  tous  les  hommes»  leur  par- 
donne, les  relevé  avec  bonté, &  les 
conduit  dans  fa  tente,  pour  mettre  la 
dernière  main  au  traité. 

Ce  qui  lei  avoit  portés  à  cette  dé-    jy^ 
marche ,  c'e(f  que  les  vaiffeaux  voyant  chron.  m 
flotter  partout  les  étendards  des  Ma»0*0**** 
liçjftérans,  crurent  la  ville  &  la  cita- 
delle au  pouvoir  des  ennemis ,  fc  re~ 
•prirent  le  large,  après  s'être  appro? 
chés  jufqu'à  1  entrée  du  port.   Dapv- 
ces  circonftances ,  les  Chrétiens  dé-% 
fefpérantd  être  fecourus,réfolurentde 
fe  foumettre  au  vainqueur.  Mais  un 
Soldat  fe  dévouant  à  la  mort  pour  la 
Religion ,  s'élance  du  haut  de  la  for- 
teretfe  dans  la  mer  ;  n'étant  que  lé- 
gèrement bleiïé  de  fa  chute ,  il  nage 
vers  la  flotte  $  on  vient  à  fa  rencon- 
tre ?  on  le  conduit  dans  la  galère  (4) 

T  ^t'Autçurdit,  quçlaGalér«qu«»wW 


$jo  Hi  sTaiRf  ••■>'- 

de  Richard  :  il  rend  compte  S.  SB 
'/c6!!8*  P"nce  ('e  'a  véritable-  fituatïon  de  la, 
1  '* '*'  Place.  Richard  vogue  veïs  la  ville  > 
foivi  de  toute  Pefcadre',  faute  à  terre 
le  premier,  fait  main-baflfe  fur  toté 
les  Sarrazins ,  qui  prennent  I3  fuite 
épouvantés. .  Boha-eddin  témoin  de 
cette  révolution ,  court  à  bride  abba«* 
toe  vers  le  Sulthan:  il  le  trouve  affis 
te  tenant  dans ïa  main  une  plume» 
pour  figner  la  capitulation.  Saladin  le 
voyant  entrer  agité,  fe  levé ,  demande 
ce  qu'il  y  a  de  nouveau.  Boha-eddin 
lui  dir  que  Richard  eft  maître  de  Jop- 

Ê:  dans  le  même  moment ,  arrivent 
Soldats  chafles  par  ce  Prince ,  ne 
fe  croyant  point  en  fureté  dans  16 
camp ,  ils  veulent  fuir  encofë  :  ris  com- 
muniquent leur  frayeur  au  refte  des 
troupes:  tout  s'ébranle ,tout  s'émeut , 
tout  fuit.  Saladin  demeuré  prefque 
fëul ,  voit  paroître  fur  une  éminence 
voifine ,  une  troupe  d'ennemis  :  c'eft 
le  Roi ,  lui  dit-on ,  c'eft  le  Roi.  »  Le 
V  Roi  à  pied ,  répohdle  Sulthan  :  qu'on 
«•fit.  GuB!.  »lu*  amène  un  cheval,  «  Après  cet  a&è 
* ■    ■         '.ii  •         «, 

ioit  Richard  étoit  peinte  en  rouge  &  avok  des 
voiles  <le  la  même  couleur» 


de  Salabin.  Lit.  XII#  351 
ijè  générofité,  il  alla  joindre  fes  trou- 
pes qui  étoient  déjà  loin.  iHr8\?!!£ 

Richard  occupa  le  camp  que  les 
Sarrazins  venoienc  de  quitter.    Il  y 
trouva  non-feulement  les  effets  enle- 
vés à  Joppé  ,  mais  encore  leurs  provi- 
fions  &  quelques  bagages  :  il  fit  pla- 
ceurs prifonniers ,  entr'autres ,  les  Ma* 
meluks  qui  gardoient  la  Citadelle  & 
leurs  Officiers  :  il  traita  ces  derniers 
avec  bonté  &  les  engagea  à  lui  procu- 
rer une  paix  qui  lui  devenoit  tous  les 
jours  plus  néceffaire.  »  Allez  vers  le  Bo^ 
vSulthan,  leur  difoit  il ,  repréfentezr 
t>  lui  de  ma  part ,  que  cette  guerre  a 
ifduré  trop  longtems  ;que  nous  avons 
»  rempli  1  un  &  l'autre  les  devoirs  de 
'»  l'honneur  &  de  la  Religion  ;  que  nos 
»  troupes  font  épuifées-,  que  nous  der 
#>vrions  enfin  épargner  le  fang  de 
»  nos  Sujets.   Conjurez-le ,  ajoutoifr- 
»  il ,  par  le  Dieu  qu'il  adore ,  de  m'ac- 
»»  corder  des  conditions  honnêtes ,  afin 
»que  je  pd.fle  retourner  dans  mpa 
»  Royaume" menacé  dune  guerre  cir 
»vile.  «  .   a 

Saladin  ne  refufa  pas  dïentrer  $1 
négociation  :  il  répondit  qu'on  étoit 
déjà  d  accord  fur  les  principaux. artfc 


H*fr  J «t.  ( 


jjl  Histoire 

des,  que  la  contestation  ne  rouloît 

,,,*#  pour  terminer  1  ouvrage  de  la  paix  , 
tl  confentoit  de  partager  ces  deux  vil- 
les &  leurs  territoires ,  de  céder  Jafla 
aux  Chrétiens  &  de  garder  Afcalon. 
Il  faut  voir  dans  l'Auteur  Arabe  avec 
quelle  adreffe,  avec  quelle  réferve  & 
quelles  précautions ,  ces  deux  Princes 
traitoient  cette  grande  affaire.  Tantôt 
ils  Ce  menaçoient  l'un  l'autre  ;  tantôt 
ils  chercboient  à  fe  fëduire  par  des 
préfens ,  des  careffes ,  &  par  unecon* 
«efcendance  afFeâée.  Ces  détails  fe- 
roient  trop  longs  à  décrire.  On  voie 
que  de  tous  les  rems  les  Conquérans 
ont  été  plus  difficiles  à  convaincre  par 
des  raifons  que  par  des  fuccès.   Ceft 
la  force ,  ce  font  des  vi&oires.  &  non 
des  congrès  qui  rraachent  les  difficul- 
tés ,  6c  impotent  aux  puiflances  belli- 
gérantes des  conditions  plus  ou  moins 
avantageuses.  Nous  devons  cependant 
remarquer  que  Richard  appelle  en  Eu* 
rope  par  de  plus  grands  intérêts ,  trai- 
tait de  bonne  foi  ,foubaitoit  avec  ar? 
4eùr  la  paix  qu'il  (olliciroit ,  &  ne  re£- 
teit  en  Syrie  que  pour  fauver  fa  gloi- 
le  8c  afliver  à  fou  ae  veu  le  Comte  de 

Campagne 


©ï  Sàiàdïn.  Li^.XII.   m 

Champagne ,  les  Etats  qu  il  venoit  de 

lui  donner ,  au  lieu  que  Sàladin  défi-  Hég.  ç88» 
roit  la  guerre  &  ne  fe  prêtoît  aux  J,C,II,H 
propofitions  des  Francs  que  pour  ne 
pas  irriter  le*  Princes  Tes  vaffaux  fa^ 
tigués  dune  entreprife  qui  épuifoir 
leurs  forces  &  leurs  tréfors.  Il  içavoir 
que  Rihard  feroit  obligé  d  abandonner 
la  partie  :  il  vouloit  ne  point  congédier 
fon  armée,  avant  que  d'avoir  chaflTé 
entièrement  les  Francs  de  la  Paleftî- 
ne ,  &  il  efpéroit  en  venir  facilement 
à  bout,  après  le  départ  du  Roi  d'An- 
^leterre  &  des  François,  non  moins 
impatiens  de  repaflèr  la  mer.  Il  com- 
jnuniqua  fouvent  ces  fentimens  à 
Boha-eddin  qui  nous  les  a  tranfmis# 
Ainfi  il  faifoit  traîner  en  longueur 
la  négociation^  ferendoit  plus  difn 

«ile  ,  à  mefure  que  Richard  cédoit  de 
;  prétentions.  Il  lui  arriva  dans  ce 
rems  là  de  nouvelles  recrues  d'Egypte 
&  de  Méfopotamie.  De  fon  côté ,  le 
Roi  d'Angleterretropfoible  pour  tenir 
la  campagne ,  fit  venir  de  Ptolémaïs  les 
troupes  qu  il  y  avoit  laiffées.  Le  SuW 
rfaan  rèfolut  de  les  couper  &  d'aller 
même  furprendre  JafFa  foiblement  dé* 
fendue  &  dont  on  naypi|  pas  réparé 


3f4  Histoire 

les  brèches.  Il  laifla  auprès  de  Ramfc 
ii.b.  ,8k  où  il  étoir  alors,  les  bagages  &»le  gros  " 
h  c.  n>i.  je  j'arm^e  9  envoya  un  détachement 
fur  le  chemin  de  Ptolémaïs  à  Joppé^ 
&  marcha  vers  cette  dernière  ville, 
avec  (a  cavalerie  légère.  Lorfqu'il  en 
approchoic ,  il  apprit  que  Richard  éroit 
à  peu  de  diftance  ^avec  un  petit  nom* 
bre  des  (iens ,  &  courue  l'envelopper. 
chronAngi.      Lc  Prince  Anglois  devenant  plus 
chroa  j      intrépide  par  le  danger  même ,  au  lieu 
BohT-cddm.  4e  pendre  la  fuite ,  fe  çrépare  à  rece- 
tte voir  1  s  Sarrazins  à  la  tête  de  (a  petite 
troupe,  compofée  d'environ  Gx  cens 
hommes.  II  fait  à  la  hâte  une  efpéce 
de  retranchement  avec  le  peit  de  bois 
qu'il  avoit ,  forme  un  bataillon  quar- 
ré,  faifant  face  de  tout  coté  ,  fait  met- 
tre un  genou  en  terre  au  premier  rang 
armé  de  longues  piques  ;  dans  le  f&j 
cond  les  Archers  un  peu  courbés  &  wfr 
nant  leurs  arcs  bandés ,  laifToient  la  li- 
berté aux  Arbalétriers  placés  debout 
dans  le  troifiéme  rang  ,  de  lancer  leurs 
traits.  Il  exhorte  fes  Soldats  à  tenir  fer- 
me,à  demeurer  immobiles  dans  leurs 
portes ,  à  foutenir  dans  cette  fituarion  j 
Je  choc  de  la  cavalerie  ennemie,  leu* 
promettant  la  viâoire,  &  menaçan* 


DÉ   S  AL  AD  in,  Lïv.XII.  $jy 

ée  donner  lui-même  la  more  au  pre- 
mier qui  s'ébranleroit.  Tandis  qu'il  £*  ££ 
faifoit  ces  difpofitions  t  Se  que  les  Mu- 
fulmans  arrivoient  par  pelotons >  un 
Officier  accourt  de  la  ville  >  &  lui  ap- 
prend qu'un  Parti  ennemi  étoit  prêt  à 
la  (urprendre.  »  Gardez-vous  bien  de 
*>  publier  cette  nouvelle  ,  lui  répond 
*>  Richard  ,  il  y  va  de  votre  vie.  ci  En 
mêmetemsil  prend  avec  lui  dix  Ca- 
valiers ,  les  feuls  qu'il  eut  dans  cette 
occafion ,  dit  à  fes  Soldats  qu'il  va  leuf 
chercher  du  fecours  >  &  vole  à  Joppé. 
Il  fait  fortir  la  garnifbn ,  tombe  fur  un 
corps  d'Arabes  envoyés  de  ce  côté  par 
Saladin ,  &  qui  preflbierit  la  ville ,  les 
met  en  déroute ,  fait  garder  les  por-* 
tes ,  revient  à  fa  petite  troupe ,  &  J'a- 
nime par  le  récit  de  la  vi&oire  qu  if 
vient  de  remporter. 

Cependant  les  Sarrazins  environ- 
nent les  Chrétiens  de  toutes  parts  ,  & 
fondent  fur  eux  en  pouffant  de  grands 
cris:  ils  font  arrêtés  par  les  lances  ap- 
puyées centre  le  poitrail  des  chevaux  t 
ils  reviennent  trois  fois  à  la  charge  y 
ma!$  foiblement  &  fans  fuccè*.  Les  Boha-e*fi* 
Francs  dociles  aux  ordres  du  Roî  >  gar- 
dent leur  rang  fans  faire  1^  moindre 

.   GS»1 


j  5  6  H  i  s  t  o  i  k  i 

mouvement ,  &  même  fans  tirer  au- 
Hfg.  j*8.  cune    flèche.    Les    Mufulmans    qui 
J%c#  I1,lt  croyoienf  les  rompre  à  la  première 
attaque  »  étonnés  de  cette  fermeté,  fe 
mêlent  en  défordre  &  ne  font  plus  que 
caracoler  tout  autour.  En  vain  le  Sul- 
than  veut  les  rallier  ,  les  excite ,  les 
prefle ,  les  menace  >  ils  font  fourds  à  fa 
voix  &  s'éloignent  au  lieu  d'avancer» 
Un  Officier  Kurde  ofa   même   lui 
répondre  infolemmcnt  :  Faites  marcher 
cette  troupe  d'Efilaves  qui  frdptoit  le* 
Soldais  &  leur  enlevait  le  butin  a  Jaff* 
conquife par  leur  bravoure.  Saladin  f ré- 
tamant de  colère ,  pour  ne  pas  com- 
promettre davantage  fa  gloire  &  fon 
autorité ,  ordonne  Ta  retraite  &  part. 
Richard  enhardi  par  la  lâcheté  des 
Sarrazîns  devient  Taggreflear  >  les  fait 
accabler  de  flèches,  fort  lui-même  du 
retranchement ,  &  parcourt  à  cheval , 
la  lance  en  arrêt  toutes  leurs  lignes  > 
défiant  les  Chefs  à  un  combat  fingu- 
lier. 

Saladin  avoit  pris  le  chemin  de 
Ramla  ,  fans  attendre  fes Soldats  ré- 
belles. Arrivé  au  camp  >  il  s'enferma 
dans  fa  tente  plongé  dans  Ane  noire 
»élancoliç>&  méditant  une  vengeai*; 


Es  Sàlàdin.  Liv.XIÏ.  557 
Ce  éclatante.  On  ne  clouta  point  que 
le  lendemain  plufieurs  des  révoltés  ne  Hé««  *?**•' 
fuffent  mis  en  croix.  La  frayeur  étoic    h  Cm  1 1*** 
fi  grande  dans  1  armée ,  qu'aucun  dés 
Princes ,  des  Emirs ,  des  enfans  même 
du  Sulthan  n*ofa  approcher  de  fa  per- 
fonne,  crainte  de  relTentir  les  effets 
de  fou  indignation.  Plufieurs  jours  s'é- 
coulérent  dans  cette  cruelle  inquiétu- 
de. Enfin  Saladin  livré  à  lui-même  * 
écouta  les  fentimens  de  fa  clémence 
qu'on  pourrait  dans  cette  occafion  , 
aceufer  de  f  oiblefle  ;  mais  peut-être  ne 
voulut- H  pas  par  politique  punir  des 
coupables»  dont  la  plupart  tenoient  aux 

Erincipaux  Emirs ,  par  le  fang  &  par 
»s  liaifons ,  car  ce  détachement  étoit 
compofé  de  l'élite  des  Kurdes ,  &  le 
Chef  même  de  la  révolte  étoit  frère 
(a)  du  brave  Mefchtoub  qui  s'étoir 
ignalé  tant  de  fois.  Quoi  qu'H  en  foit , 
le  Sulthan  dit  à  fon  fils  el-Dhafter 
d'appeller  les  Princes ,  pour  leur  faire 
goûter  des  fruits  qu'on  lui  envoyoit 
de  Damas.  Ils  vinrent  tous  en  trem- 
blant -y  mais  Saladin  s'étant  apperçu  dé 
leur  frayeur,  la  diflipa  par  des  mar- 

:p  '  -|  .  '         mu  ii  ii  ii  ■    ■« 

(a)  Il  s'appollok  Schauaah, 


558  Histoiri 

ques  de  bonté ,  &  s'entretint  avec  eat 
***?•  ,M*  d'un  air.  tranquille  &a(Turé  fur  plu- 
ll'U  fieurs  Sujets  indiflFérens ,  afFeétant  de 
ne  point  leur  parler  de  ce  qui  venoic 
d'arriver. 

Mais  cet  événement  ne  contribua: 
pas  peu  à  fui  faire  prendre  la  réfolu- 
tion  de  terminer  une  gHerre  qui  la£- 
foit  également  les  deux  Partis.    Les 
Sarrazins  ,  Nation  inquiète  &  turbu- 
lente ,  n'étoient  propres  que  pour  des 
expéditions  vives  &  promptes.  Moins 
touchés  d'acquérir  de  la  gloire  que  du 
butin  y  leur  courage  s*afroiblifIoit  dès" 
qu'ils  n'étoient  plus  animés  par  TeP- 
poir  de  piller.  Dans  les  commence- 
mens ,  la  Religion  avoît  foutenu  leur 
zélé  ;  mais  ce  zélé  cédoit  à  leur  impa- 
tience. Jamais  ils  n  avoient  été  fi  long-^ 
tems  'fous  les  armes  pour  la  même  en- 
treprife.  Il  leur  falloit  de  nouveaux  in- 
térêts,  pour  réveiller   leur  ardeur* 
Avant  Nour-eddin   &  Saladin  ,  ils 
connoiflbient  peu  la  discipline  mili-* 
taire.  Les  francs  apprirent  1  art  de  la 
guerre  à  ces  deux  Sulthans ,  qui  ten- 
tèrent d'y  afiujétir  leurs  Sujets ,  &  qui 
ne  réuffirent  qu'imparfaitement  dans 
ce  projet,  La  plupart  des  troupes  (ou- 


feE  Saiàdin.  Liv.XII.   j5j 

tnifes  àSaladin  fe  resardoient  comme 
troupes  auxiliaires,  les  vices  du  gou- 
vernement féodal  leur  donnant  deux 
maîtres  à  la  fois.  Les  Princes  vaflàux 
du  Sulthan  >  &  obligés  de  le  fuivre , 
obéifîoient  avec  peine  3  &  ne  refpi- 
roient  qu'après  le  repos.  Pour  le  dé- 
terminer à  conclure  la  paix ,  ils  répan- 
dirent le  bruit  que  le  Pape  marcnoft 
au  fecours  de  la  Palestine  à  la  tête  de 
deux  cens  mille  hommes,  &  qu'il  étoit 
même  déjà  arrivé  à  Conftantinople. 
Saladin  méprifa  cette  nouvelle  ,  mais 
ne  semprefla  pas  moins  à  écouter  les 
propositions  de  Richard. 

Ce  Monarque  étoit  tombé  dange* 
reufement  malade  ,  immédiatement 
après  l'affaire  de  Joppé.  Il  envoya  un 
Ambafladeur  pour  entamer  une  notf* 
▼elle  négociation^  pourdemanderde* 
xafraichiflèmens  Se  des  remèdes  utiles 
pour  fa  guérifon.  Saladin  eut  l'attend 
tion  de  lui  faire  porter  chaque  jour 
tout  ce  qui  pouvoit  contribuer  à  réta* 
blir  fa  fanté.  Cependant  on  procéda 
à  régler  les  articles  de  la  paix.  Afcaloi* 
étoit  le  feul  obftacle  à  lever.  On  difr 
putpit  pour  fçavoir  fielledevoit  être 
cédée  aux  Francs  ou  démolie.  Saladin 


$<te  Histoire 

sobftinoit  à  exiger  qu'elle  fût  Aétrvf^ 
**%•  f  «1  te.  Richard  après  avoir  fait  plufieurs 
%  J.c  iv*.  ^jjtajives  inUtiies  pour  la  conferver  , 
fouhaitoit  au  moins  obtenir  des  dé— 
dommagemens  pour  les  frais   em- 
ployés à  la  rebâtir  ;  mais  enfin  craï- 
fnant  d'être  obligé  de  paflèr  encore 
hyver  dans  la  PaleAine  ,il  fe  défifta 
de  cette  prétention ,  &  fe  montra  di& 
pofé  à  recevoir  les  conditions  qui  lui 
leroient  impofées.  Il  eut  même  avec 
*  ~*        Àbou-bekr  Ambaffadeur  du  Sukhan» 
une  conférence  fécrete  dans  laquelle 
il  lui  dit.  »  Que  fa  fanté  &  les  trou- 
11  blés  élevés  dans  fon  Royaume,  ne 
»  lui  permettoient  pas  de  demeurer 
t*  plus  lpngtems  en  Syrie  5  qu'il  ne  cher* 
échoit  qu'un  prétexte  pour  retourner 
n  en  Europe  \  que  dans  le  fond  il  pre* 
»noit  peu  d'intérêt  aux  aflfàires  de  la 
»  Paleftine  ;  que  les  Chrétiens  privés 
%f  de  fon  fecours  ne  pourraient  le  fou- 
a»  tenir  contre  la  puiflance  Mofulraa- 
j*  ne ,  qu'avec  peu  de  troupes  on  leur 
*i  enlèverait  les  feules  Places  qui  leur 
>»reftoient  ,que  le  Sulthan  ne  devoit 
»>  pas  fe  rendre  fi  difficile  ,  puifque 
»  cette  paix  ne  feroit  que  fimulée  >  & 
t»ne  fervkok  qu'à  écarter  lefeul  ofc£ 

ntacle 


h  dt*i. 


Bi  Saiabin.  Lit.  XIV  )6t 
0  tacle  qui  s'oppofoic  aux  conquêtes  de 
»ce  Prince.  «  Enfin  il  chargea  Abou-  ™^t[™xm 
bekr  de  communiquer  en  particulier 
les  véritables  fentimens  à  Saladin ,  & 
de  l'engager  à  lui  accorder  des  condi- 
tions qui  puflènt  le  juftifier  aux  yeux 
4e  l'Europe  attentive  à  fes  démar- 
ches. 

Le  Sulthan  regardoit  comme  crimi- 
nelle {apolitique  que  Richard  lui  fug- 
|>éroic  :  il  agiflbit  de  bonne  foi ,  & 
ji'avoit  garde  de  vouloir  violer  les  en- 

fagemens  qu'il  alloit  prendre.  Il  fit 
lire  le  dénombrement  des  villes  qu'il 
avoir  deflêin  de  laiffer  aux  Chrétiens , 
&  le  fit  pré/enter  au  Roi  d'Angleter- 
re,  en  lui  fignifiant  qu'on  ne  change* 
toit  rien  aux  articles  contenus  dans  ce 
Mémoire.  Richard  confentit  à  tout. 
En  conféqnence  ,  on  drefla  le  traité 
jlans  les  deux  langues.  Tous  les  Prin- 
.ces  Chrétiens  &  Mahométans  jurèrent 
les  uns  fur  l'Evangile  ,  les  autres  fur 
TAlkoran  ,  d'en  obfèrver  religieufe- 
ment  les  conditions.  Les  deux  Mo- 
narques pour  ne  pas  avilir  la  majeflé 
du  trône ,  refuférenr  de  prêter  /er«- 
jnent ,  fe  croyant  aflfez  liés  par  leur 
parole  royale}  il*  donnèrent  feule<- 
*  T*mïï*     ^  Hh 


\6x  Histoire  r 

ment  la  main ,  pour  marquer  leur  com 
j^^fentement. 

»  On  fit  donc ,  non  une  paix  perpé-^ 
ruelle,  mais  «ne  trêve  de  trois  ans 
»  &  trois  mois ,  à  commencer  de  ce 
m  jour  vingt-deux  Schaban  (  quelques 
m  Hiftoriens  difent  qu'on  ajouta  trois 
99  femaines,  trois  jours  &  trois  heures.) 
»  Tyr  avec  Ces  dépendances  &  toute  la 
» côre  depuis  Jaffa  jufqu  à  Prolémaïs » 
»  reftoient  au  pouvoir  des  Chrétiens  » 
uc'eft-à-dire,  JafFa ,  Céfarée  ,  Ar- 
»  fouf*  Hifa ,  Ptolémaïs  &  leurs  terri* 
»toires.  On  partageoit  Ramla  &  Lid. 
»>da  entre  les  deux  Peuples  ;  les  Chrc- 
»  tiens  pouvoient  vifiter  les  lieux  fakits, 
*>  mais  en  petit  nombre  ,  &  même 
•exercer  librement  leur  Religion ,  & 
»  avoir  quelques  Prêtres  dans  l'Eglife 
»  de  la  RéfurreéHon  ou  du  faint  Sé- 
t»  pulchre  qu'on  leur  cédoit.  Les  Mo$- 
»nes  favorifes  parla  Loi  de  Mahofc 
h  met,  rentroient  en  poflèflkmde  leurs 
»  Monaftéres.Le  Prince  d'Antioche  & 
ttde  Tripoli  étoit  invité  d'accéder  au 
.*  traité  ainfi  que  Sinan  Chef  des  Ifr 
»  maliens  ou  AfTaffins  ;  Afcalon  de-i 
»  voit  être  détruite  conjointement  pat 
j»ks  Mufulmans  &  par  les  Francs ,  . 


*l  Sàlàdin.  L iv. XII.  $<fj 
#ceux-ci  croyant  cette  précaution  né- 
»  ceflaire ,  crainte  que  lçs  premiers  ne  li  s  5*8« 
wfuffent  tentés  de  garder  cette  ville,  J'C*  "^ 
»  fi  on  la  leur  rendait  toj«e  fortifiée;  h 
Après  que  ces  articles  eurent  été  fi- 
gnés  de  part  &  d'wttre ,  un  Wéraut  oji 
Muezzin  cria  dans  les  Placçs  &  les 
Carrefours  :  Au  nom  de  Dieu  clément 
&  miséricordieux  ,  &par  ardre  du  Sul- 
thon  Saladin,  falut  du  m»nd$  &  de  la 
Religion;  m  fait  $av*ir  que  la  pafa  ejf 
établie  mire  les  Chrhiws  &  Us  Mnful- 
m*ns  ;  qu'il  eft  permis  aux  deux  Peuples 
de  vivre  en  bonne  intelligence ,  de  voya- 
ger &  de  commercer  librement  fur  les  ter- 
res les  uns  des  autres. 

Tel  fut  le  fucce*'de  cette  célèbre 
Croifade ,  dans  laquelle  la  Chrétienté 
ne  gagna  qu'une  feule,  ville  ,  &  l'Eu- 
cope  entière  perdit  une  grande  partie 
de  fes  Princes ,  de  fes  Habitans  &  de 
Tes  tréfors  engloutis  dans  la  Syrie 
Comme  dans  un  gouffre. 

Fin  du  Livre  douzième. 


«$» 


Hhïj 


SOMMAIRE 

DU  LIVRE  TREIZIEME.  » 

Suites  de  h  paix.  Départ  de 
Richard}  fes  malheurs.  Dé-, 
mêlés  de  Saladin  avec  le  Kha^ 
life,  Différens  événement.  Sa-, 
ladin  revient  à  Damas  :  fa 
maladie  ,  fa  mort  ,fon  carac- 
tère. 


HISTOIRE 

DE 

SALADIN 

Sulthan  d'Egypte  &  de  Syrie. 
LIVRE  TREIZIEME. 


DE*S  que  la  Paix  eût  été  publiée,  Hég.  fSt. 
les  Franct  &  les  Sarrazins  fe  hC* tlfU 
réunirent  &  femblérent  ne  faire 
qu  un  peuple.  On  célébra  cet  événe- 
ment par  des  tournois  &  par  des  fef» 
lins.  Les  Officiers  Chrétiens  ,  &fur« 
tout  la  Nobleffe  Françoife  s'empreffé- 
rent  d'aller  vifiter  à  Ramla  le  Sulthan 
qui  les  recevoit  avec  fa  bonté  ordi- 
naire y  les  admettoit  à  fa  familiarité  & 
£  (a  table  >  &  ne  les  ren voioit  qu'avec 
Hhiîj 


jtftf  Histoire 

des  rpréfens.  Us  admiraient  dans  ùft 
Hcg  588.  Prince  qu'ils  appelloicat  barbare  . 
des  vertus  inconnues  dans  ce  tems  a 
l'Europe.  De-là,  ils  fe  rendirent  en 
foule  à  Jérufalerri ,  pour  y  accomplir 
leur  voeu.  Saladîn  faifdit  dîftribuer  des 
provifions  même  aux  fimples  Soldats. 
Cette  générofité ,  8c  le  defir  de  voir 
les  Lieux  où  le  Sauveur  étoit  mort , 
attirèrent  bientôt  tous  les  Croifés.  Ri- 
chard qui  étoit  encore  malade,  Ce 
trouva  tout-à  coup  prefque  abandon* 
lié  :  il  craignit  pour  ce  grand  nombre 
4e  Chrétiens  qui  fe  livraient  eux-mê- 
mes au  pouvoir  des  Infidelles  :  il  crut 
*  devoir  mettre  un  freina  leur  zélé ,  & 
leur  défendit  d  aller  à  Jérùfalem  fans 
fa  permiflïori.  Cet  ordre  fut  peu  ref- 
pe&é.  Richard  s'adrefla  au  Sulthan  , 
&  le  pria  de  ne  recevoir  fur  fes  terres , 
que  ceux  qui  auroient  un  billet  (igné 
de  fa  main.  Saladin  lai  répondit  quô 
les  Croifés  n  étoient  venus  dans  laPa- 
leftine  que  pour  faire  leurs  prières  dans 
leTempledelaréfurreâion  (le  Saint 
Sépulchre,  )  qu'on  fe  rendroit  cruel 
&  coupable  en  leur  refufant  cette  con- 
folation  ',  &  qu  il  ne  vouloit  pas  gêner 
leur  dévotion  pour  le  faint  pèlerinage 


bb  Salàdin.  L IV. XIII.   %6j 
de  Jérufalem  recommandé  par  Dieu 
même  &  par  fon  Prophète  Maho-    £?/»£ 
met. 

Cependant  on  envoya  de  parc  &• 
d'autre  des  ouvriers ,  pour  démolir  A£ 
calon  à  peine  rebâtie ,  ville  autrefois 
célèbre,  &  qui  détruite  une  féconde 
fois  par  les  malheurs  de  la  guerre ,  ne 
s'eft  jamais  relevée  de  fes  ruines.  Le 
Duc  de  Bourgogne  par  cette  fatalité  at- 
tachée aux  Croifés,  fut  attaqué  peu  de 
tems  après  la  paix,  d'une  violente  ma- 
ladie ,  &  mourut  dans  la  Paleftine , 
devenue  le  tombeau  de  tant  de  mat 
heureux  Chrétiens.  Richard  n  échap- 

?a  à  la  mort  que  pour  tomber  dans 
efclavage. 
Sa  fanté  étant  un  peu  rétablie ,  il  fit 
embarquer  les  deux  Reiïies  &  fes  Of- 
ficiers ,  &  fe  hâta  de  retourner  dans 
fon  Royaume  qu'il  ne  devoir  pas  re- 
voir ficôt.  La  cruelle  deftfnée  dont  il 
étoit  pourfuivi ,  le  réfervoiç  à  de  plus 
rudes  épreuves.  La  tempête  écarta  fa 
galère  ,  &  ta  pouffa  dans  le  golfe  de 
Venife  où  elle  fit  naufrage  auprès  d'À- 

Sjilée.  Le  Roi  d'Angleterre  réfolqt 
ors  de  tfaverfçr  une  partie  de  l'Eu- 
rotoe ,  évitant  de  paflerparlâ  Franr 

Hhiiij 


3<îS  Hisîoim. 

1  ce ,  crainte  d'y  être  arrêté  par  Philippe 
?o\iîîl fou  Rwal :  mais  P°ur  fà*  M  dangerv 

J.C.IIJI*  ,r  *         -1  •     /*  ° 

il  courut  a  la  perte  :  il  prit  la  route  par 
P Allemagne,  &  par  les  Etats  du  Duc 
d'Autriche  qu'il  avoit  fi  grièvement 
offenfé  àPtolémaïs.  Celui-ci  mitauC» 
fitôt  des  gens  en  campagne  pour  dé- 
couvrir &  prendre  fon  ennemi.  Ri- 
chard errant  de  village  en  village ,  dé» 
guifé  en  payfan ,  après  plufieurs  avan- 
tures ,  fut  enfin  reconnu  auprès  de 
Vienne ,  &  amené  à  Léopold ,  qui  fe 
vengea  bien  cruellement  des  outrages 
reçus  dans  la  Paleftine.  Il  traita  fon 
prifonnier  avec  mépris  ;  de  après  l'a- 
voir gardé  quelque  tems ,  il  le  mit  en- 
tre les  mains  de  l'Empereur  Henri  VI. 
non  moins  irrité  contre  Richard  pour 
tout  ce  que  ce  Prince  avoit  fait  à  Ton 
préjudice  dans  la  Sicile.  Alors  la  hai- 
ne renouvella  d'un  côté  toutes  les  ao 
eufations  de  cruauté,  de  trahifons  ,  de 
meurtres  ,d'a(Iàffinats  ,  d'emprîfonne* 
mens  formés  en  Syrie  contre  le  Roi 
d'Angleterre  ;  de  l'autre ,  la  pitié  & 
l'indignation  firent  crier  les  Anglois , 
les  Normands ,  plufieurs  Potentats  qui 
n'avoiâit  pris  aucune  part  aux  que- 
selles  des  Croifés ,  Sç  le  Pape.  Les  Alt 


fit  Salabik.  L iv. XIII.  \6$ 
Icmands  prétendoient  juger  ce  Mo-1 
narque  fur  les  crimes  qu'on  lui  attri-  j,  cfwjtt 
buoit  9  comme  un  (impie  particulier 
fournis  à  leur  Tribunal»  Richard  s'hu- 
milia dans  la  Diecte  de  Spire»  &  en- 
treprit de  fe  juftifier.  Le  Pontife  Cé- 
leftin  III.  lança  des  excommunie*» 
fions  ,  foibles  armes  contre  des  peu- 
ples accoutumés  depuis  long-temsà  les 
méprifer.  Enfin,  malgré  les  foudres 
de  Rome ,  malgré  les  plaintes  d'une 
.  partie  de  l'Europe ,  le  Roi  demeura 
prifonnier  en  Allemagne  pendant  plus 
d'une  année ,  &  ne  recouvra  la  li* 
berté  qu'en  payant  cent  mille  marcs 
d'argent  »  &  en  laifiànt.  des  otages 
pour  cinquante  mille  autres;  qu'il, 
promit  d'acquitter  après  (on  retour 
en  Angleterre ,  ce  qui  faifoit  à  cin- 
quante francs  le  marc ,  fept  millions 
cinq  cens  mille  livres  de  notre  mon- 
jioye  d  aujourd'hui ,  fomme  très-con- 
fidérable  dans  cetems. 
,  Dès  qu'une  partie  des  Croifés  eut 
p^Té  la  mer  ,  Saladin  congédia  foi* 
armée ,  &  fe  rendit  dans  le  mois  de 
Ramadhan  à  Jérufalem ,  où  il  s'occu- 
pa du  foin  de  l'embellir  &  de  la  for- 
tifier. Il  fit  trqjpiller  au  nouveau  Col* 


37©  Histoiki 

lége  qu'il  y  avoir  établi  &  doté  :  il  c» 
Hég.  588  donna  l'adminiftration  au  Doâéur 
1  ^'^'Boha-eddhnrHiftoriendefavie.  Cer 
Jjj^J^      édifice  étoit  auparavant  un  Temple  dé- 
dié à  fainte  Anne  ;  il  fut  changé  eri 
mofquée:  le  Sulthan  ajouta  des  bâti— 
mens  extérieurs  ,  où  Ton  devoit  en- 
feigner  à  la  jeunette  les  principes  de  la 
Religion  &  des  fciences  ,  distribuer 
des  aumônes  aux  pauvres  >  àc  traiter 
les  malades. 

Saladin  ayant  procuré  une  paix  gé- 
nérale à  Ton  empire  ,  voulut  dans  ce 
repos  dont  il  n'avoit  point  encore  joui , 
entreprendre  le  pèlerinage  de  la  Mec- 
que ,  dont  Mahomet  a  fait  un  pré- 
cepte à  fes  Difciples.  Le  Sulthan  etoic 
trop  dévot  pour  s'en  difpenfer:il  an- 
nonça fon  deflein  à  rous  fes  Sujets ,  & 
les  invita  par  de  grands  privilèges, à 
le  fui vre  dans  ce  voyage  religieux.  On 
infcrivit  les  noms  de  ceux  qui  vou- 
loientêtrede  cette  caravanne.  Il  don- 
na ordre  aux  Gouverneurs  des  Provin- 
ces ,  &  principalement  à  fon  frère  Séfr- 
eMflam  qui  commandoit  dans  l'Ara- 
bie heureufe,  d'amaflèr  des  provifions 
tant  en  Syrie  que  dans  TYémen.  En 
mêmetems,  il  fit  préj^rer  des  éqtii* 


tofcSAtA&iv.  Liv.XHI.  j7i 


>ages&  de  riches  préfens  pour  laCaa-  — 
>ah:  (4)  car  lorfque  les  Sulthans  fai-  jfçfiî 


|>ah:  (4)  car  lorfque  les  $ulthans  fai-  j?c*ii*H 
fbient  eux-mêmes  le  pèlerinage  Je  la 
Adecque ,  ils  fe  piquoient  d'étaler  la 

1>lus  grande  magnificence.  Maris  >  dans 
e  tems  qu'il  fai  foie  ces  difpofitions, 
les  Emirs  affemblés  à  Jérufalem  pour 
cet  objet ,  lui  repréfentérent  que  l'ex- 
périence avoir  appris  combien  on  de- 
voit  fe  défier  de  la  bonne  foi  des 
Chrétiens  ;  qu'ils  garderoient  la  paix 
jurée  autant  qu'elle  feroit  favorable  à  % 
leurs  intérêts  &  la  violeroient  fans 
fcrupule  ,  dès  qu'ils  pourroient  com- 
mettre impunément  des  hoftilités  >  que 
fi  le  Sulthan  s'éloignoit  de  la  Syrie , 
ils  ne  manqueroient  pas  de  profiter  de 
l'occafion  pour  ravager  le  pays  ,  pour 
infulter  les  Places  ,  &  pour  s'emparer 
même  de  Jérufalem  ;  que  fa  préfence 
ctoitnéceflaire,  pour  contenir  dans  le 
refpeâ:  routes  les  puiflances  voifines;  & 
que  la  Religion  d'un  Prince  confiftoic 
moins  à  faire  des  pèlerinages ,  qu'à 
veiller  au  bonheur  &  à  Ta  fureté 
de  Tes  peuples.    Saladin  fe  rendit  à 

(a)  La  caabah  Temple  de  la  Mecque» 
Voyez  VintrUtiftion ,  f *j.  4.  ($•  ailleurs* 


J71  H  ISTOIJLB 

'ces  raifons  ,  d'autant  plus  qae  fofl 
jîc'i  X  abfcnce  pou  voit  devenir  funefte  à  i'Ifla? 
mifme. 

Tandis  qu'il  paroitfbit  fi  rigide  ob- 
fervateur  4e  la  Loi  de  Mahomet,  il 
5'oppofoic  aux  prétentions  du  Khalife , 
à  peu  près  comme  nos  Rois  &  les  Em« 
pereurs  d'Allemagne  ont  été  fouvent 
obligés  de  réfifter  aux  entreprifes  des 
Papes  ;  mais  il  eft  néceflàire  de  remon- 
ter à  l'origine  de  cette  querelle ,  &  de 
raconter  quelques  évenemens  que  nous 
avons  annoncés ,  6c  dont  nous  avons 
différé  de  parler ,  pour  ne  pas  inter- 
rompre notre  récit. 

Nous  avons  eu  plufîeurs  fois  occa* 
fion  de  remarquer ,  qu'un  des  vices  de 
la  politique  Mahomctane ,  etoit  cette 
efpéce  de  gouvernement  féodal  que 
les  Arabes  avoient  établi  dans  leur 
Empire ,  &  qui  caufa  tant  de  révola* 
tions.  Chaque  Province,  chaque  con- 
trée s  &  fouvent  chaque  ville  avoit  des 
Seigneurs  particuliers  exerçant  une 

~  forte  de  Souveraineté,  fous  la  dépens 
dance  du  premier  Chef;  femblables  à 
cette  foule  de  petits  Tyrans  qui  dans 
le  même  fiécle  déchiroient  l'Europe  ,' 
6c  principalement  la  France.  C'étaient, 


9t  Sàlàdin.  Liv.XIIL  tffr 
tantôt d'anciens Monarques  dépouillés '        ^ 
de  leurs  Etats ,  &  à  qui  on  laiflbit  une   j^7ïîîî 
ombre  d  autorité;  tantôt  des  Enclaves 
dont  on  récompenlbit  la  bravoure  & 
la  fidélité;  tantôt  des  Ufurpateurs  9qui 
et  la  tête  d  une  troupe  d'avanturiers, 
s'emparotent  d'une  Place ,  d'une  Pro-« 
vince,  &  s'y  foutenoient  en  fe  faifant 
un  appui  de  leurs  voiiïns,  &  prêtant    ' 
foi  &  hommage  au  Souverain  le  plot 
çuiflant.  Leurs  Etats  étoient  à  la  vé- 
rité des  efpéces  de  Fiefs  de  l'Empire  t- 
revenoient  à  la  Couronne  après  leur 
mort ,  &  ne  palToient  à  leurs  enfans 
qu'avec  la  permiflïon  du  Sulthan  au 
nom  duquel  ils  gouvernoient ,  qu'ils 
étoient  obligés  de  fuivre  à  l'armée»  Se 
auquel  ils  payoient  des  tributs. 

Zéin-eddin  Jofeph ,  un  de  ces  pe- 
tits Princes ,  mourut  au  camp  de  Pto- 
lémaïs  :  ilétoit  Seigneur  d'Arbelles  ou 
Irbil ,  (4)  Se  d'autres  Places  dans  la 
Mésopotamie  :  il  avoit  un  fils  nommé 
ModafFer-eddin  Koukberi ,  qui  poflew 
doit  déjà,  dans  la  même  Province , 
Scheherezour  ,(b)  Harran ,  (c)  Edeffè 

m  '    '  ■    .  » 

S'a)  Voyez  Bv.  V.  pap.  372. 
*)  Voyez  liv.  V.pag.  374. 
OHarw  ou  Charnui*  Çbam*>  &$ 


574  Histoire 

ou  Orfe;  (s)  Samofoth ,  (b)  &  Almatï- 
jTc.  iî^zar-  (O  Safadin  lui  donna  la  Princi- 
pauté <TArbeiles ,  en  échange  de  Har  * 
ran ,  d*Edelfe ,  de  Samofatn  &  d'AI- 
mauzar,&  inveftit  de  ces  derhiéfes  vil- 
les le  brave  Téki-eddin  Omar  fon  ne- 
veu. Celui-ci  fe  trouva  maître  alors 
d'une  grande  étendue  de  pays  :  car  il 
tenoit  des  bienfaits  de  fon  oncle  , 
Miapharékin ,  (d)  Hama  ,  (e)  Maar- 
fa ,  (/)  Salamia y  (g)  Mambedge  » 

Nous  en  avons  jparié  ,  Uv.  V.  pag.  350» 
(tf)Edeffe  ou  Orfa,  Erroné.   ^  oyez. Y. 

(à)  Samofeth ,  Sumeizat ,  fituée  fiir  PEu- 
phrate  &  à  l'Occident  de  ce  fleuve  qui  la 
rend  fertile  ;  elle  eft  habitée  par  des  Armé- 
niens. 

(c)  Al-Mauzardans  la  Méfopotamie.  Je  ne 
trouve  rien  fur.  cette  Race. 

(d)  Miapharékin.  Voytx  UvSV.  f.  3  84. 
(t)Hama ,  foye z.  liv.  IV.  p.  %  j  9. 

(f)  Maarra.  Voyez,  Uv  .TV.  p.  z«o. 

(g)  Salamia  9  Salamîmià ,  petit  village  fitué 
dans  le  chemin  du  défert ,  de  la  Préfecture 
de  Hama  ,  &  à  deux  journées  de  cette  ville* 
Les  Arabes  difent  que  Salamia,  voifine  de 
Sodome  &  des  quatre  autres  villes ,  fut  bâtie 
par  dix  habitai»  qui  fe  fauvérent  de  ces  ville* 
infortunées  :  ils^difent  que  les  Anges  chargés. 
<k  les  détruire  ,  les  élevèrent  fi  haut ,  qu^Q 


fy)Nefchrum  ou  Nefchmum  (£)Dgto- 
bail,(r  )  Laodicée,  (i)  Placanos,  (e)  &  Hés-  sg«- 
Pagras.  (fj  Téki-eddin  &  Koukbéri h  °  "*" 
partirent  l'un  &  l'autre  pour  aller  pren^ 
dre  po(Te/Ron  de  ces  différentes  Pla- 
ces. Le  Sulthan  chargea  le  premier  de 
lever  des  recrues  dans  la  Méfopota* 
ihie,  &  le  fécond ,  de  fe  rendre  maî- 
tre par  force  ou  par  adrefle ,  d'un  cer- 

entendoit  du  Ciel  le  chant  de  leurs  Coqs  ; 
qu'ils  les  laûTérent  enfuite  tomber.^*?**  leurt 
fables  fur  cet  événement*  dans  V Al-k*r*n  <$• 
d'Herbelet ,  article  Loth  ou  Louth  <$•  dut  rcs 
auxquels  il  renvoie. 

(a)  Mambedge ,  &c  Voyez  liv.  IV.  p.  %$o. 
'  {b)  Nefchmum  ,  Nefgen,  &ç.  Place  ou 
Citadelle  très-forte  fur  une  montagne»,  à  l'O- 
rient de  l'Euphrate.  On  l'appelle  la  fortereflè 
de  M?obédge  :  elle  s'élève  jufq*  aux  nues  ; 
c'eft  pour  cela  qu'on  lui  a  donné  le  nom  de 
Nefchmum ,  c'eft-à-dire ,  étoiles.  Le  Sulthan 
Mahmoud  Zenghi  la  fit  bâtir ,  &  y  fàifoit  fou- 
vent  fon  féjour  pouf  pouvoir  tomber  fur  le* 
Francs ,  lorfqu'Ùs  attaquoient  la  Syrie  ou  la 
Méfopotamie. 

(c)  Sembla,  Dgjobail  ,  Gibelet,  &c* 
Voyez,  liv.  VII.  pa*.  40.  /.  VIII.  p.  1 08. 

(<0  Voyez  liv.  VIII.  pag.   108. 

(«)Platanos  ouBlatanos,  &c.  Voye^livl 
VIII.  pag.  ni. 

(/*)  Pagras ,  &c  V*y*z.  liv.  VIIL  p .  t  x-ft  : 


t<1$  Hï*TÔI*ï 

tain  Hazen  qui  ravageoit  toute  la  Prtfs 
"âiSIlvince. 

CétoitunEmirtrcs-puiflantqui  rc- 
fidoit  ou  qui  commandoit  dans  Irixiiat 
ou  Urmia,  (j)  ville  de  Laderbidgia- 
ne ,  grande,  agréable ,  &  abondanre 9 
que  les  Arabes  difent  être  la  patrie  de 
Zeidarszé ,  Prophète  des  Mages ,  ceft- 
à-  dire  ,  de  Zoroaftre.  Elle  etoit  fi  tuée 
à  l'Orient  de  Mouflbui ,  auprès  du  Lac 
Téla,  &  avok  fur  une  montagne  une 
forterefle  que  l'art  &  la  nature  ren- 
doient  inacceffible  aux  efforts  des  en- 
nemis. Thogrul  Sulthan  Seljoucidede 
Tlran ,  obligé  de  fiiir  de  fes  Etats,  vint 
chercher  un  azyle  dans  cette  place, 
&  pour  s  attacher  l'Emir  Hazen  ,  il 
époufa  fa  fœur.  Enorgueilli  par  cette 
alliance  honorable  ,  celui-ci  conçut 
alors  l'ambition  de  gouverner  tout  le 
Royaume,  au  nom  de  Thogrul.  Il 
commença  par  s'emparer  d'Urmia  d'u# 
ne  manière  bien  cruelle  :  il  fit  aflaflï- 
ner  pendant  la  nuit ,  tous  les  Habitans 
en  état  de  porter  les  armes ,  jetta  dans 

*  [a)  Voyez  les  notes  de  Schultens  fur  cette 
Ville  &  dans  d'Herbelot,  l'opinion  des  Ma* 
pumétaju&rZoroaftre* 

l'efclavag* 


J.C.  !!**• 


de  Saladtn.  Lit.  XIII.  577 
l'efdavage  les  femmes  &  les  en  fans , 
&  donna  retraite  dans  cette  ville  aux    hé*  58$. 
Turkaniens ,  (a)  horde  de  barbares  > 
qui  Vivoient  de  rapines  ,  &  propres  à 
féconder  Tes  pernicieux  defteins.  Il  Ce 
mit  à  leur  tête ,  &  courut  dans  tous  les 
environs,  exerçant  un  horrible  bri* 
gandage  :  il  enlevoir  des  caravannes 
entières,  pilloit ,  maftacroit,  &  rom* 
pit  tout  commerce ,  toute  communi- 
cation dans  le  pays.  Thogrul  qu'il  te- 
non dans  une  efpéce  de  prifon ,  hon- 
teux de  paroître  autorifer  ces  excès  par 
fa  préfence ,  fe  fauva  &  vint  fe  mettra 
au  pouvoir  de  fes  Sujets  qui  le  reçu* 
rent  avec  joie ,  &  lui  rendirent  le  Scep- 
tre :  il  envoya  quelques  troupes  pour 
réprimer  les  violences  de  Hazen  ;  mais 
elles  furent  repoufTées,  Ce  Tyran  re* 
doutable  à  tous  fes  voifins ,  leur  eau- 
foit  une  crainte  perpétuelle ,  leur  fai- 
•  foit  acheter  leur  fureté ,  &  mectoit  tout 
.  le  pays  à  contribution, 

ModafTer-eddin  Koukbéri  le  flatta, 
plus  que  tout  autre  ,  lui  fit  de  magni- 
fiques préfens  »lui  propofaune  allian- 
ce étroite ,  promit  de  joindre  fes  trou- 

(a)  On  ne  trouve  rien  fur  cette  Tribu, 
Tome  II*  I  i 


5?8  Histoire 

pes  à  celles  de  ce  Brigand ,  de  ne  faite 
&S'im" quun  peuple  des  deux  Nations  ,  & 
d'attaquer  avec  leurs  forces  réunies , 
les  places  frontières.  Hazen  trompé 
par  ces  afliirances,  accepta  une  entre- 
vue dans  laquelle  on  devoit  cimenter 
cette  union  par  un  traité  folemnel  :  il 
vint  au  rendez-vous,  bien  accompa- 
gné y  mais  pendant  la  conférence , 
Koukbéri  ayant  donné  le  fignal ,  des 
Soldats  placés  en  embufeade ,  tombé*» 
rentfur  les  gardes  d'Hazen ,  les  diffi- 
pérent ,  l'enchaînèrent  lui-même  ,  8c 
le  conduifirent  prifonnier  dans  la  Ci- 
.    tadelle  d'Àrbelles. 

-'•  Koukbéri  étant  mort  dans  cette 
ville ,  le  Sulthan  nomma  Prince  d'Ar- 
belles  Téki-eddin-Omar ,  déjà  fi  pui£ 
(ant  dans  la  Méfopotamie  &  dans  la 
Syrie  ;  mais  ce  brave  Mufulman  ne  de- 
■voit  pas  jouir  long-tems  de  ce  bien- 
fait. 11  vint  fe  faire  reconnoître  dans 
fes  nouveaux  Etats.  Soit  que  (on  am- 
bition voulût  encore  en  accroître  l'é- 
tendue» foit  qu'il  crût  ne  point  dé- 
plaire à  fon  oncle ,  en  dépouillant 
Buktimer  ou  Baktimour  que  nous 
avons  vû  monterfur  le  trône  d'Akh- 


J.C.  1191* 


de'Saladim*  Lùr.XIIÏ.  579 
lath  ou  de  Khélath  (a)  en  Arménie , 
&  refufer  i?alliance  de  paladin ,  après  «ft  t\*Q[\ 
l'avoir  appelle  *à  fort  fecours,  (b)  fon- 
dit à  i'iniprovifte  fur  les  terres  de  ce 
Prince ,  &  lui  enleva  pîufieûrs  villes. 
Baktimour  aflembla  des  troupes,  livra 
bataille,  fut  vaincu,  pourfuivi  &  a£- 
fiégé  dans,  fa  Capitale, 
i.  iÇeftst  dan^côscifGonftances  que  le 
Khalife  »Nàffer-eddin  envoya ^un  Am- 
bafladeur  ânSulthan,  pour  fe  plain- 
dre de  l'invafion  deTéki-eddin  Omar, 
&  pour  demander  non-fediement  , 
qu  on  reffctuât  au  Roi  de  Khélath, 
toutes  "les  villes  qu  on -lui  avoir  prî- 
tes,  mais  encore  qttfwt  livrât  le  cou- 
pable a  la  juftice/a  Divan./ Le  Pon- 
tife défapprouvoit  auffi  la  conduite  de 
Kouk-béri ,  à  l'égard  d'Hazen ,  decla- 
roit  quiLprenort  -ce  dernier  (bus  fa 
proteftion  v.&itexigeoit  qu'on  l'élar- 
gît de  prifonA?  qu'an  lé  renvoyât  libre 
à  [rmia.  Enfin  il  ordonrtoit  à  El-Pha- 
del  grand  Cadhi  ou  fou  ver  ai  n  Juge  de 
l'Empire,  de  fe  rendre  inceflammenc 
"ii  1     ::       \i  •— *— ^  1      _  ■ 

(*)  Voyez,  pour  ^cette  ville  ,  liv.,  V. 

(h)  Voyez  ,  liv.  V.  f*g.  3  S*  &  **tr*$. 
Iiij 


jfo  Hïstoui       "  • 

à  la  fublime  Porte  pour  y  régler  toui 
Hég.  î8f.  lesdifFérens  qui  s'étoient  élevés  entre 
*c  ,„*.  ^  sulchan  &  le  facré  Divan.  Saladin 
connoi(Tant  le  refpeô  dû  an  Chef  de 
la  Religion  &  les  droits  de  fa  Cou- 
ronne indépendans  de  la  puitfance  des 
Khalifes ,  combla  ce  Député  d'hon-i 
neurs  &  de  prçfèns ,  &  répondit  aux 
objets  de  fa  Million  ,  que ,  quoiqu'il 
n'eût  à  rendre  compte  de  fa  conduite 
à  perfonne,  il  faifoit  fçavoir  à  Naffer; 
eddin  5  i°. que  Téki-eddin  Omar  ne 
s'étoit  approché  de  l'Arménie  que 
pour  y  lever  des  récrues  ;  qu'eitfiite  il 
avoit  attaqué  Baktimour,  pour  quel- 
ques fujets  de  mécontentement ,  mais 
que  cette  guerre  uauroit  pas  d'autres 
fuites ,  puifque  fon  neveu  venoit  de- 
tre  rappelle  en  Paleftine  :  i°.  qu'il 
avoit  lui-même  donné  ordre  àjtouk- 
béri,  d'arrêter  l'Emu:  Hazén  «&dele 
feire  venir  en  Syrie,  ou  ail  Heu  de 
.  commettre  du  brigandage»  il  pour-. 
roit  exercer  fa  valeur  contre  les  enne*- - 
mis  de  l'Iflamifme  :  jo.  que  le  Sou- 
verain Juge  Ei-Phadel  étoit  trop  in- 
firme, pour  entreprendre  le  voyage 
de  Bagdad.  Ainfi  ,  loin  d'obéir  aux  dé-f 
crçtsimpuiflans&  injuftes  du  Pontife  * 


ht  Sàlàdin.  LiWXIII.  $fï 
il  ne  voulut  pas  même  lui  envoyer  un 
,Àmbafladeur ,  comme  il  en  étoic  fol-    Hég.  j  s*, 
licite  par  ce  Député,  &  prétendit  n'ar  J'  c' f  *** 
voir  rien  à  démêler  dans  fon  Empire 
avec  le  Khalife. 

Cependant  Tcki-eddin  abandonna 
fon  entreprife  fur  Khélath ,  &  tourna 
fes  efforts  contrp  Makskurd  ville  con- 
fidérable  d'Arménie,  prefque  aufli 
grande  &  moins  forte  que  Khélath, 
Pendant  cefiége,  il  fut  attaqué  dune 
maladie  violente  qui  le  mit  en  peu  de 
jours  au  tombeau.  Malek  el-Manzour 
l'aîné  de  fes  fils,  qui  l'avoit  fuivi  dans 
cette  expédition  ,  tint  pendapt  quel* 
que  tems  cette  mort  iecrette,  pour 
difpofer  les  efprits  en  fa  faveur;  Se 
s  étant  affuré  de  tous  les  Suffrages ,  il  fe 
rendit  à  la  tête  des  troupes  dans  la 
ville  de  Hama.  Ce  jeune  ambitieux  b*1**:** 
vou)ut  hériter  des  Etats  de  fçtfi  père  ,  A  * 
comme  il  héritoit  de  tout  fon  coura- 
ge ;  mais  il  pen/a  perdre  par  trop  de 
fierté ,  ce  qu'il  auroit  obtenu  par  une 
foumiffion  prompte  :  car  fe  voyant  à 
la  tête  d'une  armée  affez  paillante  ;  il 
prit  pofleflïon  de  la  Principauté  de 
Hama  &  des  autres  Places,  (ans  at- 
tendre le  consentement  duSultban  (oa 


f^rand-oncle,  &  ofamême  lai  propôw 
èr  des  conditions  qui  refpiroient  la 
révolte.  A  cette  nouvelle  Saladin  ne 
put  contenir  fon  indignation  :  il  fit 
partir  fur  le  champ  fon  fils  Afdbal 
avec  de  bonnes  troupes,  pour  aller 
s'emparer  de  toutes  les  Places  qui 
avoient  appartenu  à  Téki-eddin  $  & 
ordonna  à  foh  autre  fils  Addhaher,qui 

fardoit  les  frontières  de  la  haute  Syrie 
e  prêter  main  forte  à  fon  frère ,  fr 
Manzour  faifok  de  la  réfiftance. 

.  Celui-ci  commençant  à  craindre , 
fe  hâta  de  conjurer  l'orage  :  il  implora 
la  prote&ion  de  fon  grand-oricîe  AdeP, 
dont  il  fçûtflatteri^àmbitîohy  èàliii 
offrant  la»  moitié  de  la  -fucceffîon;  de 
ion  père.  Il  ne  derttandok  plbs  tjtle  U 
tutelle  de  Tes  frères  &  les  villes  de 
Harran ,  d'Edefle ,  de  Samefath  ou 
•  celles  de  Hama,  de  Màmbedge,  dé 
Salamia ,  de  Maârïa Se  leuft  DépetP 
dances ,  &  confeilloit  à  M'alek  Adet 
de  folliciter  Hnveftitute'des  Places 
qu'on  lui  refoferofc  à  lui-même.  Adel 
intéreflé  dans  la  caufe  de  fon  petit  ne-» 
veu,  après  beaucoup  de  prières,  obtint 
la  grâce  de  Manzour  Se  lui  fit  accor- 
der les  villes  de  Harran ,  d'Edeffe ,  dé 


ȣ  Saladin.  L iv,  XIII.  383 
Samofath  avec  leurs  territoires  :  il  fit 
dreflTer  la  patente  de  cette  conceflîôn  ,  j"2"rîîii 
&  voulut  engager  le  Sulthan  à  la  fcel- 
1er  fur  l'heure ,  &  même  à  s'obliger 
par  ferment.  Saladin  indigné  que  Ion 
propre  frère  exigeât  un  ferment  de  lui 
qui  n  en  avoit  jamais  exigé  des  Emirs 
auxquels  il  avoit  confié  le  Gouverne- 
ment des  Places  Se  des  Provinces  de 
fon  Royaume >  regardant  Adel  avec 
colère ,  prit  la  patente,  la  déchira ,  & 
menaça  de  fe  venger  &  de  fon  frère  & 
de  fon  neveu. 

-  Il  négocioit  dans  ce  tems  avec  le 
Roi  d'Angleterre  &  le  Marquis  de 
Tyr.  Le  premier  inftruit  de  ces  trou- 
bles différoit  de  conclure,  efpérant 
obtenir  des  conditions  plus  avanta- 
geufes  :  mais  Saladin  craignant  en 
€ffet ,  que  Manzour  ne  fe  joignît  avec 
Baktimour,  &  ne  lui  attirât  par  cette 
union  une  guerre  far  l*Euphrate ,  con- 
fentit  adonner  la  paix  à  Conrad. Nous 
avons  dit  que  la  mort  de  ce  Prince 
rompit  ce  projet  &  réplongea  le  Sul- 
than dans  de  nouvelles  inquiétudes. 
D'un  autre  côté,  Adel  ne  ceflbit  de  le 
fatiguer  par  fes  follicitations  en  faveur 
de  Manzour.  Enfin  Saladin  laiffa  la 


&4  Hhtoui 

décifion  de  cette  affaire  à  foo  Diran 
î.  ctgu  "'  où  il  n  affifta  point  r  pour  ne  pas  gê- 
ner les  fuffrages.  Les  Emirs  opinèrent 
qu'on  ne  pouvoir  fe  charger  de  deux 
guerres  à  la  fois  ;  qu'il  falloit  accor- 
der la  paix  aux  Francs  ou  à  Malek  el- 
Manzour  >  mais  que  dans  le  choix ,  on 
dfivoît  plutôt  pardonner  à  ce  dernier 
qui  ne  paroilTbit  coupable  que  d'im- 
prudence.  Saladin   porté  naturelle- 
ment à  la  clémence  fe  rendit  à  cet 
avis,  &  invertit  Ton  neveu  des  villes 
de  Harran  ,  d'Edetiê  Se  de  Samofath. 
Adel  ne  manqua  pas  de  demander 
pour  lui-même ,  les  autres  Places  de 
Méfopotamie  dont  Téki-edd;n  avoit 
joui.  Après  quelques  contestations, 
on  les  lui  céda  en  échange  de  ce  qu'il 
pofledoit  en  deçà  de  l'Eupbrate  exce- 
pté Krak,  Aflelt  Se  Beikaa,  à  con- 
dition cependant  qu'il  enverroit  tous 
les  ans  à  Jérufalem  ,  de  ces  dernières 
villes,  mille  facs  de  froment  par  for- 
me de  tribut. 

Dans  cet  intervalle ,  on  avoit  fait 

.  la  paix  avec  les  Chrétiens  9  Se  Saladin 

*  étoit  revenu  à  Jérufalem.  Le  calme 

étoit  enfirv  rétabli  dans  tout  fon  Enl- 

pire.  Adel  fe  préparoit  à  partir  pour 

la 


de  Salàdin.  LiY.XÏII.  j8y 

-ïa  méfopotamie.  Manzour  étoit  venu 

fe  jetter  aux  pieds  du  Sulthan.  Les  Hég.  <8g. 
Emirs  &  les  Princes  fe  rendoient  dans  J» c*  *  '>*• 
leurs  différensdépartemens,  LesCroi- 
fes  repaffoient  la  mer.  Tout  étoit  tran- 
quille. Le  Khalife  feul  murmuroit  en- 
core &  necefïoit  de  fe  plaindre  :  il  fe 
crut  méprife  ;  &  pour  faqyer  l'hon- 
neur dulChalifat ,  ilexigeoit  qu'on  lui 
envoyât  le  grand  Cadhi  el-Phadel  ou 
du  moins  un  AmbaiTadeur,  Saladin 
tout  dévot  qu'il  étoit ,  réfiftoit  à  de 
telles  prétentions  qu'il  regardoit 
comme  des  entreprifes  fur  les  droits 
de  fon  trône.  Il  étoit  fourd  aux  cris  du 
Khalife ,  faifoit  prier  pour  lui  dans  les 
Mofquées,  le  révéroit  comme  le  Chef 
de  l'Iflamifme ,  &  croyok  ne  devoir 
pas  lui  céder  dans  des  difeuffions  in- 
dépendantes de  la  Religion.  Nafler- 
eddin  ne  pouvant  fléchir  le  Sulthan  , 
4éputaun  de  fes  Imams  à  Malek  Adel 
&  lui  promit  la  prote&ion  du  facré 
Divan  &  la  rémiflion  de  fes  péchés , 
s'il  engageoit  fon  frère  à  faire  quel- 
que fourni  (Tion  à  la*fublime  Porte. 
Adel,  qui  dans  les deffeins ambitieux 
jquil  méditoit ,  vouloit  fe  ménager 
l'appui  des  Prêtres  ôc  des  Pontifes,  û 
Tome//.  Kk 


jStf  Histoire 

puiflant  fur  i'efpritdesPeupIes^btîat, 

ïHc"ii8î#.  aPr^s  P^ufieurs  iaftances ,  qu'on  nom- 
"         mât  pouf  la  Cour  de  Bagdad ,  un  Ain- 
batfadeur  chargé  d  écouter  les  plaintes 
du  Khalife  &  de  venir  en  rendre  com- 
pte à  Saladin. 

Avant  que  de  partir  pour  la  Méso- 
potamie ,  Adel  maria  du  confente- 
ment  de  fon  frère,  une  de. Tes  filles 
avec  Oefar-fchah  Piince  Seljoucide 
d'Iconium ,  qui  étoh  venu  implorer  la 
proteâion  du  Sulthan.  Kilidge-Arflan 
dont  nous  avons  fouvent  parlé ,  après 
un  régne  long  &  célèbre,  avoit  éprouve 
le  fort  de  Louis  le  Débonnaire ,  pour 
la  même  caufe.  Comme  lui ,  il  avoit 
partagé  fbn  Royaume  à  fes  enfans ,  & 
fut  chaire  comme  lui  du  trône  par 
l'ambition  de  fes  fils  dénaturés,  &  ré- 
tabli par  leur  divifion  :  mais  il  y  eue 
cette  différence  entre  ces  deux  Monar- 
ques ,  que  le  Khalife  ne  prit  aucune 
part  à  la  révolte  de  ces  Princes  Seljou* 
cides.  Kilidge-Arflan  ayant  cédé  fes 
Etats  à  fes  dix  enfans ,  ne  s'étoit  ré- 
fervé  que  la  villfc  d'Iconium,  où  il  efpé* 
roit  terminer  Ces  jours  dans  le  repos. 
Corhb-eddin  Malek-fchah  Paîné  de 
tous ,  qui  regnoit  à  Siouas  ou  Sébafte 


9-e  Salabin.  Lit.XIII.  587 
{4)  ftit  lé  premier  qui  leva  l'étendard 
de  la  guerre  civile  :  il  s  avança  vers  la  Hés-  i  *f  • 
Capitale  à  main  armée,  &  s'en  rendit  J  C#  llf  u 
maître ,  ainfi  que  de  ion  père.  Il  fe 
porta  pour  fon  Succeffeur ,  lui  fit  révo- 
quer toutes  les  ceflïons  faites  à  Tes  frè- 
res ,  &  les  attaqua  tous  au  nom  de 
Kilidge-Arflan  ,  qu'il  traînoit  de  Pro- 
vince en  Province.  Moëzz-eddin  Ge- 
far-fchah  dépouillé  par  cette  révolu- 
tion de  fa  Principauté  de  Malathie, 
f£)qui  lui  étoit  échue  en  partage,  vint 
demander  du  fecours  à  Saladin.  Le 
Sulthan ,  aprèsavoîr  contrarié  alliance 
avec  lui,  lui  fit  reftituer  Malathie  &  le 
fit  reconduire  avec  honneur  jufques  fur  - 
les  frontières  de  la  Syrie.  Mais  Ki- 
lidge-Arflan s'étant  fauve  de  l'armée 
de  Cothb-eddin  ,  erra  long-tems  de 
ville  en  villes  pour  émouvoir  la  pitié 

(a)  Siouas  dans  la  Cappadoce  Pontîque  9 
tft  la  même  que  Sébafte  dont  parle  Pline  : 
elle  eft  grande  &  a  de  bonnes  murailles  & 
une  petite  Citadelle  :  elle  eft  dans  une  plaine 
environnée  de  montagnes  à  foixante  milles 
de  Caefarée ,  à  l'Occident  d'Erzér^oum.     - 

(b)  Malathie;  c'eft  l'ancienne  Méliténe; 
que  les  uns  placent  dans  la  Cappadoce ,  les 
autres  dans  la  petite  Arménie. 

Kki) 


388  Histoire 

de  Tes  enfans  occupés  à  s'en tredétruîre, 

Vfc  .îf ?"  &  <*om  aucun  ne  prit  fa  défenfe  :  eu* 
J.c.  1191.  c     .,  r  . 

fin  il  trouva  un  vengeur  dans  Kai- 
Khofrou  Prince  de  Bargiloun  ,  (4) 
qui  leva  des  troupes  ,  livra  ba- 
taille à  Mélik-fehah,  le  vainquit  , 
'  •-  &  eut  la  gloire  de  rendre  la  Couronne 

à  fon  père.  Ce  Prince  étant  mort  peu 
de  tems  après ,  Kai-Khofrou  fur  élevé 
par  les  vœux  &  les  fuffragesdu  Peuple 
au  Sulthanat  d'Iconium  quil  avoit  fi 
bien  mérité. 

Cependant  Saladin  renvoya  dans  la 
haute  Syrie  fon  fils  El-Dhaher  qui 
étoit  revenu  à  Jérufalem,  Eu  lui  fai» 
Tant  Tes  adieux  ,  il  lui  dit  en  préfence 
de  Boha-eJdin  qui  recueillit  ces  pa- 
rôles  remarquables  :  »  Mon  fils ,  vous 
valiez  régner  dans  les  Etats  que  je 
nvous  ai  donnés.  Mes  infirmités  me 
»  Font  craindre  de  ne  plus  vous  revoir* 
/  >»Je  vous  recommande  donc  ,  mon 
»>  fils ,  pour  dernière  volonté ,  d'aimer  , 
i»  d'honorer  Dieu ,  qui  eft  la  fource  de 
f>tout  bien ,  Se  d'obferver  les  précep- 
„  tes  de  fe  Loi ,  car  votre  falut  en  dé» 


(a)  Bargiloun  ville  &  PréfeÔure  des  Pro- 
vinces Humées. 


J»b  Saladin.  Liv. XIII.  $89 
wpend.  Epargnez  le  fane  humain, 
»j  crainte  qu  il  ne  rejailhfle  fur  votre  j.  &  it^lt 
*  tête.  Le  fang  répandu  ne  refte  ja-  Boh# 
«mais  fans  vengeur.  (*)  Attachez- 
n  vous  à  gagner  le  cœur  &  l'eftime  dç 
tt vos  Sujets;  rendez-leur  la  juftice-; 
»>  ayez  foin  de  leurs  intérêts  comme 
»*des  vôtres.  Vous  aurez  à  rendre 
»  compte  à  Dieu  de  ce  dépôt  que  je 
»  vous  confie  en  fon  nom.  Ayez  des 
»  égards,  de  la  condefcendance  pour 
>>  les  Emirs ,  pour  les  Imams ,  pour  les 
t»  Cadhis  ,  &  pour  toutes  les  perfonnes 
«en place.  Cen'eii  que  par  la  dou-  ' 
»ceur,  la  modération  ,  fa  clémence 
»>  que  je  fuis  parvenu  au  degré  d'élé* 
ovation  où  vous  me  voyez.  Nous 
tffommes  tous  mortels,  o  mon  fils  , 
itainfi  ne  confervez  aucune  rancune  , 
»  aucune  haine  contre  qui  que  ce  (oit. 
»  Gardez-vous  furtout  de  ne  jamais  of- 
ufenfer  perfonne.  Les  hommes  n'ou- 
wblient  les  injures  qu'après  en  avoir 
»  tiré  vengeance  ou  obtenu  fatisfac- 
»tion,  tandis  que  Dieu  nous  accorde 
»le  pardon  de  nos  fautes ,  pour  un 
— —  1     1  — » — mmammm — — — — — ■ ^— 1 — — — *, 

(a)  Il  y  a  dans  le  texte  :  Car  Uf*n%  répand» 
mt  dm  Point. 

Kkii> 


3^©  Histoire 

»fimple repentir,  car  il  eft  bienfaï- 
ï*c*  **î.  *  ^ant  *  miféricordieux.  «  Après  avoir 
'*  adonné  ces  fagesinftru&ions  à  fon  fils, 
il  l'embraflà  en  verfant  des  larme» 
dTattendriffement ,  &  le  laHïa  partir. 
El-Dhaher  pratiqua  dans  Halep  les 
yertus  que  (on  père  lui  avoit  recom- 
mandées ;  mais  il  fut  obligé  de  faire  un 
exemple  de  ftvérité  pour  apprendre  à 
cet  ordre  diftingué  de  Citoyens  qui  cul- 
tivent les  Lettres,à  refpe&er  dans  leurs- 
difcours  &  leurs  écrits,  le  dogme  éta- 
Boh.  bli.  Il  y  avoit  dans  cette  ville  un  hom- 

rrSS AFéà  ***  c#«>rc  par  fes  connoiflan  ces  autant 
Bcn-schtu.  que  par  fbn  impiété  :  il  émit  Médecin  , 
-  ëc  prenait  le  tkre  de  Philûfophe.  Il 
avoit  compofé  plnfieurs  ouvrages  fur 
differens  fujets ,  &  joignoît  à  m  or- 
gueil infupportable  un  déchaînement 
furieux  contre  la  Loi  de  Mahomet. 
Plus  on  lui  impofoit  filence ,  moins  if 
gardoit  de  modération.  Enfin  il  fut  ar- 
rêté, mis  en  prifon  ,  jugé  par  les  Cad- 
his ,  qui  le  déclarèrent  chgne  de  mort- 
Avant  que  de  faire  exécuter  la  Sen- 
tence ,  El-Dhaher  confuha  Saladin  ^ 

(a)  Il  s'appellokSchéhab-eddin  Schéhi- 
tcrdL 


J.C.  »t£l« 


de  Saladin.  L iv. XIII.  \$t 
qui  confirma  le  jugement  des  Doc- 
teurs. Àinfi  cet  homme  féditieux  &    _hjs-  *«*• 
vain  ,  paya  de  fa  tête  un  crime  au  on 
ne  fçauroit  réprimer  avec  trop  de  ri- 
gueur ,  le  crime  de  cent  qui  aviliflent; 
des  talens  honorables  &  précieux  ,  en 
les  employant  à  décrier  la  Religion 
reçue ,  &  par  conféquent  le  gourer» 
nement  qui  ne  peut  iubfiftcr  fans  elle. 
Après  avoir  donné  des  ordres  pooc 
Fembellirtement,  la  défeaic  &  la  po- 
lice de  Jérufalem  ,  Saladin  partit  pour 
aller  viTiter  tes  côtes  de  la  Syrie  y  8c 
fe  rendre  à  Damas,  où  il  comptoit  fc- 
journer  Quelques  mois ,  après  lefquels 
il  avoit  defteii*  de  parère*  Egypte* 
mais  la  mort  le  furprk  dans  cette  vil- 
le. Lorfqu'il  fut  à  Bérour,  Bohémond 
Prince  d'Antioche vint  le  voir,  pouc 
accéder  au  traité  fait  avec  les  Croi- 
f es, Se  pour  lui  demander  quelques  Pla- 
ces voifines  de  (a  Principauté  ,  6c  un 
rerrein  affezr  étendu  dans  la  plaine ,  & 
dont  le  revenu  montoit  à  quinze  mille 
écus  d'or ,.  environ  cent  cinquante  mil- 
le livres  de  notre monnoie.  Le  Sulthan 
qui  ne  fçut  jamais  rien  refufer  ,lui  ac- 
corda cette  grâce ,  &  donna  même  à 
(lutteurs  Barons  Chrétiens  qui  avoient 

Kkiii) 


592  Histoire 

accompagné  Bohémond ,  les  Châteaux 

j!c?iipî  '.  qa'^s  pofledoient  avant  la  guerre. 

Enfnite  Saladin  prit  la  route  deDamas; 
Il  trouva  dans  cette  Capitale  de  la  Sy- 
rie ,  des  Ambafladeurs  de  tous  les  Prin. 
ces  de  l'Orient  qui  l'attendoient  pour  le 
complimenter  fur  fes  vi&oires,  au  nom 

*>ha*d.  de  leur  maître.Les  Orateurs  &  les  Poê- 
les vinrent  auflî  lui  préfenter  des  Dif- 
cours  d'Eloquence  &  des  Poèmes  faits 
en  fon  honneur ,  &  que  les  Arabes  lï- 
fent  encore.  Le  Sulthan  jouiflbit  enfin 
de  fa  gloire  &  de  PamourdeTes  Su- 
jets-quM  s'occupoit à  rendre  heureux: 
il  fe  dclafïbit  de  fe$  fatigues  par  des 
plaifirs  tranquilles,  au  milieu  de  fa  fa- 
mille &  des  Emirs  dont  il  avoit  fait 
la  fa* tune  ,  &  qu'il  combloit  tous  les 
jours  de  nouveaux  bienfaits  :  aullï 
étoient-ils  plus  attachés  à  fa  perfonne 
qu'à  fon  rang.  Les  Mufulmans  accou- 
xoient  de  toutes  parts  pour  le  voir  8c 
l'admirer.  Les  Citoyens  de  Damas  cé- 
lébroient  des  fêtes,  donnoient  des 
fcftins  ,&  térhoignoient  de  la  manière 
la  plus  vive ,  la  joie  de  le  pofleder. 
Mais  cette  joie  fut  bientôt  troublée; 
La  défolarion  la  plus  profonde  fuccé- 
da  tout  à  coup  aux  tranfpotts  d'ailée 


l 


I 


di  Sàlàdin.  Liv.XIII.  39$ 

grefle.  Pour  comprendre  combien  ce  UST"??* 
Prince étoit  cher  à  Tes  Supers,  il  faut  i.c.)i^r 
voir  dans  Boha-eddin ,  avec  quel  dé- 
tail ,  avec  quel  intérêt  il  décrit  les  cir- 
conftances  &  les  progrès  de  fa  mala-» 
die ,  les  allâmes ,  les  inquiétudes ,  les 
mouvemens  àcs  grands  &  du  peuple  , 
ledrs  plaintes ,  leurs  fanglots  ,  leurs 
ctis  ,  leur  douleur  impétueufe  ->  fpedfca- 
cle  attendrifTant  que  nous  avons  vu 
renouveller  de  nos  jours ,  pour  un  Mo- 
narque encore  pïus  armé,  &  qui  mê- 
me rant  de  l'être. 

Saladin  alla  par  dévotion  au-devant  Boh- 
des  Pèlerins  de  h  Meome:il  oublia  Aboul~F** 
de  prendre  une  efpéce  ae  vefte  qu'il 
portoit  o/tUnairernciit.  Le  froid  le  fai- 
fit  dans  la  route  ,&:  iï  fenrît  air  retour 
une  grande  laflîtude  qui  fut  fuivie  d'u- 
ne fièvre  violente;  Le  lendemain  il  fe 
plaignit  d'avoir  beaucoup  fouffert  pen» 
dant  la  nuit  :  'û  fit  effort  pour  fe  le- 
ver ,  &  retomba  dans  Ton  lit  de  foi- 
blefle.  Il  demanda  un  peu  d'eau  tiè- 
de pour  calmer  la  foif  qui  le  bruloit  i 
on  lui  en  apporta  de  bouillante;  il  la 
rendit  »  &  on  lui  en  donna  un  moment 
après  de  la  froide.  »Eh  quoi  !  dit-il  r 
»  avec  fa  douceur  ordinaire ,  ne  pouw 


j?4  HrsroiKH 

**rai-je  point  avoir  de  l'eau  tiédie  ? 
h&illu  ^Q^e''es moeurs „  quel  caraâére !  s'é- 
*  *  cria  un  des  Affiftans  j  fi  cela  arrivoir 
*>à  quelqu'un  de  nous , nous  ne  man- 
querions pas  debrifer  le  vafe  contre 
»la  tête  du  Domeftique  qui  nous  fer- 
»»viroic  fi  mal.  *L*heure  du  dîner 
étant  Tenue  ,  Saladin  pria  les  Emir» 
de  faite  compagnie  à  (on  (ils  Afdhal* 
Onpa(Tadans  Hne  autre  faIle;on  ap* 
porta  les  mets;  tour  le  monde  s  affit  ,, 
&  Afdhal  prk  la  place  que  fo*  père 
avoir  contume  d'occuper.  Cette  cir- 
confiance  attendrit  les  Emirs  :  ils  gar- 
dent un  morne  filence  ;  la  réflexion 
&'oute  à  teu^rrifte  fê  -,  ils  n-ofent  lever 
les  yeux  ;leur  cœur  fe  reffene  ;  la  Rou- 
teur les  éroofl c  $  ils  s'efforcent  de  re- 
tenir ou  dfc  cacher  des  larmes  qui  cou- 
lent malgré  eux  ;  ils  fe  détournent  & 
fc  l.vent  ei*firv  les- uns  après  le» au*. 
très ,  pour  al  Ici  pleurer  librement  à 
Fécarr. 

Cependant  Fe  bruit  fe  répand  dâh* 
fa  vilfe  que  le  Sultban  eft  eh  danger.. 
À  cette  nouvelle,  on  ferme  les  bouti- 
ques ;  on  transporte  le*  marchandise? 
rfu  marché.  Les  uns  vont  fe  profter- 
met  dan*  k%  Mof^néesr,  les  autres  cou» 


»b  Sàlàihn.  Liv.  XIII.  }y/ 
rent  au  Château  :  on  affiége  les  por- 
tes 5  oh  arrête  tout  ce  qui  fort  ;  on  in*  J* cai*£ 
terroge  les  Médecins  j  on  cherche  à 
lire  dans  leurs  yeux  ,  fi  Ton  doit  e£- 
Npérer  ou  craindre.  La  consternation 
des  Emirs  palTe  dans  tous  les  cœurs  r 
©n  crie ,  on  pouffe  des  hurlemens  5  01* 
fe  livre  aux  accès  du  défefpoir.  La* 
ville  eft  pleine  de  tumulte  &  d'effroi  r 
on  ne  connaît  plus  de  diftinâion  :  les 
grands  &  le  peuple  également  défb- 
ïes,fè  mêlent ,  s'égarent  dans  les  rues> 
confondent  leurs  fanglocs  ;  les  hom- 
mes paffent  les  fours  &  les  nuits  à  la 
porte  du  Château  ,  les  femmes  pleu- 
rent dans  FiïKétieu*  dea>  œaifons  *  les» 
Prêtres  adreflènt  des  prières  au  Giel  : 
tous  refïêntent  If^douleur  des  enfans 
qui  font  prêts  à  perdre  un  père  tendre- 
ment aimé  ,  tous-voudroient  donnée 
leur  vie  pour  Cuwer  celLe  dt  leur  maî- 
tre. 

Pendant  Te  peu  de  fours  qui!  vécut 
erteore ,  Saladîn  s'occupa  à  donner  des 
înftruéHous  à  foa  fils  Afdhal ,  qui  lu* 
foccédoit  dans  fe  Royaume  de  Damas  », 
&  à  recommander  aux  Emirs  d'aider 
de  leurs  fages  confèil?  ce  Prince  &  Ce*  - 
autres  en£aitf»  Il  fie  «Uftribuer  de&au*- 


\$6  HlSTÔfKË 

Urgirc  g  mônesàtous  les  pauvres,  même  au* 
J.c.  fIjj.  Chrétiens  indigent  qui  fe  trouvoient 
dans  la  Tille-'  Comme  il  avoir  tour  don- 
né pendant  fa  vie,  Se  qu'il  ne  s  etoic 
jamais  * fen  réfervé  pour  lui-même ,  on 
fut  obligé  de  vertdce  fes  bijoux  &  Ces 
meubles.  Une  de  fe*  feurs  (^char- 
gée de  cette  ctuvre  de  Ghariré ,  ajouta 
les  propres  effets  pour  rendre  cette  au* 
moue  plus  abondante*  Nos  Hiftoriens 
contemporains  difent  que  leSulthan 
avant  que  de  mourir,,  ordonna  à  TOk 
licier  qui  portoit  ordinairement  foi* 
étendard  dans  lès  armées?, d'attacher 
au  haut  d'une  tance  le  drap  dans  le- 
quel  il  devoitêtreenféveli ,  &  de  crier 
dans  les  mies  de  Damas ,  en  le  mon- 
trant au  peuple  :  Pg$a  te  que  Soltâi* 
Vainqueur  à*  V Orient  emperte  de  fes  cm- 

ijHCtCS. 

Enfin ,  le  douzième  jour  de  fit  ma* 
Iadie ,  Mercredi  vingt- iept  Séfer  i  fé- 
cond mois  de  Tannée  Arabique ,  l'an 
cinq  cens  quatre-vingt  neuf  de-PHé* 
gire ,  dans  le  mois  de  Février ,  onze 
cens  quatre-ving-treize  de  Jéfus- 
■  '  »      ■  ■    ■  k 

(a)  Elîe  fe  nommoit  Sittalfchas*  ou  Siî— 
Jab-Alftham» 


be  Salàdin.  Lîv„XIII.  397 

Chrift ,  Saladin  termina  fa  carrière  à 
l'âge  de  cinquante-iept  ans  Lunaires.    Hésire  ^ 
Il  en  avoir  régné  vingt-deux  en  Egyp-  J*c*  ll9ié 
te  depuis  la  mort  du  Khalife,  &  dix- 
neuf  en  Syrie,  depuis  celle  de  Nour* 
£ddin.  Son  nom  entier  étoit,  Snlthan, 
Aiderai- Najfer ,  SaUh-eddirt  >cmir  eU 
Jl4ou  menin,  Aboul  Modhajfer,  To^ffouf 
btn  Ajoub ,  btn  Schadj;  celt-à-dire  , 
Sukban  ou  Empereur,  le  Roi  défenfeur 
5alah-eddin  ,  ( Salut  du  monde  8c  He 
la  Religion)  Commandant  des  Fi» 
déles ,  père  vainqueur ,  Jofeph  fils  dç 
Job  fils  de  Sçhady. 

On  peut  mieux  imaginer  que  d'é- 
crire la  défolation  des  Habitans ,  lors- 
qu'on leur  dit:  le  Sulthan  eft.  morts  8c 
locfqu  ils  virent  plufieurs  enfans  de  Sa- 
ladin qui  étoient  encore  dans  un  âge 
fort  tendre ,  fortir  tout  à  coup  du  Châ- 
teau, les  habits  déchirés,  tendre  les 
mains  vers  le  Ciel,  implorer  la  pitié 
du  peuple  j  8c  parcourir  entraînés  par 
Ja  douleur ,  toute  la  ville  ,  fuivis  des 
Citoyens  qui  ne  leur  répondoient  que 
par  des  fanglots,  Boha-eddin,  en  dé- 
crivant ce  trille  fpe&acle  ,  &  l'effet 
qu'il  produisit  fur  les  efprits ,  obferve 
que  lorfqu'il  avoit  entendu  dire  que 


J9$  H  ISTofRt 

des  hommes  fe  dévôuroient  à  la  mort 
Hég.  589.  pour  autres  hommes ,  il  avoir  pris  ces 
expreffions  pour  de  vains  témoignages 
de  zélé,  mais  qu'il  comprit  alors  par  la 
propre  fîtuatîon  de  (00  ame ,  &  par  le 
défefpoirdetous  les  Mufulmans ,  que 
tous  euflent  volontiers  facrifié  leur 
vie  pour  la  rendre  au  Prince  qu'ils*  ve- 
noient  de  perdre.  Le  deuil  fur  géné- 
ral dans  tout  l'Empire  ,  &  même  dans 
tout  l'Orient*   On  pria  pourSaladin 
dans  les  Mofquées  de  la  Mecque  Se  de 
Médine  ,  honneur  qu  on  ne  rendoit 
qu'aux  Khalifes ,  &  à  quelques  Sou- 
verains qui  s'étoient  le  plus  diftineués 
par  leur  bravoure ,  leur  juftice  ,  leur 
humanité  &  leur  Religion. 

Saladin  fut  d'abord  enterré  dans  le 
Château,  dans  l'appartement  même 
où  il  étoit  tombé  malade;  mais  quel- 
que tems  après ,  Afdh**l  ayant  fait  éle- 
ver un  tombeau  auprès  de  la  Mof- 
quée  >  fon  corps  y  fut  transporté  avec 
pompe;  &  1&  plupart  des  Ajoubites  af- 
filièrent à  cette  lugubre  cérémonie. 

Si  ce  Sultban  emporta  Teftime  & 
les  regrets  de  tous  les  peuples,  peu  de 
Princes  méritèrent  ces  fèntimens  par 
tant  de  vgrtus.  Les  Chrétiens  eux* 


©eSaxadin.  Liv.XIII.  399 
mêmes  n'ont  pu  s'empêcher  de  lui 
rendre  juftice  :  ce  fonteux  qui  m'ont  J1**  *8ï>' 
éourm  une  partie  des  traits  répandus 
dans  cette  Hiftoire  :  j'ai  été  obligé 
d'en  retrancher  plufieurs  qui  paroî- 
troient  minutieux  à  nres  Lefteurs. 

Saladin  obfervoit  avec  tant  de  fcru- 

Î)ule,  les  préceptes  de  l'Alcoran ,  que 
es  Mufulmans  font  mis  au  nombre 
de  leurs  fajnts.  Il  fit  bâtir  dans  toutes 
les  villes  principales,  des  Mofquées, 
des  Collèges ,  des  Hôpitaux  ;  il  prenoit 
fous  fa  proteftion  ,  les  Vieillards ,  les 
Orphelins  ,&  nourriffoittous  ceux  qui 
étoient  dans  l'indigence.  Ceux-là  fe  Boh 
trompent, qui  prétendent  qu'il  mou-*£°"îph# 
rut  eh  philofophe  ;  il  vécut  &   •  iou-  Hift.  pat. 
rut  en  dévot.    Il  femble  à  quelques  ^Hc.bf  «c 
Ecrivains  de  nos  jours ,  qu'il  ne  puifle  al"- 
y  avoir  de  véritablement  grands  hom- 
mes, (ans  cette  philofophie  qui  con- 
fifte  à  n'admettre  aucune  Religion  -, 
ils  fçavent  cependant  que  la  Religion 
eft  encore  plus  le  lien  qui  attache  les 
Princes  aux  Sujets,que  celui  qui  attache 
les  Sujets  aux  Princes  ;  que  rompre  ce 
iien ,  ç'eft  donner  toute  liberté  à  des 
hommes  qui  peuvent  tout  entrepren- 
dre impunément  ;  5c  que  s'il  n'y  avoit 


4oo  Histoire 

point  de  Religion  ,  il  faudrait  peut* 

j!c?  i\9u  ?tre>  Pour  'e  ^xtn  ^e  l'humanité,  en 
fabriquer  une  exprès,  pour  oppofèr 
un  frein  redoutable  aux  paflîons  des 
Souverains. 

Saladin ,  loin  de  méprifer  la  loi  de 
Mahomet ,  en  adoptoit  même  les  pra- 
tiques les  plus  fuperftkieufes.  Ce  dé- 
faut, qui  dans  le  refte  des  hommes, 
annonce  de  la  foiblefle  dans  l'ame  m 
étoit  joint  dans  lui ,  à  beaucoup  de 
courage  ;  parce  que  l'idée  d'une  de£ 
tinée  irrévocable,  qui  régie  tous  les 
événemens  de  ce  monde  ,    infpire 
de  l'intrépidité  à  tout  dévot  Muful- 
man ,  furtout  dans  des  guerres  entre* 
prif^s  pour  la  gloire  de  PlflamiGne.  Il 
s'expoibit  fans  crainte  à  tous  les  dan- 
gers \  avant  la  bataille ,  il  avoit  coutu- 
„  jrçe  de  courir  à  cheval ,  entre  les  deux 
armées ,  fuivi  d'un  feul  Ecuyer  :  pen- 
dant Fadtion  il  étoit  le  premier  dans  la 
mêlée.  Quelquefois  il  s'avançoit  fort 
près  des  Francs  ;  &  sarrêtant  tout-à* 
coup ,  il  fe  faifoit  lire  des  chapitres  de 
J'Al-coran  ,  tandis  que  les  Chrétiens 
lançoient  fur  lui  des  flèches  Se  des 
traits.  Ennemi  du  fafte  &  de  la  mo- 
lette ,  il  portoit  des  habits  fimples  y 

vivoit 


J  C si?** 


deSàlàdin.  L iv.  XIII.  401 
vi voit  de  peu,  ne  fe  nourriffoit que ' 
de  chofes  communes  ;  fa  tente  étoic  la    ,H*S;  jf* 
moins  magnifique  de  toutes  :  endurci 
aux  fatigues  y  il  fe  levoit  avant  l'Au~ 
rore ,  faifoit  tous  les  jours  des  courfes 
à  cheval ,  travailloit  dans  les  fïéges 
comme  un  fimple  Soldat,  préfidoit 
à  toutes  les  attaques ,  dirigeoit  les  ma- 
chines, montoit  le  premier  à  1  aflaut , 
&  donnoit  à  fes  troupes  l'exemple  de 
la  difcipline ,  de  la  fobriécé ,  de  la 
confiance  &  du  courage  qu'il  vouloir 
leur  in  foirer. 

Ce  fut  l'envie  d'acquérit  un  noi*- 
veau  genre  de  gloire  &  d'héroïfmc* 
qui  le  détermina  à  fe  fairearmer  Che- 
valier, ne  voulant  point  céder  à  ces 
braves  Paladins ,.  qui  rempliiïoiehr  le 
monde  du  bruit  de  leurs  faits  d'armes 
&  croyoient  avoir  feuls  en  partage  la 
véritable  valeur.  Je  ne  prétends poin* 
garantir  ce  fait  atteflé  par  nos  an- 
ciens Ecrivains ,  furtout  par  l'Auteur 
.de  l'Hiftoire  de  Jérufalem ,  &  dont 
.  on  trouve  les  détails  dans  un  manus- 
crit (*)  qui  paroit  écrit  du  teins.  On 

(a)  Voyez  à  la  fin  de  cet  ouvrage  pièces 
justificatives ,  n?»  t? 

Tmc/I.  Ll 


4oi  HrsToiiti 

'  varie  feulement  dans  les  circonstance* 
"^•^g9*de  cette  cérémonie ,  &  dans  le  non» 
du  Baron  Chrétien  qui  conféra  la  Che- 
valerie au  Sulthan.  Les  uns  difenc 
qu'il  fut  armé  C  hevalier  âbns  un  reur- 
sioi ,  par  Honfroi  do  Th^ron  -,  d  au- 
tres ,  après  une  bataille  par  Hugues- 
de  Tibcriacte  (on  prifonnîer.  Quoi 
qu'il  en  (oit,  voici  comment  ces  der- 
niers racontent  ce  fair» 

Sala  lin  ayant  vaincu  les  Chrétiens^ 
'on  lui  amena  pluiieucs  priionniers  de 
diitinâion,  parmi  lefqueifr  étoît  Hu» 
gùes  de  Tibériade  Prince  de  Galilée* 
IlcommHoitcectérmer*  dont  il  adou- 
cit Ufervitude  par  des  témoignage» 
de  bonté.  Un  four  rayant  interrogé 
fur  les  lof*  &  les  privilège*  de  ut 
Chevalerie  r  il  le  preflà  de  lukcpix- 
lerer  a  lui-même  cette  dignité.  Hop- 

Sues  rçfufd  d'abord  de  fe  rendre  aa 
efir  du  Sulthan ,  Se  céda  enfin  à  de 
noir  elles  rnftances.  A^anc  préparé: 
tour  ce  qui  étoit  néœffaire  ,  if  arran- 
gea les  cheveux  &  ki  barbe  de  Sala- 
din,  fe  mit  dans  un  bain  r  doà  il  le 
fîr  couche*  dans-un  litrour  neuf;  il  le 
rcvèit  dîme  robe  blanche  &  par- 
dellut  cTuae  sql>c  rouge  i  eufuite  U 


««**• 


»b  Sàiàdin,  Liv.XirT.  40? 
foi  donna  des  chauffes  noires ,  le  cei- 
gnit d'une  ceinrure  blanche ,  attacha  H6s  1*' 
un  éperon  d?or  à  ks  pieds  &  une  épée  ' c  '  **' 
à  Ton  côté  ;  mats  il  ne  voulut  point 
par  refpeft  lui  donner  l'accolade.  A 
chaque  cérémonie  il  s'arrêtoiu  pour 
lui  en  expliquer  le  fens 

Si  l'on  révoque  en  doute  la  Cheva- 
lerie de  Saladin  fondée  fur  quelques 
preuves  &  (ur  la  poflibilité ,  comment 
pourroir-on  adopter  le  fenriment  de 
ceux  qui  prétendent  que  c  croit  lui- 
même  ,  qui  eut  dans  Antioche ,  \m 
commerce  criminel  avec  la  Reine 
Eléonore  ;  qu'il  étoit  né  (Tune  femme 
Chrétienne,  qu'il  fur  baptifé  dans  for* 
enfance ,  enfin  qu'il  voyagea  en  Eu- 
rope ou  it  eut  piufieursnavantures  l 
idées  bizarres  accréditées  par  nos  an- 
ciens Romanciers,  &  dont  le  Doéfceur 
JLami  (4)  par  un  projet  non  moins 
t>izarre>  a  voulu  prouver  là  vraifem- 
«blance  de  quelques-unes. 

Mais  un  trait  d'Hiftoire  qu'on  rap- 
porte avec  plus  de  complaifance  ,  8C 
par  malheur  avec  auffi  peu  deraifon  ». 
e'eft  ce  qjjii  concerne  une  branche  ca- 

C*ù  Voye&fes  nouvelles  littéraires*. 
Uij 


404  HlSTOIHÎ 

dette  de  rflluftre  maifon  d'Ànglute: 
3*0"  xî*9  ^n^c  qu*™  Seigneur  de  cetfe  mai- 
fon ,  fait  prifonnier  par  Saladin ,  eut 
permiflïon  de  pafler  en  France  pour 
y  lever  (à rançon ,  promettant  de  re- 
venir ,  s'il  ne  réuffiflbit  pas  à  formel 
la  fomme  néeeffàire  5  que  ,  comme 
un  autre  Régulus  ,  il  alla  fe  remettre 
en  efclavage  ;  mais  que  le  Sulthan 
touché  de  cette  générofité  le  renvoya 
libre  avec  des  préfens  fi  confie! érables, 
que  d'Anglure  fit  bâtir  avec  cet  ar*- 
gent,  le  Château  de  Jour  en  Bour- 
gogne. (4)  On  ajoute  qu'en  mémoire 
de  ce  bienfait,  lès  aînés  de  cette  fa- 
mille ont  porté  le  nom  de  Saladin ,  & 
fiir  leurs  armes  des  grelots  d'argent 
foutenus  de  croitfans  de  gueule,  au 
lieu  d'une  croix  ancrée  de  fable  qu'ils 
avoient  auparavant  ;  mais,  iQ.  la 
branche  delà  Maifon  de  Poitiers  du 
nom  d'Anglure  n'étok  pas  encore 

'a)  Ce  Château  eftà  une  petite  lieue  du 
Château  du  fameux  Bufll  Rabutin ,  qu'on 
appellt.  Xuffi  /  Grand  :  on  voit  furie  toit, 
deux  petites  figures  armées ,  qu'on  dit  être 
celles  de  Saladin  &  d'Anglure.  On  raconte  & 
même  Hiftoire  pour  leCJhâteau  même  d'An- 
glure  eu  Lorrains 


BE    S  AL  A»  IN.   L IV.  XIII.   40} 

formée  du  tems  de  Saladin  :  ainfi  ce 
fait  ne  pourrait  regardée  qu'un  des    "*J^ 
«deux  Saladins  ,  qui  régnèrent ,  •  l'un  à 
Damas  l'an  fix  cens  vingt-fix  de  l'Hé- 
gire ,  douze  cens  vingt-neuf  de  Jefus- 
Chrift  -y.  l'autre  dans  kr  Principauté 
d'Halep ,  1  an  fix  cens  cinquante-hufo 
de  l'Hegire  ,  douze  cens  foixante  de 
Jefus*  Chrift.  z9.  Il  ne  paroît  pas  que    * 
Saladin  ,.  ni  fes  Succefleurs  euflène 
pour  armes  des  CroifTans.  Je  crois  que 
c'eft  Othman  ou  Othoman  qui  mit  le 
premier  un  Croiflànt  fur  fes  éten*- 
dards  dans  le  quatorzième  fiécle  ,  à 
l'occafion  de  je  ne  fçjds  quel  Congé; 
5.0.  Les  Auteurs  qui  font  mention  de 
ce  fait,varient  dans  tant  de  circonftan- 
ces,  &  violent  fi  ouvertement  les  ré- 
gies de  la  Chronologie  &  de  l'Hiftoire  ,    . 
qu'ils  ne  méritent  aucune  foi.  (a) 

Si  on  ne  peut  attribuer  à  Saladin; 
cette  a&ion  de  générofité ,  on  a  vu 
dans  le  cours  de  cet  ouvrage ,  combien 
il  en  étoit  capable.  Sa  clémence  ,  fa 

(a)  Voyez  Pallibt  de  la  feience  dés  Armoi- 
ries, Moréri,  l'Auteur  de  la  Nobleffe  dèr 
Champagne  &c.  &  un  manuferit  Latin  que 
je  rapporterai ,  à  la  fin  de  cet  ouvrage  piétés- 
juftificativesjn^iv* 


4*6  HlSTOIK* 

jutffce ,  fe  modération ,  fa  libéralité  r 
Jî"i  ,ff  j.#  bien  plus  que  fesconquêtes ,  ont  rend* 
ùl  mémoire  prérieufr  à  tous  les  Mu- 
Aifmans  ,  &  à  tous  cent  qui  fçavenr 
eftimer  h  verta;  Peu  de  Princes  onc 
tant  aimé  à  donner.  Maître  de  l'Egy- 
pte ,  de  la  Syrie ,  de  l'Arabie  heureufe 
&  de  fa  Méfopotamie  qui  lui  payoit 
tribut  t  il  ne  laiflk?  dans  Tes  coffres  » 
que  quarante-fepr  dragmès  d'argent 
te  un  (eut  ecu  d'ôr.  On  rat  obligé  d*em* 
prunter  tout  ce  qui  fervit  à  (es  funé- 
railles :  il  n'avoir ,  ni  maifon ,  ni  jar- 
din ,  ni  ville,  ni  terre  qui  lui  appar* 
rfïit  en*  propre.  Ceux  dé  fes  entons, 
qu'il  n'a  voit  pourvus  d'aucun  Gouveri 
nement,  à  caufe  de  leur  grande  jeu*- 
nette  ,  furent  réduits  à-  fe  mettre  au 
fèrvicede  leurs  fteres  ou  de  leurs  on* 
e\es,  pour  avoir  la  fubtiftance.  Sala- 
din  ne  mit  fur  fes  Peuples,  aucun  nou* 
vel  impôt;  il  les  diminua  tous  &  eir 
abolit  plufienrs ,  malgré  les  guerres 

Îu'il  eut  à  foutenîr  pendant  fon  régne* 
l  donnoit  des  villes ,  des  Provinces 
entières,  ne  fe  refervant  que  le  do~ 
snaine  dired.  Seulement  au  fiége  de' 
Ptolémaïs ,  if  fi*  prck  nt  à  fes  Emirs,, 
de  plus  de  douze  mille  chevaux  de 


©  r  S  al  A  d  i  h»  1 1  v.  Xlir.  4pY 
prix  ,  fa nsr  compter  ceux  de  moindre  . 
râleur  qu?il  diftribuoit  au*  Soldats  :  ce  j?c*  ,î*£ 
n'eft  point  une; exagération,  mais  un 
fait  attefté  par  les  Officiers  de  fesécui- 
ries-  Ses  profufîom  excelffves*  le  fai- 
ioienr  manquer  fouvent  du  néceflàire;. 
Aufli  fou  Tréforier  av^it  coutume  de 
garder  à  fenv  infçu  ,  quelque  argent 
pour  les  beioins  predans  ;  mais  Sala- 
din  rendoit  cette  précaution  inutile  », 
en  faifam  vendre  Ces  meubles ,  lorf- 
qu'il  n'avoir  plus  rien  adonner», 

Sa  juftice  étoir  égale  à  fa  magnifia 
cence:il  tenoit  lui-même  fon  Divan r, 
tous  les  lundis  &  les  jëudîs ,  aflifté  de 
fes  Ca<Hiisv  foit  à  la  ville- y  foit  à  l'ar- 
mée :  les  autres  jours  de  ràfemalnef. 
il5  recevoit  les  placées  r  les  Mémoires  ^ 
les  Requêtes>&  jugeoit  les  affaires  prêt 
fées.  Toutes  les  perfonnes  fans  diP*, 
tinftion  de  rangs  <Fàge,  dé  pays ,  dfe 
Religion  t  trouvoient  un  accès  libre 
auprès  de  lui  :  les  Mufulmans  ,  le» 
Chrétiens,  le9  fujers,  les  étrangers,, 
les  pauvres,  les  riches,  tous  étoient 
adftiîs  à  fon  Tribunal ,  &  jugés  félon* 
les  loix,  ou- plutôt  félon  l'équité  natu- 
relle. Son  neveu  Téki-.edcfin  ayant  été  rbug. 
attaqué  par  m*  particulier.,  il  le  forç^ r  ' 


4of  -  Hi.stoi.hï 
de  coroparoître.  Un  certain  Omar 
Hég.  589.  marchand  d'Akblat,  ville  indépea-> 
j.  c.  >i>3.  dante  jesaladin  ,  eut  même  l'a  har- 
diefle  de  préfenrer  une*  Requête  con- 
tre ce  Monarque  devant  le  Cadhi  de 
Jérufaïem  >  à  1 occafion  d'un  efclave 
dont  il  reclamoit  la  fucceffion  que  le 
Sulthaiï  avoit  recueillie.  Le  Juge 
étonné  avertit  Saladin  des  prétentions 
de  cet  homme ,-  &  lui  demanda  ce 
qu'on  devoit  faire*  Ce  qui  ejijujie ,  ré- 
pliqua leSuïtkan*  II  comparut  au  jour 
nommé ,  défendit  lui- même  fa  caufe  9 
la  gagnai  &  loin  de  punir  la  témérité 
de  ce  marchand ,  il  lui  fît  donner  une 
groffe  fomme  d'argent,  voulant  le 
récompenfer  d'avoir  ea  aflez  bonne 
opinion  die  (on  intégrité ,  pour  ofer 
réclamer  fa  juftice  dans  (on  propre 
Tribunal»  fans  craindre  qu'elle  y  fût 
violée. 

Mais  (es  Sujets  abufoient  (buvent  de 
cette  facilité  -,  ils  l'importunoient  à 
toutes  les  heures  du  jour ,  de  leurs  que- 
relles &  de  leurs  difcuffions  particuliè- 
res. Un  jour ,  après  avoir  travaillé  tout 
le  matin  avec  fes  Emirs  &  fon  M£- 
niftre  ,,  il  s  écarta  de»  la  foule  pour 
prendre  quelque  repos.    Un  Efclave 

▼iht 


J.C*  l'y* 


*e  Saxadin.  Lir.XHl.  40£ 
"vint  dans  cet  inftanc  lui  demander  au- 
«Jience  ;  Saladia  le  pria  de  revenir  le    Hég.  *$* . 
lendernain-j)   Mon  affaire,  répondit   Tr*,ttW 
^TEfclave  ,  ne  foufFre  aucun  délai  ** 
&  lui  jet  ta  Ton  mémoire  prefque  fur  le 
YÎfage.  Le  Sulthan  ramatïa  ce  papier 
fans  s'émouvoir,  le  lut  ,  trouva  la  de- 
yn$nde  jufte ,  &  accorda  ce  qu'en  fol- 
licitoit  \  enfuite  fe  tournant  vers  fes 
Officiers  qui  paroiflbient  furpris  de 
tant  de  bonté  ;  <tt  homme  ,  leur  dit  il , 
m  m  a  point  pffenféi  je  lot  ai  rendu  juf- 
tiee  ,  &  foi  fait  mon  devoir.  Une  autre 
fois ,  tandis  qu'il  dclibéroitavecfes  Gé- 
néraux fur  les  opérations  de  la  guerre , 
'  une  femme  lui  préfenta  un  plactt.  Sa- 
ladin  lui  fit  dire  d  attendre.  Et  pour- 
quoi,sien*  t'elle  ,  êtes  vous  notre  Roi9 
fi  vous  ne  voulez,  pas  être  notre  Juge  ?  Elle 
A  raifin ,  répondit  le  Sulthan;  il  quitta 
i  aflèmblée  f  s'approcha  de  cette  fem- 
me ,  écouta  fes  plaintes  >  &  la  ren- 
voya fatisfaite. 

Telle  étoit  fa  clémence ,  qu'il  ne  pu- 
nit jamais  aucune  offenfe  perfonnelle. 
Cette  vertu  dégénéroit  fouvent  en 
foiblefle ,  &  nuiioit  au  refpe&qui  lui 
étoit  dû.  Nous  avons  vu  dans  cette 
Hiftoire  combien  il  pardonnait  faci- 
TomoIL  Mm 


41  o  Histoire 

lement.  Les  injures,  les  paroles  cm-  - 
j/cfiîju.  nageantes  ,  quelquefois  unedéfobéîC- 
'  fance  ouverte,  rien  ne  lui  faifoit  per- 
dit l'a  modération.  Son  ame  qui'  ne 
fut  ramais  troublée  par  aucune  paC 
fion  violente ,  ne  connut  point  la  co- 
lère ni  la  vengeance  qui  en  eft  une 
fuite,  La  Religion  feule  .  &  l'inhu- 
manité des  Chrétiens  lérendirent  quel- 
quefois cruel  contre  eux-mêmes.   Ses 
Domeftiques  le  votaient;  Ces  tréfbriers 
détournoient  fes  revenus  à  leur  profit, 
(ans  encourir  d'autre  peine  que  celle 
d'être  privés  de  leurs  emplois.   Deux 
Mameluks  fe  difput^nt  à  quelques  pas 
de  lui ,  un  d'eux  jetta  (à  pantoufle  con- 
tre l'autre:  celui-ci  ayant  efquivé  le 
coup,  la  pantoufle  alla  frapper  le  Sul- 
than  :  mais  ce  Prince  feignant  de  ne 
s'en  être  point  apperçu ,  fe  tourna  d'un 
autre  côté,  comme  pour  parler  à  un  dé 
lès  Généraux ,  afin  de  n'être  pas  forcé 
de  punir  l'Auteur  decettea&ion.  Dans 
le  tems  qu'il  étoit  le  plus  irrite  contre 
•les  Francs ,  à  caufe  de  la  cruauté  de 
Richard  >  &  qu'il  faifoit  trancher  la 
tête  à  tous  ceux  qu'on  prenoit  dans  les  , 
combats,  on  traîna  dans  fa  tenre  un 
Officie:  Chrétien  faifi  dune  frayeur 


be  Sa  lad  i  h.  L  iv.  XIII.  411 
mortelle.  Saladin  lui  ayant  demande 
le  motif  de  fa  peur:  Je  tremblou  Jui  ££,££ 
dît  l'Officier ,  e»  approchant  de  votre  per- 
fonne  ;  mais  foi  cejfe  de  craindre  en  vous 
voyant:  un  Prince  dont  F ajpetl  ri  annonce 
que  de  la  bonté  &  de  là  clémence ,  ne 
peut  avoir  la  cruauté  de  me  condamne* 
à  mort.  Le  Sukhan  fourit ,  &  lui  don- 
na la  vie  &  la  liberté. 

Nous  femmes  forcés  de  paffèr  feus 
filence  plufieurs  anecdotes  iemblables 
rapportées  avec  foin  par  les  Auteurs 
Mahométans  ,  &  qui  toutes  font  hon- 
neur au  Prince  dont  nous  venons  d'é- 
crire  THiftoire.  La  douceur ,  l'huma- 
nité, la  bienfaifance,  la  Religion,  la 
Juftice ,  la  libéralité  ,  formoient  fot* 
caraâére  particulier  .On  nous  apprend 
que  fa  figure  imprimoit  encore  plus  . 
d'amour  que  de  refpeél  ;qne  fon  re- 
gard n'avoir  point  cette  fierté  qui  an- 
nonce quelquefois  les  maîtres  du  mon- 
de ;  que  lès  difeours  étoient  fimples, 
polis ,  naturellement  éloquens  ;  mais  • 

que  ion  imagination  ne  s'éleva  jamais 
à  Ut  poefie ,  &  rarement  à  ces  figures 
hardies ,  à  ces  métaphores  fi  familiè- 
res aux  Orientaux.  11  cultiva  un  genre 
d  étude  bien  frivole  &  tres-eftimépar 
Mm  ij 


+it  Histoire 

-^ les  dévots  Mufulmans ,  celui  .de  cqb* 

Hig.  î*j-  noîcte  toutes  les  traditions  Mahomé- 
J*  C' li9i'  tanes ,  les  explications  de  l'Alkoraa, 
les  fentimens  divers  des  Interprètes, 
les  opinions  différentes  des  écoles  ,  Se 
fc  plaifoit  à  difputer  fur  ces  matières 
avec  les  Prêtres  &  les  Cadhis.  Il  &- 
Torifa  peu  les  Poètes  &  les  Di*le&- 
«iens  fort  communs  alors  dans  1 O- 
yient,  combla  de  bienfaits  les  Doc- 
teurs de  la  Loi ,  &  ne  perfécuta  que 
les  Ecrivains  qui  ne  reipectoient  pas 
dans  leurs  ouvrages  les  mœurs  &  la 
Religion.  Il  n'avoit  aucune  de  ces 
grandes  pallions  qui  font  fortir  les 
hommes  de  la  fphére  commune,  pat- 
fions  fi  funeftes  à  l'humanité-,  lorl- 
ou'elles  agitent  lame  des  Souverains, 
plus  grand  par  fes  vertus  tranquilles 
&  pacifiques ,  que  par  fes  exploits  guer, 
tiers ,  la  nature  fembloit  1  avoir  déto- 
né à  la  vie  privée  plutôt  qu'au  Gouver- 
nement d'un  Grand  Etat.  Il  manquoic 
<le  cette  fermeté  fi  néceflaireaux  Prin- 
ces, pour  foire  refpefter  leur  puiflan- 
(Ce.  Il  ne  put  jamais  établir  unefevere 
:difciPline  parmi  fes  troupes  ,&  con- 
tenon  fes  Emirs  plutôt  par  fa  douceur, 
par  fes  vertu*  &  par  fes  largefles,  que 


ûe  Saladin.  LlV.XItI.4t) 

par  le  frein  de  Con  autorité.  La  fortune 
le  plaça  d'elle-même  fur  un  trône  qu'il  j  **?*;  J  *  J; 
n'ambirionnoit  pas j  la  néeeffitéde  s'y 
Ibutenir  le  rendit  ingrat  envers  fes 
bienfaiteurs  :  la  Religion  plus  que  la 
politique ,  lui  mit  les  armes  àla  main, 
Se  lui  fit  verfer  du  fang  qu'il  avoir 
horreur  de  répandre. 

Je  ne  prétens  pas  au  refte  jiiftîfier 
fa  conduite  à  l'égard  de  la  famille  de 
Nour-eddin.  Nous  ne  pouvons  le  re- 
garder que  comme  un  Ufurpateur  in- 
jufte  Se  cruel  :  mais  fi  l'on  remonte  K 
ces  rems  de  trouble  où  tout  étoit  con- 
fondu dans  l'Orient  ;  à  ces  teifis  oft 
l'Empire  des  Arabes  déchiré  par  tant 
de  Nations ,  n'avoir  proprement  pour 
Souverain  légitime  ,  que  le  Khalife 
qui  Tétoit  à  peine  de  Bagdad  ;  fi  l'on 
confidére  que  les  Atabeks,  (*)  ufurpa*- 
teurs  eux-mêmes,  avoient  dépouillé 
les  Seljoucides  ,(£)  leurs  maîtres  &  le* 
opprefleurs  d'autres  Dynafties  ;  fi  l'on 
bbferve  que  dans  une  Religion  qui  ad- 
met urr  deftin  qui  fait  tout  fans  le 
concours  des  hommes  ,  perfonne  , 

*    (a)  Voyez  PIntrrodudtion  &  ailleurs* 
(*)  Voyez  -llattvdq^onr 

Mmi^ 


4I4  Hl  JTOlRt 

comme  die  le  célèbre  Auteur  de  VEC- 
XcVift  Pm  <*es  Loix  ,  n^ft  Souverain  de 
droit ,  on  ne  l'eft  que  de  fait  :  enfin  fi 
Ton  fait  attention  à  1  état  critique  où 
étoit  alors  l'Orient ,  à  la  puiilance  des 
Francs  prête  à  envahir  toute  la  Syrie 
&  la  Mcfopotamie ,  à  la  néceffiré  d  op. 
poter  une  digue  aux  irruptions  fré- 
quentes des  Croifés ,  à  la  foibleiTe  de 
Saleh  (a)  Se  des  autres  Atabeks ,  à  leurs 
dividons ,  à  l'in'uftice  de  leurs  Mi- 
nières envers  Saladin ,  à  l'impreflïon 
que  fait  fur  un  dévot  l'idée  de  fe 
croire  appelle  par  le  Ciel  au  trône , 

{jour  en  iourenir  les  fondemens  ébran- 
és,  pour  protéger  la  Religion  oppri- 
mée ,  pour  punir  les  ennemis  de  Tlfla- 
mifme,  &  à  d'aurres  confidératrons  ; 
peut-être  trouvera -t  on  le  Sulthan 
-oeaucoup  moins  coupable. 

Mais  s'il  leroît,fes  grandes  Quali- 
tés femblérenr  légitimer  fa  puifîance. 
Dans  un  Etat  où  Ips  droits  à  ^a  Cou- 
ronne ne  font  pas  encore  établis ,  ce- 
lui la  doit  la  porter  qui  peur  faire  le 
plus  de  bien  aux  hommes.  Sans 
,  , *— 

(4)  Saleh  fils  de  Nour-eddin.    Les  autre* 
AtabeJb  Soient  fes  pscles  ou  fes  coufr^ 


9E  Salàdin.  Liv.XHI.  41; 
.  es  guerres  dans  lefquelles  S&ladin  fut 
entraîné,  Ton  peuple  eût  été  peut-être  j#Hcggî?*.# 
Je  peuple  le  plus  heureux  de  la  Terre, 
H  eft  mort ,  s  écrie  un  Poëte  Arabe  (s) 
dans  une  Elégie  compofce  en  l'hon- 
neur de  ce  Prince  5  //  eft  mort  ce  Mo- 
n arque  bienfaifant  ;  &  le  Convenir  défis 
bontés  ne  s'effacera  jamais  de  nos  efprify  v 
Xtt  vertus  ont  été  enfevetits  dans  le  me- 
tte tombeau.  Lagénérofité ,  la  juftice ,  la 
bonne  foi  ,  la  félicité  publique  ont  cejfé 
svec  lui ,  &  après  lui  les  haines ,  Us  ra- 
pines Jes  injujticcs  réprimées  pendant  fin 
règne,  ont  de  nouveau  défilé  le  genre  hu- 
main. Le  Ciel  a  perdu  fa  lumière  ,  le 
monde  fin  plus  bel  ornement ,  la  Religion 
fin  défenjeur  ,  [Empire  fin  appui, , 
»  Mais  ,  difent  deux  Hifto riens  Philo- 
sophes, (b)  Tes  Ews  déchirés  par  des 
»  guerres  civiles ,  forent  envahis  par 
»  (on  frère  À  Jel ,  &  payèrent  enfin  en 
»des  mains  étrangères ,  comme  ceux 
*  de  tant  de  Conquérans ,  dont  pref- 
t>  qu'aucun  parmi  les  Princes  Maho- 
»métans,na  tranfmis  fa  fucceffion 
#à  fes  héritiers  légitimes ,  exemple  qui 

■  ■'  ■  1         11  1  1  ii       mm 

(<x)Omad,  el-KatebouElimad. 
V>)  Ben  el-Athir  &Makrifi. 

M  m  iiij 


4ttf  HisToms  »e  Sal.  &c, 
rapprend  aux  ambitieux  combien  (but 
EgI  jiÎ j.  *  fwg^*8  'es  grandeurs  humaines  5  & 
*  jjjnfte  punition  contre  tant  de  Rois , 
*qui  pour  fonder  leur  Empire,  ont 
s»  inondé  la  terre  de  fang. 


fin  du  treitJeme  &  dernier  Livr$  âf 
(HijUire  de  Sdladi*. 


=afc=3 


DYNASTIE 

DES  AYOUBITES.(a) 


APRE* S  la  mort  de  Saîadfiï,    ***  *» 
(on  Empire  fe  trouva  divitè*'  17*K 
entre  autant  de  Souverains  qu'il  nui.  Pacp. 
7  avoit  de  Gouverneurs  de  Places  r  *5>ou}  ^ 
mais ,  parmi  tous  les  enfans  qu'on  dit  Hift.  de» 
avoir  été  au  nombre  de  quinze  ou  de  hum,*** 
rfix-fept ,  (Jr)  trois  feulement  eurent 
■  '  ■  <i 

(a)  Nous  avons  dît  plufieurs  fois  ,  que  cette 
Dynaftie  fut  ainfi  appeilée  d'Ayoub  père  de 
Saladïn. 

(  b  )  i.  Malek  Afdhal  Nôur-edcîîn  Aiy.. 
a.  Malek  el  Dhafer  Khadar.  3.  Malek, 
Cothb  -  eddin  Moufa.  4.  Malek  el  Aziz-, 
Emad  eddin-Othmaiï.  5.  Malek  el-Aazz 
Yacoub.  6.  Malek  el-Dhaher  Gaïath-eddiir 
Ghazi.  7.  Malek  Ezzaber  Daoudf.  8.  Msv- 
lek  el-Moëzz-  Ishak*  9.  Malek  el-Mouïad 
Mafoud.  10  Maiek  el-Afchraf  Mohamed, 
xi.  Malek  el-Mohfan  Ahmed.  12.  Malek 
cl  Ghaled  Malek  Schah.  13.  Aboubekr  eh» 
Nofra.  141  Malek  ei-Moadham  Touraiw 
^cbgi.]Ut  autr^  a«  font  pas  nompiés.  0ç 


-;4i8  Dynastie 

un  Etat  confidcrabte.  Afdhal  ou  Àpft- 
dhal,  qui  étoit  l'aîné .  de  tous ,  reçue 
en  partage  le  Royaume  de  Damas , 
Aziz  celui  d'Egypte  &  Dhaher ,  celui 
«FHalep.  Plusieurs  de  leurs  frères  ou 
de  leurs  cou  fins  ou  neveux  eurent  pour 
appanage  des  villes  particulières  dé- 
pendantes de  ces  trois  Royaumes:  mait 
si  s'en  forma  bientôt  un  quatrième  qui 
engloutit  tous  les  autres,  Adel  qui  po£ 
fedoit  Krak  9  vSchoubek  &  une  grande 

Ertie  des  villes  de  Méfopotamie ,  dé- 
ucha  par  les  careflès  &  par  Ton  ar- 
gent, prefque  tous  les  Emirs  &  les  Sol- 
dats indfgnés  de  la  mollette  &  de» 
débauches  des  enfans  de  Sàladin, 

La  mort  du  Sulthan  fut  le  fignal  qui 
fit  armer  toutes  les  puïffances  voidnes 
aux  dépens  defquelles  il  avoit  fondé 
ion  vafte  Empire.Heureufement  la  dit 
corde  qui  régnoit  parmi  ces  différent 
Princes ,  non  moins  que  parmi  les 
Ayoubites ,  leur  fit  perdre  à  tous  l'oc- 
cafion  de  fecouer  le  Joug.  Mazoud  Roi 

fçait  le  nom  d'une  de  fes  filles  qui  s'appettoî* 
Mounifa  Khatoun  mariée  à  Malek  el-Rame^ 
neveu  de  Saladin 

(4  Malet  el-Adel  Séi£«d<fia  Aboubetr 
'Mohamed         ' 


»E5     AYOUBITES.  4J9 

de  Moulïoul  qui  avoir  le  plus  à  fe 
plaindre ,  encra  le  premier  en  campa- 
gne -y  mais  trop  de  lenteur  rendit  fu- 
nefte  une  entreprife  qui  devoit  aug- 
menter (a  gloire  &  fes  Etats-  Au  lieu 
de  marcher  fans  délai  dans  la  partie 
de  la  Méfopotamie  occupée  par  les 
Ayoubites ,  il  voulut  faire  concourir  à 
cette  expédition  les  Atabeks  établis  à 
Sindgiar , dans  le  Dgéziret  Ben-Omar 
ôc  le  Prince  d*Arbelles.  Ceux-ci  refi- 
rent beaucoup  prier  de  prendre  part 
à  une  guerre  qui  ne  les  intêteflbit  pas 
moins  que  le  Roi  de  Mouffoul.  Pen- 
dant toures  ces  négociations  ,  Adel 
averti  de  leur  detfetn  partit  de  Krak 
avec  les  troupes  d'Egypte  &  de  Syrie  m 
pafla  TEuphrate  &  vint  affréter  hii- 
même  dans  Néfibin  les  Atabeks ,  dont , 
l'armée  n'étoit  point  encore  raflem- 
blée. 

.  Sa*  politique  non  moins  freurcufe 
ue  fes  armes  ,  fçut  répandre  la  divi- 
ion  parmi  fes  ennemis  ,  tandis  que 
pour  écrafer  fes  neveux  les  uns  après  les 
autres ,  il  attifoit  le  feu  de  la  guerre 
civile  qui  sallumoit  entr^ux»  Aziz 
&  Afdhat  fe  difputant  quelques  villes» 
prirent  poui;  arbitre  de  leur  querelle  > 


fi< 


4*6  Dynastie 

letfr  oncle,  qui  loin  de  les  appaifef  * 
les  irrira  encore  plus  l'un  contre  l'au- 
tre. Enfin  il  le  déclara  pduf  le  Sulthai* 
d'Egypte  &  lui  fournit  du  fecours , 
mais  à  des  conditions  qur  n'étoient 
Hcé  ,9i.  avantageufes  qu'à  lui-même.  Adel  & 
j,  c.  n>*.  ^zjz  attaqUérent  Afdhaï>  lai  enlevè- 
rent toutes  fes  Place*  r  &  te  forcèrent 
d'aller  fe  renfermer  à  Samofath  qu'où 
voulut  bien  lui  Iaiffer.  Aziz  fut  recon- 
nu Sulthan  de  Damas  ;  mais  en  rece- 
vant les  honneurs  de  Souverain ,  il  eifc 
céda  tous  les  droit*  à  fott  oncle ,  qui 
fut  fait  Atabek  ort  Gouverneur  géné^ 
rai  de  ce  Royaume. 

Aprèsavoîr  iitrpïoré  Vainement  Tafl 
fiftance  de  Dhaher  Roi  d'Halep  &  des 
autres  Ayoubites ,  Afdhal  porta  fe* 
pïainres  au  Khalife  Naferril  lui  adreffa* 
nonunManifefte,  mais  un  Poëme  qu'il 
avoir  comppfé  fur  Ces  malheurs  \  car 
ce  Prince  aimoit  &  culcivoit  fa  Poe- 
fie  ,  ainfi  que  la  plupart  des  Rois  Szr- 
razins  de  ce  fîéde  &  des  tems  anté- 
rieurs :  il  difbit  entr  antres  chofès  au 
Pontife  :»Aly  (le  Khalife)  fut  dé- 
»  pouitlé  de  tous  fes  droirs  par  Abou- 
*bekr ,  8c  par  Orhman.  Voyez  quelle 
»eft  la  xnalheureufe  deffinée  de  ceux 


DES    AyOUMTHS,       4t£ 

•»>qui  portent  ce  nom.  Aly  vient  en- 
*core  d'être  chatte  de  tes  Etats  par 
s>Aboubekr  £c  par  Othman,  u  Pour 
l'intelligence  de  ce$  paroles ,  il  faut 
fçavoir  que  Ton  oncle  s'appelloit  Adel 
^iboubekr  ,  Ton  frère  Aziz  Othman  ,  & 
lui  Afdhal  /#/;.  Nafer  lui  répondit  éga- 
lement en  vers ,  lui  fit  de  grau  Jes  pro- 
Uiefles ,  &  n'eu  tint  aucune  ;  mais  tan- 
dis que  tout  abandonnoit  ce  Prince» 
la  fortune  le  tira  tout  à  coup  de  fou 
^bâillement  f  où  il  retomba  quelque 
tems  après. 

Aziz  que  les  Arabes  louent  pour  /a  h%.  *  »s. 
continence  dont  ils  citent  un  exem-  J,c'  tlV* 
pie  fingulier  que  nous  ne  pouvons  rap- 
porter qu'en  Latin  ,  (a)  mourut  au 
Caire ,  &:  ne  laifla  pour  héritier  qu'un 
.  enfant  âgé  feulement  de  neuf  ans.  Les 
Emirs  perfuadés  qu  Adel  profitant  de 

<  a)  Ltudstur  (Aziz)  *  c/mtsnentia  ,  quoi 
tntnctfium  Turcicum  forma  fricellenfi  dem* 
êxfnleru ,  quamvïs  emtttm  aureis  mille  :  cum 
enim  femelfibi  adjltret  in  concUvi ,  <$•  ejus 
fttlchritudine  caftvs,  nudw  illum  juffiffet , 
fl*tim  peenitenti*  du&us  ,  a  feelete  abftinnh  % 
fed  it*  tatnen  utfimtim  in  Gyn&etufn  entrent , 
tum  una  ?***  occurrit ,  concubin* ,  Vtbidinem 
êxçleret.  H.  Pat. 


4**  Dynastie 

lafbibleflè  de  ce  Prince  nommé  Man- 
zour ,  uftuperoit  l'Egypte ,  comme  il 
setoit  emparé  du  Royaume  de  Da- 
mas, déférèrent  le  Sulthanat  à  Malek 
Afdhal  qui  vint  dans  l'inftant  au  Cai- 
re où  il  fut  couronné.  Ce  bonheur  re-* 
leva  fon  courage  &  fes  efpérànces  :  il 
fe  ligua  avec  fon  frère  Dhaher  Roi 
tfHafep  ,  &  ils  marchèrent  enfemble 
dans  la  Syrie.  Adel  qui  aflîégeoic  alors 
Marédin  ,  Iaifla  fon  (ils  Kamel  dans  la 
Méfopotamie,  &  vint  fe  renfermer  à 
Damas  pour  défendre  cette  ville  conn- 
ue fes  neveux.  Malgré  fes  efforts  6c 
fa  bravoure,  il  alloit  être  forcé  dans 
cette  Place ,  lorfque  la  difcorde  di- 
vifa  les  deux  frères.  Dhaher  fe  retira 
tout  à  coup  dans  fes  Etats  avec  la  plus 
grande  partie  de  l'armée.  Afdhal  ne 
pouvant  tenir  la  campagne  avec  le  peu 
de  troupes  qui  lui  reftoient ,  courut  en 
Egypte  où  il  fut  pour&ivi  par  fon  on- 
cle qui  lui  enleva  ce  Royaume,  &  le 
renvoya  dans  la  ville  deSamofath.  Adel 
gouverna  d'abord  l'Egypte  au  nom  de 
Manzour  ;  mais  laflé  bientôt  de  cette 
politique  ,ila(Tembla  les  Prêtres  &  les 
Cadhis,  &  s'empara  du  fceptre  par  un 
jugement  femblable  à  celui  qui  mit 


DES     AyoUBITÇ  S.       41  j 

(Mon  l'opinion  commune, Pépin  fuc 
le  trône  de  France,  (a) 

Après  s'être  afluré  de  ce  Royaume, 
ri  partit  pour  la  Syrie  &  la  Méfopo- 
tamie ,  oi\  il  fit  de  nouvelles  conquêtes 
fur  les  Francs ,  fur  les  Ayoubites&  fur 
les  Arabeks.  Pendant  fon  abfence  , 
les  Chrétiens  vinrent  aflïéger  Damiet- 
te  i  mais  (ans  fuccès  :  ils  furent  plus 

heureux  l'année  fuivante ,  Se  s'en  ren-    

dirent  maîtres.    Àdel  qui  retournoit     Hég.  ci** 
en  Egypte  pour  fecourir  cette  ville,    J. c.m># 
mourut  au  Caire  ,  laiflant  à  fès  en- 
fans  les  Etats,  qu'il  avoit  ufurpés  fur  fes 
neveux.  Ce  partage  afToîblit  encore  la 
»  ,  ■■ 

(a)  On  dit  que  Pépin  fit  demander  au  Pape 
Zacharte ,  lequel  devoit  être  Roi  ,  ou  celui 
qui  en'exerçoit  les  fondions ,  où  celui  qui  n'en 
avoit  que  le  titre;  &  que  ie  Pontife  ayant 
décidé  la  queâion  en  faveur  de  Pépin,  ce 
Prince  fut  déclaré  Roi.  par  les  Barons  du 
Royaume  ;  mais  ce  fait  attefté  par  tous  les 
Hiftoriens  anciens  eft  contredit  par  quelr 

Îies  Ecrivains  modernes.  Adel  demanda  aux 
r êtres  &  aux  Cadhis  afièrnblés ,  fi  le  plu» 
foïble  pouvoit  commander  au  plus  fort ,  &  fi 
le  plus  vieux  devoit  obéir  au  plus  jeune.  Los 
Cadhis  &  les  Prêtres  répondirent  que  non^ 
&  fur  cette  décifioh,  Adel  fut  proclamé  Sul- 
than* 


414  Dr  m  asti* 

puiflance  des  A^oubites  ,  attaquée 
alors  par  les  Francs ,  par  les  Atabeks 
&  par  les  Kharifmiens  $  mais  les  Prin- 
ces de  la  famille  de  Saladin  connu- 
rent enfin  la  néceffité  de  réunir  leurs 
forces  pour  réûfter  à  tant  d'ennemis. 
ils  formèrent  une  armée  nombreufe 
avec  laquelle  ils  vainquirent ,  &le  Sul- 
than de  Kharifme  9  &  le  Sulthan  de 
néc.  tfi7.  Mouflbul ,  &  les  Francs  qu'ils  chaffé- 
,c.  i»to.  ^^  j^  Damiette.  Ces  fucccs  qui  au- 
roient  dû  reiTerrer  les  liens  qui  les  uni£ 
(oient  ne  fervirent  qu'à  les  rompre.Ka- 
piel  Sulthan  d'Egypte,  fils&  fucceffeur 
d'Adel ,  prit  fur  eux  un  afcenclantqui 
ies  irrita  :  ils  fe  féparérent  en  difFérens 
partis ,  Se  fe  firent  la  guerre  les  uns  aux 
autres  en  Ralliant  k  leurs  propres  en- 
nemis »  les  Atabsks  >  les  Seljoucides  du 
Roum  &  les  JÉharifmiens. 

Cependant  Frédéric  IL  auquel  le 
"Pape  avoit  impofé  la  pénitence  de 
Faire  le  pèlerinage  de  Jeru&lem  pour 
le  punir  des  troubles  que  ce  Prince 
avoit  excités  dans  i'Egliie,  arriva  dans 
la  Paleftine  avec  beaucoup  d'autres 
Croifés  ,  &  avec;  des  troupes  nom- 
brëufes.  Le  Suhhan  &  l'Empereur  eu- 
rent la  même  politique.   Au  lieu  de 

chercher 


t>t$  àycJubiteS.     4îj 
chercher  à  fe  battre ,  ils  s'envoyèrent 
«les  préfens,&  convinrent  enlemble 
de  régler  des  conditions  de  paix  telles 
que  Frédéric  pût  retourner  lans  honte    Hcg.  «Si. 
en  Europe,  kamel  parut  céder  enfin    ^  "»• 
aux  Chrétiens»  Jérufatem ,  après  en 
avoir  démoli  les  murailles  &  les  for- 
tifications. Frédéric  fe  vantant  d'avoir 
plus  fait  pour  ta  Chrétienté  par  ce 
traité  ,  que  tous  les  Princes  qui  la- 
Voient  précédé  datts  ce  voyage  ,ie  rem- 
Jbarqua  fur  fes  vaiffeaux,&  vint  de  nou- 
veau faire  trembler  le  PonrifeRomain.  ^SSSSST 
-    Kamel  éroit  alors  te  plus  puiflant  de     Hég.  *  *f . 
*ôus  les  Princes  Ayoubttes.  L'Egypte  %    h  ç*  *  *** 
la  Paleftinè  Se  une  grande  partie  des 
villes  de  Syrie  &  de  Méfbpotamie  lui 
étoiem  fournîtes  :  mais  ion  Empire 
t enduit  vers  fa  ruine.  Adel  fort  fils  Se 
fon  fucceffeur  ne  régna  que  deux  ans, 
Se  laifla  le  feeptre  à  Nodgemeddin*  «sssS1 
Ayoub,  fécond  fils  de  Kamel.  Céder*    Hég  $57. 
nier  fabriqua  tes  inftrumens  de  fa  h  *  **** 
fervitude  *  &  fut  le  premier  auteur  de 
la  révolution  qui  reaverfe  les  Ayoubi- 
tes  du  trône  d'Egypte .  il  acheta  un 
grand  nombre  d'Etelaves  dtxnt  ri  con*» 
pofa  fa  halca  ou  fa  garde ,  &  qu'il  éle- 
fra  dans  la  fuite  aux  premières  chair 


42f  .  Dr  M- A  JTIS  ! 
ges  de  l'Etat.  Cette  milice  femWaMe 
aux  gardes  Prétoriennes,  brava  bien- 
tôt (es  anciens  maîtres,  &  s'empara 
de  toute  l'autorité  Nodgeineddin  ref- 
fentit  le  premier  les  effets  de  l'infb- 
Jence  de  ces  Soldats ,  &  mourut  avec 
le  regret  de  ne  pouvoir  la  réprimer* 
H<  #.  é         Les  Mameluks  nommèrent  Régen- 

|.  c,  in?-  te  du  Royaume  SchadgereUfor  une 
des  concubines  d'Ayoub,  femme  non 
moins  célèbre  par  la  beauté  que  par 
fa  prudence ,  &  mirent  fur  le  trône  le 
jeune  Moadham  fils  du  défont  Sulthan» 
Le  règne  de  Moadham  eft  remarqua- 
ble par  ta  Croilade  &  la  captivité  de 
&  Louis  Roi  de  France.  Ce  Moiiar» 
que  avoit  pris  Danvette  ?  &  s'éroir 
avancé  vers  Manfoura.  Moadham  hii 

+BSS3S0  livra  bataille  ,1e  vainquît  &  ie  fit  pri* 
Hcg.  «48.  fonnier.  Cette  viftoire  enhardir  foi* 

.*• c  * A  **•  courage.  Il  crut  qu'il  lui  feroîc  ànffi  fa* 
cile  de  fe  défaire  de  fes  ennemis  do- 
meftiques  que  de  ceux  duttehors:  mais 
dans  ta  fbibleflë  od  itétok  %  cette  en* 
treprife  ne  fut  que  téméraire ,  &  hâta 
ta  révoiutîon  qiril  vouloir  prévenir.» 
il  fit  d'abord  un  coup  d'autorité,  en 
traitant  avec  le  Roi  cfe  France  „  fan* 
l'avis  &  le  confcwemen^-des  Mamp» 


SES   ÀYOUBÎTiS.  éÇff 

!uks  qu'il  étoit  réfolu  de  réduire  danr 
leur  premier  état  de  fervitude.  Ceux* 
ci  vinrent  en  armesfe  venger  de  cet 
affront  :  iis  attaquèrent  le  Sulrhan  , 
qui  fe  mit  en  défenfe ,  8c  qui  étant 
bleffé ,  fe#renferma  dans  une  tour  voi- 
fine  du  NiU  Les  Mameluks  y  mirent 
le  feu ,  &  tuèrent  à  coups  de  flèches' 
Moadharoqui  s'étoit  jette  dans  le  fleu- 

Ils  reconnurent  pour  Reine  Sthàd* 
«tel-dor ,  mais  lalîis  bientôt  d  obéir' 
a  une  femme,  ils  l'obligèrent  d^épôu- 
fer  Azzeddin  Ibegh  un  d'entr'eux.  Ce 
choix  caofa  de  nouveaux  troubles.  Le 
Peuple  8c  les  Soldats  demandèrent  un' 
Sulrhan  de  la  famille  des  Ayoubires  ; 
ic  l'on  élut  A  ichraf ,  arriére  petit  fils  de 
Katoet,  Ibegh  qui  gouvernoit  lotis  te 
i»om  de  ce  Prince ,  fe  fit  dépofer  peu 
'  tle  tems  après  ;  8c  prenant  lui-même 
le  titre  Je  Sutthan  ,  if  commença  la 
Dynaftiedes  Mameluks,  appelles  Ba- 
fearites  ou  Marins ,  auxquels  fuccédé- 
rent  tes  Mameluks  CircalEèns  que 
Sélim  détruifit  dans  la  fuite; 

Telle  fut  la  fi»  des  Ayoubires  d'E- 
gypte: celle  des  Princes  de  cette  fa- 
illie qui  regnoient  en  Syrie  &  dans 

Nnij 


4iS.        DfNAsrji 

la  Méfopotamie,  ne  fat  pas  moînt 

malbeureule. 

Le  Roi  d'Halep ,  arriére  petit  fils  do 
Saladin  ^don:  il  ponoit  le  nom  >  ayant 
appris,  que  les  Mameluks  tétaient  em- 
parés de  l'Egypte 9 fr  tendît maître  de 
„  Damas  r  &  devint  tapés  puiûant  par 

^.e.i&)i.ine  qu'il  n'entrât  triomphant  dans  le 
Caire  d  od  il  fut  repouffè  :  mais  les 
7»artares  Mogols ,  a  près  avoir  renrerfé 
coures  le*  pui  ffap  ces  qu'ils  avoknt  ren- 
contrées, s'avançoient  (bus  la  conduis 
te  d|Hotagois.r  dans  la  Syrie,  &  ve- 
noient  donner  de  nouveaux  Matttfes  à 
-  eerte  partie  du  monde.  Le  Prince  de 
Miafarckin  j  petit  rils  d'Adel  qui  pôP 
fëdoù  Jplu(ku4:&  «autres places  dans  la» 
Méfopotamie ,  '>ia-  s'oppofer  à  ce  toc- 
cent  ,.&  paya  de  fa  tête  cetre  témérités 
Holagou  qui  faifok  précéder  fa  mac* 
chepar  des  Âmba  Quleurs  chargés  de" 
recevoir  U  (ou million  des  Princes* 
voi(ïns  ,  ou-dt  leur  déclarer  la  guer- 
re y  fomma  Sa  lad  in  Roi  tf  Halep.,  de- 

"\._  venir   lui   prêter    hommage  :  i)  lut 

adrefToit  une  Lettre  qu'Aboui-pharad- 
ge  nous  a  confervée,  (#),  &  q»i  mon- 

£«)  Aboul-Pharadge  a  peut-être  au£  fità* 


j*ïs:  Are»  vb'i  Ter i.     43^ 
tre  taure  la  fierté  de  ces  Conquérant 
du  monde. 

^Apprenez,  écrhrôit-flau  Roi' <THa*> 
»  lep ,  que  nous  étant  préfenté*  devant 
»  Bagdad ,  &  le  Khalife  ayant  refufé 
#9  de  nous  ouvrir  Tes  porte»,  &  de  nous- 
m  livrer  fes  tréfors ,  nous  l'avons  puni 
9>de  cette  audace.  Car ,  comme  dit  vo^ 
»  tre  Alkôran,  Dieu  ne  change  les 
»  Empires,  que  lorfque  lefprit  des  Peu- 
nples  eft  changé.  Le  Khalife  a  ofé 
»  comparer  l*or ,- Forgent ,  de  vils  mé- 
»tattx  au  prix- des  âmes, 6c  a  reçu  la 
rrmott  pour  eonferver  fcs  richeffesi 
»»Qu?uh  tel  exemple  vous  ferve  de  le- 
»  çon.  Envoyez-nous  vos  tréfors ,  & 
r>  vends  vous  fournetere.  Nous  proté— 
ngeorns  ceux  qui  nous  obéiflfent,  8è 
lileur  laiflbfts  les  Etats  ôiYfls  règnoientj 
jrmais  nous  ne  pardonnons  jamais  à 
»  ceux  qui  ont  eu  la  hardieflè  de  nous 
»  réfifter.  Dieu  qui  nous  conduit  par 
»  la  main  ,  nous  ordonne  de  vous 
j»avertif  ^vatoque*  de  vous  attaquer. 
f% J!ai fait  monaevoir  ;  foires  le  vôtres 
»  Parce  que  nous  11  avons  pas  ^otre 

qné  lui-même  cette  Lettre  que  nous  avoitit 
lut  peu  abrégée*. 


4$a  Dynastie 

»»  Religion,  vous  nous  appeliez  Infi- 
*defles  j  mais  nous  avec  plus  de  juf- 
»>tice,  nous  vous  regardons  -comme 
jrune  Nation  impie  &  facrilége  qui 
i>  outrage  fans  rougir  par  des  pallions 
»i brutales,  &  Dieu  &  Ht  Nature.  Es 
»  qui  êtes- vous  pour  avoir  tant  d'or- 
»gueiti  Notre  Empire  s  étend  de  l'O- 
$9  rient  à  l'Occident ,  <f«ne  extrémité 
9i  du  momie  à  l'autre  j  nos  Soldats  font 
»aufli  nombreux  que  le  fable  de  1» 
h  mer ,  &  vous  vous  n'êtes  qu'une  poî- 
*gnée  d'hommes  vils  ,  dont  nous- 
»  avons  pitié.  Envoyez-moi  fur  le 
»  champ  votre  réponie,  &  tuivez-1* 
»  de  pics* 

Le  Sulcharr  d'Halep  effrayé  des  me* 
naces  du  Khan ,  prit  U  réfolutioi* 
d'aller  Ce  jetw*  à  fes  pieds  v  mais  les 
Emirs  regardant  cette  démarche  com- 
me humiliante  &  dangereufe  s'y  op- 
pofcrenrr  Sabdin  crut  fléchir  Hola- 
gou ,  en  députant  vers  lui  fon  fils  Àzîs 
avec  de  riches  pré fens.  Ce  jeune  Prin* 
ce  implora  vainement  la  clémence  du 
Khan.* Allez  dire  à  votre  père,  lui 
»  répondit  durement  ce  dernier,  que 
»je  lui  ai  ordonné  de  venir  lui  même 
»&  noa  de  m'envoyer  fon  fils.  «Sa- 


DES   AYOVIITI»»        ^Jf 

?Iadïn  aurait  obéi  &  fauve  pat  fa  fou- 
million ,  fa  vie  &  fes  Etats,  fans  l'o- 
piniâtreté des  Emirs  qui  lui  défendi- 
rent même  de  quitter  la  Syrie* 

Cependant  les  Mbgols  qui  cam-     Hé    4  t 
poîent  dans  le  Kharifme  *  fe  mirent  e*  j.  %*il\$L 
Marche  ,  &  après  avoir  fournis  toute 
la  Méfopôtamie  ,  ils  entrèrent  dans  la; 
Syrie,  &  enlevèrent  cette  Province 
aux  Ayoutkts*  Le  Roi  d'ïfaîep  n'eur 
garde  de  les  prendre  dans  fa:  Capi- 
tale ^  il  prît  ^yec  loi  fes  tréfors ,  fes 
femmes  &  ks  enfans ,  &  s'enfuit  dan» 
les  déferts  de  l'Arabie*  Makre  d*Ha- 
lep  &  èe  Dama»  ,  Bolagon  envoyai 
desdétacRemensauxenvircms  de  KxaJc 
avec  ordre  de  lui  amener  Sa4adm  mort 
.ou  vif.  Après  bien,  des  recherches  ^t0ji 
découvrit  enfin  la  retraite  de  ce  Prince 
malheuren  qui  fe  tenott  caché  dans 
ies  cavernes  ,  ôc  auquel  le  Strithan? 
fit  trancher  la  tête.,  après  Jui  avoir  -'  ,     V 
reproché  fa  defoèéiiïance.   Avec  lui    Hég.  *„< 
finit  la  Dynaffie  des  Ayoubites  ;  car    J,C#M** 
on  ne    doit  pas   compter  parmi  lçs 
Souverains  de  cette  famille ,  ceux  qui 
fubfiftoient  encore  àHémefle^àHa* 
ma ,  &  dans  d'autres  villes ,  &  qui  n\> 
loienr  que  de  fimples  Gouverneursde 


4$z  ÛïXÀ'sttt 

Place  dépendans    des  Prince*   vterib 

fins, 

La  branche  de  cette  Dynaftie  qtrf 
fégnoic  dans  l'Yémeft  eu  FArabie 
heutetrfe  étôît  également  éteïnte.Séiffr 
el-Iflam,dont  nous  avons  parlé  ail- 
leurs i  eot  poùt  fucceflèur  fon  fils  l£- 
mael,  Celuî-d  adoptant  les  Fabtes 
Généalogiques  <jue  de*  flatteurs 
avoient  compofée$  poirt  relever  l'ori- 
gine du  Sulthan  Saladin  ,-  prétendît 
être  de  fa  fataiille  detfOmmiades ,  prit 
la  couleur  verte  affé&ée  aux  Defcei*- 
dans  de  Mahomet,  A  non  content  dir 
titre  de  Scfyérif ,  (<r)  fe  fit  proclamer 
Xhalife  i  &  traîna  comme  ter  au  bas 
de  fa  rtfbé ,  une  quefte  longue  de  vingt 
«0ddées.t(*)  Ses  Emirs  lafles  de  fes  er- 
itavagaitees  qui  le  'refcdoient  en  mê- 
me-tem  s  cruel  envers  (es  Sujets ,  le  fi- 
lent aflaffinef.  Ils  mirent  fur  le  trône 
fon  frère  puîné,  appelle  Nafer,  & 
donnèrent  h  Régence  à  Ôfrimal  r 
mère  de  ces  deux  Princes  >qui  defeen*- 


(a )  On  donna  ce  titre  aux  defcendaiis  de 
Mahomet. 

(h)  Cette  longue  queue  s'appelloit  la  man- 
«he-des  Khalifes** 

doit 


DES   AYOUBriTESÏ        4JJ 

doit  elle-même  de  la  famille  de  Sa-* 
ladin.  Nafer  ne  fut  pas  plus  fage  que 
fon  frère  ,  &  eut  le  même  fort.  La 
Khatoun  ou  Sulchane  leur  mère,  après 
la  mort  de  fes  enfans ,  Ce  retira  dans 
la  ville  de  Zabîd ,  laiflant  le  Royaume 
dans  une  efpéce  d'Anarchie. 

Mais  quelque  tems  après,  un  E£ 
clave  lui  préfenra  un  homrrçe.  qu'on 
avoit  trouvé  à  la  Mecque ,  jparnii  vme 
foule  de  mendians^  c'étoit  Soliman, 
petit  fils  de  Téki-eddin-Omar,  &  par 
conféquent  parent  de  Saladin  :  il  avoir 
quitté  dès  fon  enfance  la  maifon  pa- 
ternelle,  &menoic  une  vie  errante  ôc 
vagabonde,  vêtu  en  Derviche  ou; en 
Religieux  &  vivanr  d  aumônes.  Om- 
mal  1  epoufa ,  &  le  fit  reconnoîrre  pour 
Roi  de  PYémen  ;  mais  un  tel  t om me 
n'étoit  pas  propre  pour  lt  Gouverne- 
ment d'un  Royaume  ;  il  fut  dépofé  & 
réduit  dans  fon  premier  état. 

L'Hiftoire  nomme  encore  deux 
Ayoubites  de  lYémen ,  appelles  Sala- 
din  &  defeendans  d'Adel.  On  préfb- 
.me  que  cette  DynafHe  finit  Tan  fix 
cent  trente- fept  de  YHégux*  douze 
cent  trente-neuf  de  Jefus-Qirift,  par- 
ce qu'un  Turkoman  obtint  vers  ce 

T$ms  //.  O  o 


454        Dynastie,  &c, 

tèms-là  du  Khalife  Moftanfer  ,  Tin- 
vefthure  de  ce  Royaume  :  cependant 
quelques    Voyageurs    ont    prétendu 

3u  on  trouvoit  encore  dans*  des  villes 
e  cette  pattiedu  monde ,  des  Princes 
Ayoubites. 

Nous  allcfns  terminer  notre  travail  , 
en  donnant  une  Table  Généalogique 
&  Chronologique  des  différentes  bran* 
ches  de  cette  ramille,ceft-à-dire,de 
celles  qui  ont  régné,  fans  parler  de 
tous  les  petits  Princes  qui  ont  été  feu- 
lement Gouverneurs  de  quelques  Châ- 
teaux >  ou  qui  ont  vécu  ignorés. 


D  YNASTIE 

DES  AYOUBITES. 

fartrdre  Généalogique  &  Chro- 
nologique. 

ME ROUAN 

Peke   de 
SCHADY, 

Père  de 
.  AYOUB, 
Père  de 
Sa  t  Â  d itf, 

Sulthan  d'Egfypte  &  de  Syrie  * 

Roi  de  l'Yemen  >  &  Prince 

de  Méfopqtamie. 

■'  '  ■         ■  ii  — *■»» 

SULTHANS  D'EGYPTE. 

Année  Année 

de  fHfr.      de  J.  C. 

Malek  el  -  Nafer 

Selah-èddin   Aboui 

•  Mod'haffer  Youfouf, 

ils  d'Ayoub» 5  $9.    1 1 05. 

Ooij 


4;6  DtVàstib 

Année         Année 
de.l'Hég.      dej.  C. 

Malek  el  -  Azîz 
Emad-eddia  Othman 
fils  de  Selah-eddin , 
mort  le  it.de Mou- 
harran,  âgé  de  tj. 
ans 5>5*   iî£& 

Malek  el  Manzour 
Nafer  eddinMoham- 
med  fils  d'Aziz ,  a  ré- 
cné  un  an  neuf  mois , 
dépofé  dans  le  mois 
deSchoual.   .'..•'  }?*•    noo# 

Malek  el-Adel 
Séiff-eddin^boubekr 
Mohammed,  filsd'A- 

Îroub  &  frère  de  Sa- 
adin.NosHiftoriens 
le  nomment  Sapha- 

<lin 6l$-    "«** 

*  Malek  el-Karnel 
Aboul-fath  Nafer- 
eddin  Mohammed , 
fils  d'Adel.  NosHif- 
toriens  le  nomment 

Méledin <f$5>    i*}J. 

Malek    el-Adel 
SéifF-eddin   AbouT  t 


DIS    ÀYOUBITBS.        4J7 

Année  Année 

.    4e  l'Hég.      de  J.  C. 

tekr,filsdeKamel. .      *Î7*  »*4°« 

Malek  el-Saleh     ' 
Nodgem  -  eddin   A-  • 
youb,filsdeKame!.i      *47*    It4?' 

Malek  ei-  Moa- 
tlham  Gaïàfh-  eddin  . 
Touranfchah ,  fils' de 
Nodgem  •  eddin    À» 
youhtué <?4^   "S* 

Schadgered  -  dor 
femme  d'Ayoub.  •  .      $4**   **;* 

Malek  Afchraf  fils 
de  Nafer  Youfouf , 
fils  deMafoud  Àdhfis, 
fils  de  Kamel  ,  fils 
tfAdel. 

SULTHANS  D'HALEP. 

Malek  eî-Nazer   .      . 
Selah-  eddin  Aboul 
Modhaffer  Youfouf, 
fils  d'Ayoub.  .  •  .  • 

Malek  ed  Dhaber 
Gaïach  eddin  Ghazi, 
fils  de  Saladin.  .  ,  .      *ij-   ***<*■ 

Malek    el-Aziz  -    '       _    • 
Oo  u» 


438  D  Y  N  A  S  t  I  I 

Année        AaDce 
de  l'Hèg.      dej.  C. 

Gaïath-eddin  Mo- 
hammed, fils  de  Dha- 

her .  .      ^4*    *±J*» 

Malck  en  Nafer 
Sélah-eddin  Youfouf, 
fils  d'Aziz.  .....      659.    i*£o* 

SULTHANS  DE  DAMAS. 

Makk  el-Nafe 
Sélahwedfdm  Aboul 
Modhaffèr  Youfouf , 
fils  d'Ayoub.   ,  «  .  • 

Malek  d-Aflh*r 
Nour-eddin  Aly,  fib 
de  Saladin.  .  .  >  fc  •      5  94*    1  !$&» 

Malek  el  -  Adei 
Séiff^ddiAAftdLtbekr 
fils  d'Ayoub  &  frere 
de  Saladin..  ...-..».   tfi 5*    il tft» 

Malek  el  -  Moa- 
dham  Scharf  -  etfdin 
Ifla,  fils  d' Adei.  Np&  .  .—   ■"      ; 
Hiftoriens  le    non*- 
ment    Coradin   011 
Conradin.  \  ......      C%+*   ttij* 

Malek  el-Nafer      . 
i"  nn 


i* 


ftlS   AïOUflTES.  45^ 

Année        Année.  * 
de  l'Hèg.     de  J.  C. 

Selah-eddin  Daoud',      .: 

fils  de  Moadham ,  dé# 

pofé  &  fait  Roi  de 

Krak .  .  .     .6%6%   z»*&, 

Malek  el-Afchraf 
Aboul-fath  modhaf- 
fer-eddin,  fils  cïA- 

del *$*•   "37' 

Malek   el-Sâkh 
Emad-eddin  Ifq&aël, 
Èlsd'Àdel.dépoféSc 
faicRoideBaalbek-.      655*    **J* 

Malek  el-Dgiapa*      ... 
had  Modhaffer  Yon- 
,  nous ,  fils  de  Mau*  1 

!  doudfilsd'Adel.dé* 

I  pofé  &  fait  Roi  de 

j  Sindgiar.   ......       ^36.    njt. 

Malek  el-Saleb 
I  Nodgem-eddin  Ay-  > 

oub,  fils  de  Kamel, 
'  dépofé  &  dans  la  fui- 

te   Sulthan    d'Egy- 
pte. ,•...*„....      ^57.    l*5j. 

Malek   eï-Saieh 
j  Emad-eddin  Ifmaël, 

1  rétabli.  .  .  .  ♦   .  .      £4.$.   124;* 

O  o  iiij 


44*>  Dynastie 

Année        Anne» 
de  l'Hêg.     de  J.  C. 

Malefc  en-Nafer 
Sélah-eddin  Youfouf 
Sulrhand'Halep,  fils 
4'A'ziz ,  fils  de  Dha- 
Aer  %  fils  de  Sa* adin.  •      6 5  9.   1  i4So~ 

PRINCES  DE  HAMA* 

Malek  el-Modhaf- 
ferTéki-eddin  Omar, . 
fils  de  Schahan  Schah, 
filsd'Ayoub,  père  de  1 

Saladin 

Malek  el  Manfour 
Nafîr-eddin  Moham- 
med t   fils  de  Téki- 

eddin •.      617.  nia 

.  Malek  en-Nafer 
Kilidge-Arflan ,  fils 
de  Manfour £2.7.    n%% 

Malek  el-Modhaf- 
FerTéki-eddin  Aboul- 
fath  Mahmoud  ,  fils 
4e  Manfour.  .  ........     635.    n }j* 

Malek  el-Man(bur 
îtafir-eddin  A|x>ul- 
M&li  Mphdauaed  *..,.' 


.  t  ; 


DBS    AyOUBITES.  44I 

Année.         Année 
de  l'Hég.    àe  J.  C. 

fils  de  Mahmoud,  .  ,      «83.   1184* 

Malek  el-Modhaf- 
fer  Téki-eddin  Mah- 
moud ,  fils  de  Man- 

four 6$8.    129^- 

1  Interrègne.  ...       718^   131^- 

Malek  el-Mouïad 
Àboul-fédha,  fils  de 
Nour  -  eddin  Aly  , 
fils  de  Téki-eddii» 
Mahmoud  ':  il  eft  Au- 
teur d'une  Géogra- 
phie &  dune  Hittoi- 
re '-  .       7Ji.    ijjl^ 

Malek  el-Afdhat 

Mohammed ,  fils  d' A* 

bout-fédha.  .  •  »  •  » 

On  ignore  fi  Afdha! 

a  eu  des  SucceiTeurs» 

PRINCES  D'HEMESSE, 

Afad-eddin  Schir- 
kpuh  »  fils  de  Schady 
&  oncle  de  Saladin.  # 

Nafer  eddin  Mo- 
Èamaaed  >    fils    de 


44*  D*NA*nz 

Année         Année 
&  l'Hcg.     de  J.  C- 

Schirkôufc.  .  .  «  .  -      581.    11S5. 

Malekel-Moudgia- 
hed  Schirkoud  ,  fils 
de  Mohammed.  .    .      6 $7*    ii$£« 

Malck  el-  Mara- 
four  Ibrahim ,  fife  dé 
Moudigahed.  .    .    .      644.    1246*' 

Malek  el  Afchiaf 
Modhaffer  -eddin 
Moufa  ,  fib  d'Ibra- 
him,  •  .  * tf£*«    nef* 

ROIS  DE  KHELATH. 

fcfaïek  et-Aouh^d 
^Jodgem- eddin  A- 
fyoub,  fils  d'Adel  frère 
deSaladin.  .  ,  *  .  «      609.    izn. 

Malek  ei-  Afchraf 
Moufa y  fils  d'Adel  •      65©.    1  i  jz. 

ROIS  DE  MIÂFAREieiN. 

*  Maick  d  -  Adei 
Séiff- eddin  Abou- 
bekr ,  fils  d'Ayoùb  8c 
frère  de  SaJadùw  i  .      61$.     121& 


tus  Ayoïïbit^es,      445 

Année»        Année* 
de  l'Hég.      de  J.  C. 

Malek  el-Modhaf- 
Fer  Schéhab  -  eddin 
Ghazi ,  fils  d'Adel.  •      6+1.    1244» 

Malek  el-Afchraf, 
fils  de  Schéhab-eddin 
Ghazi *j8.    125^, 

ROIS  DE  LYEMEN. 

Malek  el-Moa- 
dham  Scham-feddou- 
lec  Touran-Schah  > 
fils  d'Ayoub  &  frère 
de  Saladiii.    .  .    .  .      S7&    11*0* 

Malek  el-Moëzz 
SéïfFelJflamDhahir- 
edclin  Tôghréghin  \ 
fils  d'Ayoub  &  frère 
deSaladint 5£$.   li$$* 

Malek  el-Moëzz. 
SchamfelMouloucIÊ   ^ 
maè'l ,  fils  de  S£i#el- 
Mam 

Malek  et  -  Nàfer  *- 

Sélah-eddin  „  fils  de 
Séiffel-Iflam  &  frère 
tflfmaëi .  ♦ 


444  Dtoât.  dis  Ayoub.  Sec. 

Khatoun  Ommal    /^j?       *»■*? 
femme  de  Séiffel-If-   ti£2:    ±±S. 
lara,  &  mère  de  Na* 
feî  &  cTlfmaël.  •  .  , 

Malek  Soliman  9  * 

fils  de  Schahanfchah*  *    ■ 

filsdeTéki-eddin,  fils 
de  Schahanfchah,  fib 
d'Ayoub #  , 

Malek  Mafoud  Se- 
lah  -  eddin  Adhfi* 
Youfouf,  fils  de  Kiu 
mel ,  fifs  d'Adel  ' ,  .      6 1 6 .    i  z  2  & 

Malek  Mazoud  Sé- 
lah- eddin  Youfouf, 
JlsdeMafoud.  .  •  .      6yj.    i%$y* 


PIECES 

JUSTIFICATIVES- 

JVj..  Bonamy,fde  l'Académie  Royale 
des  Infcriptions  &  belles  Lettres ,  qui 
Joint  le  goût  au  fçavoir,  m'a  communi- 
qué &  permis  de  faire  împrfmer  deux 
Manufcrits  curieux  fur  la  Chevaleriede 
Saladin.Ces  deux  Pièces  avoienrappar. 
tenu  au  célèbre  M.  Godefroi,  &  ont 
paffe  y  ainfi  que  la  Bibliothèque  de  ce 
Sçavant  ,  à  M.  Moriau  Procureur  du 
Roi  &  de  la  ville.  M,  Godefroi  avoît 
mis  au  bas  de  ces  deux  manufcrits  la 
note  fuivante.  :  »  Extraits  de  deux  an- 
»  ciens  manufcrits ,  l'un  enprofe ,  qui 
»femble  être  à  peu  près  ,  finon  du 
»  tems  même  de  S^ladin ,  qui  mourut 
>*  en  i  i  93  ,  parce  qu'il  eft  écrit  de- 
»  puis  fa  mort ,  au  tooins  peu  de  tems 
»  après  icelle  5  &  l'autre  en  vers  qui 


446  Pièces 

»t  femble  poflé rieur ,  &  qui  eft  écrit  du 
•t  tems  des  guerres  des  Albigeois*  ie£- 
»  quelles  finirent  en  1240. 

M.  de  la  Curne  de  fainte  Palaye  r 
qui  n'eft  pas  moins  eftimable  par  Ces 
mœurs  douces  &  fà  politeflè ,  que  par 
fes  connoiffances  profondes  fur  l'Hif- 
toire  de  notre  Langue  &  de  nos  mœurs, 
a  bien  voulu  me  donner  une  copie  plus 
exade  &  beaucoup  plus  ample,  du 
poemç  en  queftion.  Comme  ces  deux 
pièces  n'ont  jamais  été  imprimées ,  Se 
u'elles  ont  pour  objet  la  Chevalerie 
u  Sùlthan  dont  je  viens  d'écrire  l'Hit 
toire,  je  ctois  que  le  Le&eur  me fçau- 
ira  gré  de  les  rendre  publiques.  J'y  joins 
une  interprétation  que  je  ne  prétends 
pas  juftifier  dans  tous  les  points  :  car 
il  y  a  des  phrafès  >  furtout  dans  le  fé- 
cond morceau  qui  peuvent  avoir  un 
double  Cens.  J'ai  adopté  celui  qui  m'a 

fiaru  lé  plus  raifonnable ,  (ans  exclure 
autre» 


3; 


•    Justificatives.      447 

L'ORDENE  DE  CHEVALERIE. 

»  El  tans  que  Salehadins  régna ,  il 
m  ot  un  Prince  en  Galilée  qui  fu(apelés 
»  Meures  Hues  de  Tabarie.  Un  jour  fu 
»avoec  ôreftiensen  unpoignais  con- 
»tre  Turs.  Si  pleut  à  Dieu  que  Cref- 
>i  tien  furent  arrière  mis.  Si  fu  Méfi- 
ai res  Hues  pris  &  maint  autre  Preu- 
m  dôme  avoec  lui.  Le  foir  il  fut  ame- 
»  nés  devant  Salehadin  qui  bien  le  con- 
tinut.  S'en  fur  moult  liés  &  dit  :  Hues* 
»  vous  êtes  prisiSire,  dit  lePreudome, 
t>  cepoife  moi.  Par  ma  foi ,  Hues,  vous 
yavez  droit  $  car  il  vous  convient 

L'ORDRE  DE  CHEVALERIE. 

Dans  letems  que  Saladin  régna',  il  y  eut 
lui  Prince  en  Galilée ,  qui  s'appelloit  Meflire 
Hugues  de  Tabarie ,  (  de  Tibériade ,  )  un 
jour  cet  Hugues  fe  trouva  avec  les  Chrétiens 
dans  une  bataille  contre  les  Turcs*  Il  plut  à 
Dieu  que  les  Chrétiens  fuffent  vaincus.  Me£- 
fire  Hugues  fut  pris  &  plufieurs  autres  Pru- 
d'hommes avec  lui  Le  foir ,  il  fût  amené  de- 
vant Saladin  qui  le  reconnut;  ce  Prince  en  fut 
charmé  &  dit  :  Hugues ,  vous  êtes  pris.  Sire, 
dit  le  Prud'homme,  j'en  fuis, très-faché.  Par 
ma  foi ,  Hugues ,  vous  avez  railon  \  car  il  faut 


448  Pièces 

t>raienbre  &  morir.   Sire,  raenchon 
»  donrai  jou  plus  volontiers,  ke  je  ne 
umuire,  fe  ge  pous  donner  que  vous 
»>  voelliez  prendre.Oil  bien  diit  li  rois. 
»  Sire  fait  Mefires  Hues,  que  vous  don- 
»  rai  jou,  abriés  mos.Vous  rrye  donrés, 
wdift  li  rois,  C.  mille  bézans.  Sîre 
»  chou  feroit  trop  grans  raenchons  à 
%»home  de  me  terre.  I^ues  ,   dift  H 
»  rois,  vous  eftes  fi  boins  Chevaliers, 
9i  &  fi  preus,  que  nus  n'orra  de  votre 
«>  raenchon  parler ,  ne  de  votre  prifon 
»qui  ne  vous  doinft  &  envoir.  Sire, 
»  mit-il,  j  el  vous  promet  feur  chou 
»  ke  vous  me  dites  &  feur  keîemés 

ou  vous  rachéteVou  mourir.  Sire,  je  vous 
donnerai  une  rançon   plutôt  que  dé  mou- 
rir,  û   je  puis  vous  en  donner  une  que 
vous  veuilliez  accepter.Oui  bien ,  dit  le  Roi  : 
Sire,   dit  Meffire  Hugues.    Apprenez-moi 
vite  ce  que  vous  voulez  que  je  vous  donne. 
Vous  me  donnerez ,  dit  le  Roi ,  cent  mille 
bézans.   Sire,  cela  feroit  une  trop  grande 
rançon  pour  un  homme  comme  mou  Hu- 
gues ,  dit  le  Roi ,  vous  êtes  fi  bon  Chevalier 
&  fi  vaillant  que  perfonne  n'entendra  parler 
de  votre  rançon  &  de  votre  captivité ,  qui 
ne  vous  donne  ou  ne  vous  envoie  de  l'argent. 
Sire  ,  fur  ce  que  vous  me  dites  ,  je  vous  les 
promets  (  les  ceut  milles  bézans  ;  )  &  fur 

querrcE 


Justificatives.  449 
jrquerrez-vous?  Hues,  fait  li  rois, je 
»les  querraionan  (m  votre  Loi.  Si 
»dedens  l'an  le  me  poés  rendre ,  j  es 
*>  prendtai  j&  fe  fenon  revenés,  je  vous 
»  reprendrai  volontiers.  Sire  &  feur  ce 
»  j'es  vous  promet.  Or  me  livrés  con- 
99  duit ,  que  je  m  en  puifle  r'aller  fau* 
•vvement  en  mon  pays  corne  Che- 
»>  valiers.  Hues,  je  voel  anchois  à  vous 
»»  parler.  Sire  &  }ou  à  vous  volontiers 
»  veu  celé  tente  par  delà.  H  i  entre-, 
»  renr.  Si  demanda  à  mons  Hues  corn- 
t>  ment  on  faifoit  Chevalier  à  la  Loi 
»  Crétïene  &  qu'il  li  monftrat ...  à 
j»cui?  à  moi-même,  fait  li  rois.  Sire 

■  1      1  1  1  '      m*, 

quoi;  ( for guelle  aflurance  ;  1  les  dematrie- 
rez-vou*  ?  -Sur  votre  loi ,  »  fur  votre  parole,  % 
&  je  vous  donnerai  un  an.  Si  dans  l'an  vous 
pouvez  me  les  livrer,  je  les  recevrai  ;  &  finoa 
revenez,  &  je  vous  reprendrai  vous-même, 
volontiers- Sire  fur  cela;  Je  vous  les  promets* 
A  préfent  ,  donnez-moi  mon  congé,  afin  que 
je  puifle  m'en  aller  en  fâreté  dans  mon  Pays  t 
comme  Chevalier»  Hugue9 ,  je  veux  encore 
vous  parler;  Sire,  volontiers.  La  tente  étoit 
par  de-là ;  ilsy  entrèrent.  Alors Saladin de» 
manda  à  Memre  Hugues ,  comment  on  fai- 
foit Chevaher  dans  la  Religion  Chrétien- 
ne ,  &  lui  dit  de  îe  lui  montrer.  Aqui  ?  À 
0ioi-meme ,  dit  le  Rgi.  Sire  ,  à  Dieu  ne  plaife 
l*mt  II.  Pp 


4S°  Piicbi 

ti  à  Dieu  ne  place  que  jou  fois  fi  fat»  ; 
»  fait  Mefires  Hues ,  que  jou  fi  haute 
»  cofe ,  &  Chaule  Seigneurie  mete  feur 
9»  cors  de  û  haut  homs  com  eft  li  voçs. 
•»Per  quoi ,  fait  li  roisî  Sire  vous  elles 
w  vis ,  de  coi  Hues  l  de  crelliewé  &  de 
*bapttfme.  Hues,  fait- il,  ne  me  blaP- 
>tmes  mie,  vous  êtes  mes  priions.  Se 
»  vous  faites chi  che  ke  je  vous  requier 
#&  vous  venez  en  terre  de  votre  con<- 
*>  feil  >  y  à.  ne  trouvères  l}©me  qui  trop 
wvous  en  blâme  >  Se  jou  Tam'miex  à 
•>  avoir  de  vous  que  d'autre  Chevalier  * 
»  ke  de  melleurChevalier  de  vous  ne  le 
•>  porrou  jou  rechoevre.Sire,fair-iI,  fur 
jfrehouke  vous  me  dites,  je  vous  mon- 
■i       .         ■  ■  >    i     ■ 

que  je  fois  fi  indigne ,  dit  Mefïire  Hugues  4 
pour  mettre  une  fi  habite  chofe  &  une  fi  haut? 
Seigneurie  fur  le  corps  d  un  fi  haut  homm» 
comme  vous  êtes.  Pourquoi ,  dit  le  Rou 
Sire ,  vous  êtes  vuide.  De  quoi ,  Hugues  $ 
de  Chrétienté  &  de  baptême.  Hugues ,  dit- 
il  ,  ne  meraites  aucun  reproche  :  vous  êtes 
jjnon  prifonnier  :  fi  vous  t'aies  ce  que  je  vous 
demande  &  que  voua  retourniez  dans  votre 
pays  ,  vous  ne  trouverez  perfonne  qui  trop 
vous  en  blâme  ;  &  j  aime  mieux  avoir  da 
vous  la  Chevalerie,  que  d'aucun  autre  Che- 
valier ;  car  je  ne  poûrrois  la  recevoir  d'ui* 
aeiUeur»  Sire ,  dk-il,  iur  ce  que  vous  jty* 


JtrsTiïicATî  vis.    451 

«trerai.Mais  fe  vous  fuffiés  Creftiens  , 

n  moult  fut  Chevalerie  en  vous  bien 

»  afife.  Hues ,  fait-  il  >  ce  ne  puet  mie  orc 

'  •  #  être, 

»  Mefires  Hues  apareîler  chou  qu'a 

*  »  Chevalier  a  afert;  Se  li  aparella  font 
Hchief  &  fa  barbe  fans  rere  ,  mîer 

•  *»  qu'elle  n'eftqit  ,&  fe  le  mift  en  un 
-»bàing,  &  li  demanda  :  Sire ,  favés- 
tt  vous  que  chis  bains  vous  donne  en 
»  commencement  de  vous  à  entendre. 
»»  Hues,  faifc-il ,  n'aie»  Sire,  fait  Mefi- 

«  »  res  Hvtes ,  aoffi  nés  &  auffi  mondés* 

-*Ke  li  énfes  ift  de  pekié  des  fons  de 

»baptefme  ydevés  vous  iffirde  cheft 

'  »  baing  >  de  vilenie  &  dé  mauvaife  té- 


dites,  je  vais  vous  montrer  cette  cérémonie; 
mais  fi  vous  étiez  Chrétien ,  la  Chevalerie 
ferait  très-bien  placée  en  vous.  Hugues  ,  dit- 
il  ^  cela  nefe  peut  à  préfent.  '* 
.  Meiîire  JHugues  prépara  tout  ce  qui'  eft 
.néce(ïairerpour  tajre  un  hevalier  :  il  fui  arran- 
gea fa,  tête  &  fa  barbe- mieux  quelle  n'étoit 
fans  le  rafer  r  il  le  mit  dans  un  bain,  &  lui 
demanda  :  Sire,  f^avez-yous  ce  que  ce  bain 
vous  donne  d'abord  à  entendre  £  Hugues., 
dit-il ,  no»  ÀuiTi  net  &  purifié  &r  péché  $ 
qne  l'enfant  fort  des  fonds  de  baptême ,  de- 
ve*-vous  fbrtir  de  ce  bain  fl$:  &  purifié  d# 


4f*  Piicîj 

»  che.  Par  ma  Loy ,  Hues ,  chîsconcp 
»  mencement  eft  moulr  biau. ...» 
»  Voirs . .  « .  de  Dieu  eft  donnés  qui  de 
m  preudhome  rechoit  :  il  le  mena  en 
t»un  lie  tout  nouvel,  (i  tecouce  ens 
»>  el  li  dHLSire,  chift  lis  vous  donne  es- 
»wart  au  grand  \k  de  Paradis,  que 

*  vous  devés  canquerre  par  vos  Cheva- 
»9  lerie  :  &  quand  il  or  jut ,  il  le  leva  & 
»Ii  veftt  blanke  reubede  lue  de  lin ,  ce 
#defoye:&dift  cheft  blanche  reube 

.i»que  je  vous  veft  premiers  vousdonne  à 
«i  entendre  le  grand  neté  que  vousdeves 
»rà  votre  cors  renre  fc  garder.  Après  li 

*  vefti  reubc  vermeille  d'écarlate  ce  de 

»»  9  ■■         i  ■  i 

vilenie  &  de  mauvaife  tâche.  P»  ma  Lof, 
Hugues  *ce  commencement  eô  fort  beau. .  . 
même  ...  de  Dieu  eft  donné  ce  qu'on  reçoit 
«Tuiv  Prud'homme.  I?  lemenacBms  un  lit  tout 
nouveau,  le  coucha  dedans ,  &  lui  dit  :  Sire  , 
«  e  lit  vous  donne  regard  au  grand  lit  de  Para- 
dis que  vous  devez  conquérir  par  VotreÇhe- 
valerîe  ;  Se  quand  le  Princeeut  refte"  quelque 
tenu  couché,  H  te  mît  rarfon  fèant  &  le  re- 
vêtit d'une  roBe  bbnefte  déliée  de  Kn:  &  d* 
Ibye  r  &  lui  dit  :  cette  robe  blancfie  dont  je 
tous  revêt,  premièrement  vous  donne  àen~ 
tendre  la  .grande  propreté'  que  vous  devez 
tenir  &  garder  à  votre  corps.  Après  a  te  ré- 
y$dt  dTuae  rolte-  vermeille  •d'écariate  fit  dp 


JtfsTiricATîvisr.      $j$; 

n  fbye ,  &  li  dift  rSire ,  eeft  reube  ver- 
yt  melle  vous  donnée  à  entendre  le  fang 
»»  que  vous  devés  efpandre  por  hii  fer- 
w  vir  Se  por  feinte  Eglife  warefer  &  dë- 
»  fendre.  Aptes  li  tome  les  gambe$ 
»  hors  du  lit;  fe  H  caucha  unes  cauce* 
»  brunes  ,  pus  lui  dît  5  Sire  ces  cauces- 
•»  vous  donnent  à  entendre  îs  terre  i* 
»  devés  reparier.  Car  quel  avantage 
t»que  Diex  vousconfenfc  à  avoir  ,ra- 
•»  membrance  oit  qui  vousétes  &  vous- 
»  rires.  Il  le  drecha  tôt  droit,  &  K 
uchainft  uneceinrure  blance.Si  lidîfiv 
*  Sire,cetre  chaïnfture  vous  donne  vir- 
*>  gfnité  des  rains  j  car  puifqoe  Che- 
•>  valier*  e(ï  devenus  gramf  efwart  doit 

foye  &  lui  dit  :  Sire  ,  cette  robe  rouge 
vous  donne  à  entendre  le  fang  que  vous 
devez  répandre  pour  fèrvîr  DTeu ,  &  pour 

rrder  &  défendre  la  Sainte  Eglife.  Apre* 
lui  tourne  les  jambes  hors  du  Ht ,  & 
lui  met  des  chauffes  brunes.  Puis  il  lu? 
dit  :  Sire  ,  ces  chauffes  vous  donnent  à 
.entendre  la  terre  où  vous  devez  retour- 
ner ;  car ,  quelque  avantage  que  Dieu  con- 
sente de  vous  donner,  fouvenea&-vous  de 
ce  que  vous  êtes ,  &de  ce  que  vous  rede- 
viendrez. Il  le  met  de  bout,  lui  ceint  une 
ceinture  blanche  &  lui  dit  :  cette  ceinture 
vous  donne  la  virginité  des  reins  ;  car ,.  puif- 
jpe  vous  êtes  devenu  Chevalier ,  vous  devej. 


454  Pièces 

omettre  avant*  ain»'  cjfulï  pefce  Se  (en 
>f  eors  vilainement.  Après  911  ei  aporta 
»  uns  efperctas  ©ixTor  >  te  clorez,  fi  li 
»cauchfc&dift  :  Sire,ce{terperon  vous 
^montrent  auflifalans  que  vous  volés 
»  aue  votre  ehevaus  foir  à  la  femoufle 
9i  ae  vos  eiprons,  auflî  falans  devés 
jrvous.eiïre  as  kemaftdemens  de  Dieiï 
iifèmr-  &  de  feinte  EgHfe  deffendre. 
»  Après  on  li  aporta  une  efpée,  file 
>►  demanda:  Sire,  favés  vous  que  cefte 
*efpée  vous  donranrois  cofcs*  KelesJ 
«  droiture  t  feureté  *r  loyauté»  La 
%>  Crois  qui  eft  en  t'ëfpée  vous  donne 
r>laïeuferé;puifque  preudbmes  Che- 
*r vaKers  à  l'efpée  chaînte ,  ne  pue*  ,  ne 

■  >  ■     ■     I     II  <    III  »■    I Mil         ■■    ^— ^— ^^ 

biert  prendre  garde  de  pécher  vilainement 
de  votre  corps.  Apiès  orT  lui  apporta  de* 
éperons  d'or  ou  dorés ,  il  les  lui  chauffe ,  & 
dit  :  ces- éperons  vous  apprennent  que  vous 
devez  être  auflî  ardent  à  garder  les  comman- 
démens  qui  ordonnent  de  fervir  Dieu  &  de 
détendre  la  Sainte  Eglife ,  que  vous  voulez 
que  vos  chevaux  le  foient  aux  coups  de  vos 
éperons.  Après,  on  lui  apporta  une  épée,& 
il  lui  demanda  :  Sire ,  Sçâvez-vous  ce  que 
cette  épée  vous  donnera  ?'  Trois  chofes.  Lef- 
quelles  ?  droiture ,  fureté  &  loyauté.  La.  Croix 

2i!  efl  i(  J'épée  vous  donne  fureté;  car  un 
hevalièr  qui  a  Tépée  ceinte ,  ne  peut  &  ne 


JirsTificÀTiVEsr.,  4j<j 
*ne  doit  Diable  douter.  Aprc&ySire  y 
r>  li  doi  trenchaiu  qui  (ont  en  L'efpée* 
»  vous  donne  le  droiture  &  le  loyauté, 
99  garder  le  foible  du  fort  &  le  povre 
»  du  jrice  droitemenc  &  loiaument. .  *  w 
Le  refte  manque  j  mais  on  verra  1& 
fuite  de  cette  cérémonie  dans  ta  pièce 
de  vers  que  uous  alloijs  rapporter. 

doit  craindre  te  Diabte.  Après ,  Sire,  Tés  deux 
tranchans  qui  font  en  l'épée  vous  donnent 
la  droiture  &  la  loyauté,  &  vous  appren- 
nent à  défendre  lefoible  du  fort  &  le  pauvre 
du  riche  ,  avec  droiture  &  loyauté.    .  .  .  .  • 


VORDEtfE  DE  CffE PAIERIE. 

Enii  ke  li  quens  Hues  de  Tabarie 
Fenfeigna  au  Soudan  Salehadhu 

,         Bon  fait  à  Preudhomme  parler  j 
.   Car  on  i  feut  moût  eonqutjhr. 

L'ORDRE  DE  CHEVALERIE, 

\dinji  que  h  Cornu  Hugues  de  TaBarïe  ± 

(  de  Tibiriade ,  ■)  Ccnfàgna  au  Sul- 

than  Saladin* 

Il  fait  bon  parler  à  un  prudhomme;  (  Che- 
falie*}  car  on  y  peut  beaucoup  gagner.  Ce* 


45$  PiÈCti 

Qui  a  fer  fais  prtndroit  gard* 
•    là  de  foUon  ar  oit  garde  \ 
Car  un  te  trneve  en  Salemon  , 
Que  tout  adls  fait  fages  hom 
Tontes  fes  œuvres  bonnement  ; 
Et  cil  aucun*  fois  tnefprendj 
.  Coument  que  J oit  >  par  non /avoir  , 
De  îegier  doit  pardon  avoir 
Tant  corn  iî  s*én  voefte  retraire. 
Mais  de  for  me  convient  retrait* 
A  rimoyer  fr  atonter  * 

Vn conte  coi oi  conter 
D'un  Roi  k' enterre  patente 
lu  jadts  do  grant  Signourie  M 
Et  meul  fus  Uiaus  SarraxÀns  * 
II  ot  à  non  Salèhadins. 
Cruens  fit  fr  moult  dedefroî 
Eift  mainte  fois  à  notre  Loi, 
Et  à  nogent  fift  maint  damage  j 

lui  qui  examirîeroit  fes  aâtorur,  n'y.  trouve-- 
roit  aucune  folie»  Car  on  trouve  nans  Salo- 
mon,qu'un  homme  fige  fait  toutes  fes  œuvre* 
iagement  ;  &  fi  quelquefois  fl  s'égare ,  quoi- 
que ce  ne  Toit  que  par  ignorance ,  on  doit  lui 
*  pardonner  facilement ,  lorfqull  veut  s'en  cor- 
riger :  meus  û  faut  que  je  m'occupe  à  rimer  r 
&  à  raconter  un  conte  que  j'ai  oui  conter  d'un 
Roi ,  qui  dans  le  pays  des  Infidelles ,  fut  ja- 
dis d'une  grande  puiftance ,  ôefut  un  très-loyal 
Sarrazin.  Il  eut  pour  nom  Saladin  :  il  fut  bien? 
ftmef te  à  notre  Religion ,  &  lui  fit  plufieurs 
fois  bien  du  mal ,  &  caufa  bien  du  dommage 

far 


i 


~i 


Justificatives*     45^ 

far  fin  orgueil  &  fi»  outrage. 
Et  tant  f*  unes  j ois  ovine  p 
Qu'à  la  bataille  uns  Princes  vint 
Hue  foi  non  de  Tabarie 
S'avoit,  olui  grant  comfaignie 
Des  Chevaliers  de  Galilée* 
Car  Sire  étoit  de  la  centrée»    • 
AJfex.  fifint  d  armes  chel  jour  ^ 
Mais  il  ne  flot  au  beateesr 
Con  a  fêle  le  Roi  de  gloire,  ; 

Que  li  notre  euffent  vi&eire  : . 
Car  là  fis  fris  le  Prinches  Hue* 
Si  fis  menés  aval  les  rues 
Droit  far  devant  SaUhadin  ^ 
Si  le  J alise  en  /on  latin  j 
<lar  il  le  connoijfiit  moult  bien; 
Unes  moult  fui  liés  quant  vous  tien, 
Cbé  difi  li  rets  far  Jdaheumet , 
.Et  une  cofe  vous  f  remet 

■  ■V     .      .  ■  ~mmm+—mmi+m 

4  nos  gens  par  Ton  osgueil  &  fts  outrages. 
Or  U  arriva  une  fois  qu'un  Prince ,  dont  le 
nom  étok  Hugues  de  Tabarie ,  Tint  à  une  ba- 
taille :  il  avoit  avec  lui  un  grand  nombre  de 
Chevaliers  de  Galilée;  car  il  étoit  Seigneur 
eh  la  contrée  :  ils  firent  ce  jour  de  grands  faits 
d'armes;  mais  il  ne  plut  point  au  Béateur 
qu'on  appelle  le  Roi  de  gloire ,  que  nos  gens 
auffent  la  viâoire  :  car  le  Prince  Hugues  fut 

Î ris  :  il  fut  mené  par  les  rues  ,  droit  devant 
aladin  :  celui-ci  le  fàlue  en  fon  langage  ;  car 
il  le  connouTok  bien.  Hugues ,  lui  dit  le  Roi, 
par  Mahomet  je  fuis  charmé  de  vous  tenir , 
frextlim  <q 


45  S  Pièces 

Que  il  vous  c enverra  mourir 
Ou  »  iront  raencbon  venir  ?' 

Li  Trinches  Hues  reffondi 
-  Tuifquï x-ni avis  le  giu  parti  % 
Je  prendrai  le  rajembre 
Jtefai  deauei  i  el  puijfe  rendre. 
OU  s  che  U  »  dit  H  reis  , 
Cent  mille  bezans  me  conter  oh.    ' 
Ha  y  Sire  ,  atteindre  n'i  p  or  rote  j 
Se  toute  ma  terre  vendoiem 
Si  feris  bien.  Sire  j  comment» 
Vous  efies  de  front  har dément , 
JEt  plains  de  grant  Chevalerie  j 
Et  preudens  nefcondira  mie 
Se  r'ouves  i  ve  raenchon 
Que  il  ne  vous  doinfi  im  bel  don. 
Bnfi  vous  pois  uquiter.  ' 

&  je  vous  annonce  une  chofe  ;  c'eft  qu'il  fau- 
dra mourir  ou  payer  une  groife  rançon.  Le 
Prince  Hugues  répondît  :  puifque  vous  m'a- 
vez laiffé  le  choix ,  je  choifirai  de  me  rache- 
ter; mais  je  ne  fçai  ce  que  je  pourrai  vous 
donner.  Ecoutez ,  lui  oit  le  Roi  :  vous  me 
compterez  ioo  mille  bezans.  Ha,  Sire,  je  ne 
pourrois  arriver  à  cette  (brume  quand  même 
je  vendrois  tous  mes  biens.  Vous  pourrez  la. 

Eyer.  Sire ,  comment?  Vous  êtes  plein  de 
avoure,  &Vous  vous  êtes  distingué  par  vos. 
faits  d  armes;  &  aucun  prud'homme  nerefa-. 
fera  de  vous  faire  un  préfent ,  fi  vous  lui  de-, 
mandez  pour  votre*  rançon  ;  ainfi  vous  pou- 
vez vous  acquitter:  mais  je  veux  vous  de- 


Justificatives.     4^ 

Or  vous  voel  jou  demander 
Comment  jeu  partirai  de  M.  > 

Salehadsns  li  refpondi  : 
H  tus  j  vous  le  m'afiérés  , 
Sour  votre  foi  que  renverés 
Et  de  four  le  vcftre  cre  anche  ^ 
Que  d'us,  en  deux  ans >fans  faillanchê 
Avis  rendu  vo  raenchon  j 
Ou  vous  revenrés  enprifon, 
Enfi  portés  partir  de  chu 
Sire  3  fit-il ,  votre  merchi  3 
Et  tout  ainfi  le  créant  pé 
A  tant  a  demandé  congié  y 
Caler  s'en  veut  en  fon  pais  ; 
Mais  li  rois  a  par  le  main  pris  , 
Es  en  fa  cambre  V  emmena 
Et  moût  douchement  ie  pria. 
Hues  yfet  il ,  par  ehe  le  foi 
<  Que- tu  dois  an  EHu  de  te  Loi  , 

mander  comment  je  partirai  d'ici.  Saladin  lui 
répondit  :  vous  m'affirmerez  fur  votre  foi, 
que  d'aujourd'hui  en  deux  ans  (ans  faute  &  fur 
votre  créance ,  vous  aurez  payé  votre  ran- 
çon ,  ou  que  vous  reviendrez  vous  remettre 
en  prûon.  Àinfi  vous  pourrez  partir  d'ici. 
Sire,  dit-il,  grand  merci,  ainfi  vous  te 
(womets-je. 

Cependant  il  a  demandé  ion  congé  ;  car 
Il  veut  retourner  en  fon  pays ,  mais  le  Roi  l'a 
pris  par  la  main ,  l'a  emmené  dans  fa  cham- 
bre,»: l'a  prié  avec  beaucoup  de  douceur.Hu» 
gués ,  dit-il ,  par  cette  foi  que  tu  dois  au  Dieu 

Qqu  . 


%ti&  P  I  B  C  I  S 

Fai  moi  ftp  j  dont  foi  talent  ; 

De  ff  avoir  très  tout  Vertement 

ie  ffaurois  mouh  volontiers 

Couinons  on  fait  Us  Chevaliers. 

Beau  Siro ,  fait-il  >  non  ferai. 

1? or  quoi  3  <$•  je  le  vous  dirai.  ' 

Sainte  ordre  de  Chevalerie 

Seroit  en  vous  mal  emploiie\ 

Car  vous  efios  viex,  en  la  Loi 

De  bien ,  de  baptefme  &  de  foi  >     . 

Ht  grant  folie  emreprendroie 

De  un  fumier  de  dr as  de  fois 

Voloie  veftir  ($»  couvrir 

Qu'il  ne  pueft  jamais  puir 

A  nul  fuer  faire  ne  port  oie 

Et  tout  enfement  m'es  prendroje 

Sefeur  vous  metoie  tel  ordre  > 

Jou  ne  m'i  oferoie  amordre  s 

ide  ta  Religion ,  inftruis-moi  de  ce  que  j'ai 
tant  envie  de  fçavoir.  Je  voudrais  fçavoir  tou- 
tes les  cérémonies  avec  lefquelles  on  fait  les 
Chevaliers.  Beau  Sire ,  dit-il ,  je  ne  le  ferai 
point.  Pourquoi  ?  Et  je  vous  le  dirai.  Le  faint 
•ordre  de  Chevalerie  feroit  très-mal  employé 
dans  vous  :  car  vous  êtes  vuide  en  la  Loi, de 
tien, de  Baptême  &  de  foi.  J'entreprendrais 
tine  grande  folie ,  fi  je  voulois  couvrir  &  vê- 
tir  d'étoffes  de  foye  un  fumier ,  de  nulle  fa- 
çon je  ne  pourrois  empêcher  qu'il  n  eût  plus 
fa  mauvaife  odeur  ;  je  me  tromperais  tout 
de  même ,  fi  je  mettois  fur  vous  un  tel  ordre* 
Non ,  je  n'oièrois  l'entreprendre  ;  car  j'en  ftr 


\  Justificatives.     464 

Car  tnùut  en  feroit  blafmit. 

Ja  Hues ,  faiuil ,  non  fêtés  3 

II  n'ia  peint  de  mesprifon; 

<2ar  vous  êtes  en  tnd  f ri f on; 

Si  vous  convient  mon  vouloir  faire  ; 

Mais  qu'il  vous  doive  bien  déplaire  i 

&ire  ,  fui/que  faire  tejiuet , 

•ff*  contredis  valoir  »V  puet  9 

Si  loferai  tout  fans  dangier. 

Lors  li  eommenche  à  enfignier 
Tout  chou  que  il  li  convient  fairf 
Cheveus  et  barbe  &  le  viaire  * 
Lifait  appareiller  moût  bel 
Cbeft  droit  à  Chevalier  nouvel. 
Puis  ta  fait  en  un  bain  entrer  s 
Lors  li  eommenche  à  demander 
Li  Soudons  que  chou  fenefie* 
Hues  refpont  de  Tabarie  > 

rois  trés-blâxné.  C'a  Hugues ,  dit-il ,  voutf 
ne  le  ferez  point:  il  n'y  a  pas  de  blâme  en  ce- 
la. Vous  êtes  mon  priformier ,  &  vous  dev- 
rez (aire  mes  volontés ,  quoiqu'il  vous  dé- 
plaife.  Sire  pirifcra'il  le  faut ,  fit  qu'il  ne  fer- 
viroit  à  rien  de  vous  contredire ,  je  vais  vou# 
obéir  (ans  réfiflance. 

Alors  il  commence  à  lui  enfeigner  tout  ce 
qu'il  doit  faire  :  il  lui  fait  bien  accommoder 
les  cheveux ,  la  barbe  &  le  vûage ,  ainfi  qu'il 
convient  à  un  nouveau  Chevalier.  Enfùite  il 
le  fait  entrer  dans  un  bain.  Alors  le  Sulthan 
•commence  à  lui  demander  ce  que  cela  £•* 
gnifie.  Hugues  de  Tabarie  répond.  Ainfi  que 


d}6%  P I  E  CEâ 

Tout  enferment  corn  l'enfichons 

Hés  de  pechsi  ifi  hors  des  fons^ 

Quand  de  b apte f me  efi  aportis  9 

Sire  *  tout  enfement  devis 

lffirfans  nulle  viUnnie 

Et  efire  plains  de  teurtoifU* 

Baigner  devis  en  honefii 

Bn  court pifie  &  en  bonté  , 

Bt  faire  amer  à  toutes  gens. 
.    Meut  efi  hians  skis  commenebemem* 

Cbe  dtfi  li  rois  far  le  grand  Dé. 

Apresflaaubaiugoftij 

Si  le  coucha  en  un  bel  lit , 

Qui  iioit  fait  par  grant  délit  : 

Hues  ;  dites  moi  fans  faUlancbê 

J>e  ce  lit  la  finifianche. 

Sire  if  ait -41  ;  che  fenefie 

Oon  doit  par  fa  Chevaleria 
.    Coaquerr*  lit  en  Paradis  , 

Je  petit  enfant  quand  il  eft  apporté  de  Baptê» 
4»e ,  fort  des  font*  net  de  tout  péché ,  -Sire  , 
jainfi  deve%-vous  fortir  de  ce  bain ,  fans  au- 
cune vilenie  ,  &  être  rempli  de  cburtoî/ie* 
Vous  devez  vous  baigner  en  honnêteté ,  en 
courtoisie  &  en  bonté ,  &  vous  taire  aimer 
4e  tout  le  monde.  Par  le  grand  Dieu ,  dit  le 
Rjoi ,  ce  commencement  eft  fort  beau»  Après 
il  l'a  ôté  du  bain  6k  Fa  couché  dans  un  fit 
oui  étoit  fait  à  plaifif.  Hugues,  dites-moi , 
Jane  me  tromper ,  ce  que  ce  lit  figniâe  ?  Il  fi- 
gnifie  qu'on  doit  par  fa  Chevalerie ,  conque*» 
firiin  ht  dans  le  Paradis,  que  Dieu  accords 


Justificatives-     46*} 

Ke  Diex  oftroie  À  fis  amis  3 
Car  chou  &  U  lis  do  repos 
Qui  la  ne  fera  moult  Un  fis* 
Quand  $1  Us  et  un  p$u  gen  , 
Sus  U  dreche  :Jl  U  veftm 
De  blancs  drus  qui  erent  de  Um. 
Lors  difi  Hues  en  fin  lasim 
Sire  >  ne  le  tenés  a  efiar 
Chift  drap  quifunt  près  de  vochar 
Tour  blanc  y  vous  donne**  à  entendre  9 
Que  Chevalier  doit  a  dis  tende* 
A  fa  char  nettement  tenir  s 
Se  U  a  Dieu  veut  parvenir  m 
Après  li  vefi  robe  vermeille. 
Salebadins  moût  ses  merveille 
Pourquoi  li  Prinches  chou  lifait  f 
Hues  ,  fait-il  j  tout  entrefsèg 
m ..  Cbefie  robe  quefenefie  / 
Hues  refpent  de  Tabàrits 

à  Ces  amis  :  car  c'eft-là  le  lit  de  repos;  &  celui 
qui  n'y  fera  pas ,  fera  bien  fot. 

Quand  Sakdin  eue  un  peu  refté  couché 
dans  le  lit,  Hugues  Je  leva  &  le  revêtit  d'u- 
ne étoffe  Manche  dé  lhï ,  &  lui  dit  en  (on 
langage:  Sire,  nemépriâz  pas  cette  étoffe 
blanche  qui  eft  près  de  vos  chairs  :  elle  vous 
donne  à  entendre,  qu'un  Chevalier  doit  tou- 
jours avoir  attention  de  tenir  fes  chairs  nette- 
ment t  s'il  veut  parvenir  à  Dieu.  Enfùhe  il  le 
revêt  dTune  robe  vermeille.  Saladin  en  eft 
•furpris  f  6c  lui  dit  tout  de  fuite  :  Hugues  que 
Jigpifie  cette  robe?  Hugues  de  Tatarie  ré* 


4^4  Pièces 

Sire  y  cette  reube  vous  dçnne 
A  emendre  ch'eu  eft  la  femme? 
Que  f*  n'e foies  fans  donner 
four  Dieu  fervir  &  honnourer  , 
Et  penr  f ointe  glife  défendre  , 
Que  nus  ne  puift  vers  li me/prendre; 
4Zar  tout  chou  doit  Chevaliers  fait '# 
S'il  veut  À  Dieu  du  noient  plaire* 
Chefi  entend»  par  U  vermeil. 
Jipres  U  s  couches  cauchiés 

De  faies  brunes  &  de  liés  p 

JEt  li  dift  ;  Sire ,  fans  faiii anche  ^ 

Tout  chou  vous  donne  remembrançh*    ' 

far  ce/le  cauchemente  noire  , 

Caiés  tout  adès  en  mémoire 

la  mort  ($•  la  terre  ougirrés* 

Dont  vent  fie  s  &  oh  irés» 

■  ■  ■■■  »» 
pond:  Sire,  cette  robe  vous  apprend  (car 
tel  en  eft  le  but)  que  vous  ne  foyez  jamais 
fans  donner  pour  fervir  &  honorer  Dieu:, 
&  pour  défendre  la-fainte  Eglife ,  afin  que  pet- 
fonne  ne  puiilè  lui  manquer  :  car  un  Cheva- 
lier doit  rare  tout  cela ,  s'il  veut  plaire  en 
rien  à  Dieu.  Cela  eft  fignifié  par  la  couleur 
vermeille»  Hugues  ,  dit-il ,  j'en  fuis  émeiv 
veillé. 

Après  il  lui  a  chauffé  des  chauffes  brunes 
&  fines ,  &  lui  a  dit;  Sire ,  fans  vous  trom- 
per ,toiu  cela  vous  donne  le  fouvenir ,  que 
par  cette  chauffure  noire,  vous  n'oubliez  ja- 
mais la  mort  &  la  terre  où  vous  ferez  coi*- 
ché9  d'où  rou&ète*  Jbru  fie  QÙ  vous  retourne^ 


JVSTIFICÀTIVIS.       46J 
A  chou  doivent  garder  votre  œl  ^ 
Si  n'enkerrés  pas  en  orguel  r 
Car  orgeu  ne  dois  pas  régner 
En  Chevalier  ne  demeurer 
A  fimpleche  doit  adh  tendre» 
Tout  chou  efimout  bon  à  entendre  , 
Che  dift  li  rois  pas  ne  me  grievei. 
Après  en  fin  eftant  le  liéve  , 
Si  le  voui  chaint  d'une  chaintur* 
Blanche  &  petite  defaiture. 
Sire  y  par  chefie  chainturette 
Eft  entendu  que  vos  car  nete  ; 
Vos  rains ,  vo  eors  entkremens 
"Devis  tenir  tout  fermement  , 
lAujfi  corne  en  virginité 
Vo  cors  tenir  en  neteté 
Luxure  des  pire  &  blafmer* 
Car  Chevalier  doit  moût  amer 


tei*  Vos  yeux  doivent  y  prendre  garde  * 
afin  que  vous  ne  tombiez  point  en  orgueil  ; 
car  l'orgueil  ne  doit  point  régner ,  ni  <h  trou- 
ver dans  un  Chevalier»  U  doit  toujours  re- 
chercherlamodeftie;  tout  cela  eft  bon  ^-en- 
tendre, lui  dit  le  Roi  ;  je  n'en  fuis  pas  fâché. 
Enfirke  il  le  met  debout  ,  &  lui  ceint  une 
ceinturé  blanche  &  petite  de  façon.  Sire ,  par 
cette  petite  ceinture,  il  eft  (ignifié  que  vou* 
devez  tenir  vos  chairs  nettes ,  vgs  rems ,  vow 
tre  corps  entièrement  tout  comme  en  virgi- 
nité. Vous  devez  méprifer  &  éviter  la  luxu- 
re; car  un  Chevalier  doit  aimer  à  tenir  fix%. 


jf66  Pièce* 

Son  cors  a  netement  tenir 
QuU  ne  fepuifi  en  chou  honnir* 
Car  Diexhet  moult  ir eh  ordure. 
Li  tors  refpend  bien  efi  droiture* 

Après  dem  efperons  U  mifi 
In  fes  deus  pies  &  fuir  lidift  .• 
Sire  y  tout  autrefi  ifniaus* , 
Que  vont  volée  que  vo*  chevaup 
Soir  de  bien  eorte  entalentés  y 
Quant  tous  des  efperons  ferés  * 
Kil  voifi  par  tout  s  vo  talent 
Et  cbà  ,  &  là  ifnelement> 
Senefient ,  ekift  efperen 
fini  derifunt  tout  environ 
Que  vous  Sites  bien  en  corag* 
De  Dieufervir  tout  voftre  eagff 
Car  tout  li  Chevalier  le  font 
Qui  Dieu  aiment  deeoer  par  font  j 

■  il  ■*>■,■ u   i m 

corps  purement ,  afin  qu'on-  ne  puhTe  lui  faire 
aucun  reproche  fur  cela  ;  car  Dieu  haït  beau- 
coup une  telle  ordure.  Le  Roi  répond  :  cela 
fit  bien  jufte; 

Après  Hugues  a  mis  à  fes  deux  pieck  deux 
éperons,  ôtlui  a  dit,  ces  éperons  qui  (ont  do- 
rés tout  autour ,  fignifiest  que  vous  devez 
avoir  autant  d'ardeur  pour  fervir  Dieu  toute 
votre  vie ,  que  vous  voulez  que  vos  chevaux 
en  ayeat  pour  bieu  courir  rafin  qu'ils  aillent 
fort  vite  à  votre  volonté ,  &  ç'5  &  là  y  &  par- 
tout ,  quand!  vous  les  frapez  des  éperons  :  car 
c'eft  ainfi  qu'agifTent  tous  les  Chevaliers  qui* 
aiment  Dieu  du  profond  de  leur  coeur  ,& 


Justificative*      467 

Aies  U  fervent  de  cuer  fin 
Mour  plaifoit  bien  Salèhadin. 

Aprh  U  a  chainte  tépéê 
Salehadins  a  demandé* 
LaSenefionche  del  bronc? 
Sire ,  f Mit-il ,  chou  efi  garant 
Contre  l'ajfaut  del  anemi  ^ 
Chou  afris  fou  fa  autreffi* 
U  dot  tranchant  nous  font  [avoir  y 
Codés  doit  Chevalier  avoir 
Droiture  &  loyauté  emfanle 
Chou  efi  à  dire ,  cho  me  fanle  , 
Que  fins  riches  kelpuifi  laidir  > 
Et  le  feble  doit  fouftenir 
Ch'efi  œuvre  de  mifericordo. 
Salehadins  >  bien  fi  accord* 
Qui  a  bien  efcoutéfes  dis. 

Aprh  H  a  en  fan  chief  mis 

qui  le  fervent  toujours  de  même.  Celaplai- 
toit  beaucoup  à  Salacfin.  Enduite  Hugues  luï 
a  ceint  l'épée  ;  &  Saladin  a  demandé  Ta  figni— 
fication  de  cette  épée.  Sire ,  dit-il ,  elle  ga- 
flantit  contre  les  attaques  de  l'ennemi-  Ainft 
l*aprâ-je  mot-même  autrefois  :  les  deuxtran** 
chans  nous  apprennent  ,  qu'un  Chevalier 
doit  toujours  avoir  enfëmble  la  droiture  & 
la  loyauté.  Cela  fignifie,  cerne  femble ,  qu'il 
ne  faut  pas  qu'il  fe  laiffe  méprifer  par  un  plus 

EuûTant  que  lui ,  &  qu'il  doit  foutenir  le  foi* 
le  ;  car  c'eft  une  œuvre  de  miféricorde  ;  Sa-» 
ladiu  qui  a  bien  écouté  tout  cela,  ert  tombe 
d'accord. 
Après  Hugues  amis  fur  fa  tête  une  coëfle 


468         ,    Pièce r 

Vue  coeffe  qui  tout  sert  blanche  i 
Puis  H  difi  la  fenefianche. 
Sire ,  fait-il  j  or  t [garde s 
Tout  enfement  que  vous  favis  > 
Que  chefte  coife  eft  fans  ordure 
Er  blanche  &  bêle ,  note  &  pure  r 
Et  eft  de  feur  vo  chief  ajftfe 
En fe ment  aujourdou  juife 
Des  grands  pecbiés  que  fais  avous  , 
Devons  rendre  l'ame  a  eftrous  j 
Et  pure  cV  note  des  folies 
Que  li  cors  a  tousjours  bafties. 
Adieu  pour  avoir  le  mérite 
De  Paradis  qui  moût  de  Vite  § 
Car  ange  ne  porroit  conter  , 
Oreille  oyr  >  ne  cuers  penfet 
Cheft  li  beautés  de  Paradis 
Que  Diex  oftroje  nfes  amis. 


toute  blanche  ;  puis  il  lui  en  a  donné  la  figni* 
ficauon,  Sire ,  dit-il  ,  or  écoutez  :  tout  ainfi 
que  vous  fçavez  que  cette  coëffure  eft  fans 
ordure  ,  &  blanche  &  belle ,  &  nette  &  pu*- 
r e ,  &  qu'elle  eft  mife  fur  votre  tête  ;  tout  de 
même  au  jour  du  Jugement  devons-nous 
rendre  Famé  nette  Vies  grands  péchés  que 
nous  avons  faits ,  &  des  folies  que  le  corps  a 
toujours  conrmifes ,  pour  mériter  de  Dieu  le 
Paradis,  qui  fait  beaucoup  de  plaifir;  car  la 
langue  ne  pourroit  raconter ,  l'oreille  ouir  Je 
cceurfentir  les  beautés  du  Paradis,  que  Dieu 
accorde  à  Tes  amis» 


JUSTIFICATIVES.        469 
Li^Rcis  très  tou  chou  efcouta  ^ 
Et  en  afrh  li  demanda  s 
S'il  faloit  flus  nule  cofe. 
Sire  j  oïl  j  mais  faire  ne  Vofe. 
Que  chou  eft  dont  ?  cheft  li  eolée, 
Pourquoi  ne  le  m'avts  donnée  x 
Et  dite  la  fenef anche  ? 
Sire  ,  chou  eftli  ramembrancb* 
De  celui  qui  Va  adoube , 
A  Chevalier  à»  ordonné  ; 
Mais  mie  ne  le  vous  donron; 
Car  je  fuis  chi  en  vo  frifon  j 
Si  ne  dot  faire  vilonnie 
Tour  cofe  qtfon  me  fâche  ér  die  9 
Si  ne  vous  voel  four  chou  ferir  , 
"Bien  vous  devis  à  tant  tenir  ; 
Mais  encore  vous  vœl  monftrer 
Et  enpgnier  éf*  devifer 


Le  Roi  écouta  tout  cela  ,  &  après  il  lui  de- 
manda s'il  ne  falloir  pas  autre  chofe.  Oui,  Si- 
re, mais  je  n'ofe  le  faire.  Qu'eft-ce  donc? 
C'eft  l'accolade.  Pourquoi  ne  me  Favea-vous 
>£s  donnée ,  &  ne  m'en  avezrvous  pas  dit  la 
unification  ?  Sire ,  c'eft  le  ibuvenir  de  celui 
qui  l'a  équipé  &  ordonné  Chevalier;  mais  je 
fie  vous  la  donnerai  point  ;  car  je  fuis  ici  vo- 
tre prifonnier,  &  je  ne  dois  faire  aucune  vi- 
lenie pour  chofe  qu'on  mefafle  ou  qu'on  me 
dife  ;  &  pour  cela  je  ne  veux  point  vous  fra- 
per.  Vous  devez  vous  fouvenir  de  tout  ce  que 
je  vous  ai  dit ,  &  l'obfèrver  ;  mais  je  veux 


47*  Pièces 

Quatre  cofis  eftéeiaus 

Lavoir  doit  Chevalier  nouviau  l 

Et  tout*  fa  vit  tenir  i 

Se  il  veut  à  honneur  venir  ; 

Chou  eft  tout  au  eommenchement  3 

Qu'il  nejoitkfaus  jugement , 

h  'en  lieu  ou  il  ait  traifon  , 

Mais  teft  s  em far  te  à  b  abandon  # 

Se  le  mal  ne  fuet  deftoumer  , 

Tantofi  fi  doit  diluée  tourner. 

L'autre  cofefi  eft  moût  belle* 
Dame  ne  doit  3  ne  Ûemoifèile 
Tour  nule  rien  four  concilier  : 
liais  s'eles  ont  de  lui  meftier 
Aidierleur  doit  à' fan pooir  ^ 
Se  il  veut  lot  &  fris  avoir  ; 

%     ■  ■■  ■    — —^1  wm  —— — m     |  „M        il 

encore  vous  apprendre  quatre  chofes  eflen- 
tielies  qu'un  Chevalier  nouveau- doit  obier- 
ver  toute  ùl  vie ,;  s'il  veut  acquérir  de  l'hon- 
neur. 

Premièrement ,  il  ne  faut  pas  qu'il  adule 
Jamais  à  un  faux  jugement,  ni  qu'il  fe 
trouve  dans  un  lieu  oh  l'on  faflè  quelque 
trahîfon ,  quelque  injuftice  :  s'il  se  peut  em- 
pêcher le  mal ,  il  doit  fe  retirer  auffitôt  de 
ce  lieu  là. 

L'autre  chofe  eft  fort  belle;  c'eft  qu'il  ne 
doit  jamais  donner  un  mauvais  confèil  & 
refufer  afliftance  aux  Dames  &  aux  Demoi- 
felles  ;  mais  lorfqu'eiles  ont  befbin  de  lui,  il 
doit  les  aider  de  tout  fon  pouvoir ,  s'il  veut 
acquérir  de  la  gloire  &  de  l'eftime  ;  car  o* 


JVSTÏFICÀTIVIS.       471 
4Car  femmes  doit*  on  honnomrer , 
ïtpour  l'ordetjj  irons  fais  portât* 
L'autre  cefèfi  efi  pour  voir  j 
Que  ahfiinenoe  doit  avoir , 
£t  four  vérité  le  vj>us  di  , 
Qu'il  doit  juner  mu  Vendredi  , 
Four  chele  fainte  rstmembr  anche  ê 
Que  Thejk  tris  de  la  lunch* 
1er  us  peur  n»  rédemption  , 
Et  que  à  Lcngîs  fifi  pardon* 
Toute  fi  vie  en  chelui  jour  _ 
Doit  juner  fmr  npftre  Signcur  , 
Se  il  ne  laift  pour  maladie  y   . 
Ou  pour  ëucune  compagnie , 
Et  s' il  ne  pueft  pour  chou  juner 
Si  fi  doit  vers  Diu  accorder  , 
D'aumône  faire  ou  d autre  eofe  s 
L'autre  fi  eft  à  la  par  clofi» 


doit  honorer  les  femmes.,  &  tout  entrepren- 
dre pour  elles.  L'autre  choie,  c'eft qu'il  doit 
«£ure  ahfHnence  ;  &  je  vous  dis  en  vérité  qu'il 
doit  jeûner  le  Vendredi ,  en  la  fainte  mé- 
moire de  J.  C. ,  qui  fut  frappé  de  la  lance 
pour  notre  Rédemption,  &  qui  pardonnai 
Longis.  Un  Chevalier  doit  jeûner  toute  fa 
vie  en  ce  jour ,  pour  Notre-Seigneur ,  s'il 
n'en  eft  difpenfé  pour  maladie ,  ou  pour 
quelque  compagnie  ;  &  s'il  né  peut  jeûner 

Sur  quelque   raifon  ,  il  doit  promettre  à 
£u  de  faire  une  aumône  ou  une  autre  œu- 
vre méritoire.  Enfin  *  l'autre  chofe  eft  qu'il 


47*  Pièces 

Que  çhafcunjour  doit  mejfe  oit  9 
S'il  Jt  dequoi^  fi  doit  offrir; 
Car  moût  eft  bien  l'offrande  affifi 
Qui  à  U  table  Dist  efi  mife  j 
Car  ele  forte  grant  vertu* 
Lir ois  a  moût  bien  entendu 
Chou  que  Hugues  1$  va  contant  9 
Sa  en  a  eu  joie  moût  grant. 

Afrh  chou  li  rots  efi  levé  ; 
Enfi  corn  il  fut  atournis  s 
Droit  en  fa  chambre  s'en  entra» 
Chinauanu  Amiraus  i  trouva  + 
Qui  tout  erent  de  fon  pays  j 
Puis  en  fa  caiere  affts , 
Et  Huesfefifi  à  fes  pies  , 
Mais  tofi  en  fut  à  mont  drecktes. 
Li  rois  ta  fait  en  hautfeoir  , 
Et  difi  U  rois  3fachies  pour  voir  > 
Four  chou  que  vous  eftes  preudom 

i       -m mu     .1      m       ■—.■.,-■■■■  ■  ■■!■'■ » 

doit  tous  les  jours  entendre  la  Méfie  ;  &  sH 
a  dequoi ,  il  doit  donner  à  l'Offrande  ;  car 
l'Offrande  qui  eft  mile  à  la  fainte  Table  eft 
fort  méritoire ,  &  porte  une  grande  vertu— 
Le  Roi  écouta  tout  ce  que  Hugues  lui  dit  , 
&  il  en  eut  une  grande  joie.  Énfuite  le  Roi 
fe  leva  ainfi  équipe ,  &  alla  droit  en  fon  Di- 
van ,  ou  il  y  avoit  cinquante  Emirs  de  fa  Na- 
tion. U  s'affit  fur  fon  trône ,  &  Hugues  fe 
mit  à  fes  pieds  ;  mais  bientôt  il  fut  relevé.  Le 
Roi  le  fit  affeoir  en  haut ,  &lui  dit  :  fçachez 
que  je  veux  vous  faire  un  beau  préfent ,  par- 
ce que  vous  êtes  un  grand  Chevalier;  car  en 

Font 


Justificatives.      47  5 

Vous  voel  jeu  f en  un  moult  bel  don$ 

Car  jous  vous  oBroi  banementj 

Se  nus  eft  fris  de  voftre  gent 

En  poignets  ne  en  bataille  , 

Tour  voftre amour  quites  son  aillé ^ 

Se  vous  le  volés  aller  querre» 

Mais  chevauchié s  parmi  me  terre 

Tout  fimplement  &  fans  de/roi j 

Seur  le  col  de  vo  parlefroi 

Métis  vo  heaume  en  eontenanche  j 

C'on  ne  vous  faiche  defiourbancbe  9 

Et  de  vo  gent  qui  or  funt  pris  ^ 

Vous  rendrai  jou  jufca^dis  9 

Se  le  volés  ofter  de  cbi. 

Sire  p  difi-il  j  votre  merchi  3 

Car  cbe  fait  moût  a  merchi  jet\ 

Mais  iou  ne  voel  pas  oubijer 

Que  me  defiQes  que  rouvaijfes  » 

Quant  jou  les  preudomes  trouvaijfes  y , 

»".  ' u\ 

Votre  confidération  ,  û  quelqu'un  de  vo| 
gens  eft  pris  dans  un  combat  ou  dans  une  ba* 
taille ,  je  permets  qu'il  s'en  aille  libre  faut 
rançon ,  fa  vous  voulez  aller  le  chercher. 
Chevauchez  librement  &  fans  crainte  dan* 
mon  Royaume ,  fur  le  col  de  votre  couî* 
fier,  &  mettez  votre  Heaulme  (  Caftjùe)  efl 
figne  de  fauve-garde ,  afin  qu'on  ne  vqup 
trouble  en  rien  ;  &  à  préfent  je  voua  rendrai 
jufqu'à  dix  de  vos  gens  qui  font  pris ,  fi  vous 
voulez  les  faire  partir  dlcL  Sire ,  dit— fl ,  gran$ 
merci;. car  cela  vaut  bien  un  remerciaient  ^ 
mais  je  ne  veux  pas  oublier  que  vous-  m'a» 
?ez  conseillé  dç  faBaafcr  ôU*  Prud'hommes 


47*  Pièce» 

Si  Us  donne  au  Conte  Huoni 

Si  les  a  fris  ou  voel  ou  non  9 

Car  il  n'en  voloit  nul  porter  u 

fins  chier  euft  à  racater 

Ses  gens  qui  et eut  enprifon9 

Et  erent  en  caitivifon 

Entre  les  mains  as  Sarrafins* 

Quant  chou  oi  Salehadins, 

Si  en  a  Mabournet  juré* 

Que  jamais  n  erent  racatii. 

Et  quant  Hues  li  oi  dire  , 

Si  en  et  à  fin  euer grant  irez. 

Hais  le  Roi  plus  prijer  n'o/a-. 

tour  chou  que  Makoumet  fur*  f 

Car  il  n'el  ofa  cour ec  hier  $ 

lors  commande  a  appareillier 

tes  dix  compagnons  qu'il  et  quis* 

four  remener  en  fé»  faix  y 

Hais  Ut  ia  puis  demouré 
m  <■  ■      •   ■        m 

H  donnés  aU  Comte  Hugues  qui  les  a  pris  d* 
gré  ou  de  force,  car  U  ne  voulait. pas  les. 
emporter;  il  auroit  mieux  aimé  racheter  fes. 
gens  qui  étoient  en  prifon  &  en  captivité  en», 
fre  les  mains  des  Sarrazins.  Saladin  enten». 
dant  cela ,  jura  par  Mahomet  »  que  jamais  il* 
41e  (èroient  rachetés.  Quand*  Hueies  lui  en* 
tendit  dire  cela,  il  en  fut  très-faché  ;  mais  il 
p'ofa  plus  prier  le  Roi ,  parce  qu'il  avoit  jure 
j>ar  Mahomet ,  car  il  n  ofa  le  courroucer. 

Alors  il  fait  préparer  les  dix  Compagnons, 
qu'il  a  demandés»  pour  les  ramener  en  fpn 
ytys^mafc  il  s'eftarrêié  .wore^jtai&îotfr* 


JuSTIPICÀriTE*       4ff 
Huit  jours  tout plains  &  Je  fourni îy 
A  iront  joie  &  agrant  déduit  y 
fuis  a  demandé  le  conduit 
Parmi  la  terre  d'effacé 
Salebadins  li  a  livré 
Grant  compagie  de  fe  genf  ? 
Cbuinquante  funt  qui  bonnement 
Les  conduient  far  patente  ^ 
Sans  orguel  frfans  vilonnie  ; 
Oncques  n'i  vrent  dtfiourbier  x 
Ch'il  fe  funt  mis  au  repair  ter + 
Si  fe  muèrent  en  leur  contrée  * 
Et  le  Prinebes  de  Galilée, 
Si  s'en  revint  tout  enfèment  s 
Mais  moût  li  pcife  de  fa  gent  ^ 
Que  il  convient  la  demeurer  > 
Et  il  m'en  ofe  plus  parler  , 
Si  en  efi  pus  cour  Mes  ke  nuis, 


pleins  qu'il  a  palft  dans  la  joie  &  dans  les  fê- 
tes. Enfohe  Û  a  demandé  une  efcorte  pour 
traverfer  le  pays  ennemi.  Saladin  lui  a  donné 
une  grande  compagnie  de  fes  gpns  :  ils  font 
cinquante  qui  le  conduisent  (ans  orgueil  & 
(ans  lui  Eure  aucune  vilenie  fur  les  terres  des 
InfideHes  :  ils  n'eurent  aucun  trouble  dans  1» 
route ,  arrivèrent  au  terme ,  &  fe  remirent  ea 
chemin.  Le  Prince  de  Galilée  retourna  éga- 
lement en  ion  pays  ;  mais-  il  eft  très-fèché 
de  fes  gens  qui  doivent  refter  dans  le  pays* 
ennemi  :  il  n'en  ofe  plus  parler ,  &  en  a  plus 
M  chagrin  que  perfonne*  Il  n'arriva  donc  quf 


478  Pièce* 

Dont  efien  fin  pas*  venu*  * 
lui  onzième fans  plots  avoir  # 
Dont  départi  le  grant  avoir 
K'il  avok  e  lui  a  forte  r 
Si  on  a  maint  heumeofonuê 
Qui  en  eft  riche*  devenu*. 

Signour  y  bien  doh  efire  venus  ^ 
Cbis  contes  entre  bone  gent  $ 
Caf  as  autres  ne  vaut  noient , 
j^uiU  n  entendent  plu*  ko  herbe* 
Foi  qus  desDiu  de  farads*  , 
Chii  perderoit  hier*  Çn  joiaus 
Qui  les  jettroit  entrer  pourchiaus  y 
iacbiés  quilles  defiuleroient , 
Ne  ia  ni*  un  n'en  forteroient  ; 
Car  il  nefapoient  fat  tant  > 
Si  fit  oient  mes  entendant  3 
Qnïekeft.  contes  leur  contoroit  y 
Tout  anj$  défoulé* fit  oit  Xi 

Un  onzième1  dan*  fo*  pays  :  il  partagea  le* 
grandes  richefiès  qu'il  avoit  apportées  avec 
lui;  il  les  àlftribua  a  pkifieurs»  perfonaes  qui 
en  font  devenues  riches* 

Seigneur, ce  conte  doit  être  Ine»  reçu  de» 
fconnetes  gens  ;  car  il  ae  vaut  rien  pour  les 
autres ,  parce  qu'ils  n'entendent  pas  plus  que 
des  brebis.  Par  1» foi  de- Dieu,  celui-là  per~ 
droit  foi  joyaux  quiles  jetteront  aux  pourceaux* 
*  Cachez  qu'ils  les  foukroient  aux  pieds,  & 
*tru'aucun  d'eux  n'en  ^orteroit^  car  ils  n'en* 
içauroient  pas  tant.  Ces  gens  fèroient  égale- 
ment fourds ,  fi  on  leur  racontoit  ce  conte;  ils 
le  fbuleroieat  également  aux  pieds  »  &  en  fer 


J*s  t  if  i  ca  Tiv  r*     473p 

It  vieux  tenus  far  leur  entendrez 
Mais  fe  il  i  vehiont  ofrondre  , 
En  cheft  cent*  fut-on  trouver 
Deux  cofes  qui  font  a-  loer  ; 
Vune  fi  efiau  eommenchier  y 
Coument  on  fait  le  Chevalier  r 
Que  tous  li  mons  doit  hounorer  9 
Car  il  nous  ont  tous  à  garder  * 
Car  ce  net  oit  Chevalerie 
Petit  vauroit  vo  Sifriourfe  ? 
Car  il  défendent  Jointe  Glifty 
Et  fi  efi  tout  noftre  jnfticc 
Contre  chou  qui  voelent  mai  faire/ 
D'ans  loer  ne  vootretraire> 
Qui  nés  aime  >  moût  far  efi  niche** 
On  embleroit  nos-outices 
Devant  nous  à  la  toute  Dfr 
Que  ja  neferoit  defiourné  3. 

soient  peurde  cas  dans  leur  entendement  }mai* 
s'ils  vouloient  enprofiter ,  on  pourroit  trou— 
ter  deux  choies  louables  dans  ce  conte  j.ru~ 
ne  eft  cP abord  1*  manière  dont  on.  fait  les- 
Chevaliers ,  que  tout  le  monde  doit,  hono- 
rer,  car  ce  font  eux  qui  nous  gardent.  Si  ce 
n'étoit  la  Chevalerie  >  votre  Seigneurie  vau~ 
droit  peu  dechofe^car  lesChevaliers  défendent 
k  (ainte  Egiife  &  font  aoffi  toute  notre  dé- 
fraie contre*  ceux  qui  veulent  mal  faire.  Je* 
ne  veux  point  ceffer  d*  les  louée  Celui  qui 
ne  les  aime  pas  eft  u»  fot»  On  enlèverait 
ms  calices  devant  nous  à  la  Sainte  Table» 


4%V  P  I  £  C  E  tf 

liais  léser  Jufliche  bien  enpenfî  * 

Qui  de  par  oses  notés  fait  défenja* 

Se  les  mauvais  né  congr oient 

Ja  li  bon  durer  ne  fer  voient 

Se  cbe  n'eftfors ,  des  Sarratins  ^ 

D'Aubefois  ér  des  Barbarins 

If  autre  pm  de  mauvaife  Loi  , 

Qui  nous  met et oient  a  besloi; 

Mais  il  eriement  les  Chevaliers: 

Si  les  doit-on  avoir  plus  obiers 

Mtejfauchier  é*  bounonrer 
*  Et  fe  dois-on  contre  ans  lever* 

Son  lesm  voit  aller  &  venir. 

Chertés  bien  devr oit-on  hounïr 

Çhaus  qui  les  tienent  en  vittéf, 

Car  je  vous  di  par  vérité  j 

Queli  Chevaliers  apooir  * 

De  toutes  fes  armes  avoir, 

■  ■         : — * 

fans  qu'oit  pût l'empêcher;  mais  leur  jutHc? 
défend  de  cotmnetrreces  crimes.  S'ils  ne  pu- 
niffoientles  médians,  les-bonsnepourroienr 
plus  durer ,  excepté  les  Sarrasins,  les  Albi- 
geois ,  jes  Barbarins  ,  &  d'autres  gens  de 
mauvaife  Lof,  qui  nous  mettroient  en  ruine  ; 
mais  ils  craignent  tes-  Chevaliers  :  ainfi  les 
doit-on  encore  plus  efthner ,  exalter ,  ho- 
&orer;&  #or*  doit  (élever  par  refpeâ  de- 
vant eux,  des  qufon<  les  voit  aller  &  ve- 
nir. Certes  on  devroh  bien  honnir  ceux 
qui  les  tiennent  à  mépris  :  car  je  vous  dis  en* 
vérité ,  qu'un  Chevalier  a  le  pouvoir  d'avoir 
toute*  fes  armes,  Se  de  les  porter  dans  ht 

& 


JUSTIPXCATIV  IS.       4<l 
Mt  en  faim*  Glife  aporter  y    - 
Quant  il  veut  la  Mejje  efcouter 
Que  nus  mauvais  ne  contredit 
Le  ferviebe  du  fil  Marie , 
Et  le  faint  digne  Sacrement  $ 
Tar  quoi  mous  avens  fauvem  eut  3 
Et  fe  nus  le  voloit  défaire  > 
Ha  pûoir  de  lui  ochire , 
,  Encor  un  feu  dire  m'efiuet  3 
Fai  que  dois  aviegne  que  puet, 
Cheft  commandé  au  Chevalier. 
Si  l'en  doit-on  avoir  plus  chier  t 
S'il  bien  chefte  parole  entent 
Que  je  vous  dis  hardiement  9 
Se  il  faifoit  félon  fon  ordre 
A  nul  fier  ne  forroit  e fi  ordre 
De  droit  aler  en  paradis* 
Pour  chou  ai  iou  ichou  apris 
-  --  ■ ml- 

fàinte  Eglife ,  quand  il  veut  entendre  la  méf- 
ie ,  afin  que  perlbnne  n'interrompe  le  fervice 
du  fils  de  Marie, &  le  digne  fàint  Sacrement 
far  lequel  nous  obtenons  le  falut  ;  &  û  quel- 
qu'un vouloit  refufer  (le  Sacrement  )  ou  fi 
quelqu'un  vouloit  refufer  d'obéir,  un  Che- 
valier a  le  pouvoir  de  le  tuer.  Il  faut  encor 
dire  quelque  chofe;/*"  ce  que  tu  peux-, arrive 
fui  pourra.    C'eft  ce  qui  eft  commandé  ; 
Chevalier,ainfi  on  doit  le  prifer  davantage  s  il 
•ntend  bien  ceprécepte  que  je  vous  dis  hardi- 
ment. S'il  agifloit  félon  fon  ordre,  pour  quel- 
que chofe  qu^te"(bît,  il  ne  pourroit  manquer 
d'aller  droitf  en  Paradis;  Pour  cela  ai- je  ap- 
Ttmclf*  Sf 


j|8*  Pièces 

Que  faîtes  chou  que  vous  devis- 
Qui  les  Chevaliers  heunerés 
Sur  tous  hommes  entirement  .  . 

fers  chaus  h  font  le  fortement 
J)u  cors  Diu ,  je  vous  dis  four  nom 
for  chefi  dit  le  fuet  onfauoir     '% 
Kilavint  au  Comte  Hue», 
Qui  meut  fis  fagfs  &  preudom 
Que  Salhadins  tant  hànnora 
leur  cfjou  que  preudom  le  trouva  f 
Etfilefifi  meut  hounourer 
peur  chou  fe  fait-il  b on  fener 
Pe  faire  bien  à  fon  fouir  ^ 
Car  en  i  fuet  grantfreu  avoir  • 
Itfi  truis  lifant  en  Latin 
De  bones  oçvres  bonne  fin. 
Or  f  rions  au  difiniment 
Çhe  lui  qui  eft  on  Vir moment  9 

Eus  que  vous  Eûtes  votre  devoir  ,  vous  qui 
onore*  les  Çhefahers  aunieffus  de  tdus 
ïe^hommçs ,  çxcepté  ceux  qui  font  le  Sacre^ 
tnent  dù'Cprps  de  Digu,  { les  Prêtres  j  Je 
yous  le  dis  dbnc;-£ç  on  peut  rapprendre', 
Car  ce  .qui  arriva  au  Comte  Hugues  qui  fût 
jjbrt  fage  &  prad'homrae ,  lequel  ?aQbpn  ho- 
nora tant,  &  le  fit  tant  honorer ,  parce  qu'il 
Je  trouva  prud'homme.  Ainfiif  &it  oonfe  pei* 
»  «1er  de  faire  le  bien  de  tout  fon  "pouvoir  ;'  caf 
x>n  peut  en  retirer  ujï  grand  profit ,  &  je 
trouve  d^ns  leXâtîh ,  de  bonnes  œuvres  *  bonne 
fin.  Or ,  pjr  cohflufion ,  prions  celui  qui  eft 
au  firmament  ;  cjue  auan4  houj  viendrons  $ 


Justificatives.     4$j 

Qu*nt  nous  vantons  fin  affiner  , 
Que  nous  fus/eûmes  fi  finpr 
£ts*  neuf  mons  Ujoie  fins 
fi- fit  bon  m$e  ne  de  fine, 

Amen.  . 
Ex  pUcit  U  ordres  de  ChfvaUÙB. 

jnourir  ,gue  nous  puions  finir ,  dç  forte  où* 
nous  ayons  la  grande  jbïe  qui  ne  inanque  ia* 
mais  aux  boijs.               *'  ■  t^j. 

JuiMnf  :  *  \  ' 

Ici  finit  rOrdre  de  Chwaleife. 
On  trpuvedans  h  féconda  Ubrmé 
4el  Doniy  Pag.j*.  à  Venife  M  DLI 
uneefoéce  de  Traduction  de  ce  morl 
ç  eau  fort  abrégée,    . 

Lorfque  5e  travaillois  à  cet  ouyra» 
«  ,  fadreffai  à  M.  Fréron  une  Lettre 
Jur  les  galcres'du  dop^nre  fîécle  p 
Quoiquelle  fpit  impripée  dans  (è« 
feuilles ,  je  «crois  devoir  la  joindre  ici , 
1  objet  m'en  parpi&nt  digne  d atten- 
fioa,  ** 

Bayleavoit  foin,  Menfieur ,  d'in- -, 
fêter  dansfon  Journal  les  Lettres  que 
différentes  per/onnes  lui  adreflbient, 
foruju'4  les  jpgepij  capables  de  piquer 

Sfij 


4$4  Pi  ECU 

la  curioûtc  des  Leéfceurs.  Vos  feuil- 
les n'en  deviendraient  peut -être 
que  plus  inféreflkntes,  fi  de  rems  en 
tems ,  vous  y  faifiez  entrer  quelques 
difcuffious  Littéraires  fur  des  points 
curieux  ;  &  vous  pourriez  inviter  tous 
ceuit  qui  travaillent  d'après  les  anciens 
Auteurs  >  à  vous  faire  part  des  endroits 
qui  les  auroient  principalement  frap- 
pés. Ce  feroit  le  moyen  de  perfection- 
ner nos  connoiflânces  ,  &  d  eclaircir 
bien  des  matières  que  le  voile  de  l'er- 
reur couvre  encore.  Parmi  les  gens  de 
lettres ,  les  uns  fe  chargent  de  l'em- 
ploi glorieux  de  nous  inftruire ,  Se  de 
notis  communiquer  les  tréfors  Litté- 
raires qu'ils  ont  acquis  par  bien  des 
veilles  >  d'autres  nous  refufent  par 
tnodtAie  ou  par  pareffe ,  le  tribut  de 
kur  travail.  Il  en  eft ,  qui  fe  renfer- 
mait dans  eux  -  mêmes ,  femblent 
n'enrichir  le«u?  efprit  de  connoiflan- 
çes  unies  6c  agréables,  que  pour  fe 
vendre  le  flatteur  témoignage  de  leur 
fupériorité  fur  le  relie  des  hommes* 
Ne  poutrok^on  pas  les  comparer  à  ces 
avpres*  qui  a'amaflent  des  richefles 
que  pour  le  plaifi*  de  les  pofféder , 
Uns  lés  réj*iWfe>  &i  né  cherchent 


J  tï  S  T-I  f  I  C  A  "tt  V  15  S.        4*f 

«fans  leur  avidité*  qu'à  fe  convaincre 
de  leur  opulence?  Ils  ignorent  que 
nos  études  doivent  tendre  au  profit  de 
la  fociété.  Ces  réflexions  te  ont  en- 
gagé à  vous  adreffer  une  découverte 
que  je  viens  de  faire.  •      * 

Y<his  fçâvez ,  Monfieur,  que  j'ai  en- 
trepris d'écrire  THiftoïre  d'un  fameux 
Conquérant  qgi  vivoit  dans  Je dduzié- 
mcfiécte*  J'ai  été  obligé  de  confulter 
:.fes  Hiftoriens  contenus  dans  1  ample 
.Recueil  de  François  Pkhou.  .&  Paul 
Pétau^imprimé  à  Hanau  en  1 6 1 1 .  fous 
le  titre  de  Gefta  Dei  per  Franco*  ;  & 
toici  ce  que  j'ai  trouvé#dans  l'Auteur 
inconnu  du  fragment  de  l'Hiftoire  de 
.  Jérufalem.  En  parlant  d'un  combat 
naval  qui  fe  donna  devant  Ptolémaïs , 
.  pendant  le  fiége  de  cette  Place  \  if  dit 
quelles  vaifleaux des  Anciens,  pro- 
»  près  pour  la  guerre,  a  voient  quatre , 
t»cinq  &  quelquefois  fix  rangs  de  r*- 
»  mes ,  poiés  par  étages  les  uns  fur  las 
>»  autres;  &  il  ajoute  :  On  $  anjom^ 
%%Jthm  déchu  de  cette  magnificence;  car 
rtnos  vdiflèanx  d$  l*errc  excédent  rare*- 
n  mtxt  àeuxrangs  de  rames.  «  Il  donne 
enfuke .  la  defeription   d'une  Galéer, 
-Galère  ou  Gdcafo ,  &  d?un  Galion.  SI 

Sfiij 


1 


4&6  Pièces 

infirme  c{ue  la  Galère  avoït  plufïcurs 
rangs  de  rames,  deux  au  moins,  Se 
die  que  le  Galion  n'en  avoit  qu  un  ,  8c 
que  par-là  il  fe  monvoit  plus  facile* 
ment ,  &  qu'il  étoit  plus  propre  àlan- 
cer  des  feux.  ! 

11  paroît  donc ,  que  même  vers  ta 
fin  du  douzième  (iécfe  (en  1 190.)  il  y 
avoit  encore  des  vaifleaux  à  deux  &  a 
trois  rangs  de  rames  ;  ce  qui  n'avoit 
point  été  remarqué»  autant  que  Je 
'puis  m'en  reflbuvenir ,  par  les  Au- 
teurs qui  ont  agité  la  queftion  des 
Rames. 

Vous  n'ignorez  pas ,  M.  les  diflfS- 
tens  fentimens  quils  ont  adoptes. 
Après  avoir  lu  leurs  fçavantes  ditfet- 
tations  9  on  eft  forcé  de  convenir 
f  qu'on  n'a  rien  de  bien  certain  fur  cette 
'  matière.  Le  partage  de  notre  Auteur 
fembleroit  appuyer  lavis  de  ceux  qui 
prétendent  que  tes  rames  étoient  pla- 
cées les  unes  fur  les  autres,  ainfi  que 
le  marque  ta  Colomne  Trajane.  Car , 
après  tout,  (telles  ont 'pu  être  ainfi  an 
douzième  fiécle,  pourquoi  n  auraient» 
elles  pas  été  de  même  anciennement  ? 
Tel  a  toujours  été  le  progrès  des 
Arcs:  on  a  gardé  .quelque  chofédas 


Justificatives.  4#jr 
formes  anciennes ,  en  corrigeant ,  en 
perfectionnant.  Il  feroit  ridicule  de 
dire,  que  c'eft  précifémerft  dans  le 
douzième  fiécle ,  qu'on  a  imaginé  la 
manière  de  mettre  les  rames  y  les  unes 
fur  les  autres. 

.  Ne  vous  effrayez  pas  *  Monfîeut  *  de 
toutes  les  objections  qu'on  peut  vous  op* 
pofer.  Les  Anciens  peuvent  avoir  été 
plus  habiles  que  nous  dans  les  méchani* 
qucs.Notre  lupérioriré  fur  eux  n'eft  pas 
encore  bien  prouvée, malgré  les  efforts 
des  Perrault*.  Il  y  auroit  une  forte  de 
vanité  à  regarder  comme  impoffible  , 
ce  eue  nous  ne  pouvons  exécuter* 
Quelque  exagération  qu'il  y  ait  dans. 
les  effets  prodideux  qu'on  attribue 
Aux  machines  d  Archiméde  ,  avons- 
nous  rien  qui  en  approche  ?  Jetiez  ua 
coup  d'oeil  fur  les  Cirques,  fur  les 
Amphithéâtres,  fur  le  Temple  de  Baal- 
bek ,  fur  les  obélifques ,  fur  les  Pyra- 
mides d'Egypte  ;  quelles  machines 
élevoietft  des  pierres  aufli  énormes, 
dans  une  fi  grande  hauteur  ?  Conw 
bien  de  pratiques  dans  les  Arts 
que  nos  pères  connoidoient ,  8c  que 
nous  avons  perdues  ?  Les  rames  fe 
xntouvoient  peut  -  être  anciennement 

S  f  nij 


4SS  Pièce* 

par  one  mécbanique  que  nous  igno- 
rons. 

L'Auteur  du  fragment  vivoit  cm 
1 1 90  :  il  avoît  paflé  la  mer  .;  il  com* 
barroit  peut-être  far  ces  mêmes  vaï£- 
feaux  dont  il  donne  la  defcription  ;  Se 
il  procède ,  dans  (à  Préface ,  qtfil  ne 
parle  que  de  ce  dont  il  a  été  le  témoin* 
Vous  pouvez  rendre  certe  remarque 
publique  ;  elle  réveillera  peut-être  la 
queftion  fur  les  rames  des  anciens, 
qui  a  été  fouvent  agitée ,  &  qui  n'eft 
point  encore  décidée.   Cet  Hiftorien 
n  écrit  pas  d'une  manière  auffî  barbare 
que fes  Contemporains ,  Scjeleioa- 

r;onnerois  volontiers  plus  moderne  9 
caufede  l'élégance  de  fon  ftile  ,  s'il 
étoit  permis  de  lui  donner  un  démenti 
à  lui  même.  Au  refte,  il  n'eft  pas  le 
feul  qui  parle  de  ces  vaiffeaux  à  deux 
&  à  trois  rangs  de  rames  ;  la  plupart 
des  anciens  Ecrivains  des  Croifades  , 
#.U  Princefle  Anne  Comnéae  en 
font  mention  ;  mais  aucun  ne  mar- 
que avec  autant  de  détail,  la  ma- 
nière dont  les  rames  étoîent  placées* 

Voici  Te  paffage  en  queftion  : 
Et  quia  ftsvalis  belle  mntio  wcidit, 


Justificatives.      489 
tvnftqHcns  arbitramur  ut  clajfem  belli- 
cam  ferme  fuccinftus  deferibat ,  &  quali 
utuntur  moderni,  &  qualern  inftituert 
mmùjui.  Apud  veteresfiquidem ,  in  hu- 
jnftnedi  navïbus  numerofior  exigebatur 
9rdo  remorum  ,  quibus  gradatim  per  ta- 
bulât* âiftintta  furgemibus ,   un  a  m  alti 
iongijfimo ,  alii  breviore  vexabant  im* 
pulfu  ,  Ternos  autem  vel  Quaternos  ordi* 
nés  ftpius  kabebant ,  &  Quinos  înter- 
dunt;  fid  &  fenos  naves  qu&àam'ih 
Acciacopralio  ,  cùm  advenus  Antonium 
dimicartt  Auguftus  ,    habuijfe  legwttur. 
Caterùm  omnis  illa  vetnjiatis  magnifia 
ctntia  imminuta  dcfiuxit  :  nam  clajjis 
bellica  >  qua  Cents  olim  decurrebat  erdi* 
nibus ,  mme  bines  raro  excedit.  Qmd 
autem  anùqui  dixere  Libumamt  moderni 
Caleam  -,  mediaprpdutt*  nominam  ;  que 
longa  ,  gr  avilis  ,  &  parum   eminens , 
lignum  À  prerâ  prafixum  habet ,  &  vulgp 
calcar  dicitur ,  qmo  rates  hofiium  trans- 
fiîuntur  pereu/ft.  G  aliène  s  vero  une  rc* 
morum  idineemtenti .  brevitate  mofc 
[  tes,  &  facilius  fleftuntur  &  leviks  dif> 
eurrunt ,  &  ignibus  jacuUndis  options 
exiftum.  Hift.  HicroCp.  1167.  Geft* 
Dci  pcr  Francos. 


49*  P i e  é  e  s 

Nf.  5. 

Je  devois  placer  ici  les  Lettres  da 
Saladin  &  de  Ton  frère  Adel  au  Pape 
Lucius  lll  ;  mais  ce  volume  n'eft  déjà 
que  trop  épai^  Ceut  qui  feront  cu- 
rieux de  lire  ces  deui  pièces  les  trou- 
veront dan*  la  Compilation  intitulée  2 
HîJîorU  Anglican*  Scriptorcs  amupuy 
in-foL  p.  4xi .  imagines  Hifioriarmm § 
AuEi.  Radulf.  de  die.  &c. 

N*.  4, 

.  Par  la  même  raiftift ,  je  ne  mettrai 
pas  fous  ce  nQ*  comme  je  Pavois  in- 
diqué ,  tin  Manufcrit  fur  la  branche 
de  la  maifon  d'Angldre ,-  dont  les 
aînés  portoient  le  nom  de  Saladin* 
\  Cette  maifon  eft  éteinte.  D'ailleurs  * 
le  fait  en  queftion,  quand  même  il 
ne  feroit  pas  fabuleux,  ne  peutferap» 
porter  à  notre  Saladin ,  &  ne  pour- 
xoit  convenir  qu  a  un  de  fes  arriére* 

Jetirs  fils.  Voyez  Palliot ,  de  la  feience 
es  Armoiries,  Moréri,  laNoWeflfe 
de  Champagne,  8c  un  Manufcrit  la- 
tin qui  eft  dans  le  Cabinet  de  M.  de 
la  Cour,  Tréforier  delà  Bibliothé* 

2ue  du  Roi  Se  Généalogifte  de  Mo»- 
ïigneur  le  Duc  d'Orléans. 


TABLE 

DES    MATIERES 

Contenues  dans  ctt  Ouvragé. 

Les  chiffres  Romains  I  &  II  marquent  le* 
tomes ,  &  les  chiffres  arabes  les  pages. 


ABBASSIDES 
(les)  abrégé  de 
leurHiftoire,/*»?*  I. 
page  iZ  &fwv*ntes. 
Abc  (Modgired- 
din  )  Roi  de  Damas, 
I.  95.  Sa  mort,  97  , 

Abdolnabt  ,  Roi  de 
l'Arabie  heureufe,  dé- 
trôné par  Saladin, I. 
1x0  $•  fuiv. 

Aboubekk,  ,  fuccef- 
(èur  de  Mahomet ,  L 

M- 
Aboul-haidoià 

(  Hufaai-eddio  }  IL 
*3'- 


Abdiah  ou  ABBAtr- 
LAH -BfiN-$ALEM(  te 

Rabbin  )  aide  Maho- 
met dans  la  composi- 
tion de  i'Al-korau ,  ï. 

IX. 

Acw ,  v^fx  Ptoll* 
maïs. 

Adil  frère  de  Sa- 
ladin, L  ii* ,  435  , 
11.40,418. 

Adex  fiJs  de  Kamel , 
II.  4.15. 

Amn  ,  ville  de  l'A- 
rabie hëureufe^I.n  1  , 
111. 

AdHED  LfiDIN-IUA* 

dernier  Khalife  ïuh* 


49*  T 

Bàtt, 1.106  ,    ij4  , 

Af0Hai  fils  de  ba- 
ladin ,1.  4^1.  Son 
combat  avec  les  Che- 
valiers Hospitaliers  & 
Templiers  ,  455  é*. 
/«ru.  Devenu  Roi  de 
Damas  ,11  41*. 

Acne's  fille  de  Jof- 
celin  de  Courtenai ,  I. 
104. 
A  il  a.?  h,  ttf}*£ 

ElATH. 

AlNTAB,  I.  3<*I. 

Aischa  femme  de 
Mahomet,  la  feule  qui 
fut  vierge  ,1.  13. 

A  klath,  JPgrjMC 
Khélach. 

Aiaid  ,11.  111/ 

Alaidon,  voyez. 

Al  Ain. 

A  l  a  vf  (  Emir  ) 
commence  le  pre» 
«mier  le  Khothba  au 
nom  des  Àbbaffides;, 
&  191. 

Albéric  (  Clément } 
>>   lî.  190  ,  301. 

Ai -coiUN,  vojei 

At-koRAN. 
'  AlEXANDfclE.Sa 


BIS 

Description  v  a/Cégée? 
par  les  Chrétiens  ,  8Ç 
défendue  par  Saladin, 
t  U*.  &fwt>.  a£ 
fiégée,La4x^.yi#v. 

"    AtEXIS    CttKNEMS, 

Empereur,  I.  70,^3, 

Ai-caU*  Province^ 
L  430. 

ALIOTSflesJI,!^ 

xi ,  *3- 

Al-KOAlttf  (L'JIU 

-vre  qui  contient  la  Lot 
de  Mahomet ,  I.  1  r. 

AtMAUXAR.  ville  # 
11.374. 

Ait  (le  Khalife; 
t.  18. 

AtfAiK?  ,  vtjet 
Amaury. 

Amand  (Odon  01/ 
Eudes  de  $.)  grand 
Maître  dts  Templier» 
I.  138,  330.  Fuyez, 
Eudes. 

Amarat  Poète  fô. 
ditteu*.  Sa  punition1, 
I.  113  ,  114. 

AmaOry  Roi  de 
Jérufalem,!.  7 S.  Va: 
à  Conflantinople  de- 
mander du  fecoursi 
l'Empereur  ,  1.  £04. 


BBS    Ma 

Vêtit  panir  les  Tem^ 
plicrs    de    l'affaflinat 
de  PAnibafTadcm  du 
vieux  de  la  Monta- - 
gne.  Sa  mort,  I,  2.3  S  , 

Ambassadeur.  Hil- 
tbire  ilnculiére  «L'un 
Ambafladeur,  1. 10*. 
en  noies.  Ambafladeur 
du  vieux  de  la  Mon- 
tagne affaflmé  par  lest 
Templiers  y  I.  1.37. 

Amila  (  le  mont  ) 
1J.  101. 

Amlrou  Général 
d'Omar,prendA  lexan- 
4rie  &  Brûle  la  Bi- 
bliothèque 3  I.  15. 

antarado.s. 
.  Andromic  Comne- 
#e  Empereur.  Abrégé 
de  fon  Hiftoire  ,  IL 

.  Angxure.  On  ra- 
conte une  Hiftoire  fur 
une  branche  cadette 
de  la  maifon  d'An- 
glure  ,11,404.  490  , 
Antàb.  K«9**  Ain- 
tab.  : 

Artaradqs   ,.   IL 
i«4* 


ri  eu  es.    495 

Antarsus,  Ffj«* 
Antarados.* 

Antéchrist  (1*  ) 
Opjnion  des  Muful- 
rnans  fur  l'Antechrift, 
IL  fi;«J»  Nftes. 

Antiochl  Siège  & 
prife   d'Antiofhe,  L 

ht  AjdfiE.  ftf&tX.  Ha- 
MA. 

Apkerbaia   ville  f 

L43J. 

Aps  (  Ermengard  à') 
IL  30*. 

ARABAN.P<7#*AR- 
BAN, 

Arabes.  Leur  ori* 
gtne  >  leur  religion  ; 
leurs  mœurs  ,  abrégé 
de- leur  Hiftoire ,  L  1 
frfuiv.  Arabes  enlè- 
vent un  enfant  que  Sa* 
ladin  fait  rendre  à  & 
mère,  IL  147. 

Arabie  hbureuss 
conquife  par  Saladin, 
L  347.  Rois  Ayoubi- 
tes  de  l'Arabie  heu* 
feufe,H.443. 

Aradon  ou  Ara- 
do*  (l'Ifle  à?)  I  13*- 

Araeah  *  Arafath 
la   fèce  d'Artfiu  ,  t» 


494  *  A 

montagne  d'Arafat  , 
]L  391.  II.  i*i. 

Aubin,  1.  371. 
'  a&belles,  i.  371. 

AfcMÉNii,pecUe  Ar- 
ménie, Etat  &  Rois 
de  la  petite  Arménie , 

1-33*  *ywv. 

Aristotb  traduit 
par  les  Arabes  <rui 
adoptent  fa  philofo- 
pjïie,  I.  189,  i^o. 

Arran.  l^pr**  Ha-- 
*an. 

AKSiKN.Voyez.  K  a- 
ra-Arslan  ,  KÉSIL- 
Arslan  p  KIÏ.IOPB- 
Akslak. 

Arsoph  ,  II.  '56. 

Arsuf.  Voyez.  A%- 

•OPH. 

'  ASAD-EDMM.  Vif** 
icIRkqUH. 

ASCALON  ,  IL  f  4. 
E^truite  par  Saladin , 

bâtie  car  Richard ,  II. 
341  èrfuiv.  Détruite 
par  les  Chrétiens  & 
far  les  Mufulmaas, 
IL  3*7. 

Aschraf  Sulthân 
«l'Egypte,!!.  43c.  - 


BLE 

Asie  Mineure ,  IJ. 

Assassins  ,  yeufenr 
mer  Saladin ,  l.  %6%  , 
*?i.  Il  leur  fait  la 
guerre.  Hiftoire  abré- 
gée de  ces  Peuples  f 
I.  %9*  &fu*v. 

Aswan  ville  de  la 
Thébaide  ,  |.'  12.4. 

Af  abeks.  (Pynaftit 
des)  I.2>. 

Athïr.  y§y$z  Ben* 
bj.-Athir. 

avesne  qu  yvesnb 
(belle   aftion  d»)  L 

A17- 

Avesne  (Jacquet 

d*  )  II.  171. 

AUTWcttE  Léopold 
Duc  ou  Comte  d'Au* 
triche ,  attaque  la  tour 
des  mouches ,  IL  14  if 
outragé  par  Richard  , 
IL  300. 

Ayoub  { Nodgera- 
eddin  )  père  de  Sala-* 
din.  Abrégé  de  foa 
Hiftoire,!.  S?  &fivv. 
Il  va  en  Egypte,  oâ 
il  eft  chargé  de  1  a<f- 
miniftration  des  'fi* 
nànces  *,     |.    1*3  , 

if4- 


jdes    Matières.     49  j 

Çonfeil  qu'il  donne  à  II.  1 9 , 6% ,  70  6*/*iV, 
Saladin ,  1 10 , 1 1  ï  .Sa  Bambi/ce  ?  jP\  fcUi*» 
«¥>rt  ,  1 1  tf .  Bàwbjx  j     bedgh.  * 

AYQUBiTïS,Hi#ôi-        Ba$     (Tiibaud;- 
»e  abrégée  de  la  Dy-    Comte  de  )  JI.  13^  f 
naftie  des  Ayoubitcs ,    1  jrf ,  1 71 ,  1 8rf. 
i}.4i%frfûiv.   ,  Bajmn,I.  9X,xZi* 

Azaz.  fyy&EzAT,.        Baj\gilqUn,II, 
Aux  Roi  d'Egyp-    3*8. 
te  ;  fils  de  Sajadm ,  IL       Ba*timoU£.  J^jw* 
418  (jrf»iv.  JBaictimpuh. 

:     ;  3ascha*,  I.  3*f, 

B  Ju.TAi44.fi    de  Ba- 

«   bain  ou  de  Baben  ,  If 

BAaï.bik,I.9i,  Sa  ix4.  |ie  Hama  ,  I. 
Description  ,  if  17  j  t  18^.  d'AfcaJta* 
f^nd  à  Salâdro ,  L 17*.  qj»  de,  ftamla ,  J.  3 1  f  * 
&fitiv.  *  de  Paaeas  ,  318  é* 

BAPAÏf*  ou,  Ba*|n  yfr».  deTiWriadeou 

(bataille  dç)  L  118.    d'Hittin  ,  oui  décida 

Babylo/«  d'Egypte,    <JU  fort  dé  la  Palefti* 

I.1"  30^  Ppyty  te  Cairr    ne  j  If.  14  ($•./*#*/:  de 

fe,  .  ^       Ptolémaft  ,  JJ.  17*  \ 

Bagdad  ,  fieg*#es  178  ,  i.8ot  i|i,  fï  ^ 
Abbaflides ,  J.  18.  .,    f|x»  M3V**4y  3** 

Baïra^ /fetç  fdu   fjpjuw*  -  ,      . 

£aïram,  1.4*8,  BATH||ii^SYffyM5 

Bakas  ville, JL ni.    Assassin», 

Baktimour;,I.  3ja,  Baudouin  faif  If 
£  ailleurs ,  IL  37^      Coçqu^te  fifÀefei  h 

Bal  an  as,  II.  1.07.     'f*/  moyen  Unguliejf 

Baibek./^**  Baax-  dpnt  il  Te  fert  pour 
be*.      '  avoir  de  argent,  I» 

JPAJ.ÉAN  dlBEim ,    54,  Succède  à  Gftdô* 


49<f  Table 

froi  de  Bouillon  ,1.  (  l'Hiitorien  J II.  zj+t 
Cf.      Baudouin     du  ajr. 
Bourg cft fait  Comte  •   Benjamin  bsTude- 
4'Edenc,  devient  Roi  m  (  le  3m£)  h  130. 
de  Jérufalem  ,  I  6j,  Berenger«m>e  Na- 
66.  Baudouin  III.  Roi  varre     épotrfe     Ri- 
de Jêrufaiem  ,1 ,  €7.  chard  ,  II.  167  ,  177. 
Baudouin  IV.  dit  le  Birite.  Vojex.%1- 
Lépreux  ,  fuccedc  à  rout. 
Aroaury,  I.  1-39.63-  .Bernard   (Saint  ) 
gne  une  bataille  au-  prêche  ia  Croiràde  , 
près  d'Afcalon,  I  31  ^  I.  éj.F.ft  accufé  d'être 
6»  yWv.  Sa  mort,L  un  feux   Prophète,  & 
444.  Baudouin  V.  Roi  fe  juftifie ,  I.  76. 
de  Jlrufalern  ,  L  443.*  BeroUT  ,  I.  41a. 
Sa  mort  ,1. 447.  Bau-  H.  39. 
doin  dé  Rame  ou  de  Bcrtsab^.   Vnytt. 
Ramla,  L  330,  Beith-doebraÏe; 

Bedreddin  ,  I.  3  69  -  BethùITem  ,  II.  r  3. 

&fiêiv.'  Betw-nous,U.331^ 

JtelTH-BGÉftRAiL,  IL  BetHENON^B.     Vty 

|4«  Béton  o  us. 

.   Béia  Roi  de  Hon-       Beths an  ,1.4)0. 

grie.ll \   t9s    .  j^îr.BÉRociT, 
"     EElWif  «ille,l.H4*  BerïtJ 
âffiégêe  8c  prife  par  Béxan  D'euro  Frit- 
tes Francs  >  II.  1 4  r .  mat  ion  de  cette  mon- 

Bklihas.  Vûj$k  Pa-  néye  ,1.137. 

m£as.  Bibliothèque  d'À^ 

Bei voir,  ffyrc  lettndrie  brûlée  ,  I. 

Mbrkab.  If, 

Btim  fleuve  ,11,  Bibliothèque  du 

17©.                '      '  Khalife   Adhcd  ,    h 

Bi»-n  Atbir  iôifc 

Bidifort 


BBS    M  ATI  EK  ES.      497 

Burzu  rille  ,  II- 


BlDMORD  OU  BlDSS- 

fQRp  ,  grand  Maître 
des  Tcmplicrs,L  45  *  • 
érjmv.  IL  133,1**-' 

BlHROUS, .1.  &9,9CÙ 
Bira  ,  I.  34$. 

BLATAMOS.      /^>|JC 

Plat  a  nos* 

Blois  (Pierre  de) 
écrit  contre  la  disme 
Saladine,lL  137. 

BoffÉMOND   ou 

BoÉuond.  Expédient 
étrange  dont  il  fe  fert 
pour  intimider  les  Ef- 
pions  ,  I.  jS«  loi" 
mond  Prince d*Ah- 
Ûeche^il.  t9.<&/ktos 
BOHAHSODm  ï  l'Hit 
tôt ien  )  h  570.  IL 
i#7, 11  î  f  it^,xoô; 
Boves  (  Robert  de  J 
Il  iox. 

Bou*.go*ni  (mort 
du  Duc  de)  II.  i?$; 
Bribhni  (Erardte 
André  de)II.i73,tSfi 
ErârdiieBrîènne/JI 
301.  '* 

B*tt*B    (Geoffroi 
de  )  IL  501. 

Buctimér.    J^#* 
BakxiwoOr. 
7«w  If  « 


m. 


C^ABAH  (1*)  OU 
maiioa  quarrée; 
Temple  de  la  Mec- 
que ,  L  4.  > 

CUsaksb  de  Pki- 
iippes  ,voye^  Pandas» 
CjKarêb  de  Paletti- 
se, IL  3*. 

Casar-schah  Pria* 
ceSeljoucide,IL3S*. 

Caffitans  ,  Hgmc 
veftds  <Va*flneur.       » 

CahbR  (  le  KfeaK- 
fe)  demande  Pawaô- 

ne  il.  3^ 

Caimaz  (le  Vkfr) 

î.  $4*, 3><>,  37i.* 

<  ^CaikJe(  le)  fa  Des- 
cription ,  Sakdiâ 
Fetafeelltt,  I.  jgj  & 
fiïru. 

CARAC.F>7«tKftAltf 

Gara****  enteré* 
parRich<**,tt.  331 

'  T«  ■    * 


4*8  Table 

Cardinaux  (les)  Çhatsixeraud  ( re- 
donnent l'exemple  de-  Vicomte  de)  II.  30*.' 
laprèmiére  ferveur  &  .  Chatillon  (  Gui  Se 
du  premier  refroidiC  Gaucher  de  )  II.  173. 
liment  pour  la  Cro£»  Gui  de    Chatillon    , 


] 


Cide^II.  134. 

Carmel  (  le  mont) 
différent  du  Carmel 
voifin  de  Ptolémaïs  , 

Carmel  (le mont) 
auprès  de  EtoléàlaJLS , 
II.  169> 

Cars  oq  palais  du 
Khalife  Fachimite.ێ\ 
xémonies  pour  appro- 
cher du  Prinçg,1. 1  x  1 .. 

Çastellai*  .(  le  Vi- 
comte de) IL  301 

CAUc»iarII..xpir 
116. 

Chaiora.  Vtytx, 
Khabour. 

Chacehai  .(  Erard 
4e)  IL  302.. 

Chalat.  Ftyfr 

KH  EtATH. 

Chamat,  K  Hama. 
Champagne  (  le 
Coince  de)  époufe  Ifa- 
hclle  veuvt  de  Con- 
rad, IL  3*9. 
•  Charran.  F*yi& 
Barrai*. 


301. 

Chevalerie  de  Sa- 
ladin,IL  447c5*/**v« 

Chevalier.  Saladin 
fe  fait  aimer  Gheva. 
lier  f  IL 4b  w. 

€»TPRs(Plâe.de) 
conquife  par.  Richard ,-. 
II.  %7S  &.fiùv* 
Circeskxm  î  v.Ker- 
Circbsu»  Jrçisii. 
.  Clément  III..  (  Je 
Pape  j  fait  pr&herjâc 
Groiude  ,;tllv  .x**. 

.   CURMON*   Cn  Al*. 

verdie.  On  y  tient  ur* 
Concile  pour  laCroi- 
fade,  I.  4*. 

Clermont  (  Raoul 
Comte  de)  II.  301.  . 

Cocni.  yjoytx>lco~ 
nium. 

Combat  terribje  en- 
treAfdhal  fil»  de  Sa- 
ladin 8c  les  Chevaliers 
des  deux  Ordres ,  I. 
4i6&f*h. 

COKKBSTABIE  (le) 

de  France ,11.  a>i. 


des  Ma 

Conrad  Efnpereur, 
ft  droite ,  I.  70  &fuiv. 

Conrad  dbMont- 
vbrkat  ,  appelle  le 
Marquis  de  Tyr ,  ar- 
rive dans  laPaleftine, 
Se  fe  rend  maître  de 

Tyr,IL  44e'/*''»- 
II.'*  3  &  fuiv.  enlevé 
à  Honfroi  du  Thoron 
ïfabelle  focur  de  Sy- 
bille  &  Pépoufc  ,  II. 
%S6&  fuiv.dk  affaf- 
finé  ,11. 1x9  et  fuiv. 
Cotb-edd*n  &oi  de 
Mouflbul,  ï.*£.Totb- 
eddin  fils  de  Kjlidge  - 
Arflan  ,  IL  '  m  é> 

CRAC.^ijffX,  Krak. 

Croisades.  Abrégé 
de  Pfiiûoire  des  CroU 
faites ,  J.  43  fr  fuiv. 
Les  Croifadçs  produi- 
fént  un  bien  &  uq 
mal  1 1.  ^3 ,  tf  4.  Croi- 
fade  /origine  de  ce 

«IqM.4/. 
*  Croises  ,  portent 

une  croix  rouge  fur 

l'épaule ,  I.  47. 

Croix  (  la  vraie  ) 

•rifc  à  la  bataille  de 

Titëriade,!!.  xi.  La 


T  1  E  R  e  s.      499 

vraie  Croix,  IL  194, 
*5>3>  30J,  541. 

CUCUPETRUS,,Cu- 

cupierrf.^^  Pur» 
rei/Hirmitb, 

Curde5.  V.  Kur- 
des. 

D 

DAcotjca,L  373; 
Damas  affiégée 
par  Louis  VIL  Roi  de 
France,  I.7 j.Sulthans 
Ayoubites  de  Damas  t 

ir.4s«. 

Da miette  affiégée 
par  les  Francs,  I.  i6$t 
170,  affiégée  &prife 
par  lès  Chrétiens  >  IL. 

4*3. 

Dampierri  (  Gui 
de)  IL  173. 

DAH.fojez,  Panbas.; 

Dandux  (  Janus) 
Ambaffadeur  du  Pape 
Lucius  III,  I.  413. 

Dani  (  Gui  de  )  IL 
30*. 

Daroham  ,  Vizir 
d'Egypte,!.!!!  &f 

D^arom.  f *j*&Da* 

ROUM. 

Daroum,  L  17*: 
U.  33*  * 

Tt  ij    • 


f  o#  Table 

DeUUAC,IL    il  f.     bjffidcîétoientDOÎfS, 
DsusfidesCroUcs,    ceuxdeSaladinétoicnc 


I.4* 

DgESAÏL,    tt.  108. 

Dgeze*  Yacoub  , 
t  )*<-  33  *• 

DCIZUET-BEK- 

Oma*  ,  Iflc  du  fils 
d'Omar ,  I.  343. 

Doiobaïl,  II.  40. 

Dgizb.I.  rix. 

Dhahe*  fils  de  Sa* 
ladtn,II.  j8i,  3881$» 
/«fv»  Deveou  Roi 
d'Halep.U.  418  & 
fmv. 

Dhoulnoun  Prin- 
ce  du  pays  de  Roum, 
I.  *w. 

Dietz  (  HenriCouti- 
tede;eft  envoyé  eu 
Ambaûade  àSaladiq, 

IL  143. 

£i*X  £J   VOLT, 

Dieu  le  reut ,  cri  de 
guerre  Jf  derife  des 
O  lôifés  ,  I.  4€. 

DlOCiSSAILÉE.  fijjrx, 
SfifHOUlvI. 

Dl*STOLIS 
Lî&DA 


jaunes ,  11.  X97. 
DoTAiu  ville  ,  IL 

37- 
Domkake  rille ,  L 

DUNEizm ,  L  377* 
Duhham  (  l'Erêque 
de  )  acheté  nn  Com- 
té, II.  261. 

Dynasties  ,  diffi- 
reores  Dynafties  par- 
mi les  Muiulmans,L 
34,*Ȕ*. 


44 


ECus  D'oft.  Vaje*  - 
Bezans. 
£desse,I.  3*jt. 
•Egypte  (  StilthanS 
Ayoubites<r^)II.'43Çw" 
Eirtab.  Voytx.  Ain- 
tab. 

ElABDtJM.   '  f%J#& 
AtAID. 

ElANE.    K  EtATlI." 

Elath  ville  ,L  4A5; 
Pfcjffc'  Aflïégée  parSaladin,' 
_..  I.  181. 

DixmbSaiadini^IÏ.       Eléônore  Reine  de 
137.  Trance,  fe  croife^L; 

Duafka vz  des  Ab-   tfJK  Entretien  on  Côjfe^ 


nt$   Ma 

merle  criminel  avec 
on  Tare  nommé  Sa- 
ladin  ,  I.  74.    ' 

EIphadix.  grand 
Càdhi  de  l'Empire  de 
Saladin  ,  II.  37*  & 
fuiv. 

Eu  Jugkum  9  II. 

III.V 

Emad  iddin.  Vqe* 
Zenghi. 

Emad-eddin  *  Zm- 
ghi  autre  que  le  pré- 
cédent p  implore  le  fe- 
cours  de  Nour-eddin, 

I-  174,  >7î»  *7*i 
*Stf.  Eft  fait  Prince  de 
Sindgiar,I.  17 i.  Eft 
fait  Roi  <PHalep  ,  L 
345.  Echange  Halep, 
pour  Sindgrar ,  I.  3*5 
fr  fuiv.  Emad-eddin 
Zenghi  ,.11.  ijo  & 
fuiv* 

Emed  ,  L  3^0. 

EmESSE.  Jfyftt  HjBr 
MESSE,. 

Emir,  fîgniBcation 
de  ce  mot ,  I.  pi  th 
notes. 

Emir  ai  Omaha» 
ce  qt»e  c'écoit ,  t.  je  r 

Emmaus,  II.  S. 

Éndo*,!!.' 37. 


T  î  B  R  E  ST.       jd  f 
E&&OUM,     II' 

214. 

Eschine  femme  de 
Raymond ,  Comte  de 
Tripoli ,  II.  7. 

Espagne  ,  parties 
méridionales  de  ]jEf~ 
pagne,  foumifes  au* 
Mahométans  ,  I.  14. 

Etendard  des  Croi^ 
fés  ,  IL  ^43  ,  144. 

Eudes  ou  Odon  de 
S.  Asnand  ,  grand 
maître  des  Templiers, 
réfifteauRoi,!.  23 s. 
Réponfe  &  mort  glo- 
rieufe  d'Eudes  de  S. 
Amand,I.  3.30. 

EïAZ,I.  *£I# 


FAsfiiis.   Voytté^ 
Phouia. 

FAtHlMITES.    (les) 

Abrégé  de.  leur  Hit*. 
toire,I.   loi.  Fin -de  ; 
cette  Dynaftie,!.  197^ 
''  Femmes combattent 
au  fiege  de  Ptol^maïs, 
II.  18*. 

Fxodal  (Gouver-, 
nement  )  établi  en.Pa*^ 
leftine  par  les  Croît 


^oi  T  A 

fés,l.  £4.  Les  Arabes 
âvoieat  une  efpéce  de 
Gouvernement  féo- 
dal , 1.  371^ 

Fknni*   (  Êngue- 
randde)II.  301. 
*  Flottes  du  douzié- 
stie^ûécle ,  I.  169.  IL 
111 ,  483.  érfuvv. 

Forbelbt.  Foyez, 
Apherbala. 

Fostat.  f^yez.  u 
Caire. 

Fougères  (Raoul 
ieJILsox. 

Fout&UEs  ,  Comte 
4'Anjou  ,  Roi  de  Jé- 
rufàlem ,  I.  67. 

France,  les  Arabes 
font  une  irruption  en 
France  ,1.  15. 

Francs  ,  leur  Gou- 
vernement ,   leurs 
moeurs  ,  L  399'  &* 
fwv. 

Frédéric.    I.     dit 
larberouffe    Empe- 
reur, fe  Croifc,  II.  141 
&fiiv.  SaCrolfade, 

IL  IJf   &f*iv.TKZ' 

»  b  r  1  c  de  Souabe 
fon  fils ,  prend  le 
commandement  des 
Troupes    après     (a 


BLÉ 

mort, II.  xi  1,  &/***• 
Sa  mort  II.  ij  4.  Fré- 
déric II.  Empereur  t 

II.  4H- 

Fustx*.  yty*  1»' 
Cairi. 


GAfiAfr*.        jKgWCr 
DGÉBAÏt. 

Galeasse.1  tt  #tf 

GALE*-   (483. 

GALION.     J4-3" 

Garlank  (Manaf- 
sèsde)II.  173. 

Gaultier,  dit  fan* 
*vùr,  un  Chef  des 
Croifés ,  L  49. 

GaOR.  tf0t%  A*- 
Gaur. 

Gaza  ville  y  1. 17c  ^ 

179'H- 19* 

Cu>iùH  Roi  d'Ar- 
ménie y  I.  338. 

ÇEtBoi,(ieMont) 

1-431- 
Gbnim  ville ,  IL  57. 

*  JBA1L. 

Go»ETROI  Df  Bouil- 
lon, Chef  des  Croi- 


DÈS     M  A  tl  SUS  S.      jo$ 

ltoi  Je  Jérufalem  ,  I.    frfubv.  Pririces  Ayou- 


6i.  Sa.  mort,  L  6x9 

Godesckl  (  le  Prê- 
tre )  un  des  Chefs  des 
Croifés  ,  I.  Su- 


bites de  Hama,  ILf+qr. 

HAMTAB.  V.  AlNTAB. 

Hangest  (  Florent 
de,)  IL  50». 
HARjnd,  I.  311,  £r 


Gonbsse  (Eude*  /àîv, 
de  )  L  304.  HaIeuC.  ftp.  Ha- 


Gouvernement*,  ta- 
bleau du  Gouverne- 
ment des  Francs,  I. 
399.  &fuiv,     . 

Gregiois  (feu)  II. 
74- 


ffUSM. 

Havvran,!.  3*©. 

Ha*an.  (le  Khalife) 
Elemple  de  fa  modé- 
ration, I.  10 ,  h. 

Hauterive,(  Raoul 


GuéDBjACOB.P*J«C    de)  II.  joi 

Dceïer  Yacoub.  Mazim  ,  (  l'Emir  ) 


Guillaume  Arche- 
vêque de  Tyf'eft  en- 
voyé en  Ambaflade  i 
ConflantmopJe  ,  I. 
144.  Son  Hiftoire ,  L 
407.  (a  mon ,  1. 409. 
Guillaume    Roi    de 


*•  37*  &/**** 
Hébron,  II.  f  3* 

Hégire,  Ere  dès  M*t 
nométans ,  I.  7. 

-  Hel-Festbin  (Louii 
de  )  allure  avoir  vu 
Saint  George»  &  Saint 


Sicile,  1.  140.  Goil-   Viâor,,  II.  119. 


laume    Marquis    de 
Montrerait,  II,  *i. 

H 

HàïphaII.  3I.    . 
Halep  ville,  I.ili, 

t«o,  1*4,  34?,  3**- 
Sulthans    Ayoubites 
d'Halep  ,    IL    437* 


Hama  ville,,  Lie?  f*iv. 


HlLIOfOLIS.  Fojtx. 
Baaibbc  • 
Hemesse  ville,  I. 91, 

i*8.  Princes  Ayou- 
bites d'Hémefle,  IL 
441. 

Hfnw  H.  Roi  d'An- 
gleterre, IL  IJ5  & 


5«4 

HihacuUs  Empe- 
reur de  ConAantino- 
plej.  13* 

Heiucuus  Patriar- 
che de  Jlnifalem,  Son 
Hift-  Tes  débauches , 
L4**é»/î«ft/.  eft  dé- 
puté  en  Europe,  I. 
44  ç .  Sa  conduite  vio- 
lente, I.  44*,    447 

Herin.  fajwfcHa-^ 

KSM. 

HlE*AFOU*?tytft. 

Manbedce. 

Hipa.  Voyit,  Haï- 

fHA. 

Hittin,  (bataille  à') 

Holacou  Khan  de* 
Taztare*  Mogol* ,  U. 
41S. 

HoNEROl  J»U  THO~ 

*on,  I.  ii*s,  **$>, 
refufe  la  Couronne  ;de 
Jérufalera  ,  If  445  <fc 
fitiv.ll.  ?.ff. 

Hospitaliers  (€he* 
valiers)  leur  établifleT 
inent ,  I.  46, 

HOUNEIN   OU    Ho- 

nain,  U.  101. 

Hugues  de  Tui^ 
*iade  •  I.  3^0. 


Tab  t  Ê 


Hu*AKt.      VêJftX 

Harem. 

J. 

JABNl'H.    Ç3, 
Jacob  ,   Capitaine 
d'une  Galère,  fait  une 
belle  a&ion,  IL  s.  7$. 
Jaffa.  Voyez.  Jo*m* 
Japha  différent  de 
Jafla,  IL  37#        „    t 
Ibech  Roi  d'Egy- 
pte, IL  417. 

Ibex-ul-Asuasci^ 
(belle  a&ionde  )U# 
16%. 

ko»itm,  hs+E* 

*io. 

Jeanne,  (la  Princef* 
fe,),  veuve  du  Roi  de 
Sicile  |c  fattr  de  Ri- 
chard ,  propofée  en 
mariage  à  Malek 
Adel  frère  de  Saladin  9 

JfiKiCHO  ville ,  II. 

*7' 

Jérusalem  pnfc  par 

les  Croiiës,  L  61. 
Siège  &  diferiptioade 
cette  ville  prife  par  Sa* 
ladin ,  H,  67.  é»/a#% 
JeHJ*  ,  opiûiao  des 
Mufulouns 


*  ks    Ma 

MufolmsnsfurleMef- 
HC  ,  IL  J  I.  tfW  »w,fé 

Imam  ,  fignificanon 
de  ce  mot, I.  x«tf.  w 

.   JOACHIM   (  l'Abbé  ) 

▼inonnaire  célèbre,  IL 
X67. 

Jolnyuib.  (Geoffroi 
Je)  II.  i73# 

Joppi',IIr4i.afficg<?e 
*  prifc  par  Saladin  , 
**•  342.  é*>#v.  repri. 
fepar  Richard,^  ço.' 

.   JOSCELIN  »E  COUH- 

«NAi9I.44Sc$»yWt;4 
Ib.ak(P)  Province 

n.  m. 

LES. 

Irm-ia  ou  Ubjwa. 
IL  i76. 

Isaac  l'Ange  ,  Em- 
perenr,II.3fo.é»y«iV. 
Ifaac  Roi  de  Chypre, 
vairicu  &  fait  prifonl 
nier  par  Rickwd,  IL 

Islam  ,  Islamisme  , 
Mufulmans .,  fîgnifica- 
tiondecesmots,iitf. 
en  notes. 

litldufilSD'OMAJU 

Voyez.  Dgeziiut. 
Tome  II.  • 


t  1 1  r  1  s;     ^0j 

IftMAEi  Roi  d'Ara. 
bie,IL  43*. 

Ismaélien».  Ftp* 

A*6A$SIHS. 

Issa.  (  Dhia-eddin  ) 
I*  1  tfo.  Issa  ben  Mi- 
wam.  Jésus  fils  de 
Mami.^w  Jésus, 

MaME. 

Iruwfe(L)  I-*7U 
Juifs  nwffacrés ,  IL, 

2**0, 

Justice.   Première 
Chambre    de   Juftice 
parmi  les  Mufulmans. 
I.  12.5.  130. 
¥L 

KAdhi  Juge  M*. - 
ioméian,!.  19. 

Kaiariatha,!.  di. 

Kafaktab.  2  I.  y*^ 
.    Kafertab.  3  280. 

Kaohic  Roi  d'Ar- 
rûènie,I.  337. 

Cachk:  (le)  Bah 
pR!«Oi*a,PrineedJAr- 
ménie  différent  du  pré* 
cèdent ,  IL  1*4. 

Kai  -  Khosrou  y 
Prince,  II  $*$. 

Kamel  fils  du  Vizir 

SCMAOUR      I.      154. 
KAMEJLfil«   r/ADJ»- 

IL4*x.  ' 


jo*  Ta 

Kams  Tbcghin, 

(  Saad  -  eddin  ,  )  Ton 
«aradére,  fes  entre- 
prifcs,  I.  148  <$• 
/««/.  S'empare  du 
Gouvernement  d*Ha- 

lep ,  I.  M°  &  fi"v- 
Veut  faire  afTaffiner 
-Saladin,  I.  x^  3.  Vient 
trouver  Séiff- eddin, 
I.  1S3.  Sa  mort  tra- 
gique ,  1. 3 1 1  &fuhr. 
Kaphartab.  Voytx. 
Kafirtab. 

Karabag,  I.  387. 
Karac^-Krac. 
Kara  -  Covsch  , 
(  Boha-eddin)  IL  13*. 
JCARZiNvilJe,I.)6r. 
Ken  as,  fameux  ré- 
belle, fes  progrès ,  fa 
mort  ,1.  xi+érfuiv. 
Kennazerin.  Dit 
pute  (ïnguliére  auprès 
de  cette  ville, I.  15. 
Kerkisie*  ville ,  I. 

35?-  * 

Kesil  Arslan  ,  (  le 

Prince)  I.375. 

Khabour  fleuve  & 
*ille,I  3î». 
.    Khadidg*  femme 
de  Mahomet  v  L  ç ,  6. 

Khaub  ville,  II.  54» 


BLS 

Khaltfb  ,  fîgnificâ^ 
tion  de  ce  mot.  Abré- 
gé de  l'Hiftoire  des 
Khalifes,  I.  13  * 
fuiv. 

KHARISMDSNS.(Dy- 

naftiedes)I.  81. 

Khatib  efpécc  de 
Curé  Mahométan ,  L 

Khelath  ville,  L 
357.  Rois  Ayoubites 
deKhélath,  II.  441. 

Khotba  ,  prière 
publique ,  I.  itfi.  éta- 
blie  en  Egypte  au  nom 
dfesAbba(bdes,1. 191, 
Kiudge-Arslan  , 
Sulthan  d'Iconium ,  I. 

50,  si,  54,  31*, 

333  »  334  &/tùv.  II, 

KoisuM,(merdc) 
1. 181,  414. 
Koran  (  le  )  r*jf*s 

At-KoRAN. 

Koukberi,  (  l'E- 
mir) II.  373  &f»iv. 

Krak,I.  114,43^ 
Belle  défenfe  des  ha- 
bitans,  II.  119. 

Kurde  ,  réponfe  in* 
iblcnte  d'un  Officier 
Kurde,  II»*?  3  ,  33*j 


des  Matières.^ 

Wfgtne,  mœurs  des 
Kurdes,  I.  87,  88. 

Kus  ou  Kous  , 
qu'on  croit  être  Thé-, 
b(s,1. 115. 


L. 

LA  dikie'i.  V.  AO- 
dice'b. 
Laodicb'e  ,11.  io8# 
Legium  ville ,  II/ 

37- 

Leitan  ou  Léontc, 
fleuve,  IL  itfi. 

Léon  Evêque  de 
Theffalonique,  occa- 
fionne  une  guerre ,  I. 
31.  Léon  ou  le  fils  de, 
Léon  Roi  d'Arménie  , 
I.  rt7&f»iv.  IL  m 
<&*  /îw'v. 

Lbontb  ,  fleuve.  V. 
Leitan- 

Lettm  de  PEmpe- 
rear  Frédéric  à  Sala- 
din  ,  IL  144.  De  Sa- 
ladin à  Frédéric  ,  II. 


146.  D'Ifaac  l'Ange 
à  Saladin  ,  IL  2.03. 
De  Kaghic  Bar  Gré- 
goire a  Saladin,  IL 
izf.  Des  habitans  de 
Ptolémaïs  à  Saladin  9 
11.1^3. DHologou au k  ûfan',11.  34 1. 

Yuij 


507. 

Roi  d'Halcp,  II.4i8. 
De  Saladin  &  d'Adel 
au  Pape ,  IL  490.  àM. 
Fréron ,  fur  les  vaif- 
feaux  du  douzième 
fiéclc,II.  483. 

Licha.  Fty$K  Laof 
dxce'b. 

Liooa  ville,  II.jo, 
318. 

Loulou.  (  Huûm- 
eddin  )  L  417  <$» 
fuiv. 

Louis  VIL  Rot  4e 
France  fe  croife,  U  . 
69  f   &c. 
Louis  (S.)  IL  41* 

Lucius  III.  (  la 
Pape  }  .envoyé  une. 
Ambaffade  à  Saladin 
&àMalek  Adel  fon 
frère ,  L  411 ,  413» 
Lusignan  (Gui  de  ) 
Epoufe  Sybille ,  L 
41*.  eft  fait  Régent , 
L  441.  eft  couronné 
Roi  de  Jérufalem,  J. 
449.  reprend  les  arô- 
mes malgré  fon  fer- 
ment, II.  16  &  fuiv. 
On  lui  donne  rifle  de 
Chypre  en  échange 
du  Royaume  de  Jéru- 


5  ©8 


T  AILI 


M. 


M£THATil,e' 

Maarra  ville,  I. 

•  Ma  odax  ville,  I.£&. 

II.   41  ,   33*- 

.   Macny.  (  Raynaud 

de  ,  )  II.  301. 

Mahalie*  (rifle  de) 
ou  (ê  forme  le  deka, 

I.  1  n. 
Mahasam    fils   de 

Schaour  ,  L  147. 

Mahmoud  Orteki- 
de,  I.  350. 
'  Mahomet,  abrégé 
defôn  HifloiTe,  I.  c/ 
Mahumeria.  (la  Col- 
line de  )  H.  171. 

Maiile'  (Jacque- 
linde  )  Chevalier  du 
Temple.  Belle  a&ton. 
Sa.  mort  glorieufê ,  I. 
460  &  fniv. 

Maison  Quarrée. 
Viyez  Caabah. 
Maison  de  Dieu , 

II.  61  t  6$.  en  nâtes. 
Makesin,  I.  351. 
Maiathte,II.  387. 

*    NIalbek.    l^ty** 
Baalbeic. 


Malas-Kurd  ,  tt* 
3**       - 

Mameluks  ,1.  i^i, 
(5»  /«m;.  IL  4&tf . 

Mamoun  (le>  Kha- 
life )  fait  fleurir  les 
feiences  parmi  les- 
Arabes ,  1. 1 9  frfuiih. 

Manbedoe  ,  I.  1^0- 

Manzour  (  Malck 
el  )  petit  neveu  de  Sa- 
ladin ,  II  381  àHkiv* 
Manzoutf  Roi  dTEgy- 
pte,  If.  411. 

Manuel  Comnbnb 
Empereur ,  I.  71.  Son 
cara&ére  ,  I.  10  y.  en- 
voie des  trompes  en 
PafefHne,  I.  31  y. 

Marxkia  ville ,  IL 
'  107. 

Maréchal  de  Fran- 
ce. La  première  occa- 
sion od  il  eft  parlé  de 
cet  Officier,  II.  i$o. 

MaKôarit.  (le  Gé-       ' 
nierai)  IF.  103. 

Makgath.  Voyez. 
Merka'b. 

Marie  ,  nîéce  de 
l*Empereur  de  Conf- 
tantinople  ,    I.   204 

Marte  Opfrri on  des 
Mnfolmans  fur  Marie- 


des  Ma 

jaicïed«Jeftts,IL  ji. 
en  notes. 

Marie. (Raoul  de) 
II.  303. 

JMasiat  villcl.303. 

Maïoud  frère  du 
Roi  de  Mou(Toul  , 
vient  •  au  iecours  de 
Saleh,I.  176.  Devient 
Roi  de  Moafloul ,  I. 
341 ,  &  Roi  d'Halep , 

J.  344- 

MECQUE.(la)I.4i5» 
Medinat  al -Nabi. 
y  oyez.  Medinb. 
Medine,  I.  7.  415. 
Melier,  Templier 
apoftat ,  Roi  d'Armé- 
nie,!, xi 3  ,   338. 

Memmon:  (  leTom» 
beau  de  )  II.  171 . 
,  Memfhis  ,  I.  30*. 
Minbb'.    *j 

MENBEJE.  y  V»  MAN- 

Menbig.  J  bedge. 

Mirage  ou  Alcen- 
fion ,  Fête  des  Muful- 
mans,  IL  81. 

Merkab,  II.   107. 

Mers.  V.  lb  Caire. 

Meschtoub  ou  Me- 
getoub  t  Général ,  dé- 
fend Ptolémaïs  ,  IL 
x.%%  >   *9S*  ^it  une 


TIEilS,         509 
belle  réponfe  à  Sala- 

din,H.  335- 

Mesnil  (  Gautier 
do  )  Templier  alfiaf- 
une  un  Ambafiadeur, 
I.  138. 

MfiSRAIM.    VûJêZ.  LB  " 

Caire. 

Miafarekin  yille  , 

I.  384.  Rois  Ayou- 
bites  de  Miafarékin , 

II.  44*. 

MlLON  DB  FtANCT  » 

I.  148 ,  ifi.  Laifl* 
égorger  les  babitans  , 
I.  i79.Sa  mortj.239. 

Mina.  (Vallée  de  la) 
où  les  pèlerins  de  la 
Mecque  font  des  fa- 
crifices,  1.419. 
-  Minaret  ,  Tour  qui 
fert  de  clocher  %aux 
Mufulmans,  I    18  j. 

Mirabel.'  V.  Ma** 

BAL.. 

MlRAN.  1.99' 

Mirs.  Veytx.  xi 
Caire. 

Moadhah  Roi  d'E* 
gypte,  II.  41*. 

Moavia  (le  KluU 
life,  I.  19 ,  ii. 
Moeurs  des  Francs/ 
I.  S99&fi*v* 
Vuiij 


'jr*  Tab 

Moiz  Ledin-Al- 
lah,  Khalife  Fathimi- 
te  ,  bâtit  le  Caire, 
belle  réponfe ,  1, 1 04. 

MOHAMMED.  yojiZ 

Mahomet. 

Mohammed  neveu 
deSaladin,  fa  mort, 

Mokaddem  (  ben-el) 
Gouverneur  de  Saleh» 
I.  i+s  frf*iv. 

MoNNOYE.Premiére 
monnoye  Arabe,I.i4. 

Mont***.-"}" 

AAND.  fV.  BA- 

MONTVER-f  KIH. 
MAT.  3 

MONTMOfUNCV    , 

(Jofcelinde)Il.  301. 

Mont-Rbal.  (An(è- 
ricde)  IL  173. 

Mont-Rem.  (An- 
felmede  )  ÏI.  30U 

Mont-Royax..(Fot- 
terefle  de  )  bâtie  par 
Jtaudoin,  I.  6$  t  66. 

Mosux..  fiy.  Mous- 

fOUL. 

Mouches  ,  {Tour 
des  )  IL  163  ,  139 

Moulins  ,  { Roger 
de  )    grand -Maure 


L  1 

des  Hofpiralier«;Tr; 

Moussoul  ville,!, 

3X*  •  37*- 

Mour.  {Gaultier 
de  )  IL  301. 

MOSTANDGEIX,    (   le 

Khalife  )  Sa  mort* 
Exemple  de  fa  juiliee, 
L  181  ,  iyi. 

Mosthadi  ,  (  le 
Khalife    )    I.   181  , 

193.194- 

Mosque'e  ,  fignifi- 
cation  de  ce  mot ,  fbn> 
origine  ,  L  117.  en 
notes. 

MuraxNyCrieur  pu- 
blie, qui  appelle  lia 
prière,  L  185^ 

Mutmbn  Khelasct. 
Chef  des  Eunuque*, 
1. 16$  frfuiv. 

N. 

NAbolos.   Voyez 
Napoious. 
Naim  ville  ,1.  431; 

II.  3*.. 

Naplouzb*  VeyéK 
Napolous. 

Napolous,  I.  40^ 
440. 

KaxeH,  Klalife^ 


idês  Mâtures; 
o 


5x1: 


^40»  Nazer  Roi  d'A- 
rabie, IL  431. 

Nazareth  ville,  L 
431.II.  3<f. 

Neapolis.  V.  Nà- 

FOLOUS. 

Neschmum  ville  ,11 

S7Î- 

Nesibin,  I.451. 

Nevilli.  (Foulques 
CurédeJRéponfede 
Richard  aux  exhorta- 
tions de  ce  Curé  ,  II. 

Kice'b  ,  I.  54. 

NlNIVE,I.    354. 
NlTROUM  ,  IL  54  , 
318. 

nodgem  eddin.  v* 
Ayoub. 

NODGEM- EDDIN  Roi 

d'Egypte,  II.  415. 

Noisi.  (  Hugues  de) 
IL  301. 

NOR  ADIN.    VoyeX. 
NoUR-EDDIN. 

Nour-eddin,  (bel- 
le action)  de  I.7  %,9U 
Sa.  mort ,  fon  carac- 
tère ,  fes  vertus ,  fes 
défauts,  I.  2.2.8  & 
fuiv. 

Nubie  (la)  conqui- 
se par  Saladin,!,  1x0. 


OBÉlD  -ALLAH 
(Abou  Moham- 
med }  premier  Khalife 
Fathimite  ,L  101. 

Odon  de  S.  A  m  and.' 
Voyez.  Eudes.  Voyez, 
Amand. 

Omar,  (le  Khalife) 
I.  14  &fuiv. 

Ommal  Reine  d'A- 
rabie ,  II.43L 

OMMlAIJES.(les) 

Abrégé  de  leur  Hif- 
toire,1. 11 ,18. 

Orfa.  V*  Edesse» 

Objplame  (1*)  ban- 
nière, IL  1^4. 

OBsOntb,  fleuve,  I# 
158. 

Orpha.P'.Edbsse; 
ORSoUprillefII.3tf. 

Orthosia.  Voyez 
Antarados. 

Ortokides.  (  Dy* 
naftiede$)L8i. 

Othman.  (  le  Kha* 
life)Li7. 
P 

^  Agras  ville,  II; 

^  xi*. 

Paneas   ville  ,   L 


$jz  Table 

Pasqub  oh  Riveki.       Platamos  ville  9  fc 


Voyez.  Riveri. 

Pass.  (Anfel  de) 
1*77- 

P  HttVAN,!.  383. 


Perche.  (  Rotrou  II.  n  î- 


XXI. 

Pont  de    Jacob. 
Voyez.  Dgezebu 

Pont  de  Feu  {  le  ) 


de)  II.  301. 
Phaih  ville  ,  II. 

XII. 

Pharamia  ville ,  I. 
170. 

Phare  b*Alexan«. 
brie,  I.  ix$. 

Philippe  Comte  de 
Flandres,  I.  31*  fr 
f$Uv. 

Philippe- Auguste 
Roi  de  France,  II.  i$j 
&fuiv*  Philippe  Evo- 
que de  Beauvais ,  IL 
x7i. 

PHoULArville,IL37. 

Pigeons  pour  don- 
ner des  avis ,  I.  131, 

Pierre  l'Heamite  , 

L  44,48>  45>  ,  H  , 
17- 

Pierre  noire  en 
grande  vénération  >  I. 

4» 

Pierre  de  Jacob 
(la)  IL  $i.  en  notes, 
Plancy./^^Mi- 

IjON. 


PoNTHiïU.fleCom. 
te  de)  IL  301. 

Porcellets  (  Guil- 
laume de  )  fait  une  bel* 
le  aétion,  II.  319, 

PoRTB,(la)laCour 
d'un  Prince ,  IL  roi. 

Prière  publique 
parmi  les  Mufulmans, 
I.  1S5  ,  i9x~t 

Pro  vençaux.  (Deux 
Prêtres }  fuppofent  un 
miracle,  1. 19  96o. 

Ptolemaïs.  Siège 
&  Defcription  de  cette 
ville ,  IL  34  e*  fuiv: 

Puits  des  TuRkor 
mams (le)  1.  *8tf. 


RAbig  villc,I.4iS. 
Racca  ville ,  I. 

.  Rafinb*  ,    Rapha- 
nj'e,I.  181. 
Rages.  V.  Edis», 
Rahba,!.  98. 


DÉS    MàTI£1LBS. 


Ramadham»    (  le). 
Ramala.  K  Ram* 

*A. 

Rame.  V.  Ramla. 
Ramjla   ville  y  II. 

Raou*  Comte  de 
Clermont  ,  IL  I72-- 
Ras  Alain  ,  I.  37^« 
Raymond  de  Tw- 
toxiRégem  duRoyau- 
rne,I.  i39i*4°>44* 
<£•  /*iv.  Sa  mort,  fa 
juftification,II.  14  e» 

Raynaud  de  Cha- 
TIU.ON.  Ses  briganda- 
ges, I.4 17.  Son  entre- 
prife  fur  la  Mecque  8c 
itir  Medine ,  I.  414  , 
43  5 .  Il  rompt  de  nou- 
veau la  trêve,!.  4JI. 
Sa  mort  ,11   ai. 

Raynaud  de  Sidok 
trompe  Saladin  ,  IL 
157  &f»*<v. 

Ribauds  (les)  ce 
quec'étoit,  IL  a?i , 

Richard.  Cruauté 
horrible  de  Richard  , 

IL  30*. 
RivEw(Pafqoede) 


515^ 

appellée  Madame  la 
PatriarchefTe ,  fes  dé- 
bauches avec  le  Pa* 
triarchc,  I.409. 
Robam   place  ,  I. 

Robert  Comte  do  ; 
Dreux,  IL  171. 

Roche  Arnaud  ou  • 
Roche  Raynaud.  V* 

SCHOKAÏF. 

Roche  Guion(  la  } 
ou  la  Roche  Guillau- 
me ,11.  11  S. 

Roger  Roi  de  Sici- 
le ,  fait  braver  l'Em- 
pereur des  Grecs ,  I. 
140. 

Roha.   V.  Edesse. 

RoUM.(paysde)II. 
115. 

Rubis  fort  gros,  I» 
101. 

Rupin  dé  la  Mon- 
tagne Roi  d'Armé- 
nie,!. 337* 

S 

S  Ain?  Jean   d'A- 
cre.  V.   Ptolb- 
maïs. 
Saint  Louis  Roi  de 

France,  IL  4  *  7- 
Saint  VAUK.{to- 


}i4  T'A 

aard  de  )  II.  301. 

Saladin  Roi  d'Ha- 
lcp ,  II.  418. 

SAUU>iNB,(la)dix- 
meimpoféeà  l'ocea* 
fion  de  la  guerre  con* 
tre  Saladin  ?  IL  137. 

Salamia  ville  $  IL 

•374- 

Salef  ,  Écrive  od  fis 
noya  Frédéric  Barbe* 
xoufTe ,  II.  **i. 

Saleh  Succefleur  de 
Nour-eddtn.Troubles 
dans  fon  Royaume ,  I. 
»43  ($•  /îw'v.  *  Haran- 
gue lesCitoyens  d'Ha- 
lep  qui  le  défendent , 
I,  3^3  é>  yï*iV.  Sa 
mortlt     L    343    6 

SALTUS  LlBANl, 

Samarib  ville ,  I. 

440. 

Samosath,I.  374. 

Sancerre  (  Etienne 
Comte  de)  II.  171, 
301. 

Sandale  (  une  )  eft 
caufe  qu'on  levé  le  fié- 
gé  de  Mouffoul  ,  I. 

35f." 

SANDOIAR  -  SCHAJf 


111 

Prince, IL    *4*<$»/. 

Sanguin.  /^.  Zut- 
•m* 

Safhat.  /^grec,  S* 

FHET. 

Sarepta.   ^".    Sajw 

FEND. 

Sarfend  ville,  II; 

43- 
Saruania.  V.Sax* 

MTN. 

Sarmtn,  II.  m; 
III. 

Saron.  (le  mont) 
II.  170. 

Saroudge  ville  9  L 

3f- 

SarraZins.  Leqf 
origine  ,  abrégé  de 
leur  Hiftoire  ,    F.  *• 

Scandeuo.    Voytx* 
Scanderons 
Scanderona,  II.  3S; 
Schadgereldor  Rei- 
ne d'Egypte ,  II.  4itf 
&fuiv. 

Schady  Ayeul  de 
Saladin, I.  S 8. 

SchafÉi  Do&euf 
Mufulman  ,1.  iff  } 
1X8,189. 

Schah-Arman  Ro/ 
de  Khélath,  I.  357^ 
/*w.  L  3S2U 


DE  S     M  A 

ScHAHERZo'UR.  V* 
ScHFHERZOUR. 

Schamseddin-Alt, 
f .  147.  Sa  mort ,  I. 
"a  50. 

SCHANIN.  ^.  $CHE- 

MN. 

SchaoUR,  Vizir 

d'Egypte,!.  107  e- 

fui  v.Trompc  lesChré* 

tiens,  I.  147.  Sa  mort 

I.  155,15*.- 

SCHEHERZOUR  Ville, 

I.  374- 

ScHEHERVERDl 
(  SCHEHABEDDIN  )  Phi- 

loibpfîe  mis  à  mort 
pour  Ton  impiété ,  II. 
390. 

Scheik.  V.  Vieux 
de  la  m  ont  aon!.  v. 
Assassins. 

SchemuhoUnin  vil- 
le,IL  111. 

Schenin  ville  ,  I. 
440. 

Shirkouh  (  Afad- 
eddin  )  oncle  de  Sa* 
ladin.  Son  origine  , 
abrégé  de  fon  Hiftoi- 
fe,  I.  8?  &  fi***-  $* 
première  expédition 
en  Egypte ,  I.  1 1 1  & 
fiih.V*  à  Bagdad  fol- 


tis'&es;     jTj 

liciterlcKhaKfeyI.) 
11 6.  Sa  deuxième  ex- 
pédition en  Egypte ,  I* 
118  érfuiv*  Sa  troi- 
sième expédition  en 
Egypte,  I.  i4y  &f. 
Eftfait  Vizir  d'Egyp- 
te yI.  i5*é*>«v.  Sa 
mort.  I.  15  g. 

Schirkouh    petit 

neveu  de  Saladjn,  Sa 

réponfè  ingénieufe,I. 

391.  épfuiv. 

SchokaÏf-Arnouh 

I.4i5,4H»  M*  & 
ftêiv.ll.  205  ,  106, 

SchoubeIc  ville ,  L 
x©7 ,  2.08. 

Scytopolis.  Voye* 
Bethsan. 

Sébaste.   Voyez  Si* 

PHOURI. 

Sehjoun  on  Sihjok 
ville, II.  109  érfinv* 

Sajde.  Voyez.  Sidon; 

Seifel-Islam  frère 
de  Saladin  ,'I.  348. 

Seifeeddin  Ghaxx 
Roi  de  Mouffoul,I. 
96,  175,2.44,2.50,. 
îfi,  171, 181,187; 
M&fuiv. 

SEiJOUCIDES.-fD.f-! 

uaftiç  des  )  h  75+ 


5i«  Ta 

Se naà  ville,  î.  xx  ï. 
Sephet  ville  ,  IL 

Séphouri  ou  Se- 
phouria  ,1.451. 

Sergen*  d'arme». 
première  origine  d'u- 
ne garde  pour  nos 
Rois  de  la  troifïéme 
xace,  IL  331. 

Sjanin.  V.   Sche- 

MIN. 

SlCHEM.  V.  NAPOU-. 
IOUS. 

Sidon  ville ,  IL  38. 

SlIINlN.  1  V.     SCHE- 
SlININ.    $NIN. 

Si^giar  ville,  3  ytf. 
Siouas  ,  Siwas  ,  IL 
38*  387. 

SlRACON.F.  SCHIR- 

koUH. 

SlTTAL-SCHAM  faur 

de  Saladin  ,11.  *$*. 

Sobal  de  Syrie.  V. 
SchoubeJc. 

Sodomb  ville.  Opi- 
nion des  Mufulmans 
fur  cette  ville,  IL  374. 
en  noiei. 

Soliman  Roi  d'A- 
rabie, IL  433. 

Sour.  Voyez  Tyr. 

Sugbr  AbW  de  S. 


a  l  1 

Denis  ,    Régent     da 
Royaume,  L  71. 

Sulthan.  Signifi- 
cation de  c«  mot  ,  L 
191-  *n  notes. 

-  Sybillb  mariée  à 
Lu(ïgnan,I.  41*.  cftr 
couronnée  Reine  ,  I. 
44 S.  Sa  more  occa~ 
(tonne  de  nouveaux 
troubles ,  IL  x  f  x. 

Syeke.  V.  Asvtan. 

Syrie.  Etat  de  la  Sr- 
rie,I.  75?  &fmv. 


TAbarib.  A'""    Tx« 
BERIADE. 

Talai  Vizir  d*E* 
gypte,  io<î  e*»/*™. 
•  Tancreoe  Général 
des  Croifés ,  I.  <  f  £». 
>it;:  Tandrede  Roi  de 
vSicile,  IL  15  ç. 

Targues,  Targes, 
II.  73 

Tartares  Mogols, 
IL  41$  frjuiv.         j 

Tebnin  ville,  IL  3$ 
I  £4  $•  Aw. 

TeIcieddin  -  Omar 
neveu  de  Saladin.  Ré- 
ponfe  hardie,  difTé^ 
rens  Exploits^  mort 


.d  s  s  Ma 

&&  1.111,1x3, 335 

V-  **>   x77  #1*53» 
781. 

.  Tbkrit.  ville,  I.  50. 
.  Tela.  île  Lac)  II. 
576.    «     . 

Tell  -  Aiadhiàt-  ^ 
-Montagne  ,. II.  171. 
Tell  CHALEB,Fortc- 
rcflc,  I.  3*1. 
-iTemplieks  (  Cheya* 
liens  Templiers  )  leur 
éjablHfetrienr,  j.  £tf. 
Templiers  pendus  >  I. 

.  Thebbs.  V.  Kous 
ou  Kus. 

TheodorêRoî  d'Ar- 
isénie.    V.  T*ôr<*s. 
Thermesdb  TiBEKS, 
H.  8. 

•  T^iBAtro  Comte  de 
Chartres  ,  II.  T71. 

Thogrul  (  le  §ul- 
thanjlï.  $76.&fuw. 
1  Thomas  Roi  d'Ar- 
ménie, I.  113  33&- 
-Thoron.  (le  Châ- 
teau du  )  I.  31*. 

Thoros  ou  Théo- 
dore Roi  d'Arménie, 
1.115,338. 

TlBERIADE  Ville,  II. 

7> 


tiERis:    ^jj 

.  TiiUBRts  (  Gilbert 
de!  II.  301. 
ToRtosB.  ^.AhTa- 

RA»Q$.  ' 

Tour  (el)  H.  3*.* 

ToURANtfCHAH,  fre- 

iede  Saladra,  conduit 
La  Nubie  &  l\AraÈ>ie 
heureufe,  I.  118  & 
fuvv. 

.  Tournois  au  fiég« 
de  Ptolémaisy  Ik-i  8 1. 
Tremblement  •  dfe 
terre  qui  détruit  une 
partie  de  la  Syrie ,  Ù 

,  Trésor  des  Fathi- 
mites  ,  100. 1.  -217. . 

-  Txxpoli  de  Barba- 
rie, I.113. 

.Troyb.  Leiiége  de 
Ptolémais  compare 
au  fiége  de  troye ,  II. 
300, 

Turc  o  mans.  jroy*# 
Turkomams» 

TURCOPLES  ,TURCO* 
POLS  ,  II.  4.    ' 

Turbne.  (le  Vicomte 
de)  II.  i#i. 

•TURKANKNf  ,  Nf 
377. 

Turkomans  (les) 
I.  15e.  II.  *if. 


)xS     Table  des 

Tukon  (montagne 
du)  IL  171. 
Tyr  ville,  II.  43  <J» 


VAjsseaux  du 
douzième  fiéclcj. 
X  f  9*H.  1 1  x .  Lettre  fur 
les  vaiffeaux  du  dou- 
fciémefiéclc,IL  483. 
Valence.  F»  Bala-, 

VAS. 

Venbosme.  (  Jean 

de  )  301- 

Vestb  d'honneur  , 
habit  royal,Cafretans, 
I.  Mî. 

Veuve.  DE  Nour- 
zddin  ,  on  die  qu'elle 
époufa  paladin  ,    I. 

Vieux  de  la  Mon- 
tagne, (le)  y.  As- 

iASSINS. 

VlLLEINES.  V.  BA- 
LANAS, 

Vital  ,(  Olivier  ) 
Aipbafladeur  du  Pape 
Lucius  III,  I.  411. 

ViziR.Significatioa 
de  ce  mot,  I,  105,  e» 


MATrïHE^ 

nvtes.Mott  terrible  da 
Vizir  de  Mofthadi ,  I. 

34ï. 

Urbain  II.  (le  Pa- 
pe )  fait  prêcher  la 
première  Cioifade ,  I« 

45  &/«**- 
Urmia.  y.  iRMIAj. 

Y 

YAtreb.  V.  Med*- 
NE, 
.   YeMEN.  f .  ARABH  ' 
HEUREUSE* 

Yemen.  f  Rois  Ayoa- 
bites  de  1*  )  IL  .443, 

2 

ZAB,(le)  fleuve, t 
I.  388.  . 

Zabid  ville  de  l'A- 
rabie, I.   311 ,  il 2; 

ZARik  Vizir  d'E-, 
gypte,Lio7é-/wv. 

Zarin  ville,  1.434, 

Zxineddin  Prince , 
I.  145*. 

Zenohi.  (  Emad  ei> 
pin  )  I.  $0  frfuiv.  5a  . 
mort,  1.^4* 

Zenobib  Reine  de 
Palmyre,l.2S9,  160. 


Fin  de  la  Table  des  Matières. 


Il1,  ' 

APPROBATION.    ^ 

J'Ai  lu  par  ordre  de  Monfeigneur  le  Chancelier  un  Mu 
nufcric  qui  a  pour  titre,  Hiffoir*  à*  Sulédtn,  &c* 
L'Auteur  ne  pouvoit  faire  connoitre  ce  Prince ,  fansrap. 
pellcr ,  pour  ainfi  dire  »  toute  l'Hiftoire  de  nos  Croifades* 
Les  détails  où  il  entre  fur  cet  objet ,  donnent  une  idée 
peu  arantageufe  des  Mœurs  des  Croifés.  Mais  il  en  parle 
comme  tous  les  Hiftoriens  du  tems  en  ont  parlé  >  &  Ton 
Ouvrage  m'a  para  très  -  digne  de  rimprcflion.  A  Paris»  - 
ce  premier  Septembre  1777. 

DEPASSE. 

PRIVILEGE  DU  ROI. 

TT    OUIS,fAlLLA   GX.A0B    DlOl|U)RO!Dt 

A^ Franci  btpe  Naya&e:  A  nos  amés, Se 
féaux  Gonfeillers ,  les  Gens  tenans  nos  Cours  de  Parle- 
ment ,  Maîtres  des  Rccmêres  ordinaires  de  notre  Hôtel , 
Grand  -  Confeil ,  Prevèt  de  Paris ,  Baillifs  >  Sénéchaux  , 
leurs  Lieutenans  Civils tte  autres  nos  Jufticiers  qu'il  appar- 
tiendra ,  S  a  l  u  t.  Nocre  amé  le  Sieur  M  ahin  Nous 
a  fiait  expofer  qu'il  déiïreroit  faire  imprimer  &  donner 
au  Public  un  Ouvrage  qui  a  pour  titre  :  Hiftoirc  de  Sa» 
Uiin  ,  Sultan  à*E^yfté  ,  s'il  nous  plaifoit  lui  accordée 
nets  tertres  de  Privilèges  pour  ce  néceflaires.  A  c  1  s 
causes,  voulant  favorablement  traiter  l'Expo  fane  , 
Nous  lui  avons  permis  &  permettons  par  ces  Prélentes  de 
faire  imprimer  ledit  Ouvrage  autant  de  fois  que  bon  lui 
semblera ,  8c  de  le  faire  vendre  8c  débiter  par  tout  notre 
Royaume  ,  pendant  le  tems  de  dix  années  consécutives  , 
à  compter  du  jour  de  la  date  des  Préfentes.  Faifonsdé- 
fenfes  à  tous  Imprimeurs ,  Libraires  &  autres  personnes, 
de  auelque  qualité  &  condition  qu'elles  foient,  d'en  in- 
troduire d'impreflion  étrangère  dans  aucun  lieu  de  notre 
©béi  (Tance  »  comme  auflî  d'imprimer  ou  faire  impri- 
mer ,  vendre ,  faire  vendre ,  débiter  ni  contrefaire  ledit 
Ouvrage ,  ni  d'en  faire  aucun  Extrait  fous  quelque j>ré- 
texte  que  ce  puiiTe  être ,  fans  la  permiffion  exprefle  8c 

Îar  écrir  dudit  Expofant ,  ou  de  ceux  qui  auront  droit  da 
ui  >  à  peine  de  çonfifeation  des  Exemplaires  contrefaits, 
de  trois  mille  livres  d'amende  contre  chacun  des  con- 
txevenans  \  dont  un  tiers  à  Nous ,  un  tiers  à  l'Hôtel-Dieil 
de  Paris ,  &  l'autre  tiers  audit  Expofant  ou  à  celui  qui 
aura  droit  de  lui  2  &  de  tous  dépens ,  dommages  Se  i*. 


tirets  -,  A  la  charge  que  ces  Présentas  feront         _ 

crées  tout  au  long  furie  Kegutre  de  la  Communauté 
des  Imprimeurs  &  Libraues  de  t'acis,  dans  trois  mois 
de  la  date  d'icelles.  stue  limpreiùoa  dudjc- -Ouvra- 
ge fera  faite  dans  notre  Koyaume  &  non  ailleurs  • 
en  bon  papier  &  beaux  caractères,  conformément  à 
la  feuille  imprimée  ,  attachée  pour  modèle  fous  le 
contre  -  fccl  des  préfentes  j  que  l'Impétrant  fe  confor- 
mera en  tout  aux  Re^lemcns  de  la  Librairie  ,  ôc  no- 
tamment à  celai  du  10  Avril  171  f  j  qu'avant  de  l'expo- 
fer  en  vente ,  le  manuferit  qui  aura  fervi  de  copte  à  Visam 
orefiiondudit  Ouvrage  fera  remis  dans  le  même  état  oà 
l'Approbation  y  aura  été  donnée  es  mains  de  notre  très- 
cher  &  féal  Chevalier  ,  Chancelier  de  France  ,  le  Sieuc 
Dfii*uotCNOW,frgttil  en-fer»  enfuite  remis  deux  exem- 

Slaircs  dans  notre.  Bibliothèque  publique»  un  dans  celle 
e  nacre  Caaceaa-duLouvre ,  te  un  dans  celle  de  notredit 
très-cher  ôc  féal  Chevalier  Chancelier  de*f  rance ,  le  iïeur 
(DtLAMotGKOM  -,  le  tout  à  peine  de  nullité  des  Préfentes  t 
du  contenu  defquélks  vous  mandons  &  enjoignons  de  fai- 
re jouir  ledit  Expofant  ôc  lès  ayans  caufes  pleinement  Se 
toaifiblement,  fans  foufrrir  qu'il  leur  foit  fait  aucun  trou- 
ble ou  empêche  ment:  Voulons  que  la  copie  des  Préfentes, 
qui  fera  imprimée  tout  au  long  au  commencement  ou  & 
la  fin  dudit  Ouvrage  ,  foit  tenue  pour  daeraem  fignifiée, 
&  qu'aux  Copies  collarionées  par  l'on  de  nos  amés  9& 
féaux  ConfeilUrs-Séccecaîres  ,  foi  foit  ajoutée  comme  à 
rOriginaLCommandoos-aupreniiernotre  Huimer  ou  Ser- 
gent fut  ce  requis,  défaire  pour  1  exécution  d'icelles  tous 
a&es  requis  Se  nécellaires ,  fans  demander  autre  .permjf- 
fion,  fie  nonobftant  clameur  de  Haro,Ciurte  Normande, 
&  Lettres  à  ce  contraires: C An  teleft  notre  plaiûr.DoNNé 
àVcr&illesle  vingt-husciéiac  jour  du  mois  de  Décembre; 
Tan  de  grâce  nul  fept  cent  cinquante  -  fept ,  &  de  notre 
règne  le  quarante  ti oidéme.  Par  le  Roi  en  fan  ConfeH. 
LE   BÈGUE. 

Regiflré  fur  It  Rogiftrê  XI  V%  dt  U  Chambre  Royale 
des  Ubr  tires  &  Imprimeurs  Je  Paris ,  N".  If  S,  fol.  151, 
conformément  4»  Règlement  de  1713.  qui  f*i$  dei 
ftnfti*  Art.  4  ,  À  toutes  perfûnnet  it  quelques  optâtes 
&  conditions  q**eil*s  fotent ,  outres  qut  tes  Liontires  &  Im- 
primeurs, de  vendre,  débiter  &  faire  tffiihtr  aucuns  Livres, 
pour  les  vendre  en  leurs  nome ,  fthesuSls  s*  en  difent  les 
Auteurs  ,  ou  autrement  -y&  aU  charge  de  fournir  à  U  C*f- 
dite  Chambre  neuf  exemplaires ,  prefenti  par  PArr.  10&  du 
mime  Règlement.  A  Paris*  U  %  Janvier  ,  17^8, 

Signé,  P.  G.  LE  MERCIER,  fyxfc 


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